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 3. Expériences diverses

 

Nous voudrions grouper dans ce chapitre quelques souvenirs épars de l'oeuvre d'évangélisation.

Nous avons parlé plus d'une fois déjà des souffrances inséparables du service de Dieu. Elles sont de différentes sortes. L'anxiété, les déceptions, le sentiment de sa faiblesse et de son incapacité sont souvent pour l'ouvrier fidèle un pesant fardeau. Melanchthon remarquait qu'il n'y a rien de plus déraisonnable que de prétendre être utile à beaucoup sans vouloir souffrir. Si l'on lie veut pas semer avec larmes, on ne connaîtra pas la joie de moissonner avec des chants de triomphe. Le pire n'est pas d'être méconnu et repoussé, puisque le disciple de Jésus doit tressaillir de joie lorsqu'on le persécute. Non, la douleur des douleurs c'est le péché le péché dans le cercle même des frères ou parmi les membres des communautés, le manque de tact et d'esprit sanctifié chez ceux qui portent les vases de l'Éternel, voilà ce qui venait parfois courber jusqu'en terre le serviteur de Christ et lui briser le coeur. Dieu soit béni, ce n'est arrivé qu'exceptionnellement, mais il fallait eu dire un mot, pour qu'on ne nous accusât pas de n'avoir mentionné que le bien.

Voici un exemple de l'hostilité que peut provoquer toute entreprise nouvelle d'évangélisation pratique. Un groupe de croyants, dont quelques pasteurs, résolurent d'organiser un travail d'évangélisation dans une région spirituellement endormie et demandèrent qu'on leur cédât pour cela un «frère». C'était un évangéliste jeune et actif. A peine avait-il commencé à agir que l'hostilité se manifesta : les organisateurs furent accablés de reproches, accusés de troubler la paix et de se mêler de ce qui ne les regardait pas, si bien qu'ils ne crurent pas pouvoir assumer pareille responsabilité et prièrent M. Rappard de prendre l'oeuvre en mains. La Pilgermission est déjà en butte à tant de haines, remarquait-on, qu'elle ne souffrira pas d'un petit surcroît....

Mais il y aurait aussi bien des traits encourageants à citer ; celui de ce pasteur suisse qui, devant s'absenter, remettait à l'évangéliste tous les devoirs de sa charge, sauf à remplacer lui aussi à l'occasion dans ses réunions ce suffrageant d'un nouveau genre; ou l'amitié de ce pasteur et de cet évangéliste de la Prusse occidentale qui n'avaient, pour leurs courses, qu'une voiture et qu'un cheval, et s'en servaient à tour de rôle. Et que d'autres cas auxquels peut s'appliquer le beau Psaume 133: « Oh! qu'il est agréable, qu'il est doux pour des frères de demeurer ensemble! C'est là que l'Éternel envoie la bénédiction, la vie, pour l'éternité. »

Voici, en revanche, une expérience d'un autre genre:

Dans un village de la Suisse où depuis de longues années le pur Évangile n'avait plus été prêché, une femme, fut « réveillée » à la suite d'un entretien, demanda instamment qu'on tînt des réunions chez elle. L'évangéliste le plus rapproché répondit à ce désir, et les réunions attirèrent aussitôt quelques personnes altérées de vérité. Mais on ne voulait « rien de ça » dans le village, point de « mômeries », et on résolut de s'y opposer énergiquement. Quand donc, un dimanche après-midi, le jeune évangéliste descendit de la gare dans le village, situé un peu en contrebas, il se heurta à une vingtaine d'hommes vigoureux qui lui barraient la route, et qui l'empoignèrent, deux d'entre eux le soulevant sur leurs épaules, pour le rapporter à la gare, accompagnés de toute la troupe. Ils ne le lâchèrent qu'installé dans un wagon. Le train reparti, on crut s'être ainsi débarrassé définitivement de lui.

Mais environ une semaine après on voyait descendre par le même chemin un homme à la haute stature et à l'aspect bienveillant, qui s'en alla tout droit se présenter au président de la commune comme l'inspecteur de Sainte-Chrischona. Il avait fait dire au petit troupeau intimidé des croyants qu'il viendrait ce jour-là donner une étude biblique, et qu'ils n'avaient rien à craindre. Il exposa au président de la commune et à plusieurs des adversaires les plus violents, qui se trouvaient aussi chez lui, quel était le but de ces réunions; il rappela expressément qu'en Suisse la liberté de conscience est absolument garantie, et ajouta en conclusion qu'il comptait sur le maintien de l'ordre, non seulement à cette réunion, mais à toutes celles qui suivraient. Et de fait tout se passa en bon ordre, et, en dépit de l'opposition qui se manifestait, toute résistance dut céder peu à peu. « C'est que, disait-on, le chef de la bande a été là en personne. »

Il lui arriva encore d'autres fois d'être là quand, aux débuts d'une oeuvre, les tapageurs se donnaient rendez-vous à la porte du local, que les pierres pleuvaient et que les vitres volaient en éclats.

Nous ne pouvons entrer ici dans le détail de l'organisation de toute cette grande oeuvre d'évangélisation. Disons seulement qu'une conférence trimestrielle réunit périodiquement sur l'une ou l'autre des stations tous les ouvriers d'un district pour l'étude en commun de la Bible, pour la prière, et pour un entretien sur les besoins de l'oeuvre. Chaque fois l'un d'entre eux apporte un travail écrit sur un sujet approprié. L'inspecteur tenait beaucoup au développement constant de chacun des « frères » et prenait un vif intérêt à chacune des branches de leur ministère.

Une fois par an, la première semaine de juillet, a lieu à Chrischona même la conférence générale, à laquelle peuvent aussi prendre part tous les anciens élèves. Ce sont des journées bien remplies et de travail et de joie, auxquelles participe toute la maison mère. D'année en année, à mesure que s'accroissait le nombre des évangélistes, le paternel inspecteur ployait davantage sous le double faix de la grâce qui lui était accordée et de la grandeur de sa tâche. C'étaient bien pour lui les plus belles journées de l'année, et les précieuses leçons qu'il savait alors tirer des expériences faites étaient pour beaucoup inoubliables. Terminons par cet extrait des instructions données aux évangélistes :

 

Sois un témoin par ce que tu dis

Sois un témoin par ce que tu fais!

Sois un témoin par ce que tu es !

 


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