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 7. Il aimait tant les « frères »

 

« Il aimait tant les « frères. » Ces simples paroles, prononcées à l'occasion de la mort de Rappard, ont trouvé maint écho dans des lettres. Oui, il les aimait tous, ses « frères », ils le savaient, et c'était le principal secret de l'influence qu'il exerçait sur eux. « Auprès de lui on éprouvait un tel sentiment de sécurité, » disait l'un d'eux; et un autre : « Nous savions tous qu'il était derrière nous comme une paroi de rochers.... »

Une de ses fillettes, encore petite, demandait un jour

« Pourquoi est-ce qu'il faut toujours prier pour les %frères » ? C'est qu'en toute occasion, dans le cercle de la famille, dans la maladie comme dans la joie, souvent même à table, revenait la prière : « Bénis les « frères 1 »

Ils avaient, tous et chacun, leur place en son coeur. Sans doute, il devait s'occuper particulièrement des évangélistes de la Pilgermission ; mais il avait pour tous les autres aussi ce même coeur paternel et fidèle. Voici, par exemple, le petit contingent des missionnaires urbains de Bâle. Quelle joie pour lui de faire par leur intermédiaire quelque chose pour cette ville qu'il aimait. Il les invitait de temps à autre avec plaisir à venir passer quelques heures sur la colline, ou bien il allait assister à leurs réunions, ou visiter leurs familles. Il restait en relations avec la plupart des anciens élèves à l'oeuvre en Suisse ou en Allemagne, au nombre de plus de trois cents. Cela explique en partie son énorme correspondance. Il faisait ce qu'il pouvait pour les aider de ses conseils, allant même les voir quand les circonstances s'y prêtaient. Il correspondait aussi avec un bon nombre de ceux qui étaient devenus pasteurs aux États-Unis.

 

En 1895, le champ de travail de la Pilgermission prit une extension nouvelle par la fondation de la Branche de Chrischona de la Mission dans l'intérieur de la Chine. Cela se fit pour répondre au désir d'élèves ayant la vocation missionnaire et qui auraient regretté de n'être plus dépendants de Chrischona. Au reste cette branche resta longtemps un simple petit rameau. A la mort de l'inspecteur, Chrischona avait en Chine quatre « frères » et quatre « soeurs ».

Il convient de mentionner aussi la Mission de la tente, fondée par un ancien élève de Chrischona, Jacob Vetter, et avec la cordiale sympathie de Rappard.

Il nous a couverts de son bouclier, dit le Zeltgruss, et il a rompu plus d'une lance en notre faveur. Il était un des rares hommes qui ont d'emblée admis l'idée de se servir d'une tente pour annoncer l'Évangile. Il nous a appuyés de son mieux. Il était parmi nous comme un père.

Rappard aurait aimé voir grossir les rangs des évangélistes en Russie. Ce grand empire l'intéressait vivement, et quand la liberté religieuse parut sur le point d'y prendre pied en grand, il élabora toute espèce de plans pour la fondation d'une école d'évangélistes, ou au moins d'un quartier général d'où l'on pourrait attaquer une localité après l'autre à la façon de la Pilgermission. Il avait mis de côté une petite somme destinée à cette oeuvre. Mais la porte n'était pas encore ouverte....

Donnons aussi quelques fragments épistolaires, montrant la cordiale affection qui unissait le maître à ses anciens élèves....

La première fois que j'ai entendu l'inspecteur, il parlait avec feu d'entière consécration au Seigneur et de collaboration à l'oeuvre de Dieu. C'était à une fête missionnaire, dans le jardin du Württembergerhof. Je n'ai jamais oublié ce discours, tant l'impression produite avait été profonde. Le Seigneur sait en quelle haute estime j'ai tenu dès lors ce vénéré frère. A Lui la louange de ce que je n'ai jamais éprouvé la moindre déception à son sujet au cours des longues années de travail commun !

Une visite de l'inspecteur à notre station était toujours une bénédiction. On ne pouvait qu'admirer son excellente mémoire : il n'oubliait guère d'une visite à l'autre ce qu'il avait vu ou entendu; après des années, il reconnaissait ordinairement les gens à qui il avait parlé il se rappelait jusqu'aux noms des chevaux qui l'avaient voituré d'un endroit à l'autre. je me suis souvent demandé avec émerveillement comment une personnalité si éminente pouvait se trouver à l'aise dans les milieux les plus simples.

Je ne puis dire tout ce qu'a été pour moi le défunt. A certains égards son influence a été décisive pour mon développement tant intellectuel que spirituel, comme pour l'oeuvre à laquelle je travaille. Dans les débuts je lui avais exposé toutes les difficultés diverses qui me paraissaient l'entraver et la rendre presque impossible. Là-dessus il répondit : « Qu'a-t-on dit de notre Maître bien-aimé ? Il se confiait en Dieu ! Ainsi travaille sans demander ce qu'on dit et ce qu'on fait, ou ce que sont les circonstances. Demande plutôt : que dit le Maître ? que veut-Il ? Et tu triompheras. » Dès lors les choses allèrent mieux, et je lui ai toujours gardé de la reconnaissance pour ce mot à propos.

Combien sa foi enfantine et son attachement inébranlable à la Parole de Dieu m'ont souvent fortifié le coeur, lorsque j'étais assailli par des doutes et que je me demandais si tel professeur ou tel théologien qui « ne pouvait admettre » ceci ou cela n'avait pas malgré tout raison. Je revoyais alors en pensée la haute stature de mon inspecteur et je l'entendais nous redire avec son calme et sa confiance absolue : « Nous avons reçu la Bible telle qu'elle est de la main de Dieu; nous n'avons rien à y corriger ».

J'étais encore dans la période de mes débuts à M. quand notre cher inspecteur vint me voir. Il prit place un soir parmi mes auditeurs. Après la réunion il me prit par le bras pour faire une petite promenade dans le jardin. Il commença par faire l'éloge de ce qu'il pouvait y avoir à louer dans ma brève allocution. Puis il ajouta: « Il y aune chose qui m'a manqué dans ton explication biblique : il faut donner une place plus grande à Christ. »

Je pris fort à coeur cette paternelle recommandation. Elle me poussa à prier, si bien que, peu de semaines après, le Seigneur me donna la révélation profonde de 1 Cor. 2, 1-2, et que ma manière de prêcher en fut transformée. A l'heure actuelle cette brève mais féconde critique porte encore ses fruits bénis.


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