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  CHAPITRE XI

AU SOIR DE LA VIE (1902-1909)

 

Tu me donnas une tâche bien belle.

Je n'aurais pu désirer mieux,

Aide-moi donc à l'achever, fidèle

Que tout soit prêt pour la gloire éternelle

Quand tu m'appelle, des cieux.

 

1. « Ils courent et ne se lassent point. »

 

En jetant un coup d'oeil en arrière sur les dernières années de la vie de l'inspecteur, - ce chapitre embrasse tout juste une semaine d'années, - ce qui nous frappe, c'est de voir combien il a encore travaillé dans ce court espace de temps, combien il a produit, et combien il a souffert.

Après la mort de Mme Rappard-de-Rham, le comité de la Pilgermission fit l'acquisition de sa maison, « Friedau », pour y loger l'inspecteur, et en octobre 1902 Rappard s'installa avec les siens dans cette demeure bien connue, sanctifiée par la bénédiction maternelle. Mais il ne s'y retirait pas pour s'y reposer! Avec ses soixante-cinq ans, il se sentait aussi frais et dispos que jamais, ceux qui le connaissaient de près lui trouvaient même plus d'ardeur que ci-devant pour bien employer son temps et pour consacrer toutes ses forces au service de son Maître.

 

Les grandes et claires fenêtres de sa chambre d'étude, derrière lesquelles on s'accoutuma bientôt à voir la vénérable tête blanche penchée sur son travail, ouvraient à son regard un ample champ d'observation, et cet « oeil de l'inspecteur », dont on parlait jadis, n'avait rien perdu de sa perspicacité ni de sa vigilance. Lorsqu'il avait le temps de lire, il aimait à se tenir sur la véranda ensoleillée ou sous les ombrages du jardin. C'est là qu'il préférait recevoir les visites, accueillir les nouveaux élèves, ou réunir encore une dernière fois les « frères » partants. Le vieux marronnier du jardin a été maintes fois témoin d'entretiens pastoraux profonds et intimes, d'échanges fraternels et cordiaux de pensées.

Quant aux repas, après comme avant, on les prit à la « Maison des frères ». « Cela nous maintient jeunes », répondait l'inspecteur, quand on lui proposait un arrangement plus confortable. « Nous ne pourrions pas nous passer de la société des « frères ».

Dans la maison et au dehors, l'activité se développait et progressait paisiblement. Le personnel enseignant était au complet.

Voici ce qu'écrivait l'inspecteur sur la question si importante du travail en commun :

Pour toute notre maisonnée, la règle est bien établie : on fait un devoir à tout élève ou hôte de mettre consciencieusement au service de l'institut, dans la mesure de ses capacités, ses connaissances et aptitudes spéciales. Cela correspond à la parole de l'apôtre : « Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres ; mais nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée. » (Rom. 12, 4-6.)

La tête du corps est parfaite, c'est Christ. Si les membres ne s'accordent pas bien entre eux, à eux la faute, et cela amène des mortifications. S'ils s'harmonisent, à Lui toute la gloire. Il est facile de comprendre combien cette unité d'esprit qui a son fondement en Christ est nécessaire dans cette colonie si isolée de Chrischona, où tant de membres divers doivent travailler et vivre ensemble. Cette unité, il la faut dans le personnel enseignant, formé de sept hommes ; il la faut parmi les soixante-dix à quatre-vingts élèves et hôtes de contrées et de conditions diverses ; il la faut dans les différents ateliers, dans les travaux de jardin et de campagne. Voilà pourquoi nous sommes si reconnaissants de la prière sacerdotale de Celui que le Père exauce toujours : Que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé.

Au printemps 1904, l'inspecteur se rendit en Angleterre pour prendre part, comme délégué à la fois de la Pilgermission et de la Société biblique de Bâle, au centenaire de la Société biblique britannique et étrangère.

Dès la première réunion dans les superbes locaux de la compagnie Fishmonger, l'occasion lui fut offerte d'apporter en anglais les salutations, les remerciements et les bons voeux de Bâle et de Chrischona au comité réuni et à son président, le marquis de Northampton, ainsi qu'à un grand cercle d'amis.

Les grandes réunions des jours suivants dans la cathédrale de Saint-Paul et ailleurs, en particulier dans le vaste Royal Albert Hall, contenant 12000 personnes, témoignaient de l'intérêt du peuple anglais pour l'oeuvre de la Société qui travaille à répandre « la Bible, rien que la Bible, et toute la Bible, dans toutes les nations et dans toutes les langues. » L'influence exercée dans le monde entier pendant un siècle par cette société est incalculable. C'est bien là vraiment le grain de sénevé devenu un arbre immense. « Pour moi personnellement», écrivait Rappard, « avec mon amour passionné pour la Bible, cette fête grandiose était une grande joie. »

De Londres, Rappard se rendit dans l'île de Wight, où sa chère soeur, Mme Julie Werner, était gravement malade, Ce fut leur dernière rencontre ici-bas. Peu de mois après, elle rejoignait, la première des neuf enfants de la famille, sa mère bien-aimée dans la gloire. Le grand cercle commençait ainsi à se reformer là-haut....


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