Cellule 33
Reminiscere, 25 février
1945.
QUE LA GRÂCE ET LA PAIX NOUS SOIENT
DONNÉES DE LA PART DE CELUI QUI EST, QUI
ÉTAIT ET QUI VIENT ! AMEN.
L'Évangile du dimanche Reminiscere se
lit dans
Matthieu 15 : 21-23 :
Jésus, partant de là,
se retira dans la région de Tyr et de Sidon.
Et une femme cananéenne, qui venait de ce
pays, s'écria : Seigneur, fils de
David, aie pitié de moi, ma fille est
cruellement tourmentée par un démon.
Il ne lui répondit rien. Sur quoi ses
disciples, s'étant approchés, le
priaient, disant : Renvoie-la, car elle crie
après nous. Et il répondit : Je
n'ai été envoyé qu'aux brebis
perdues de la maison d'Israël.
Mais elle vint et se
prosterna, en disant : Seigneur, aide-moi. Il
lui répondit : Il n'est pas bien de
prendre le pain des enfants pour le jeter aux
chiens. Mais elle dit : Oui, Seigneur ;
pourtant les chiens mangent des miettes qui tombent
de la table de leurs maîtres. Jésus
reprit alors : 0 femme, ta foi est
grande ; qu'il te soit fait comme tu
veux !
Et à cette
heure même sa fille fut
guérie.
C'est là un des récits de miracles
de la Bible, un de ces épisodes des tout
premiers temps de la foi chrétienne, que
l'on a discutés pendant tout un
siècle, dans l'espoir de les écarter
comme n'étant que de pieuses
légendes. Aujourd'hui ces débats ont
pris fin, soit que
l'éloignement du temps et la
précarité des sources rendent
impossible une appréciation historique et
scientifique des faits, soit surtout que l'on ait
compris que, dans la plupart des récits de
ce genre, l'accent n'est pas mis sur le miracle
proprement dit, mais plutôt sur les
circonstances qui amenèrent le Seigneur
Jésus-Christ à accomplir des actes
qui ne pouvaient qu'étonner ses disciples.
Dans l'Évangile de ce jour, il est
manifeste que la guérison de la jeune fille
n'est qu'un trait accessoire du récit. Il
est de plus absolument indifférent de savoir
si cette guérison est explicable ou s'il
faut y voir un phénomène
inexplicable, c'est-à-dire un miracle. Tout
l'intérêt se concentre sur la lutte
personnelle entre la mère et le Seigneur
Jésus, et c'est par là aussi que
cette histoire nous concerne directement. C'est
même dans cette lutte qu'il faut chercher le
vrai miracle, un fait qui ne nous surprend pas
moins qu'il n'a surpris Jésus
lui-même, dont il est écrit que son
étonnement fut tel qu'il finit par exaucer
la prière de cette mère
tourmentée et lui dit : « 0
femme, ta foi est grande ». Cette parole
de Jésus nous donne la clé pour la
compréhension du récit tout entier,
où nous avons un exemple d'une grande foi,
d'une foi comme il l'a très rarement
rencontrée pendant sa vie terrestre.
Le Nouveau Testament nous parle
fréquemment de l'incrédulité
opiniâtre des compatriotes de Jésus et
particulièrement de ses concitoyens de
Nazareth. Nous l'entendons aussi se plaindre de la
petite foi de ses disciples et de ses
adhérents. Une « grande
foi » qui provoque en lui un
étonnement plein de joie, il ne la trouve
que chez le centenier de Capharnaüm, qui le
prie de guérir son serviteur malade, et
précisément chez cette mère
syrienne poussée vers lui par son
anxiété pour sa fille. Jésus a
jugé grande la foi du centenier, parce qu'il
y a vu une confiance absolue dans la toute
puissance divine de Jésus :
« Prononce un mot seulement, et mon
serviteur sera guéri ».
Chez cette femme, il y a quelque chose
d'autre et de plus grand : c'est la
persévérance de la foi. Nous allons
voir qu'il y a plus encore.
Tout comme ce centenier, cette femme n'est pas
israélite ; c'est une
« païenne », selon le
langage courant, et, comme telle, elle n'a aucun
droit au secours du Messie juif. On ne nous dit pas
non plus qu'elle fut une prosélyte,
rattachée au culte israélite, comme
le fut le centenier de Capharnaüm. Elle n'a
donc aucun titre à faire valoir pour donner
plus de poids à sa supplique. Pour
Jésus, elle n'est ni compatriote ni
coreligionnaire, mais à tous égards
une étrangère.
Ce qui la pousse vers lui malgré
tout, c'est sa grande détresse, le tourment
de sa fille dont elle porte le fardeau et qui lui
arrache l'appel au secours : « Aie
pitié de moi ! » Elle nourrit
aussi l'espoir que l'homme qu'elle poursuit de ses
cris pourrait lui venir en aide et lui aidera
effectivement. Elle l'aborde :
« Seigneur, fils de David ».
Elle a donc appris, n'importe comment, que ce
Jésus est précédé de la
réputation d'être le Sauveur attendu
depuis des générations par le peuple
juif voisin du sien.
Cela ne lui suffit pas. Elle juge que sa
détresse a des droits sur lui, en quoi elle
a raison. Nous avons devant nous une croyante dont
la foi sort de l'ordinaire. Nous nous imaginons
toujours, nous autres, que notre foi doit remplir
certaines conditions. Nous avons le sentiment,
inné, que nous n'oserions pas paraître
devant Dieu les mains vides, que nous devons avoir
à offrir une contre-partie, soit sous forme
de sacrifice matériel, comme dans les
religions primitives, soit un minimum de
certitudes, soit une certaine perfection morale qui
nous rende agréables à Dieu.
Mais quand il s'agit de Jésus-Christ,
tout cela n'est que superstition, qui loin de nous
aider est un obstacle et nous empêche d'aller
à lui et de prendre au
sérieux notre foi en lui et en son secours.
Il nous dit bien plutôt : « Tu
peux et tu dois venir tel que tu es ».
Ceux qu'il dit heureux, ce sont les
misérables et les pauvres, qui n'ont rien et
ne peuvent rien donner, les affamés et les
altérés ; ce sont les
travaillés et chargés qu'il
invite ; les pécheurs, auxquels il veut
apporter son secours.
Veillons donc à ne pas céder
à ce sentiment trop humain qui nous souffle
à l'oreille : parce que je suis
intérieurement pauvre, dénué
comme un mendiant qui n'a rien à donner, je
ne puis pas me tourner vers Dieu ; parce que
je ne suis pas pieux, pas croyant, pas assez
recueilli, je ne puis pas le prier. Mon
expérience personnelle de ces années
m'a appris que précisément la
monotonie de notre situation actuelle, son immense
détresse qui pèse sur nous comme un
destin invariable, l'absence apparente de toute
perspective, nous inspirent de pareilles
pensées, nous oppressent et rongent les
racines mêmes de notre foi.
Il importe alors que toujours à
nouveau et pour ainsi dire journellement, nous
repensions à ce que nous avons entendu de ce
Jésus et que nous allions à lui avec
notre fardeau et qu'avec un
« désespoir plein de
confiance », selon le mot de Luther, nous
criions à lui : « Fils de
David, aie pitié de nous », comme
l'a fait cette pauvre païenne. La foi, c'est
cela, et non je ne sais quelle orthodoxie ou quelle
perfection morale, ni rien de ce que nous pourrions
offrir. Non. La foi, c'est apporter ma
détresse au Seigneur Jésus-Christ,
avec la certitude ou du moins l'espoir que Dieu l'a
envoyé pour moi aussi, oui
précisément pour moi.
Or, voici que la foi de cette femme est mise
à une rude épreuve. Jésus ne
paraît même pas entendre ses cris.
« Il ne lui répondit
rien. » Les cris de cette femme et le
silence de Jésus créent une situation
si, pénible que les compagnons de
Jésus interviennent :
« Renvoie-la, car elle crie après
nous ». Ces mots veulent-ils dire :
Renvoie-la, dis-lui que tu n'es pas
là pour elle, ou
bien : aide-lui afin que nous soyons
débarrassés d'elle ! ... Peu
importe d'ailleurs, car si, même les
disciples ont pitié de la malheureuse, ce
n'est que de la pitié humaine, qui trop
souvent ne recherche que son propre confort. Et
leur intercession, si elle n'est que cela, demeure
sans effet, car Jésus n'obéit jamais
à des motifs opportunistes. Ce qui compte
pour lui, c'est sa vocation, la mission que son
Père céleste lui a confiée et
qui consiste à aller vers les
« brebis perdues de la maison
d'Israël ». Il écarte donc
sévèrement et sans équivoque
l'intervention de son entourage et poursuit son
chemin sans s'occuper de la femme.
Que s'est-il passé à ce moment
dans le coeur de celle-ci ? Nous ne pouvons
que le pressentir. De l'absence de réponse
à ses appels et des propos de Jésus
à ses disciples, elle ne peut que conclure
à la vanité de son espoir et de sa
foi. Elle n'a rien à attendre de ce Fils de
David pour elle-même et pour sa
détresse. Et s'il lui reste une
étincelle de fierté et de
dignité, elle renoncera à son
entreprise et disparaîtra de la scène.
Ce serait en tout cas la réaction la plus
naturelle. Un appel au secours, auquel à
dessein on n'a pas prêté attention, ne
provoque en nous que de l'entêtement, surtout
lorsque, comme dans le cas particulier, celui que
nous ayons supplié nous donne à
entendre clairement qu'il n'a rien voulu
savoir.
Peut-être semblables, détresses
de la foi ne nous sont-elles pas
étrangères ! Peut-être
nous est-il arrivé d'invoquer Dieu du fond
de l'abîme, parce que nous ne savions plus de
quel côté nous tourner, et Dieu s'est
tu. Puis nos appels ont cessé et nous nous
sommes résignés à
l'inévitable, avec le sentiment que notre
foi avait subi un choc violent duquel nous ne nous
relèverions que lentement ou même
jamais tout à fait.
Que d'hommes qui, dans de semblables
éprouves de leur foi, ont
définitivement perdu l'assurance que Dieu
était aussi pour eux. Combien d'hommes, dans
ces jours tragiques crient
à Dieu parce que toute perspective de
secours humain fait défaut. Mais Dieu ne
répond rien. Nous-mêmes,
peut-être, pouvons être du jour au
lendemain dans la même situation.
Ce choc, la femme de l'Évangile l'a
soutenu et surmonté. Elle ne veut pas qu'il
soit dit que Jésus n'est pas venu pour elle
en particulier. Il est son dernier et suprême
espoir, elle n'y renonce pas. La voici donc qui se
jette devant Jésus, au travers du chemin, et
sa supplication se réduit à ce cri
unique : « Seigneur,
aide-moi ! » Toute fierté est
mise de côté. Il y a une chose au
moins qu'elle a obtenue : Jésus ne peut
plus éviter de lui parler directement, les
yeux dans les yeux, et la décision doit
venir avec netteté : un oui ou un
non ! Et de nouveau c'est un non
catégorique, voire très dur
« Il n'est pas bien de prendre le pain
des enfants et de le jeter aux chiens ».
Le, sens de la parole est clair : les enfants,
c'est le peuple d'Israël ; les chiens, ce
sont les païens. Si le récit ne nous
était pas si familier, nous nous
indignerions de cette sévérité
tranchante, de l'amertume blessante de la
réponse par laquelle Jésus
écarte le cri de détresse de cette
pauvre mère pour la guérison de sa
fille. Cela ne cadre pas du tout avec l'image
traditionnelle que nous nous sommes faite de
Jésus, pas plus que mainte autre parole du
Seigneur.
Jésus n'est donc pas cette nature
tendre, toujours affable, indulgente, toujours
prête à fermer les yeux. Il est
constamment et en pleine conscience l'Envoyé
et le Mandataire de Dieu. Et son Dieu n'est pas le
Bon Dieu qui, de loin, assiste avec un sourire
béat au commerce des hommes, mais il est le
Dieu saint et miséricordieux de la Bible, le
Créateur des mondes, qui jamais ne se laisse
dessaisir du gouvernement qui lui appartient, le
Père de tous les hommes, dont il est aussi
le juge et dont il exige des comptes. C'est de ce
Dieu-là que Jésus tient sa mission,
et cette mission le destine au peuple d'Israël
et non aux peuples païens, ainsi qu'il l'avait
dit à ses disciples. Restriction qui ne
tombera qu'avec la mort de
Jésus. Le Ressuscité seulement
enverra ses apôtres dans le vaste monde.
À vues humaines, la situation de la
femme suppliante paraît donc
désespérée. La réponse
qu'elle obtient dit ni plus ni moins que
Jésus ne peut pas lui venir en aide.
« Tu n'as aucun droit sur moi ; le
pain que j'ai à donner revient aux enfants,
je ne puis donc le jeter aux chiens. »
Le miracle, c'est que l'histoire ne finit pas
là. La foi de la femme est à la
hauteur de cette difficulté. Certes, elle
pourrait se rebiffer contre cette décision,
discuter avec le Seigneur Jésus-Christ,
faire valoir ses droits. Nous le comprendrions.
Nous serions même tentés de lui
souffler sa réponse : « Nous
autres, païens, sommes aussi des êtres
humains et peut-être meilleurs que les
Juifs ».
Si elle avait parlé ainsi, c'en
serait resté là. Une
prétention humaine se serait dressée
contre le dessein de Dieu ; un fossé se
serait creusé, dont même le bras de
Jésus n'eût pu atteindre l'autre bord,
car il ne peut rien contre la volonté de
Dieu.
Et qu'en serait-il si la femme
s'était sans autre inclinée devant le
verdict de Jésus et avait accepté
d'être définitivement
repoussée ? La rencontre aurait
également été sans effet. Car
dans ce cas, c'est la femme elle-même qui
aurait reculé devant le fossé, ouvert
et n'aurait pas osé, faire le saut.
Révolte ou résignation :
le résultat est le même. Le pont entre
Dieu et moi s'effondre, quand je me révolte,
quand je tente de demander à Dieu de se
justifier et que je m'érige en juge de ses
actes. D'autre part ce pont reste inutile, quand je
me résigne et que, dans le silence ou dans
la réponse de Dieu, je crois percevoir un
non définitif, dont je prendrais mon parti
pour, ensuite, m'éloigner de lui.
La Cananéenne ne fait ni l'un ni
l'autre. Elle répartit :
« Oui, Seigneur, mais pourtant les chiens
mangent les miettes qui tombent de la table des
maîtres ». En conclurons-nous que
cette femme est avisée et combative ?
C'est possible, mais, au fond, cela n'explique
rien. La situation s'éclaire si nous nous en
tenons à la version littérale de sa
réponse : « Sans doute,
Seigneur, car les chiens ne mangent que les miettes
qui tombent de la table des
maîtres ». Elle veut dire par
là : Tu as parfaitement raison ;
il ne faut pas jeter aux chiens le pain des
enfants, et ce ! n'est pas ce que je demande.
Mais quand les enfants sont rassasiés, il
reste bien quelques petits morceaux qui suffisent
au petit chien couché sous la table.
C'est cette parole et toute l'attitude
qu'elle exprime, que Jésus qualifie de
« grande foi ». Ce n'est pas
une révolte contre une disposition
humainement incompréhensible, en vertu de
laquelle Dieu donne aux Juifs la priorité
sur leurs voisins. Ce « Oui, Seigneur »
reconnaît la souveraineté de Dieu,
sans articuler de si ou de mais. « Il est
le Seigneur, qu'il fasse comme il lui plaît.
Qui suis-je pour disputer avec Dieu ? C'est
tout le contraire de la rébellion. Ainsi
s'exprime l'humilité de la créature
devant son Créateur, humilité hors de
laquelle il n'y a pas de joie possible, car la foi
n'est vivante et réelle que si je n'attends
rien de moi, mais tout de Dieu.
Or voici bien un être qui attend tout
de Dieu. Par delà le non qui l'écarte
de la table des enfants, qui résonne
durement à son oreille, l'intuition de son
âme perçoit un oui secret qui ne lui
refuse pas une modeste place à
côté des chiens.
C'est aussi le contraire de toute
résignation, mais la foi victorieuse qui ne
connaît pas le mot de capitulation, parce
qu'elle sait que Dieu est si riche en grâce
et en compassion qu'il y a une place auprès
de lui pour moi et pour ma détresse. Cette
foi est grande, comme le dit Jésus, parce
que cette femme se fait de la grâce de Dieu
une idée si grande qu'aucune
tentative pour
l'éconduire, si sévère qu'elle
parût, ne parvient à la
détourner de la conviction :
« Et pourtant tu es là pour moi et
ma misère ».
Lorsque je suivais le catéchisme de
mon bienheureux père, il termina son
commentaire de cet épisode par ces
mots : « Cette femme était
une vraie princesse d'Anhalt
(1) ».
En réalité, l'histoire se
termine ici. Ce qui suit, le oui explicite de
Jésus, la délivrance accordée,
la guérison de la jeune fille, tout cela
n'est plus que l'Amen divin, l'exaucement de la
prière de cette femme. Le combat est
livré, l'épreuve est
surmontée. Il en ressort pour nous
l'exhortation : « Combats, toi
aussi, le bon combat de la foi ».
Il y a sans doute peu de gens dont la foi soit
mise à une aussi rude épreuve,
quelque obscurs que soient les chemins où
Dieu conduit plus d'un d'entre nous. Mais il peut
nous arriver également, et il arrive
parfois, que certaines directions de notre vie nous
laissent l'impression : Dieu ne veut rien
savoir de moi, Il me charge au delà de ce
que je puis porter ; il me refuse la force
quand elle me fait le plus besoin ; il se
désintéresse de moi, quand j'essaye
de vivre comme son enfant, selon ses commandements
et dans toutes mes tribulations, c'est toujours le
même non que je dois entendre.
Toutefois, ce non n'a d'autre but que de
nous rendre bien conscients du fait que nous
n'avons, aucune espèce de droit à
faire valoir vis-à-vis de Dieu. Ce non nous
appelle à l'humilité ; il nous
invite à renoncer à tout essai de
mériter la bienveillance de Dieu par
n'importe quelle prestation, à toute
prétention devant Dieu.
Mais à quiconque supporte ce non et
s'abandonne humblement à la grâce
libre et imméritée de Dieu,
dont la richesse est telle que
nul ne l'invoque en vain, il est
réservé d'entendre aussi le oui de
Dieu, qui met un terme à la tentation. Et
pour nous, ce oui est encore plus perceptible que
pour la femme de l'Évangile de ce jour. Que
savait-elle, au fond, de ce Jésus de
Nazareth auquel s'adressait son appel au
secours ? qu'on le tenait pour le Messie des
Juifs et qu'il était venu en aide à
plus d'un de ses compatriotes dans la peine. Rien
de plus. Nous, en revanche, nous le connaissons
comme celui qui s'est chargé pour nous de
nos douleurs, comme le Crucifié et le
Ressuscité, dont la mort signifie le non
définitif que Dieu a prononcé
à l'adresse de tous les efforts de l'homme
pour se secourir par ses propres moyens, mais du
même coup le oui secret destiné
à tous ceux qui acceptent son jugement sur
nous et qui sont prêts à recevoir de
la plénitude de sa grâce ce dont nous
avons besoin et ce qui nous fait
défaut.
L'issue du récit
évangélique de ce jour nous fait voir
clairement le chemin par lequel Jésus, en
parfait guide de l'âme, a fait passer la
pauvre femme pour éveiller en elle la
« grande foi ». Il en va
toujours ainsi. C'est au terme seulement que nous
discernons et comprenons rétrospectivement
les voies que Dieu nous trace. Pour vous comme pour
moi, il n'en sera pas autrement que pour
Moïse, à qui Dieu dit :
« Tu ne peux pas voir ma face ; mais
quand je retirerai ma main, tu me verras par
derrière ».
Cela peut nous suffire et nous suffira,
pourvu que dans nos combats nous gardions
fermement, à l'instar de cette femme, la
conviction que la grâce de Dieu est toujours
assez riche pour nous envelopper nous aussi, et que
nous ne nous lassions pas de nous tenir près
de celui qu'il nous a donné comme Sauveur,
en le suppliant, au besoin, comme des
mendiants : « Seigneur,
aide-moi ! » Car c'est là que
s'accomplit la parole : « Quiconque
demande, reçoit ; celui qui cherche,
trouve ; et l'on ouvre à celui qui
frappe ».
Amen.
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