LA
MAISON
Chapitre IV
PREMIÈRES COLLABORATRICES
Il faut cesser ton
oeuvre si tu veux que Dieu fasse la sienne. Martin
Luther.
Charles Moreillon demandait à Dieu des
hommes et des femmes animés d'un même
esprit, d'une même foi, d'une entière
consécration, prenant un même
intérêt à la vie spirituelle de
La Maison. Il écrivait :
- Il ne faut pas seulement aux enfants
abandonnés, orphelins ou vicieux, du pain et
des vêtements, mais aussi et surtout un
milieu, un intérieur, sérieux,
affectueux, chrétien. C'est
l'éducation qui leur manque le plus et c'est
ce qu'on a le plus de peine à
trouver.
- La Maison est ouverte à tous,
mais la puissance de son action chrétienne
dépendra toujours de la valeur de son
personnel fixe ; le personnel mobile
n'étant là que momentanément
et pour être formé, toute la charge
que le Seigneur fera reposer sur La Maison sera sur
les épaules du personnel à
demeure.
- L'oeuvre que le Seigneur nous impose
n'est possible que par le renoncement complet
à soi-même et le port de sa propre
croix.
Voilà pourquoi il importe de bien
prendre garde, et si le Seigneur
disait à Gédéon de ne choisir
qu'un très petit nombre de soldats
triés avec soin par certaines
épreuves, Il nous dit aussi d'apporter le
même soin dans le choix du personnel.
Une seule question se pose : Est-ce
que je veux, oui ou non, consacrer ma vie au
service du Seigneur ?
Je tiens à vous dire ces choses
maintenant. Dans le but de réduire les
questions diverses qui peuvent se poser dans les
âmes hésitantes, je dis à
l'avance qu'il ne sera pas donné de gage
fixe au personnel fixe. Je me réserve de
donner moi-même, sans aucune règle ni
obligation, quelque chose de temps en temps,
à part le logement, la nourriture et une
partie du vêtement ; de cette
manière la question pécuniaire
n'induira personne en tentation. Ainsi nous
pourrons avoir un personnel d'un dévouement
absolu.
La vie en Christ est le mot d'ordre
secret de chacun. La gloire du Père par le
salut des âmes et la sanctification de la vie
de tous, tel est le but de La Maison.
Il ne se passait guère de jour
où M. Moreillon n'allât pas consacrer
au moins quelques instants à La Maison, soit
pour donner quelques instructions
pédagogiques, soit pour étudier un
fragment de la Parole de Dieu, cultiver la vie
spirituelle, encourager, prier avec le personnel,
semer un peu de joie et d'amour dans les coeurs des
petits et des grands. Sa seule présence
faisait toujours du bien. Son sourire si
bienveillant et encourageant, son regard si pur, si
saint, si pénétrant, chassait toute
mauvaise pensée, toute crainte et tout doute
quant à l'amour de Dieu.
Son grand désir était non
seulement de fonder un foyer chaud et sain pour de
pauvres enfants, mais aussi de créer une
sorte d'école de diaconesses, afin de
préparer des ouvriers pour
le service de Dieu. Aussi
accueillait-on comme aides temporaires les
personnes désireuses de se rendre utiles.
Plus d'une a demandé à rester au
service de La Maison.
Les collaboratrices qui partageaient les
responsabilités de cette grande tâche
étaient tenues au courant des besoins de
l'oeuvre et de la situation financière. Sans
cette connaissance elles n'auraient pu se joindre
à la prière d'une manière
efficace. Mais M. Moreillon leur demandait
formellement de ne rien révéler au
dehors, surtout dans les moments d'attente, car
c'était de Dieu seul que devait venir le
secours.
Une des règles de La Maison
était de ne contracter aucune dette, selon
la déclaration de la Parole de Dieu :
« Ne devez rien à personnel
(Rom. 13. 8) » .
Parmi les collaboratrices de la
première heure, qui se sont
consacrées sans réserve au service de
La Maison, il faut citer tout d'abord, aux
côtés de la directrice soeur
Cécile, la jeune Amélie Bichet, dont
la mère avait accueilli les premiers
orphelins. Sa santé délicate la
forçait à certains
ménagements. Avant la fondation de La Maison
déjà, alors qu'elle était
catéchumène de M. Moreillon, elle
avait dû se soigner et quitter
Burtigny.
Voici une lettre de son pasteur à
ce moment-là.
6 nov. 1896. - Tu fais donc de
l'exercice corporel pour te fortifier. Cela est
bien. Que Dieu te bénisse dans tout ce que
tu fais. Mais j'aime à croire que tu ne
négliges point pour cela l'exercice
spirituel, celui que nous avions entrepris dans nos
leçons. Il est de toute importance, car que
pouvons-nous faire de bon en réalité
sans la prière ? C'est comme si nous
voulions travailler de nuit sans avoir
allumé notre lampe. Si nous savons
prendre le temps de manger, nous
devons prendre aussi le temps de prier ; le
temps de manger permet d'absorber la nourriture qui
périt, tandis que le temps consacré
à la prière nous permet de trouver la
nourriture éternelle. Aussi, que te
dirai-je, sinon ce que saint Paul disait à
Timothée, qui était au milieu des
Grecs, les premiers gymnastes de ce
temps-là : « Exerce-toi
à la piété, car l'exercice
corporel est utile à peu de chose, tandis
que la piété est utile à tout,
car elle a les promesses de la vie présente
et celles de la vie à venir
(1 Tim. 4. 8). » Saint Paul
ne veut pas dire par là que l'exercice
corporel ne serve à rien, mais que si l'on
compare son utilité à celle de la
piété et de la prière, il est
infiniment moins important. Aussi je viens te
recommander de ne négliger ni l'un ni
l'autre, de façon que tu nous reviennes le
plus vite possible et en bonne
santé.
Au renouvellement de l'année, il
lui écrivait : - ... Comme le temps,
les heures, les jours, les années
s'envolent ! Au milieu de tout ce qui s'en va
n'y a-t-il rien qui demeure ? L'homme,
hélas, vole vers la tombe ; il a devant
lui dans l'avenir terrestre les chagrins, les
déceptions, les deuils, la mort ! Que
reste-t-il qui ne passe pas ? Puisque Dieu est
éternel et qu'Il est amour, nous pouvons
avoir l'assurance que tout ce qui est amour, amour
divin, restera au delà des chagrins, au
delà de la tombe dans la vie où Dieu
sera tout en tous.
Plus tard, alors qu'Amélie dut
interrompre sa tâche pour prendre un peu de
repos, son pasteur lui écrivait : - Ton
devoir est de te reposer. Si notre Seigneur savait
prendre le temps nécessaire pour se
retremper dans la communion avec son Père
céleste, à plus forte raison, nous
qui sommes plus faibles, devons-nous le faire avec
le plus de soin possible.
Dans une autre lettre, riche en
sollicitude paternelle et en considérations
extrêmement élevées sur le
pourquoi des épreuves, il
écrit :
- Que chaque journée de ta vie
soit marquée par une victoire et que tu
comprennes, mieux que jamais, le sens divin de
l'épreuve. Tu sais déjà
qu'elle est permise par Dieu, puisque
« tous les cheveux de notre tête
sont comptés et que pas un passereau ne
tombe à terre sans sa
volonté ». Tu sais aussi quel est
le but que le Père poursuit par le moyen de
l'épreuve, puisque tu connais cette parole
de Christ : « Tout sarment qui porte
du fruit, le Père l'émonde, afin
qu'il porte encore plus de fruit (Jean 15.
2) ». Toute épreuve spirituelle ou
matérielle a toujours pour but la production
plus abondante des fruits de la vie
filiale.
Le Ried s. Bienne, 2 mai 1901. - Me
voilà tout seul, bien installé dans
la chambre nommée Béthesda, et je
pense tout naturellement au malade paralysé
que le Seigneur a guéri au réservoir
de Béthesda
(Jean 5). Je me compare à ce
pauvre malade et me reconnais en lui. Par la
grâce du Seigneur, il n'y a pas encore 38 ans
que je suis paralysé par Satan dans mon
âme, mais en tous cas je l'ai
été trop longtemps. Le Seigneur qui
m'a dit tant de fois comme au paralytique :
Veux-tu être guéri ? me le redit
encore et j'attends de Lui seul la parfaite
délivrance dont mon âme a
besoin.
Et je pense que toi aussi, chère
soeur, tu te reconnais bien faible devant ta grande
tâche. Nos yeux sont paralysés pour
voir le mal tel qu'il est en nous, nos oreilles
pour entendre les appels de Dieu, nos coeurs pour
croire et pour aimer. Quelle
stérilité, quelle apathie, quelle
impuissance naturelle, quelle
sécheresse ! Mais pour ceux qui ont
assez d'humilité pour croire
qu'ils sont aussi
paralysés que le malade de Béthesda
et que par eux-mêmes. aucune
délivrance n'est possible, mais qui essayent
cependant de croire à la parole de
Jésus : Veux-tu être
guéri ? il y a une délivrance,
une guérison, une rédemption
complètes. Jésus ne sauve pas
à moitié, mais entièrement
ceux qui se donnent entièrement à
Lui, qui Lui remettent tout et savent tout attendre
de Lui.
Tante Amélie fut à plus
d'une reprise arrêtée dans sa
tâche par la maladie ; elle accepta la
volonté de Dieu avec une entière
soumission et mourut à l'âge de 38 ans
dans une paix parfaite.
Mlle Emma Richard fut aussi une des
premières à la brèche. Voici
quelques fragments de lettres
échangées entre elle et M. Moreillon
au moment de sa demande d'admission.
- J'aime à croire que ce n'est
pas de notre consentement seulement dont vous vous
contentez pour prendre une décision. Car
nous ne voulons que ce que Dieu veut. Qu'il veuille
que vous le serviez, c'est certain, mais que vous
le serviez dans La Maison, c'est une question bien
sérieuse. Il faut un appel de Dieu
très précis et une entière
consécration. Comprenez-vous toute
l'étendue du mot
« consécration », et de
ces deux mots : « entière
consécration » ? C'est
l'abandon complet du coeur, du corps et de la vie
au Saint-Esprit (qui est une personne, j'en ai
acquis maintenant la conviction après une
étude sur ce sujet).
Aucune réserve ne doit être
apportée. Y a-t-il en vous une réelle
vocation, c'est-à-dire un appel et une
pression divine ? Est-ce par amour pour le
Seigneur Jésus que vous vous consacreriez
aux soins des enfants ? Seriez-vous assez
aimante pour vous dévouer sans
réserve ? Je crois que toutes ces
questions doivent être remises sur le crible
du Seigneur qui saura tamiser le
bien et le mal. Il faut se dévouer 365 jours
par année et ceux qui le font par devoir ne
peuvent qu'être écrasés. Je ne
dis pas cela pour vous décourager, mais
uniquement pour vous inviter à tout remettre
entre les mains du Seigneur.
À ces lignes Mlle Richard
répondit :
- Votre lettre m'a donné beaucoup
à penser. Cependant, avant de vous demander
d'entrer à La Maison, j'avais bien
réfléchi et demandé au
Seigneur de me montrer si c'est bien là
qu'il me voulait pour son service. Depuis longtemps
je me sens appelée à Lui abandonner
ma vie, mais plus particulièrement depuis ma
visite à La Maison l'année
dernière. J'ai entendu là l'appel de
Dieu. Pendant cette année
écoulée j'ai senti toujours davantage
le désir de me consacrer à Lui, sans
avoir pesé toutefois ce que demande une
consécration pleine et entière, mais
je sais aussi que le Seigneur est tout-puissant
pour faire son oeuvre en moi ; je me suis
donnée à Lui et Lui demande
instamment qu'il me purifie et me sanctifie, afin
que je puisse faire toute chose joyeusement et par
amour pour Lui. Je me sens en communion d'esprit
soit avec vous, soit avec les soeurs pour la vie
spirituelle et pour le travail. Que Dieu veuille me
diriger et me montrer d'une façon
précise la voie où Il veut que je
marche.
Mlle Richard, qui devint
« Tante Emma », consacra dix
années de sa vie à La Maison
où elle laissa un souvenir béni. Elle
devint ensuite directrice du
« Refuge » à
Genève. À la fin de sa vie, se
sentant gravement atteinte dans sa santé,
elle désira beaucoup revenir à La
Maison où elle fut entourée des plus
tendres soins jusqu'à son
départ.
Mlle Laure Cousin, « Tante
Laure », fit un premier stage à
La Maison en 1903, puis y revint
comme collaboratrice. Nous retrouvons dans son
« journal » des pages qui font
pénétrer dans l'intimité de
son âme et de la vie de La
Maison :
Serrières, 14 juin 1903. - Je
serais heureuse de passer quelque temps dans votre
Maison où j'aimerais tant être
instruite par le Seigneur dans l'exemple de la
pratique de la vie, dans la charité et dans
l'union avec votre personnel en
activité.
Je ne connais pas encore cette vie
consacrée au Seigneur, ce travail fait par
Lui et pour Lui seul, sans attendre des hommes ni
gages ni récompense ; je suis
attirée de ce côté-là,
aussi je suis certaine que si c'est bien l'Esprit
de Dieu qui me pousse à vous faire cette
demande, il vous sera possible de me
recevoir...
3 août 1903. - Dès mon
arrivée, Soeur Cécile qui est la
directrice de toute cette grande maisonnée,
m'a prié de donner un coup de main à
la cuisine, ce que j'ai fait avec plaisir, mais
sans grande connaissance. Je fais de mon mieux,
comme pour le Seigneur et non pour les
hommes.
Nous avons en tout 17 filles, 23
garçons et 16 tout petits.
Parmi les aînées, plusieurs
jeunes filles se sont données au
Seigneur ; leur conduite et leur travail
témoignent qu'elles désirent servir
Jésus joyeusement et prouver leur
reconnaissance envers notre bon Père
céleste, qui pourvoit à tous les
besoins de La Maison.
Ces besoins sont grands, très
grands, aussi je m'imaginais que les personnes
à la tête de La Maison devaient
être saisies d'angoisse quand la caisse est
vide et... les provisions au bout. Mais Soeur
Cécile me dit que c'est toujours merveilleux
comme le Seigneur donne, au moment voulu, juste
l'argent voulu pour les besoins pressants.
M. Moreillon m'a dit que le Père,
qui connaît chacun des
besoins de sa Maison, tient
quelquefois sa main comme fermée mais
pleine, jusqu'à ce que tous, enfants et
grands, prient et que leurs prières
deviennent plus conscientes, surtout de la part des
enfants qui oublient vite que tout leur vient
directement de la main de leur Père
céleste.
Hier M. Moreillon, au culte du soir,
faisait ressortir la nécessité de
nous tenir constamment dans la présence du
Seigneur, afin d'être rendus capables, calmes
et sages, même dans les détails du
travail. C'est si vrai, qu'il ne sert de rien de
s'énerver parce que tout va de travers, ou
de prendre peur ou aussi de se dépenser
inutilement, se chargeant d'un excès de
travail, alors que tout irait mieux, si nous
étions tellement dans la présence du
Seigneur, qu'au moment voulu Il nous montrerait une
issue, nous permettant d'accomplir la tâche
plus rapidement et avec moins de fatigue.
17 août 1903. - Ce soir tous sont
invités à se réunir pour
demander au Seigneur son secours, car la caisse est
vide et il y a plusieurs notes à
payer.
Une dizaine de nos grandes filles sont
présentes, un seul garçon s'est joint
à nous ; cela nous peine de ne pas voir
tous nos grands s'unir d'un seul coeur pour
demander avec nous la délivrance.
M. Moreillon invite chacun à
rappeler un verset de la Bible contenant une
promesse, une invitation à demander toutes
choses. La Parole de Dieu est si riche !
Après s'être arrêté
surtout sur « demandez » et
« en mon nom », nous
prions ; oh ! combien il est
précieux de savoir que Dieu nous
entend ! qu'il nous attend, et que nous
pouvons compter sur Lui.
L'argent, Dieu n'en manque pas, mais
c'est nous qui ne sommes pas toujours prêts.
Le Seigneur arrête la dispensation des
dons matériels
jusqu'à ce que nous soyons dans les
dispositions voulues pour les recevoir.
Souvent nous mettons, par un manque de
confiance, de charité, de
persévérance, par la dissipation de
notre temps - ou plus encore de nos paroles - un
empêchement à la
bénédiction de Dieu.
Je n'ai jamais compris si bien
jusqu'à ce soir, que l'enfant de Dieu qui
veut se consacrer à son service, n'a plus le
droit de rien distraire ni de ses biens, ni de son
temps, ni de ses dons, rien, mais tout doit
être au service du Maître.
18 août. - Ce même
garçon présent hier soir à la
réunion de prières, nous a fait une
surprise ! Descendu à Rolle, pour des
commissions, il a profité de vendre une
vieille cuvette de montre en argent, ce qui lui a
rapporté de quoi acheter un kilo de sucre,
et 20 cts lui sont restés. Il a
rapporté son sucre avec les autres
provisions et avec joie l'a donné à
Soeur Cécile. Cette attention nous a
réjouis. J'aime à croire que son
action lui a procuré la joie que Dieu met au
coeur de celui qui donne gaiement. La veille, une
fillette avait déjà remis pour le
vendre, un petit bracelet en argent qu'elle avait
reçu d'une amie : « On ne
porte pas des machines comme ça à La
Maison », m'avait-elle dit !
Oh ! non, bien sûr que nous leur
préférons les ornements
incorruptibles d'un esprit doux et
paisible.
20 août. - Aucun secours n'est
venu, sinon quelques francs par des amis de
passage ; les jardins pourvoient presque
entièrement à notre alimentation, et
c'est bien heureux que sous ce rapport tout rende
plus qu'on n'attendait.
22 août au matin. - Un besoin
d'intercession toujours plus grand se fait sentir
pour supplier notre Père céleste
d'avoir pitié de nous.
C'est le jour où il faudrait payer les
ouvriers, acheter quelques provisions
indispensables, et nous n'avons toujours point
d'argent. Mais c'est le matin et il ne faut que peu
de temps au Seigneur pour nous envoyer un secours
d'argent, et c'est avec confiance que nous
attendons sa délivrance.
... Oh ! Dieu, nous ne voyons pas
d'issue, mais nous voyons ta main de Père
qui aime s'ouvrir, et nous te supplions de
pourvoir ; tu le feras, nous le savons, pour
ta gloire.
Pour moi, je te bénis de ce que
tu me fais entrer avec les soeurs et les enfants
dans une plus réelle communion avec toi,
apprenant pour la première fois à
m'attendre à toi avec foi.
22 août, au soir. - M. Moreillon a
reçu 30 francs de petites filles riches de
Genève ; c'est donc assez pour les
besoins pressants. Gloire à Dieu.
Après avoir quitté
momentanément la Maison pour chercher la
volonté de Dieu à son égard,
Tante Laure écrit : - Le Seigneur est
bon, Il a tracé ma route et rendu claire sa
volonté à mon égard. Je me
trouve de par Lui engagée
définitivement dans La Maison.
Il m'a dit : « Que
t'importe, toi suis-moi ».
Peu avant une fillette disait dans sa
prière si confiante :
« Envoie-nous Tante
Laure ! » et j'ai répondu du
coeur : Oui, Jésus, si c'est ta
volonté.
Août 1907 (quatre ans se sont
écoulés). - Est-ce à dire que
nos enfants, parce qu'ils ont été un
temps plus ou moins long dans La Maison, sont tous
des flambeaux prêts à porter la
lumière de Jésus dans le monde ?
Cet honneur est offert à tous, mais trop
rares sont ceux qui l'acceptent, aussi de jour en
jour davantage avons-nous à
intercéder pour que le Saint-Esprit fasse en
leur coeur cette oeuvre de purification et de
sanctification en Jésus.
Il faut nous réjouir par la foi de ce que
ces enfants, après avoir tout reçu
directement de Dieu, viendront aussi en retour Lui
offrir leur vie.
1910. - J'ai vécu des jours bien
sombres à cause de la
méchanceté de nos grands
garçons ; il me semble que je suis
labourée d'épreuves et cela, joint
à un dépouillement par lequel mon
Maître juge bon de me faire passer, me pousse
en avant dans le chemin étroit où
l'on marche seul avec Jésus. Mais que dire
de la fidélité et de l'amour infini
de notre Père céleste !
Nous avons 60 enfants, et chausser,
vêtir, nourrir tout ce petit monde, ce sont
jour après jour des délivrances
merveilleuses, petites et grandes. Dieu ne regarde
pas à nous-mêmes, pour nous
bénir, Il dit : « C'est pour
l'amour de moi, pour l'amour de moi, que je veux
agir ». « Quand les montagnes
chancelleraient, mon alliance de paix ne
chancellera pas
(Esaïe 48. 11 et
54. 10) », et
j'ajoute : « Non pas à nous,
Éternel, non pas à nous, mais
à ton nom donne gloire !
(Ps. 115. 1) ».
« À Celui qui peut
faire infiniment au delà de tout ce que nous
demandons... à Lui soit la gloire (
Ephés. 3.
20-21). »
- Dans les derniers mois de cette
année notre tendre Père a fait passer
comme à nouveau bien des âmes par une
nouvelle naissance ; dans ce chemin j'ai aussi
appris à ne plus mettre ma confiance dans
aucune oeuvre qui soit le produit de ma bonne
volonté ou de mes efforts propres, mais
à regarder seule possible et vraie, la vie
de puissance par Christ demeurant en moi. Je
pourrais ajouter que j'ai eu la folle et pauvre
ambition de compter sur des fruits de mon service,
et cela trop particulièrement, en sorte
qu'au bout de plusieurs années, j'ai
dû constater que je ne
pouvais pas convertir un seul de mes chers
garçons. Oh ! quel long tunnel j'ai
passé pendant ces derniers deux ans, avec
des « à quoi
bon ? »... « Je ne puis
pas », et voici, dans sa grande
miséricorde, Jésus a rayonné
en mon âme ; Il m'a accordé de
saisir avec une foi ferme et inébranlable sa
puissance de résurrection, et je puis dire
en vérité, sans plus rien attendre de
moi ni des autres, la parole de Paul :
« Je puis tout par Christ qui me fortifie
(Philipp. 4. 13) ». Rien
n'est impossible à Dieu. 0 gloire, honneur,
louange à notre Dieu et
Père !
Après 18 années d'une vie
entièrement consacrée à Dieu
dans la tâche difficile de l'éducation
des garçons aînés, Tante Laure
mourut subitement en 1921, en pleine
activité, à l'âge de 49 ans.
Son départ creusait un vide immense dans La
Maison et fut un coup douloureux pour Soeur
Cécile si intimement liée à
elle.
Elle avait appris mieux que personne
cette vie de foi entièrement
dépendante de Dieu, à laquelle elle
aspirait à son entrée à La
Maison.
À son décès on
trouva dans son porte-monnaie 40 centimes :
c'était tout ce qu'elle
possédait ! Elle avait tout
donné, et vivait sans inquiétude,
dans une parfaite confiance que son Père
céleste ne l'abandonnerait jamais.
« Je me confie dans la bonté de
l'Éternel éternellement et à
jamais
(Ps. 52. 10). »
Un mot encore sur une des enfants de La
Maison qui devint une précieuse
collaboratrice.
Augustine, avec sa soeur Amélie,
furent après la mort de leur mère -
une vraie chrétienne - soustraites à
un père buveur. Elles avaient 10 et 12 ans
et très vite Augustine se donna à
Dieu, tout entière et sans
retour. Sa frêle santé - elle
souffrait d'un vice au coeur dès sa
naissance - ne lui permit pas de poursuivre un
apprentissage de couturière ni de prendre un
service au dehors. Elle resta donc à La
Maison où elle eut une influence
bénie sur les enfants. Remarquablement
douée, d'une vie spirituelle profonde, elle
exerçait, par sa seule présence, une
douce autorité. Il lui suffisait d'entrer
dans une chambre où régnait un bruit
assourdissant pour que le calme et le silence
s'établissent aussitôt. Elle
travaillait à La Maison lorsque Renée
van Berchem (plus tard Renée de
Benoît) vint y faire un stage, dans
l'été 1909. Ces deux âmes
étaient faites pour se comprendre et pour
s'aimer, unies dans un même amour pour leur
Sauveur.
Dieu reprit Augustine à Lui
à l'âge de 38 ans. - Au cours de sa
dernière maladie, elle a été
merveilleusement soutenue, écrit Soeur
Cécile, et a rendu un beau
témoignage. Le docteur lui-même a dit,
après avoir fait une ponction :
« C'est une sainte ». Les
angoisses, les étouffements, qui vont si
souvent avec l'hydropisie, lui ont
été complètement
épargnés. Elle était si
paisible et si joyeuse, accueillant chacun avec un
sourire. Sa soeur Amélie a pu venir de
Hambourg. Elles ont été si heureuses
d'être ensemble !
Au commencement de janvier, Augustine
s'est rendu compte que ses jours étaient
comptés. Bien des petites choses de son
enfance lui sont revenues à la
pensée ; elle a désiré
les dire, s'en décharger et depuis lors, ce
fut le plein repos, la paix parfaite, un vrai
rayonnement de tout son être, se
réjouissant d'une joie ineffable et
glorieuse à la pensée d'être
auprès de son Sauveur. C'était le
triomphe sur la mort. « La mort a
été engloutie dans
la victoire. O mort, où est ta
victoire ? ô mort, où est ton
aiguillon ?
(1 Cor. 15.
54-55) »
La dernière nuit de sa vie, elle
a apporté à haute voix au Seigneur
tous ceux des enfants qu'elle avait plus
particulièrement sur le coeur. Elle chanta
encore cette strophe de cantique :
Dans le pays là-haut -
Où je serai bientôt,
Rien ne ternira plus - Le bonheur
des élus.
Au matin, c'était le 30 janvier 1926,
tout à coup, sa tête s'inclina et
l'instant d'après elle avait quitté
cette terre.
Elle a rejoint Renée dans le
séjour de la lumière et elles
chantent toutes deux la gloire de Celui qui les a
rachetées.
Nous n'avons parlé que des
collaboratrices que Dieu a reprises à Lui.
D'autres encore se sont consacrées sans
réserve à leur tâche
auprès des orphelins ; elles ne sont
pas nommées ici, mais leurs noms et les noms
de toutes celles qui viendront dans la suite
combler les places vides, sont inscrits dans le
Livre de Vie. Elles ne perdront pas leur
récompense.
Dieu seul sait ce que furent pour la vie
et le développement de La Maison, ces
fidèles collaboratrices ne demandant rien
pour elles-mêmes, s'attendant joyeusement
à Lui pour tout ce qui leur était
nécessaire.
« Dieu n'est pas injuste pour
oublier voire travail et l'amour que vous avez
montré pour son nom
(Hébr. 6. 10). »
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