LA
CRÉATION ou LA PREMIÈRE PAGE DE LA
BIBLE
CHAPITRE V
LA TERRE FERME ET LA MER
« Dieu
dit : Que les eaux qui sont
au-dessous des cieux soient
rassemblées en un lieu et que le
sec paraisse. Et ainsi fut. Et Dieu nomma
le sec Terre. Il nomma aussi l'amas des
eaux Mer. Et Dieu vit que cela
était bon. »
(Gen. I, 9-10.)
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Ces versets nous apprennent qu'à
l'origine la terre était partout couverte
par les eaux. Ce ne fut donc que plus tard que
s'élevèrent les montagnes et que
s'abaissa le fond de la mer. Eh bien ! la
science, d'accord avec la Bible, constate que la
formation des montagnes et l'apparition des
continents avaient été
précédées d'une longue
époque d'uniformité absolue dans la
configuration du sol terrestre sous les eaux qui le
couvraient. La terre, dit-elle, fut d'abord un
immense globe incandescent, formé de
métaux en fusion, comme on peut le
reconnaître à ce fait que les roches
de la surface sont les rouilles scorifiées
de certains métaux. L'argile même,
dont nous faisons nos briques et nos tuiles,
renferme en grande quantité le métal
appelé aluminium,
ressemblant à l'argent, mais bien plus
léger. À mesure que le globe
incandescent se refroidissait, il dut se former une
croûte à sa surface. Cette
croûte en s'épaississant se contracta
et se rida, comme cela arrive pour la peau qui se
forme sur le lait bouillant à mesure qu'il
se refroidit ; et ces rides,
proportionnées aux dimensions du globe,
constituèrent les premières
éminences ou collines.
C'est pourquoi il n'est pas dit que Dieu
créa le sec, mais qu'Il le fit
paraître. Et alors, conséquence
naturelle, les eaux se rassemblèrent dans
les affaissements de terrain et les mers se
formèrent. Toutes ces choses ne se
passèrent pas
« naturellement » dans le sens
que ce mot a pour l'incrédule. Il a fallu la
parole créatrice, la parole divine, pour
qu'elles s'accomplissent, et il dépendait de
cette Parole que cette évolution eût
lieu et qu'elle eût lien de cette
manière, car d'autres modes de formation
étaient aussi possibles. Mais Dieu parla,
Dieu commanda, et d'étape en étape
les choses parurent telles que Dieu les avait
déterminées d'avance, pour former
enfin la terre et les êtres tels que nous les
connaissons, puis l'homme comme la fleur de cette
évolution. Sur la planète Mars, par
exemple, et quoique les principes fondamentaux
soient les mêmes, comme ses saisons, ses
neiges polaires, ses terres et ses mers le
montrent, le développement subséquent
a été tout autre, ainsi que les
doubles canaux qui apparaissent et disparaissent
à la surface de cette planète le
prouvent. Si nous eussions été alors
sur la terre, nous n'eussions pas
entendu la voix divine, mais nous aurions vu
là des phénomènes
naturels ; c'est encore aujourd'hui
l'explication de l'homme déchu pour tous les
événements de la création.
Mais les anges, les fils de Dieu l'entendirent et
chantèrent en triomphe : « O
Dieu, tu as fondé la terre sur ses
bases ; elle ne sera point
ébranlée à toujours et
à perpétuité. Tu l'avais
couverte de l'abîme comme d'un
vêtement, les eaux se tenaient au-dessus des
montagnes. À ta menace elles
s'enfuirent ; à la voix de ton
tonnerre, elles se hâtèrent de
fuir ; les montagnes
s'élevèrent, les vallées
s'abaissèrent au lieu même que tu leur
avais établi. Tu leur as mis une limite
qu'elles ne dépasseront point ; elles
ne reviendront pas couvrir la terre »
(Ps. CIV, 5-9). Cette formation des
montagnes se répéta plusieurs fois
sur une plus grande échelle, ce qui donne
l'explication naturelle des nuits de la
création et de la destruction de nombreuses
espèces. « À chaque
nouvelle révolution et nouvelle
création », dit le professeur
Agassiz, « l'intérieur de la terre
s'agita, des montagnes s'élevèrent,
des mers furent chassées de leurs
bassins. » La croûte terrestre
devenant parle refroidissement toujours plus
épaisse, les éruptions devinrent
d'autant plus fortes et les montagnes toujours plus
hautes. « Les Vosges », dit le
géographe E. Reclus, « sont plus
anciennes que les Pyrénées, celles-ci
que les Alpes, et les Alpes que les
Andes. » (La terre, p. 73.)
La longue chaîne des Andes, avec
ses nombreux volcans, est la cicatrice d'une
immense déchirure qui se
fit une fois dans l'écorce terrestre et
livra passage aux torrents de lave qui, en se
refroidissant, formèrent des montagnes. Le
géologue d'Orbigny a constaté dans
l'Amérique du Sud plusieurs
soulèvements, séparés par de
longues périodes de tranquillité.
« Un quatrième soulèvement,
dit-il en parlant des Andes, se manifesta plus
terrible que les précédents, il porta
les terrains à des hauteurs immenses. Du
sein de la terre sortirent des masses de granit, et
les géants et les massifs des Andes furent
constitués. » Les géologues
de Buch et Elie de Beaumont croient aussi que les
deux cent soixante-dix volcans des Andes
s'ouvrirent à la fois, et ce dernier savant
écrit : « Ce fut sans doute
un jour » (ou plutôt une nuit)
« redoutable dans l'histoire des
êtres vivants du globe que celui où
cette immense batterie volcanique vint à
gronder pour la première fois. »
(Revue des Deux Mondes 1859, 15
Février.)
Qui pourrait se représenter le
spectacle qu'offrait la terre, alors qu'à la
voix de Dieu elle enfanta pour la première
fois des montagnes ! La surface du globe,
l'écorce terrestre s'élevait et
s'abaissait comme les ondes de la mer, se
déchirait, s'entr'ouvrait, et il en sortait
des masses colossales de lave et de métaux
en fusion. « Les montagnes se fondirent
comme de la cire à la présence de
l'Éternel, à la présence du
Seigneur de toute la terre »
(Ps. XCVII, 4, 5). Des milliers de
cratères éteints et des centaines de
volcans encore actifs rendent témoignage de
ces cataclysmes et montrent que l'intérieur
de la terre est encore en fusion,
ce que prouvent du reste
l'uniformité des laves, les rapports de
volcans très éloignés les uns
des autres, et le lent soulèvement actuel de
pays entiers. Les astronomes français
Löwy, directeur de l'Observatoire de Paris, et
Puiseux concluent de leurs récentes
observations que la lune elle-même est encore
fluide avec une mince écorce et que la terre
le restera longtemps encore. (Bulletin de la Soc.
astron. de Paris, 1907, p. 209.) Quant à la
masse de lave ou de cendres que peut vomir par un
seul volcan l'intérieur de la terre, disons
seulement que les débris rejetés par
le Krakatoa furent évalués à
1800 millions de mètres cubes, et la lave
rejetée en 1783 par le Skaptar Jokul en
Islande à 500 milliards de mètres
cubes, masse qui aurait suffi pour couvrir la terre
entière à un millimètre de
hauteur.
Du reste la terre, encore fluide
à l'intérieur, n'est pas parvenue
à l'état de repos. Il arrive encore
que, selon les termes du Psaume CIV verset 81, des
montagnes s'élèvent et des
vallées s'abaissent, au lieu que Dieu leur
marqua. C'est ainsi qu'en 1707, le feu souterrain
ayant fait explosion dans la
Méditerranée, près de
l'île Santorin, il en résulta la
formation d'une nouvelle île, ayant 5 lieues
de tour et s'élevant à 40 pieds
au-dessus de la mer. Pareillement des îles
nouvelles apparurent en 1650, en 1720, en 1812
près des Açores : « le
sec parut ». Le 29 septembre 1733,
pendant un tremblement de terre au Mexique, et
tandis que la surface de la terre s'agitait comme
les flots de la mer, on vit en un seul jour
s'élever avec fracas à plus de
500 mètres une montagne
couvrant une superficie de 4 lieues carrées,
tandis que tout à l'entour des flammes
surgissaient du sol. Cette montagne, le Jorullo,
existe encore et continue par intervalles à
vomir des laves brûlantes.
Quant à la seconde partie du
passage biblique rappelé plus haut, touchant
« les vallées qui se sont
abaissées », le Timboro dans
l'île de Sumbava s'abaissa de 1660
mètres en 1815. Cette montagne disparut
presqu'entièrement sous les flots avec des
explosions épouvantables que l'on entendit
à Sumatra, à 900 kilomètres de
distance, avec une pluie de cendres qui obscurcit
complètement l'air jusqu'à
Bornéo, à 1400 kilomètres, et
des secousses qui se firent sentir à des
centaines de lieues. Plus terrible encore fut
l'explosion du Krakatoa déjà
cité, dans le détroit de la Sonde, au
mois d'août 1883. Avec des tonnerres qui
s'entendirent à 3000 kilomètres, une
montagne et des îles de plusieurs
kilomètres de surface disparurent dans
l'abîme. Les vaisseaux passèrent
à la place qu'elles occupaient, rencontrant
des débris et des cadavres flottants ;
« la carte de la mer »,
rapporte un capitaine, « fut
changée ».
Si des phénomènes aussi
terribles signalent déjà l'apparition
ou la disparition d'une île ou la formation
d'une montagne relativement peu importantes, si un
seul volcan, comme le Vésuve, envoie sa
pluie de cendres jusqu'en Afrique, ou si telle
autre éruption peut faire trembler des pays
entiers et les plonger dans les
ténèbres, quel
spectacle ce dut être, lorsque dans les nuits
de la création, au commandement divin :
Que le sec paraisse ! de nombreux volcans
brisèrent l'écorce terrestre encore
mince et surgirent des profondeurs des mers.
Les volcans sont répartis sur les
grandes lignes qui indiquent les déchirures
de l'écorce terrestre ; mais il est
faux qu'ils ne soient dûs, ainsi que les
tremblements de terre, qu'à l'infiltration
des eaux de la mer. Humboldt et plus tard E. Reclus
ont déjà fait remarquer que les
volcans de l'Asie centrale sont à une
immense distance (1200 kilom.) de la mer ; il
en est de même des pays sujets aux
tremblements de terre comme la Hongrie et
l'Himalaya. Le tremblement de terre de Lisbonne,
qui se propagea de la Laponie jusqu'à la
Martinique, n'a certes pas eu une cause purement
locale.
Les continents parurent donc le
troisième jour de la création ;
mais non dans leur forme actuelle. Ils ont subi
nombre de changements ; le feu et l'eau les
ont soulevés, déchirés,
inondés, bouleversés, et ce serait
même une illusion de croire qu'ils aient
maintenant trouvé leur forme
définitive. Nos sismographes actuels nous
prouvent d'ailleurs qu'il n'y a pas un point de
l'écorce terrestre qui ne tremble plus ou
moins ; de même il n'y en a pas un qui
ne s'élève ou ne s'abaisse lentement.
L'Italie se soulève et des villes qui, comme
Pise et Ravenne, étaient autrefois des ports
de mer, ne le sont plus. La presqu'île
scandinave s'élève aussi, comme les
rochers de la côte le prouvent, d'à
peu près deux
mètres en 100 ans. Le Groenland, au
contraire, s'enfonce peu à peu sous les
flots. La chaîne des Andes et toute
l'Amérique méridionale paraissent
s'être élevées depuis Humboldt
de plus de 10 mètres ; enfin le lac
Balkasch est, dit-on, de 300 mètres plus
haut qu'il ne l'était autrefois.
Bien des choses concourent incessamment
à changer la carte du monde, comme celle du
ciel. Tout passe, tout change : les
étoiles « fixes » s'en
vont ; la terre « ferme »
ne l'est pas, et de nouvelles rides creusent sans
cesse le visage de notre vieille planète et
racontent son histoire. Si le feu central
soulève encore à présent toute
la chaîne des Andes, par contre la pluie, les
ruisseaux, les rivières travaillent sans
relâche à aplanir les collines et les
montagnes, et les fleuves à en combler les
mers. Ainsi, dans une crue, le Rhin charrie
silencieusement, en 24 heures, sous le pont de
Bâle, 14,900 mètres cubes de terre ou
la charge d'au moins 25,000 chars, et en a
formé dans le cours des siècles la
Hollande. Le Nil, disaient déjà les
anciens, a fait l'Égypte, qui fut
probablement une mer semblable et parallèle
à la mer Rouge. Le Pô a fait la
Lombardie des débris des Alpes ; le
fleuve des Amazones, avec, ses grands affluents le
Madeira, le Tocantin, l'Orénoque, a
formé de la poussière des Andes les
immenses plaines de l'Amérique du Sud. La
vie organique aussi travaille continuellement
à modifier les formes de la terre ferme.
Bien des îles de l'Océan Pacifique ont
été bâties par les
madrépores, et y auraient
déjà formé un continent, si le
fond ne s'abaissait pas peu à peu. Ces
petits animaux travaillent aussi à boucher
le détroit de Floride, et à
dévier ainsi le Gulf-Stream, ce qui aurait
pour l'Europe des conséquences
incalculables. D'autres exhaussent le fond de la
mer Rouge qui, dans des milliers d'années,
cessera d'exister.
Quand on considère une
mappemonde, deux choses frappent l'observateur
attentif. C'est d'abord que les continents se
terminent en pointe vers le sud dans l'Afrique,
l'Amérique, l'Asie, et montrent an nord des
formes plus larges, plus évasées et
parsemées de lacs nombreux. Toutes les
presqu'îles, excepté le Danemark, sont
dirigées vers le pôle austral. Nous ne
savons pas pourquoi les mers se sont
retirées vers le pôle sud. Un second
fait, non moins intéressant, est la
répétition des formes principales.
L'Europe et l'Asie se terminent toutes deux par
trois presqu'îles : l'Espagne et
l'Arabie, l'Italie et l'Inde avec le Pô et le
Gange, bornées au nord par les Alpes et
l'Himalaya, la Grèce avec l'Archipel et
l'Indo-Chine avec ses îles. Un peu de
réflexion montre non-seulement l'analogie de
ces formes géographiques, mais, chez les
peuples qui les habitent, celle de leurs
caractères, de leurs destinées et du
rôle qu'ils ont joué dans l'histoire.
De même l'Amérique du Sud a une forme
analogue à celle de l'Afrique, quoique
disposée en sens inverse; le fleuve des
Amazones y correspond au Niger, comme dans celle du
Nord le golfe du Mexique correspond à la
Méditerranée, et
Terre-Neuve à l'Angleterre. Sur les
côtes de l'Asie les fleuves de la Chine
correspondent à ceux de la France, le Japon
à l'Angleterre, et le Kamtschatka à
la Suède. Ici encore, nous ignorons les
causes et le pourquoi de ces dispositions
symétriques, mais c'est une pensée
effrayante de grandeur qu'un Dieu qui sait tout et
voit tout, ait dirigé les révolutions
de l'écorce terrestre, la formation des
montagnes et des mers, ait dessiné les
continents, leurs côtes, leurs îles et
leurs fleuves en prévision de
l'humanité, et en rapport direct avec les
peuples qu'Il voulait y semer. Chaque petite vague
qui se brise au rivage, chaque goutte d'eau qui
descend de la montagne à la mer, est en
relation nécessaire et voulue par la
Providence avec les destinées d'âmes
immortelles.
« Et Dieu dit : Que les
eaux au-dessous des cieux se rassemblent en un
lieu »
(Gen. I, 9). Ces eaux,
distinguées ici des eaux au-dessus de
l'étendue, des nuages, ces océans ne
sont point simplement des masses d'eau tranquilles
et inertes, tant que la tempête ne les remue
pas. Elles sont au contraire toujours
agitées jusque dans leurs profondeurs par
des forces dont nous n'avons pas d'idée.
Leur cause première (surtout sous les
tropiques), est l'évaporation des masses
d'eau qui doivent former les nuages, et, par suite,
les rivières et les fleuves de la
terre ; même pour la petite Mer Morte,
cette évaporation est supputée
à 6 millions de tonnes par jour. Pour les
remplacer, des mers d'eau froide coulent
continuellement des pôles, - où elles
sont tombées sous forme de
neige, - vers l'équateur, et sont
déviées, refoulées par la
configuration des côtes, des îles, des
baies et par celle des bas-fonds, des
vallées, des plateaux sous-marins.
Poussées par les vents dominants,
influencées par les différences de
température et de densité de l'eau
douce et de l'eau salée, elles circulent
sans relâche, fleuves immenses, lents ou
rapides, larges ou resserrés, autour des
continents qu'ils enserrent de leurs courants,
égalisant les températures,
réglant la salure des océans.
Écoutons ce que dit éloquemment
l'Américain Maury dans sa
« Géographie de la
mer » : « Quand souvent,
en deux heures, il tombe sur la cinquième
partie de l'Océan Atlantique 3
centimètres de pluie, cela fait 300 mille
millions de tonnes d'eau douce, qui se
répandent sur l'eau salée et font
battre puissamment le grand coeur de
l'Océan. Car la différence en moins
du poids de cette eau douce à autant d'eau
salée équivaut à 16 mille
millions de kilos de sel ! Quand un nuage
passe sur le soleil, des millions de tonnes d'eau
de mer frissonnent, se condensent, deviennent plus
pesantes et s'enfoncent, pour être
remplacées par de l'eau plus
légère. » Et
ailleurs : « Chaque mollusque qui se
fait une coquille, change, en ôtant à
l'eau de mer son contenu en chaux,
l'équilibre de l'Océan et y produit
du mouvement. »
On pressent ici ce que sont les courants
marins. Un des plus connus, quoique non le plus
grand, est le Gulf-Stream, qui, surchauffé
par le soleil dans le golfe du Mexique, en sort par
le détroit de Floride.
Là ce « roi des
orages » avec 2000 fois plus d'eau que le
Mississipi, et plus large que plusieurs lacs
Léman, épanche en une seconde dans
l'Atlantique dix-huit millions de mètres
cubes d'eau à la température de 21
° C., somme de chaleur qui suffirait, dit
Maury, à maintenir en fusion un fleuve
d'acier fondu, grand comme le Mississipi ! Il
va en réchauffer les côtes de
l'Europe, et jusqu'à celles du Spitzberg.
« Il coule », dit encore Maury,
« sur l'eau plus froide et entre des murs
de cette eau, et les baleines, qui descendent avec
le courant et les glaces polaires, l'évitent
avec frayeur comme un fleuve de
feu. »
Ainsi, comme les rivières
arrosent et fertilisent les continents, les fleuves
bien plus grands de la mer régissent les
destinées, la richesse et la civilisation
des peuples ; sans la chaleur du Gulf-Stream
la Norvège serait inhabitable, la France
serait couverte des froids brouillards de
Terre-Neuve sous la latitude de Paris, et
l'Angleterre serait froide comme le Kamtschatka,
à peu près de même grandeur et
presque sous la même latitude, où le
blé ne mûrit plus. Et que dirons-nous
du. courant du Pacifique qui, d'après
Duperrey, large de cinq mille cinq cents
kilomètres, profond de 1600 mètres,
chaud de 25°, règle et adoucit le
climat de la Polynésie, de la Chine et du
Japon ? Tout en effet est immense, prodigieux,
tout se tient, tout s'enchaîne, tout a son
but et son utilité dans la création
de Dieu.
Quand les vagues superbes de
l'Atlantique, ces coursiers
marins, bondissent en mugissant, couronnées
d'écume, d'Amérique en Europe, elles
emmagasinent des millions de mètres cubes
d'oxygène et d'ozone, au profit des
innombrables habitants de la mer.
Ainsi encore le lac de Constance, ce
petit amas d'eau qu'on trouve à peine sur un
globe terrestre, a d'après les observations
du professeur Forel, cédé à
l'air et à ses rivages, pendant l'automne et
l'hiver de 1890, 18 millions de millions de
calories, c'est-à-dire autant de chaleur
qu'en produirait la combustion de 23 millions de
kilos de houille, ou la charge d'un train dont la
locomotive serait au pôle nord et le dernier
wagon au cap de Bonne-Espérance !
(Verein f. Gesch. d. Bodensees, 1891.)
Les montagnes de l'Éternel !
Quelle conception grandiose ! Comme elles
rendent sensibles à l'esprit la puissance et
la majesté du Créateur ! Nous
pouvons difficilement estimer les véritables
dimensions d'une montagne et son contenu en terre,
en pierres et en roches, qui se chiffre par
millions et millions de mètres cubes. Du
sommet d'une de ces montagnes, combien de choses
que l'on aperçoit à ses pieds
paraissent petites et insignifiantes ! Les
vastes forêts ne sont que des taches
sombres ; les fleuves, des fils
d'argent ; les hommes et les bêtes, des
points à peine perceptibles. Un
écrivain anglais de renom Charles Kingsley,
dit qu'il n'apprit à respecter la puissance
infinie de Dieu que lorsqu'il eut une fois
l'idée de faire raser une
toute petite colline dans sa
propriété. Malgré le grand
nombre d'ouvriers occupés à ce
travail et enlevant diligemment charretée
après charretée de terre, le mamelon
ne semblait guère diminuer ; alors il
se représenta les chaînes
énormes de l'Himalaya, ou des Andes, et
comprit la grandeur de l'oeuvre de Dieu à
côté de l'insignifiance du travail de
l'homme.
Les montagnes sont une belle
création de Dieu, et les Psaumes en
célèbrent la magnificence. On
connaît les grandioses paysages de nos Alpes.
Plus haute encore, la chaîne des Andes, avec
ses immenses volcans fumants, s'en distingue par
des formes moins variées et plus arrondies,
par des pentes descendant souvent en courbes douces
ininterrompues de sommets de sept mille
mètres et plus jusque dans la plaine ;
dans un autre genre les Andes n'en sont pas moins
imposantes que les Alpes, mais les unes et les
autres sont encore dépassées par les
géants de l'Himalaya qui, sur des
soubassements déjà aussi hauts que le
sommet de la Jungfrau ou du Mont-Blanc,
élèvent jusque dans les cieux,
à trois et quatre mille mètres de
hauteur, leurs sommets inaccessibles, toujours
étincelants de neiges éternelles,
majestés jamais souillées par les
poussières et les boues de la terre, planant
dans un air pur, bien au-dessus des petitesses et
des misères de l'humanité.
Dieu a sanctifié ces sommets de
la terre et les a choisis pour théâtre
de ses révélations aux hommes. C'est
sur l'Ararat que Dieu donna à Noé la
loi nouvelle et l'arc-en-ciel
comme gage de son alliance ; une cime de
montagne fut assignée au patriarche Abraham,
afin d'y accomplir le terrible sacrifice que Dieu
requérait de sa foi ; ce fut sur le
trône de granit du Sinaï que
Jéhova descendit pour donner sa loi à
son peuple et « faire luire devant les
humains un rayon de sa gloire ». C'est
sur le Nébo qu'Il prit à Lui
Moïse ; sur le Carmel qu'Elie convoqua le
peuple de Dieu devenu infidèle, et par son
invocation fit descendre le feu du ciel sur son
sacrifice. Ce fut encore sur une montagne que
Jésus-Christ fit sa première
prédication ; c'est là que
souvent Il se retira pour prier. Sur l'Hermon Il
fut transfiguré aux yeux de ses
disciples ; du sommet du Mont des Oliviers Il
monta au ciel, et, quand Il en reviendra, ce sera
ce même sommet que ses pieds, selon la
prophétie de Zacharie
(XIV, 4), toucheront d'abord. Et que
seront un jour, sur la terre nouvelle, ces
« montagnes de
l'éternité » vers
lesquelles David déjà élevait
les yeux et dont il attendait le secours.
En opposition avec les sommets lumineux
des montagnes, considérons maintenant les
mystérieuses profondeurs de la mer, qui
couvrait jadis la terre entière. On
s'étonne que Dieu ait étendu cette
nappe d'eau sur presque les trois quarts du globe
terrestre, destiné pourtant à servir
de lieu d'habitation au genre humain, alors qu'il
lui eût été facile de
créer un autre système d'irrigation
pour les continents. Mystère aussi que cette
population sous-marine, si nombreuse
et si prolifique
(Ps. CIV, 26, 29). Là,
à l'inverse de ce qui se passe sur la terre
ferme, des multitudes innombrables de plantes,
d'algues, les gracieuses et élégantes
diatomées, flottent et nagent sans racines
au gré des flots, tandis que des plateaux
entiers, des pays sous-marins sont formés et
couverts d'animaux enracinés, de polypes,
coraux, madrépores, éponges. Et, tout
au fond de la mer, là où ne
pénètre aucun son et aucun rayon de
lumière solaire, vit depuis des millions
d'années dans le silence, dans la nuit
perpétuelle un monde d'êtres, qui ne
sont pas là pour nous, et pour qui nous
n'existons pas ; d'infranchissables
barrières sépareront à jamais
ces êtres du monde de la surface et de
l'humanité.
C'est une puissance majestueuse que cet
océan qui respire sans trêve ni repos,
obéissant, par un éternel mouvement
de flux et de reflux, à l'attraction de la
lune et du soleil. « Aegir »,
disaient les Scandinaves de la mer souriante au
soleil, « est fort comme un géant
et gai comme un enfant ; mais la
méchante Bau, sa femme, prend les hommes au
filet et les noie dans ses
abîmes. » Une fois, du temps de
Noé, cette mer insatiable engloutit la race
humaine et le monde animal presque tout entier,
comme, plus tard, la Mer Rouge submergea Pharaon
avec son armée et ses chariots. Et combien
de navires disparaissent chaque année avec
leurs équipages sous les flots avides !
Combien de trésors, d'épaves de
navires de guerre et de canons, de barques de
pêcheurs avec leurs
équipages, gisent au fond
de la mer, et combien y descendent
continuellement ! On compte annuellement 700
naufrages dans les mers d'Angleterre
seulement.
Les montagnes, avons-nous dit,
symbolisent l'élévation de
l'âme vers la lumière divine ; la
mer, par contre, avec ses noirs abîmes est
l'image des sombres profondeurs du coeur
angoissé, pour lequel le soleil de la
grâce ne luit plus, qui s'écrie avec
Jonas : « Tu m'as jeté au
profond de la mer et le courant m'a
environné ; tous tes flots et toutes
tes vagues ont passé sur moi. »
(Jon. II, 4.) Notre Sauveur a connu
l'élévation et est descendu dans la
profondeur. D'abord transfiguré sur le
sommet lumineux de l'Hermon avec Moïse et Elie
en présence de ses trois disciples, il est
ensuite descendu dans l'abîme de la mort et
du sépulcre, selon la prédiction
qu'Il en avait faite lui-même :
« Comme Jonas fut dans le ventre du
poisson trois jours et trois nuits, ainsi le Fils
de l'homme sera dans le sein de la terre trois
jours et trois nuits ».
Un jour viendra où les choses les
plus cachées, où tous les secrets
seront dévoilés devant le grand
trône blanc ; alors la mer aussi rendra
sa proie, rejettera ses morts, et les millions
d'êtres que fit périr le
déluge, et Pharaon et ses guerriers, et tant
d'autres légions, que les flots ont
englouties depuis des siècles,
reparaîtront avec leurs oeuvres et leurs
péchés pour être jugés
au tribunal de Dieu.
Cependant sur la terre nouvelle que nous
attendons, il n'y aura plus de place pour la mer
(Apoc. XXI, 1) ; partout
habiteront les bienheureux.
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