MARTIN
NIEMÖLLER
AVANT-PROPOS
MARTIN
NIEMÖLLER
PASTEUR
À BERLIN-DAHLEM
Le nom du pasteur Martin Niemöller est
universellement connu. L'absolue loyauté de
son ministère pastoral, le rôle qu'il
a été appelé à jouer
dans la lutte imposée depuis cinq ans
à la fraction évangélique de
l'Eglise protestante d'Allemagne, lui ont valu
l'inimitié des dirigeants du IIIe Reich et
de ceux qui, dans l'Eglise même,
hélas ! ont pactisé avec
l'apostasie. La conséquence en fut neuf mois
de prison préventive. Mais, dans son
jugement, le tribunal ne retint aucune des
principales accusations portées contre lui
et, tout en lui infligeant une amende,
prononça sa libération.
Néanmoins, contre toute justice, la Gestapo
s'empara de sa personne pour l'envoyer dans un camp
de concentration où il est encore et
d'où nul ne sait s'il sortira jamais.
Cette mesure, qui se passe de commentaires,
a soulevé dans le monde entier une vague de
sympathie pour le vaillant pasteur. Il importe
cependant, pour rester dans la ligne de
Niemöller, de ne pas faire de lui un
héros de je ne sais quelle liberté de
pensée ni d'invoquer en sa faveur ce que
certains ont appelé « les droits
de l'homme », Martin Niemöller ne
connaît que les droits de Dieu. Il n'entend
pas être glorifié comme un
héros. Il est et ne veut être autre
chose qu'un témoin fidèle de la
Parole de Dieu en face de ceux qui la falsifient au
profit d'intérêts politiques et
humains. Sa longue souffrance, qu'il supporte avec
foi et patience, est un impressionnant
témoignage, gênant pour les uns,
encourageant pour les autres. Il est un
appel, une question posée
à tous ceux qui se disent chrétiens,
à l'Eglise chrétienne tout
entière, en même temps qu'un solennel
avertissement.
C'est pourquoi, considérant que cela
concerne les chrétiens de langue
française aussi bien que les autres, nous
avons entrepris la traduction de cette publication
dont les éditions allemande, anglaise et
danoise ont eu un grand retentissement.
Pour autant que les exigences linguistiques
du français l'ont permis, nous avons
respecté la manière originale dont
l'auteur a brossé le portrait de Martin
Niemöller. Mais nous devons au lecteur
quelques explications de termes qui n'ont pas tout
à fait le même sens en français
qu'en allemand et qui risquent de prêter
à malentendus.
C'est le cas, par exemple, de la
désignation de la fraction de l'Eglise
protestante allemande qui a refusé de se
laisser embrigader. Elle s'appelle la
Bekenntniskirche ou bekennende Kirche, terme qu'on
traduit ordinairement par « Église
confessionnelle » et que nous avons rendu
par « Église
confessante ». Il ne s'agit pas, comme,
on le croit parfois, d'une Église
particulière, à côté de
l'Eglise protestante officielle, mais d'une
importante fraction de celle-ci, qui s'est vu
obligée de défendre les droits
constitutionnels et spirituels de l'Eglise contre
l'arbitraire des prétentions totalitaires du
nouveau régime et qui, de ce fait, est
l'objet de vexations allant parfois jusqu'aux
persécutions. Pour justifier sa position,
elle se fonde sur les « Confessions de
foi » par quoi l'Eglise de la
Réformation a formulé sa doctrine, en
opposition à l'autre fraction de l'Eglise
qui, les ayant de plus en plus oubliées se
trouve exposée aux plus dangereuses
altérations de la foi chrétienne et
qui, dans le cas particulier, se laisse envahir par
la mystique néo-païenne du
nazisme.
On voudra aussi se souvenir que le terme de
Deutsche Christen ou
« Chrétiens-Allemands »
a pris un sens très précis et ne
s'applique qu'au parti des Nazis de l'Eglise
protestante d'Allemagne, qui ont voulu
l'entière adaptation de l'Eglise aux
doctrines, aux principes et aux formes du
national-socialisme.
Il ne nous reste qu'à souhaiter
à ces pages, écrites et traduites
dans la plus étroite communion d'esprit et
de foi avec Martin Niemöller et l'Eglise
confessante, d'étendre l'action
exercée par le témoignage de cette
vie consacrée et de cette souffrance
acceptée pour glorifier Christ, le seul
Seigneur.
Genève, octobre 1938.
Le traducteur
Émile MARION,
pasteur.
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