Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE VEILLEUR SUR LA TOUR



LE DRAME DE CAÏN

Yahvé dit à Caïn : « Pourquoi es-tu irrité ? Pourquoi baisses tu la tête ?... Si tu agis bien, tu pourras lever librement la tête. Si tu n'agis pas bien, le péché est là, tapi en embuscade à ta porte, et son désir va vers toi ; mais toi, domine sur lui. »
(Genèse 4 : 6-7.)

Ce texte prophétique nous transporte au temps de la plus lointaine humanité, mais il fait allusion à des réalités psychologiques qui sont de tous les temps.
Nous sommes à l'époque obscure où l'homme primitif découvre le secret du feu et dispute sa nourriture aux grands fauves de la forêt.

Caïn, le laboureur, a eu le coeur mordu par la jalousie "en voyant le feu du ciel consumer l'offrande" que son frère Abel, le berger, avait faite des premiers-nés du troupeau, tandis que ses gerbes à lui, prémices de ses récoltes, demeuraient intactes sur l'autel de pierre brute que vainement il avait construit. Il en veut à son frère d'être ainsi l'objet d'une marque de préférence de la part de la Divinité. Sombre, il remâche sa déception. Peu à peu, sa jalousie se tourne en haine ; et cette haine, s'il n'y prend garde, va le pousser au meurtre.

C'est alors que Yahvé lui fait entendre un suprême avertissement.

Le moment auquel se rapporte notre texte est dans l'histoire de Caïn le moment décisif. C'est l'heure où l'homme qui est sur le point de commettre un acte irréparable éprouve une suprême hésitation. Il hésite, donc il est encore libre, il peut ne pas perpétrer cette faute qui fera de lui un criminel. Criminel, il l'est sans doute déjà en pensée, mais il y a un abîme entre la pensée et l'acte.

Et il faut à tout prix empêcher la pensée de se transformer en acte.

Mais est-ce bien sûr, cela ? N'y a-t-il pas des cas où une sage thérapeutique de l'âme consiste à laisser l'intention mauvaise passer à l'acte et s'épuiser en quelque sorte en lui ? Les théosophes parfois l'ont dit, et cette doctrine n'est pas sans exercer quelque ascendant sur la faiblesse humaine. Elle est dangereuse par là même, de plus elle est contraire à toutes les données de l'expérience. Non, il n'est pas vrai que l'âme ait besoin d'une soupape de sûreté comme celle-là, et qu'il faille, pour empêcher les déchéances irrémédiables, donner des issues de ce genre aux pensées coupables. Céder à l'entraînement du mal, c'est se forger des chaînes que l'on ne pourra plus rompre. L'acte consommé crée une habitude, il s'inscrit dans la chair et le sang de celui qui l'a accompli. Il ne s'agit plus d'une pensée fugitive ; et le soulagement temporaire que peut éprouver celui qui s'est abandonné à la passion fait place très vite à un renouvellement de l'attraction mauvaise, dont l'intensité va croissant en raison même des défaites subies. Il y a un abîme entre la pensée et l'acte.

Ceci ne signifie point que la pensée ne soit pas condamnable. Elle l'est de façon générale, étant déjà un commencement d'action. C'est pourquoi l'Évangile nous dit : « Celui qui hait son frère est un meurtrier. » L'homme qui hait a envisagé la possibilité de l'acte criminel. S'il n'est pas allé jusqu'au bout, c'est peut-être le fait des circonstances plus que de sa propre volonté. Devant Dieu, il est déjà coupable, et c'est cette culpabilité intérieure qui constitue proprement le péché. Pourtant, il s'en faut que la pensée ait les mêmes conséquences terribles que l'acte. Et je ne songe pas seulement aux conséquences sociales ; je dis que la pensée ne laisse pas les mêmes traces dans l'âme, qu'elle n'y produit pas les mêmes déchéances.

Mais surtout, on n'est pas nécessairement responsable d'une pensée mauvaise. Certes, les consciences délicates ne font guère de différence entre la pensée et l'action. Elles mettent parfois à s'accuser d'une pensée mauvaise autant de rigueur que d'autres à s'accuser d'un acte coupable. Mais la pensée est souvent le résultat du milieu ou de l'hérédité. Par rapport à la personnalité, elle procède en quelque façon du dehors, elle ne souille pas nécessairement l'âme. Voyez les tentations du Christ : elles ne le diminuent pas, car elles lui sont comme imposées du dehors sans que son âme sainte y adhère. « La pensée, dit le dicton populaire, on n'y peut rien », et il y a quelque vérité dans ce dicton.

Il ne faut pas croire que tout soit perdu parce qu'il a surgi dans l'âme telle ou telle pensée dont on a honte.

Mais la culpabilité proprement dite commence dès qu'on se complaît dans cette pensée. Or, entre la pensée qui ne fait que longer le seuil de l'esprit et la pensée que l'on accueille, l'intervalle est très vite franchi.

Voyez Caïn. Son attitude est déjà la preuve que le péché a commencé de s'emparer de son âme. « Pourquoi baisses-tu la tête ? » demande Yahvé. S'il baisse la tête, c'est qu'il s'absorbe dans un rêve sanglant. L'esprit de meurtre est en lui ; et, loin de le chasser, il savoure sa haine. Il se complaît dans une vision de vengeance. Ce ne sont encore que des images ; mais elles vont exercer sur lui un attrait qui, l'occasion venue, déclenchera le geste criminel.

À ce moment, toutefois, la conscience parle. La voix de Dieu lui montre le péché qui est là, tapi à sa porte, pareil à un fauve qui se rase le long du sol avant de bondir sur sa proie : « Son désir va vers toi ; mais toi, domine sur lui. »

Caïn n'a pas écouté la voix de Yahvé. Le pouvait-il ? Est-il possible d'empêcher la pensée coupable de se transformer en acte ? Ou bien l'homme serait-il enfermé à tout jamais dans cette geôle de l'hérédité que décrit un romancier ? Le « matérialisme médical » considère qu'il est parfaitement vain de prétendre se soustraire aux influences héréditaires. Il ne croit pas que l'on puisse guérir de certaines maladies de l'âme. Longtemps, peut-être, le pécheur - qui n'était qu'un malade - luttera contre l'obsession. Il finira par succomber. C'est écrit, non pas au livre d'une Destinée au coeur d'airain, mais dans les circonvolutions du cerveau de l'homme.

Et ce qu'il y a de curieux, c'est que les matérialistes dont je parle trouvent des alliés parmi tout ce que l'humanité compte de saints, c'est-à-dire d'hommes libres au sens le plus élevé du mot. Ceux-ci condamnent l'homme naturel à l'esclavage tout comme les autres. Saint Augustin n'a pas cru à la liberté, les réformateurs n'y ont pas cru. Les plus grands parmi les serviteurs de Jésus-Christ ont affirmé que l'homme était né dans la corruption, enclin au mal, incapable par lui-même de faire le bien. Et nous le redisons avec eux tous les dimanches.

Cependant, il ne faut pas qu'il y ait à cet égard de malentendu. Ces contempteurs de la nature humaine ne la condamnent que pour exalter l'action de la grâce. Ils croient que ce qui est impossible aux seules forces de l'homme est possible à la grâce de Dieu ; et, lorsqu'ils abaissent l'homme, c'est pour l'empêcher de se croire libre sans le secours d'En-Haut.

Il va sans dire que nous ne songerons pas, en affirmant la liberté humaine, à affaiblir le rôle de la grâce. C'est elle qui avertit, c'est elle qui ouvre les yeux de l'homme et lui fait voir sa misère ; c'est elle qui lui montre le fauve tapi à sa porte, c'est elle qui lui donnera la force de le dominer. Tout ce qui, en nous, est victoire sur le mal, résulte, en fin de compte, de la grâce.
Mais il est sûr que la liberté est un postulat de la morale en ce sens, qu'elle apparaît comme la condition de la responsabilité et que, sans responsabilité, on ne voit pas comment la vie morale serait possible.
Et il est non moins certain que l'Évangile ne croit pas à la fatalité du mal. Rien ne nous donne de l'humanité une idée plus haute que l'Évangile, et c'est une morale de maîtres, c'est la morale des forts, bien loin que ce soit une morale d'esclaves.

L'Évangile croit à la victoire. Le matérialisme ne peut pas y croire. Et c'est en vain qu'il recourt à des mensonges - à d'utiles mensonges - pour persuader les hommes de leur guérison et de leur liberté. L'Évangile, lui, n'a pas besoin de mentir pour affirmer la liberté et le salut de l'homme. Ce qu'il dit, il le fait.
Il affirme la possibilité de la guérison, de toutes les guérisons : « Va, dit-il à l'âme coupable, va, et ne pèche plus désormais. » À plus forte raison croit-il à la guérison de l'âme en qui le péché n'a pas encore passé de l'idée à l'acte. La guérison du pécheur est un miracle de la grâce, quand il y a eu chute. Il y a alors restauration de la volonté sous l'influence de la grâce. Mais la grâce agit aussi en se servant de la liberté humaine pour empêcher l'idée coupable de se réaliser.

L'homme n'est pas livré à une fatalité obscure. Tout être, même le plus déchu, est, je ne dirai pas un homme libre, mais un homme qui a des moments de liberté ; et ces moments de liberté suffisent à le constituer devant Dieu responsable de ses actes. Le tout est de savoir en profiter. Il est des instants où la porte de la geôle s'entre. Il n'y a qu'à la pousser pour qu'elle s'ouvre. Seulement, il faut saisir l'instant favorable, et profiter de ces trop rares moments où, des attractions contraires venant à s'entre-choquer, l'âme qu'elles se disputent à soudain la possibilité du choix.

Si nous disons cela d'un être qui est courbé déjà sous le poids des fatalités, nous le dirons plus encore de ceux qui sont à la fleur de l'âge, et qui, s'ils sentent déjà leur faiblesse, n'ont pas encore un boulet de forçat à traîner à travers la vie. je songe à nos catéchumènes. Nous leur disons qu'ils peuvent vaincre. Certes, ils le peuvent. Mais il faut qu'ils le veuillent aux heures où l'action de la grâce se manifeste en eux dans sa puissance, à cette époque privilégiée de la vie où l'Évangile apparaît à l'être jeune et qui n'a pas encore sur lui l'empreinte des souillures humaines, avec tout son éclat radieux. Il faut profiter des instants de liberté, - il n'y en a pas beaucoup dans une existence humaine, - pour s'évader de la geôle et pour accomplir les actes décisifs qui engageront l'homme dans la voie de l'obéissance en le marquant du sceau de Dieu.

L'homme n'est pas libre, mais il est appelé à la liberté. Il peut vaincre. Le fauve est là, dans l'ombre, prêt à bondir. La moindre hésitation peut être fatale. Il faut marcher sur lui en levant la tête, le fixer bien en face, comme font les dompteurs, et par la puissance magnétique du regard, le dominer. « Le péché est là, tapi en embuscade, à ta porte ; domine sur lui. »

Mais comment faire pour tenir tête au monstre et pour le vaincre ?
D'abord, nous l'avons dit, il ne faut pas baisser la tête.

La rêverie a son charme, mais c'est un charme dangereux. Qu'on y prenne garde. Il n'y a que des âmes très hautes qui puissent rêver impunément. Trop souvent, le mal profite de ces instants de relâche pour envahir insensiblement le champ de l'âme. L'idée mauvaise, qui n'avait fait d'abord que glisser à la surface, s'installe. Elle devient obsédante et l'âme se trouve vaincue sans le savoir, tel ce héros d'Israël qui, garrotté pendant son sommeil, se voit au réveil livré sans défense entre les mains des Philistins.
« Lève la tête », crie Yahvé à Caïn. Il faut vous arracher à votre songerie pour regarder le mal en face. À la rêverie inutile et déprimante, il s'agit de substituer l'action méthodique d'une volonté consciente de ses fins.

Vous disposez, pour combattre le fauve, de ce pouvoir merveilleux que l'on nomme l'attention. Le péché vous attire. Regardez-le bien. Dépouillez-le de tous ses prestiges, contemplez les conséquences de l'action lâche ou impure que vous êtes tenté de commettre.
Songez au mal que vous allez faire à d'autres, à votre propre dégradation, et demandez-vous si vraiment la chose en vaut la peine.

Ici, je m'adresse aux éducateurs et je leur dis : Ne craignez pas de dissiper le mystère dont le péché s'enveloppe aux regards de vos enfants, et qui fait son véritable danger. Ne craignez pas d'être brutal, il le faut parfois. Soufflez sur cette poésie de pacotille dont s'enveloppent les moins nobles des réalités, montrez à ceux dont vous avez charge devant Dieu la véritable physionomie de l'adversaire, pour qu'ils en prennent l'horreur.

« Une passion, a dit un moraliste, a besoin de l'intelligence pour se guider », et il compare cette association à celle du requin et du pilote qui le guide vers sa proie. Or, le requin est fort, mais le pilote est faible : c'est à lui qu'il faut s'attaquer. Qu'on se serve de l'intelligence pour affaiblir la passion. Il s'agit, par une analyse attentive, de disséquer en quelque sorte l'acte qu'on est tenté d'accomplir, de faire ressortir toute la vilenie qu'il implique, et la vanité profonde de la satisfaction que l'on pense en retirer. Si Caïn évoquait le remords et la honte qui seront la conséquence de son geste criminel, il pourrait être sauvé.

Ensuite, il faut se livrer à une seconde opération, qui complétera la première. Il s'agira de retirer notre attention à cet état d'âme dont nous ne voulons pas, à cet acte que nous avons mis en lambeaux par une dissection minutieuse et implacable, et de la concentrer sur l'état d'âme que nous voulons fortifier en nous. Il faudra opérer la cristallisation de nos idées et de nos sentiments autour de cet état d'âme, et y subordonner tout le reste.

On ne fonde rien sur des négations. À une attirance, il faut substituer une autre attirance ; à l'attirance du gouffre, l'attirance de la Croix.
Sous la puissance du regard du dompteur, le fauve recule. Mais d'où viendra au regard de l'homme, fixé sur les tentations qui sont tapies dans le subconscient, ce magnétisme souverain ?
Les éducateurs nous proposent des méthodes d'entraînement de la volonté. Pour nous, une seule méthode vaut, c'est la contemplation de Jésus-Christ.

Ce qui retient l'âme sur la pente où elle glisse, ce n'est pas seulement l'appréhension de la chute, et c'est bien autre chose que la pensée d'un idéal abstrait. C'est l'action personnelle de Jésus-Christ. Nous sommes en présence, non d'une solidarité unique, mais de deux solidarités, entre lesquelles nous pouvons choisir. Caïn n'avait sous les yeux que l'exemple d'Adam, qui avait succombé à la tentation. Comment pouvait-il vaincre ? Comment auraient-ils pu vaincre, ces enfants innombrables d'Adam qui, en se penchant sur le gouffre du passé, n'en ont entendu monter que l'appel déprimant des esclaves du mal, les invitant à les rejoindre au fond de l'abîme ? Mais nous, nous avons vu surgir devant nous, toute baignée de lumière, la figure du second Adam, vainqueur du mal, libérateur des hommes qui regardent à lui, fondateur d'une humanité nouvelle qui triomphe de l'épreuve où l'autre a succombé. Et quand nous nous penchons sur l'abîme du passé, ce n'est plus la voix de la désespérance humaine qui vers nous monte des profondeurs, c'est l'appel de cette humanité nouvelle en qui Jésus-Christ a vécu et qu'il a affranchie. Les victoires qu'il a remportées jadis dans l'âme de ses fidèles nous garantissent la nôtre. Il n'y a plus une seule humanité, esclave. Il y en a deux ; l'une esclave, l'autre libre. À laquelle voulez-vous appartenir ?

À qui se soumet à l'influence de Jésus-Christ, la victoire promise n'apparaît pas d'abord comme une pure joie, une béatitude sans mélange. Celui qui meurt sur la Croix nous invite à nous charger nous-mêmes de notre croix. C'est donc un appel au sacrifice et non à la joie qu'Il nous adresse en premier lieu, mais cet appel, comme on est heureux de l'avoir suivi !

Quand Daniel descendit dans la fosse aux lions, les fauves se couchèrent à ses pieds, car à ses côtés, il y avait l'ange de l'Éternel. Dans cette fosse aux lions qui est l'arrière-fond de votre âme, parmi les monstres impurs et féroces qui s'agitent dans l'ombre, vous pouvez descendre sans crainte, si vous y êtes accompagnés par la présence invisible de Celui qui veut être votre Sauveur. Avec Lui et par Lui vous triompherez de ces hérédités obscures qui vous menacent. Pour son disciple se réalise la grande promesse que, dès l'origine, il a faite aux siens : « Vous marcherez sur les serpents, sur les scorpions, sur toutes les forces de l'ennemi : rien ne pourra vous nuire. »

Vous aurez la victoire. Quelle douceur et quelle beauté dans ce mot de victoire ! La victoire qui est la libération, donc l'épanouissement de l'âme dans sa véritable destinée, la liberté par l'obéissance à Jésus-Christ, voilà le miracle, l'éternel miracle du christianisme. Il s'accomplira pour vous, si vous le voulez : « Si le Fils vous affranchit, est-il dit, vous serez véritablement libres. »


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