Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
REGARD
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Il est
écrit: TA PAROLE EST LA VERITE (Jean 17.17) Cela me suffit... |
LE
VEILLEUR SUR LA TOUR
|
Elle s'en alla, et s'assit
vis-à-vis, à la distance
d'une portée d'arc, car elle
disait : « Que je ne voie
pas mourir mon enfant ! »
Elle éleva la voix, et pleura. Et
Dieu entendit la voix de l'enfant. |
Les récits de l'Ancien Testament
qui se trouvent être les plus familiers
à nos mémoires sont apparemment ceux
dans lesquels les peuples voisins d'Israël
apparaissent sous un jour peu favorable. À
la lumière de ces récits, le monde
païen semble impur et hostile : ces
nations idolâtres, toujours acharnées
à tourmenter Israël, semblent former
une antithèse irréductible avec le
peuple de Dieu, comme s'il y avait dans le monde un
seul peuple élu, que Dieu aime, auquel il
réserve les marques de sa faveur, et qu'en
dehors de ce peuple, tout ne fût que
ténèbres. Le seul traitement qu'il
convienne d'infliger aux païens, c'est
l'interdit, c'est-à-dire
l'extermination.
Cependant, à examiner les choses
de plus près, il se découvre dans
l'histoire d'Israël, telle que l'ont
conçue les écrivains sacrés,
des intentions assez
différentes. Et je ne parle pas seulement de
cette haute philosophie de l'histoire qui fait des
nations païennes les instruments des desseins
de Dieu, philosophie qui se développe
magnifiquement dans la seconde partie du livre
d'Esaïe, : qu'il me suffise de rappeler
la parole fameuse :
« L'Éternel a dit de Cyrus :
il est mon berger. » Je parle aussi de
certains traits d'humanité qui se retrouvent
çà et là, semés par une
inspiration providentielle au long des
récits bibliques. Il y a des figures
accessoires qui n'appartiennent pas au
« peuple de Dieu » et qui
pourtant sont traitées avec amour :
Naaman le Syrien, la veuve de Sarepta. Les nations
païennes elles-mêmes sont
considérées parfois comme formant, au
même titre qu'Israël, l'objet de l'amour
divin. Cette intuition si élevée est
celle de plusieurs prophètes :
« N'ai-je pas fait sortir Israël du
pays d'Égypte ? »
s'écrie Yahvé par la voix d'Amos,
« comme j'ai fait sortir les Philistins
de Caphtor et les Araméens de
Kir ? » Mais il y a plus : la
même tendance est très sensible
déjà dans ces traditions relatives
aux origines des races, que le livre de la
Genèse nous rapporte. Ici, nous voyons les
ancêtres d'Israël entretenir des
rapports étroits avec ceux des
Araméens de Mésopotamie : c'est
l'histoire du mariage d'Isaac. De même, dans
l'épisode que nous venons
de lire, les origines du peuple ismaélite
sont exposées avec une visible
sympathie.
Ismaël, c'est l'ancêtre des
nomades, de ces bédouins du désert,
race inquiète, aventureuse, pillarde,
« toujours sur le dos de ses
voisins », suivant l'expression
pittoresque de la Genèse. Race qui, n'ayant
jamais su s'organiser, n'ayant même jamais eu
l'ambition d'être sédentaire, a
été moins dangereuse pour Israël
que les peuples d'Ammon et de Moab. De plus, le
nomade conserve, jusque dans ses pires brigandages,
quelque chose de chevaleresque,
d'héroïque même, une certaine
espèce de grandeur d'âme qui
séduit. Ces peuples du désert n'ont
jamais poussé le paganisme jusqu'au
degré de complication dans l'idolâtrie
où il atteignit chez les Cananéens.
Tout en adorant la puissance divine dans les
sources, dans les arbres sacrés et surtout
dans les pierres, ils ont gardé, à
l'état vague tout au moins, la croyance en
un Dieu qui domine les choses : en somme, une
forme de religion assez semblable à ce culte
de l'Être Suprême que nous voyons
survivre, de nos jours, dans l'âme de
ceux-là même qui ont rompu avec les
religions positives ; et cette foi
élémentaire a été
entretenue sans doute par l'habitude de la vie
errante, dans la steppe infinie, sous
l'immensité des cieux.
Ainsi s'explique la prédilection
particulière que le vieux récit de la
Genèse semble témoigner à
Ismaël, soit qu'il montre cet ancêtre
d'un peuple ombrageux et fier jouant avec
l'héritier d'Abraham, et le traitant
d'égal à égal ; soit
qu'il nous fasse entrevoir, au moment où
Sara invite son mari à chasser le fils de
l'étrangère, que ce malheur sera pour
Ismaël une source de
bénédictions. Il n'est pas le fils de
la promesse, mais il héritera pourtant
quelque chose de grand : l'espace
illimité, la liberté, qui ne se
trouve qu'au désert ; il sera le
père d'un peuple qui gagnera sa vie avec son
épée.
Malgré ces perspectives d'avenir,
il faut le reconnaître, l'expulsion d'Agar et
de son fils a quelque chose de pénible. Si
l'on entreprend de juger cette histoire à la
lumière de nos expériences
religieuses et de nos exigences morales, il est
difficile de ne pas être
étonné. Ce sont ces
étonnements-là qui nous perdent. Nous
commençons par poser comme un axiome que
tout ce que la Bible nous raconte est propre
à nous servir d'exemple ; et, en
même temps, nous n'arrivons pas à
imposer silence aux protestations de notre
conscience en face de faits qui la troublent. Il y
a là une contradiction douloureuse,
où la foi de plus d'un a sombré.
Mettons-nous donc dans l'esprit, une fois pour
toutes, qu'il s'est fait un progrès dans la
conscience humaine ; que Dieu, pour
élever l'humanité
jusqu'à lui, a dû s'abaisser
jusqu'à elle ; qu'il a consentie, par
un effet de son amour, à lui parler le
langage qu'elle pouvait comprendre ; qu'il a
dû tolérer de voir sa pensée
incomprise et sa volonté
méconnue ; et qu'à ce prix, en
éclairant par degrés la conscience
israélite, il l'a préparée
à recevoir l'Évangile.
N'oublions pas que l'histoire
d'Israël, si belle et si salutaire qu'elle
soit, n'est encore que l'histoire de la
préparation du salut ; qu'ainsi, c'est
faire fausse route que d'appliquer aux héros
de la Genèse, situés au début
d'une évolution qui a mis bien des
siècles pour aboutir à
l'Évangile, les exigences de la conscience
chrétienne. Soyons heureux que Dieu ait
parlé à la conscience d'Israël.
Dans ces expériences religieuses des hommes
d'autrefois, approprions nous pieusement ce qui est
éternellement vrai, et digne d'être
imité, Ne nous laissons jamais
entraîner à dire que, si certains
récits de l'Ancien Testament sont en conflit
avec notre sens moral, c'est que Dieu n'est pas
présent dans ce livre où nos
pères ont puisé tant de force. Notre
Dieu, le Dieu de l'Évangile, apparaît
dans l'Ancien Testament. Parfois, il y est
voilé, et c'est le fait de l'ignorance ou de
la corruption humaines ; mais parfois, il y
apparaît sans voiles. Alors, nous sommes
transportés d'un coup au niveau de
l'Évangile ; et ce que l'Ancien
Testament nous apprend est
véritablement divin. Or, l'Esprit, que Dieu
donne à ses croyants, connaît ce qui
est de l'Esprit.
C'est ainsi que, dans l'épisode
que nous venons de lire, nous retrouvons cette
double manifestation de Dieu. Il apparaît
d'abord voilé, dans la conscience du
patriarche qui se persuade qu'il accomplit la
volonté de Dieu en renvoyant
Ismaël ; ensuite, sans voiles, comme nous
le connaissons aujourd'hui. Tel nous allons le
trouver dans l'histoire d'Agar au
désert.
Suivons donc la pauvre esclave errante
à travers la solitude. Elle s'en va au
hasard. Elle a quitté l'oasis bénie
où, sous les chênes et les palmiers,
Ismaël jouait, si insouciant, si heureux.
Maintenant, c'est la fin du rêve. Tout ce
bonheur passé est évanoui,
irréparablement. Et elle va devant elle,
sans trop savoir où ses pas la conduisent,
comme ceux qui marchent dans un songe.
Bientôt, elle se trouve en plein
désert, sur ce plateau aride de
Béerséba où croît une
herbe rare, parmi le sable et les cailloux. Pas
d'ombre : rien que quelques broussailles
épineuses, genêts ou lentisques du
désert. Abraham lui a donné pour le
voyage un pain et une outre pleine d'eau ;
mais ces maigres provisions ne tardent pas à
être épuisées. La fatigue
vient ; la chaleur est devenue
accablante ; la soif s'éveille, la
soif qui torture ; et il
faut marcher, marcher toujours, sans savoir
où l'on va, sous le soleil brûlant,
sans un souffle d'air. À perte de vue se
déroule l'étendue grise. Agar
rebrousse chemin, puis elle revient sur ses pas.
Les forces de l'enfant déclinent : il
n'en peut plus. Alors, Agar, se rendant compte
qu'il n'y a plus rien à faire, étend
le petit Ismaël à l'ombre maigre d'un
buisson, et s'éloigne à une
portée d'arc, pour ne pas voir mourir son
enfant. Là, elle se laisse tomber, elle
aussi, sur le sable, et elle jette en pleurant un
cri d'appel, un cri désespéré.
À quoi bon ! Dans l'immense
étendue désertique et morne, qui donc
entendra la voix d'une mère, appelant au
secours de son enfant ? Et si même il
passait une caravane dans le voisinage, qui donc
aurait pitié d'une esclave, ignominieusement
chassée ?
Cependant, il en est un qui a entendu le
cri de la pauvre mère. Les hommes n'ont pas
eu pitié d'elle : ils l'ont
jetée au désert. Lui, il a
pitié. Des hauteurs de son sanctuaire, du
fond de sa gloire infinie, il a entendu la voix
d'Ismaël mourant, Lui, le Dieu d'Israël,
qui est aussi le Dieu de toute l'humanité.
Dieu n'est pas seulement auprès d'Abraham le
juste, dans la chênaie de Mamré. Il
est dans le désert de
Béerséba, auprès d'Agar,
l'esclave païenne. Il y a dans le coeur des
hommes des préférences et des oublis.
Les hommes sont exclusifs dans
leurs affections. C'est qu'ils ne savent pas aimer
véritablement. Dieu n'est pas exclusif. Il
ne limite pas son amour à un seul peuple.
S'il donne à Israël des lumières
spéciales, c'est pour le salut du monde. Il
bénira Isaac, l'enfant de la promesse, mais
il sauve Ismaël. Il entend le cri de toutes
les mères et le cri de tous les
enfants.
Sa voix retentit dans le coeur d'Agar.
Il lui dit les paroles qui calment et qui
rassurent. Agar comprend qu'elle n'est pas seule,
que Dieu est avec elle, qu'il réserve son
fils pour un grand avenir ; qu'il faut se
ressaisir et se dominer. Elle reprend
courage ; elle essuie ses larmes. Elle se
lève. Elle se sent forte désormais,
prête à tout braver, puisque Dieu a
entendu la voix de son enfant. Elle regarde autour
d'elle ; et voici, à ses pieds, il y a
une source. Tout à l'heure ses larmes
l'aveuglaient, son coeur était trop
désespéré : elle ne
voyait rien. Dieu a entendu sa plainte, il a vu ses
larmes. Il lui a ouvert les yeux. Il lui a rendu la
clairvoyance, la possession
d'elle-même ; et maintenant,
Ismaël, est sauvé. Vite, elle remplit
l'outre vide, elle la porte à son fils.
Rafraîchis, reposés, la mère et
l'enfant, la main dans la main, vont reprendre leur
route : ils franchiront les espaces
déserts ; ils arriveront en quelque
oasis hospitalière. Là, Ismaël
sera recueilli, nourri, élevé, il
grandira dans ces terres
sauvages ; il deviendra
tireur d'arc, et il sera le père d'un grand
peuple.
Ce récit n'est pas seulement une
des pages les plus touchantes de cette
« histoire sainte » qui en
contient de si belles. Il est merveilleusement
propre à nous faire sentir l'amour de Dieu,
et à nous faire voir comment sa
présence se manifeste dans notre vie.
L'homme vulgaire ne voit pas les
interventions de Dieu. Pour lui, ces
événements que nous appelons, nous,
des exaucements et des délivrances, n'ont
rien que de naturel. Supposez qu'une scène
comme celle de Béerséba ait un
spectateur : il n'y trouvera rien
d'extraordinaire. Une mère qui,
réduite au désespoir par
l'état misérable où elle voit
son enfant, aperçoit soudain une source que
sa douleur l'avait jusqu'alors
empêchée de voir : qu'y a-t-il
à cela de miraculeux ? Et cependant, la
mère sait bien, elle, que si elle a vu la
source et sauvé son enfant, c'est que Dieu
est intervenu. Ainsi se produisent les miracles de
Dieu dont notre vie contemporaine est toute
semée.
Pour qu'il y ait miracle, il n'est pas
nécessaire qu'il se produise dans le monde
de grands bouleversements. Il y a des
événements qui se passent d'une
façon tout à fait normale et qui n'en
sont pas moins des miracles, de grands miracles,
parce que ceux qui y sont mêlés y ont
senti l'intervention de Dieu. Et de ces miracles,
il s'en fait tous les jours. Dieu
choisit les voies naturelles, qui répondent
à sa volonté générale,
pour venir en aide à ses enfants.
Combien d'âmes, aujourd'hui, sont
au désert ! C'est chose effrayante de
penser qu'il y en a des milliers et des milliers
qu'on laisse mourir de soif. Mais parmi ces
âmes, il s'en trouve une de temps à
autre qui, du fond de sa détresse, jette
vers Dieu - ce Dieu qu'elle a ignoré
jusqu'ici - un cri d'appel. Alors, le miracle
d'Agar se renouvelle : la source est
là.
Il arrive qu'on s'engage à
l'aventure dans le désert du doute. On erre
longtemps, on lutte, on cherche, et finalement on
sent que tout est fini. La foi est vaincue, la
force morale est anéantie ;
l'Idéal défaille ; l'âme
est angoissée ; elle va mourir. Mais
voici qu'elle jette au ciel, dans un suprême
effort, un appel
désespéré ; et Dieu
entend la supplication de son enfant. Il lui fait
voir la source, la source qui était
là, mais qu'il ignorait, l'eau murmurante
qui jaillit dans le désert de l'âme.
Ce douteur a relu l'Évangile ; et, pour
la première fois, il en a compris la
divinité. Ces pages, jusqu'alors parcourues
d'un regard distrait, ont pris à ses yeux
une valeur singulière. En les lisant, il a
vu clair, il a repris confiance ; la paix est
rentrée dans son âme : il s'est
relevé avec des forces nouvelles pour
affronter la lutte.
Vous étiez plongé dans le
deuil. Les hommes, voyant que vous souffriez,
avaient fait le désert autour de vous. Tout
au plus vous avaient-ils laissé, pour
affronter la solitude, un pain et une outre
d'eau : leur sympathie mesure ses dons
parcimonieusement, et quand la maigre ration
qu'elle dispense est épuisée, il
serait vain de compter sur quelque chose de plus.
Aussi n'espériez-vous plus rien de la vie
qui vous avait frappé dans vos affections
les plus chères et les plus douces.
Cependant, vous avez prié, vous avez
appelé à votre aide le Dieu de
consolation ; et voici qu'une étrange
assurance a raffermi votre coeur. Le voile que les
larmes mettaient sur vos yeux a disparu. Vous avez
vu la source. Était-ce quelque affection, de
celles qu'on ignore parce qu'elles sont
discrètes : quelqu'une de ces
sympathies qui soulagent parce qu'on les sent
durables, et qui aident à faire le
chemin ? N'était-ce pas plutôt
Dieu lui-même qui venait au secours de son
enfant, et qui, en le soutenant de sa force divine,
lui faisait entrevoir l'oasis éternelle, but
du pèlerinage terrestre ?
Parfois, on plie sous le poids des
soucis matériels, on ne sait plus que faire,
on est à bout de forces ; tout
désir de vivre est aboli, on voudrait
mourir. Alors, on appelle Dieu à l'aide.
L'homme qui, jadis, orgueilleux de sa
force ne comptait que sur
lui-même, jette un cri
désespéré ; et soudain,
il se sent plus fort qu'il n'a jamais
été : l'esprit libre et clair,
la volonté ferme, le coeur confiant. Il voit
ce qu'il y a à faire, et il le fait ;
il surmonte l'obstacle. Car Dieu ne supprime pas
l'obstacle, il ne change pas la solitude en un
jardin fertile, mais il donne à l'âme
qui se réfugie en lui la force de traverser
le désert.
La source est toujours là, mais
il faut la chercher. C'est l'oeuvre de la
prière. Par elle, nous devenons forts et
clairvoyants. Opprimée par la vie,
l'âme se ressaisit en Dieu. Quand elle rentre
en elle-même, elle domine les choses. C'est
en nous qu'il faut chercher Dieu. Quand nous
l'aurons retrouvé au fond de notre
âme, nous irons au combat avec la confiance
qui fait les victorieux. Livrés à
nous-mêmes, nous défaillons, mais la
source n'est pas loin. Nous en avons pour garant
Celui qui a dit : « Si quelqu'un a
soif, qu'il vienne à moi et qu'il
boive », et qui, ayant dit cela, a
désaltéré, de
génération en
génération, la soif des âmes,
en leur donnant l'eau vive, celle qui calme
l'inquiétude humaine pour
l'éternité.
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