Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE VEILLEUR SUR LA TOUR



L'HOMME AUX PRISES AVEC LE MYSTÈRE

Je ne te laisserai pas aller, que tu ne m'aies béni.
(Genèse 32: 26.)

L'épisode d'où cette parole est tirée fait partie des plus anciennes traditions d'Israël. Il nous transporte dans ces temps obscurs où la terre et le ciel se confondent, et où l'homme est aux prises, à tout instant, avec le mystère qui l'environne.

Le héros national d'Israël, l'ancêtre en qui la race juive, dans ses petitesses comme dans ses grandeurs, se reconnaît le mieux, Jacob, est parvenu au tournant de sa destinée. Il y a ainsi dans toute existence, une heure décisive, une crise à laquelle tout le passé aboutit, de laquelle tout l'avenir dépend.

Heure d'angoisse ! Dans la lutte pour la vie, cet homme a toujours vaincu. Il s'en revient au pays natal, - d'où il s'est enfui pauvre et seul il y a de longues années, - entouré de sa nombreuse famille et d'un peuple de serviteurs qui poussent devant eux d'innombrables troupeaux. Cependant, voici que des messagers, qu'il a envoyés pour préparer son retour, lui annoncent que son frère Ésaü s'est mis en marche pour aller à sa rencontre avec quatre cents guerriers. Cet appareil militaire atteste chez l'aîné, qu'il a dépossédé jadis de la bénédiction paternelle, des intentions de vengeance. Alors Jacob recourt une fois de plus à un de ces stratagèmes que lui suggère son inépuisable fertilité d'esprit. Il envoie à Ésaü un magnifique tribut : deux cents chèvres et vingt boucs, deux cents brebis et vingt béliers, trente chameaux avec leurs petits, quarante vaches et dix taureaux, vingt ânesses et dix ânons. Il compte que tous ces troupeaux, savamment échelonnés le long de la route, apaiseront par degrés la colère fraternelle. Puis il fait franchir de nuit au restant de ses troupeaux le torrent de Jabbok, afin de n'être pas surpris en plein passage ; il fait passer également ses femmes et ses enfants, et il reste seul sur la rive opposée, pour se recueillir en face du péril.

C'est alors qu'il se voit assailli par un être mystérieux qui lutte avec lui dans les ténèbres. Contre cet adversaire surhumain, il déploie une force surhumaine. Meurtri, blessé, il l'étreint néanmoins à pleins bras ; et l'inconnu, qui étouffe dans l'étreinte de ses muscles d'acier et qui voudrait bien, fantôme de la nuit, disparaître avant l'aurore, lui dit vainement : « Laisse-moi : déjà le jour se lève... » « je ne te laisserai pas aller, répond Jacob, que tu ne m'aies béni ! »
Il le somme de dire son nom. L'inconnu refuse. Mais il bénit Jacob, qui le laisse aller. Et à ce moment, le soleil se lève.

Que de pressentiments, que de réminiscences s'éveillent dans nos coeurs à l'appel de cette antique histoire, et comme on comprend que l'âme moderne, si fière d'elle-même et jalouse de son indépendance, si ambitieuse de conquérir sur le mystère sa liberté, et de se mesurer avec l'Inconnu. dans une lutte où elle le forcera à se révéler, comme on comprend que l'âme moderne se retrouve dans cette page de la Genèse où il semble que soit décrit son propre drame !
Mais à vrai dire, ce drame est surtout celui de l'âme croyante. Jacob dit à l'Inconnu : « Je ne te laisserai pas aller, que tu ne m'aies béni. » Ceux qui nient le mystère, ne sauraient se réclamer de son exemple, mais ceux-là seulement qui, croyant au mystère, s'efforcent de lui arracher une bénédiction. « Dis-moi quel est ton nom ! » s'écrie le patriarche. L'Inconnu n'a pas dit son nom. Il a fait mieux que de le dire : il a béni l'homme pour son effort ; et Jacob, avec cette bénédiction, ira sans peur à la rencontre du péril : dans la lutte de la vie il est désormais assuré de vaincre, lui qui a lutté avec Dieu et qui a été plus fort que Dieu.

Lutter avec Dieu, c'est votre destinée, mes frères : il faut l'accepter résolument.

Je voudrais que nous considérions ensemble le point de départ de cette lutte, son développement, et enfin, le terme glorieux auquel elle aboutit.
La lutte de Jacob a son origine dans un sentiment, je ne dis pas de la faiblesse humaine, mais de l'impuissance où l'homme se trouve à triompher par lui-même des résistances que la vie lui oppose.

Pour vaincre dans la lutte pour la vie, vous aviez compté sur votre force, sur votre intelligence, sur votre volonté. Cependant, vous vous êtes aperçu que rien de tout cela ne suffisait, que vous étiez dans une impasse, et que, devant vous, c'était la défaite avouée, la faillite de vos rêves, de votre idéal, de tout ce qui, à vos yeux, valait la peine d'être poursuivi. Vous alliez être vaincu. C'est alors que vous vous êtes retourné vers ce mystère dont vous, homme de réalisations que vous étiez, vous aviez cru pouvoir vous passer. Dans un effort désespéré, vous vous êtes efforcé de lui arracher sa bénédiction. Il vous la fallait : c'était une nécessité vitale.

Je ne dis pas qu'il n'y ait pas d'autres chemins qui mènent à la foi : je dis que celui-ci en est un. S'il y a un si grand nombre de nos contemporains (je ne songe point à la foule, toujours esclave de ses appétits et de ses rancunes, mais à l'élite), qui reviennent à la religion de leur enfance, c'est qu'ils se rendent compte que, si Dieu ne leur vient en aide, ils n'ont plus d'autre perspective que celle de la faillite morale.
Et certes, je comprends que parmi eux, il y en ait qui demandent à une religion de passivité et d'obéissance de leur assurer la paix de l'âme. Je comprends qu'il y en ait qui, revenus des vains efforts et des stériles combats, après avoir, au temps de leur jeunesse, réclamé la lutte, n'aspirent plus qu'à la paix. Barrès l'a dit noblement : « je connais la stérilité de ces luttes, de ces heurts où s'absorbe la jeunesse, et qui ne valent qu'autant qu'une étroite union les termine ; je sais que, pour progresser, il faut... trouver le rythme universel, cesser de s'opposer, retrouver l'unité dont nous sommes issus, où nous devons rentrer... L'enthousiasme qui me disposait à une vie dangereuse se résout en une nostalgique aspiration à l'harmonie. »
Cette aspiration est légitime. Mais elle ne sera satisfaite, je dis pleinement satisfaite, que dans l'au-delà.

À ceux qui rêvent ainsi d'apaisement, la religion apparaît comme le port où s'abritera leur barque battue des flots, ou mieux, comme le bercail où leurs âmes meurtries, déchirées par les ronces de la route, viendront se reposer.
C'est peut-être un tel repos que Jacob cherche sur la rive solitaire du torrent de Jabbok. Mais il lui sera refusé. Car l'attitude légitime du croyant n'est pas le sommeil, c'est la foi. Et la foi n'est pas un abandon de l'âme, une renonciation à l'effort : elle est tout le contraire.

La vie religieuse, loin d'être une abdication de notre personnalité, en est la manifestation la plus intense. L'âme s'y affirme en luttant contre le mystère qui l'étreint ; elle progresse par son effort même, elle développe, dans cette constante tentative pour se dépasser elle-même, tout ce qu'il y a en elle de forces latentes ; et c'est en luttant ainsi qu'elle finit par arracher à l'Invisible sa bénédiction. Voyez, à Saint-Sulpice, l'admirable fresque de Delacroix : ces muscles tendus, cet effort de tout l'être, contrastant avec le calme surhumain de l'adversaire inconnu : comme on sent que la volonté donne son effort suprême - véritablement, tout ce qu'elle peut donner. Voilà l'acte de foi ; il exige de la part de l'homme le maximum de son énergie.

Il y a quelque chose de légitime dans l'instinct qui ramène tant d'âmes lassées vers le vieux clocher natal, C'est le même instinct qui fait que d'autres, des vaincus, eux aussi, rêvent au dernier sommeil de la tombe, à la paix du cimetière. C'est cet instinct qui faisait dire à Leconte de Lisle :

J'ai connu peu de joie, et j'ai l'âme assouvie
De jours nouveaux non moins que des siècles anciens ;
Dans le sable stérile où dorment tous les miens,
Que ne puis-je finir le songe de ma vie !

À ces découragés, l'Évangile offre un autre repos que celui du cimetière. « Venez à moi, leur dit Jésus, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et vous trouverez le repos de vos âmes. » Oui, Jésus vous aime, vous qui souffrez et qui aimeriez bien pouvoir déposer votre fardeau. Il vous attend, prêt à vous donner cette paix que Lui seul donne.
Mais l'Évangile n'est pas seulement un refuge pour des vaincus. S'il sait comprendre toutes les aspirations du coeur humain, il est avant tout un appel au combat, et une promesse de victoire. Jésus s'adresse à vous, qui arrivez à la vie avec des forces neuves, impatients de vous mesurer avec elle. Il ne vous convie pas à un repos prématuré, mais à la lutte, à la vie ardente. L'Évangile n'est pas un narcotique, et l'on a trop parlé de cette vieille chanson qui berce la douleur humaine. L'Évangile fait appel à toutes les énergies de votre âme. Il vous promet la victoire, non au prix d'un abandon, mais au prix d'un acte de volonté incessamment renouvelé.

Et le fait seul de parler d'un acte de volonté exclut l'idée d'une recherche indéfinie, Il ne s'agit pas de vous convier à l'étude impartiale, à l'analyse de laboratoire. Que la science soit essentiellement une recherche, qu'elle ait pour méthode de remettre perpétuellement en question, les résultats acquis, cela est légitime, mais l'effort auquel nous vous convions n'a rien de commun avec ce genre de travail. Comment est-il possible, je le demande, de remettre perpétuellement en question l'objet de sa foi, alors que, sur cette foi, il faut bâtir sa vie morale ? Le doute est incompatible avec les conditions du progrès spirituel. Nous voyons à quel point, même dans l'ordre scientifique, où pourtant il a son rôle à jouer, il stérilise parfois l'activité humaine. Il risque de tuer les sciences historiques, par exemple, et l'histoire n'échappe à la ruine que par une perpétuelle réaction contre le scepticisme qui la mine.

À plus forte raison, lorsqu'il s'agit de la vie morale, s'aperçoit-on aisément que le doute serait mortel. Ici, en effet, c'est la volonté qui est souveraine ; c'est d'elle que tout dépend. Mais qu'advient-il, si le doute, perpétuellement, remet en question les décisions de la volonté, en minant les fondations de la vie morale ?

Le doute, néanmoins, serait-il supérieur à l'affirmation, à la foi, ainsi qu'on l'a prétendu ? Non, mes frères, il ne faut pas croire que la foi soit une faiblesse, et le doute une manifestation de virilité. Le doute peut être très respectable, et nous devons avoir pour ceux qui doutent la plus grande sympathie ; mais le doute, chez une âme religieuse, n'a rien de viril : c'est tout simplement l'état d'une âme qui n'a pas la force d'affirmer. C'est un laisser-aller, une déliquescence de l'âme. On peut trouver un certain charme à se laisser flotter au gré des vagues de la pensée ; mais l'âme qui devient ainsi le jouet des flots n'est plus, bientôt, qu'une épave. Elle ne réagit plus. Inconsistante et veule, elle n'a plus le courage de croire, parce qu'elle ne sait pas résister à ses impressions et leur imposer le contrôle de sa volonté.
Vous en connaissez tous, de ces âmes hésitantes et molles, qui se complaisent dans le clair-obscur de leur doute, et qui trouvent je ne sais quelle volupté à glisser entre les affirmations contraires, sans se fixer, sans s'attacher nulle part. C'est la maladie de notre temps, cette incapacité de vouloir qui se traduit, dans l'ordre religieux, par une incapacité d'affirmer.
S'il en est parmi vous qui se fassent gloire de cette faiblesse, qu'ils me permettent de leur dire ceci.

Ce doute, dont vous tirez orgueil, est en réalité ce qu'il y a de plus facile au monde. En. doutant, vous ne faites que suivre la ligne de moindre résistance, livrer votre âme aux influences du dehors, et sacrifier perpétuellement à ces influences étrangères vos convictions profondes. Cet abandon n'est pas digne de vous.

Encore moins saurait-il vous convenir, à vous, qui avez le désir d'être des croyants, et qui, cependant, vous sentez à la merci du doute, et qui en souffrez.

Ah ! qu'il est donc facile de jeter le trouble dans une âme ! Comme elles sont délicates, les âmes d'aujourd'hui, comme elles sont impressionnables, - et combien elles sont loin de rappeler le rude lutteur du torrent de Jabbok ! Il suffit, pour ébranler leur sérénité, d'un souffle, d'un rien, de quelque déclamation creuse d'un bateleur de la libre pensée, d'une soi-disant découverte scientifique qui n'est qu'une pure hypothèse, mais qu'un journal aura publiée en l'affirmant définitive, pour le malin plaisir de troubler ses lecteurs dans leurs idées traditionnelles, - même il suffit d'une discussion avec un incroyant, ou d'une phrase qui les aura déroutés au cours d'un sermon, ou d'un passage biblique un peu trop réaliste, - il suffit de cela, qui n'est rien, pour étonner leur foi, pour les « scandaliser », comme nous disons.
Eh bien, je dis que le moment est venu de vous fixer, une fois pour toutes, et de prendre parti. Sachez écarter tous ces doutes qui sont, en fin de compte, une maladie de l'esprit, une névrose ; affirmez-vous dans un acte de foi.

Sachez vous délivrer du doute, fût-ce par un véritable coup d'État de votre volonté.

Et d'abord, que vos prières soient de vraies prières ! Qu'elles soient des actes. Une vraie prière, c'est un acte de courage par lequel nous affirmons, en face du monde matériel qui nous presse de toute part, la réalité de l'Invisible et sa souveraineté. La prière n'est pas une simple faiblesse de l'âme, elle n'est pas résignation pure et simple, ni appel de notre infirmité à un secours extérieur. C'est une lutte, un effort suprême pour nous soustraire à la tyrannie de la matière, pour communier avec l'Esprit, pour détourner du foyer primitif de lumière et de vie, l'étincelle dont nous avons besoin pour allumer le feu de notre âme. Prométhée, qui fait cela dans la mythologie grecque, est un Titan ; et ce n'est pas une vaine métaphore que de parler des géants de la prière : rien n'est grand ici-bas comme un homme qui sait prier.
En priant, vous pouvez affronter le mystère. Et vous arriverez, je ne dis pas à l'anéantir, ni à dévoiler son ultime secret, mais à arracher à l'Être invisible sa bénédiction.

Quel est-il donc, ce mystère avec lequel il faut vous mesurer ? Quelles sont les étapes de cette lutte sacrée ?
Il y a d'abord le mystère de la souffrance. Il ne faut pas en avoir peur. Non que vous puissiez espérer le résoudre d'une solution théorique qui s'impose à tous.

Nous pouvons bien en donner des explications. Elles vaudront ce que vaut notre faculté de raisonner. Les meilleures seraient insuffisantes, à elles seules, à calmer les inquiétudes de nos coeurs, et à projeter une clarté sur cet abîme de la douleur universelle. Devant l'angoisse des êtres et des choses, aucun raisonnement ne vaut. C'est avec votre volonté qu'il faut tenir tête au mystère de la douleur : je dis, au mystère de votre douleur...

Cependant, dites-vous, ce mystère m'oppresse. Quelle est-elle, cette puissance inconnue dont l'étreinte me brise ? Est-ce Dieu qui me torture ainsi, ou bien est-ce on ne sait quelle obscure fatalité ? Est-ce une Volonté sainte, ou bien une Volonté de ténèbres, en révolte contre la Volonté de lumière ? « Dis-moi ton nom ! » avez-vous crié dans l'angoisse, mais l'Inconnu s'est refusé à répondre, et le mystère est toujours là.
Eh bien, cet effort, il faut le recommencer dans la communion de Jésus. Le Christ vous a appris que dans les heures les plus sombres, alors qu'il semblait que l'on fût aux prises avec une inexplicable fatalité, on pouvait encore dire : Père ! Il vous a appris qu'il y avait là, dans la nuit, un Amour qui souffrait avec vous, un Amour qui n'attendait, pour se révéler à vous, que l'acte de volonté dans lequel vous lui diriez : « Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni ! »

« Quand même il m'écraserait, disait Job, j'espérerais encore en Lui ! » La voilà, la victoire de la foi. Comment ne la remporteriez-vous pas, vous qui savez ce que Job ne savait pas encore : que Dieu est amour. Attachez-vous à ; lui de toutes vos forces, et ne relâchez pas votre étreinte jusqu'à ce que la paix et la consolation soient entrées dans votre âme avec la certitude qu'il vous aime, et que rien au monde ne saurait vous séparer de son amour.

Il est un autre mystère qui nous oppressé, et qui n'oppressait pas l'homme des anciens jours : c'est le mystère de la création. Quand vous vous penchez sur ce passé de votre race, sur ces myriades d'années de la préhistoire, au cours desquelles l'humanité traînait une existence obscure dans les bas-fonds de l'inconscience, et par delà, sur ces millions d'années pendant lesquelles s'est organisée lentement la face de notre globe, quand vous songez à cet infini de l'espace où nous sommes perdus, devant ces gouffres sans fond, le vertige vous prend, et vous regrettez l'oeuvre des six journées, qui mettait Dieu si près de nous, alors que, maintenant, il semble qu'il faille le chercher si loin ! À présent, on dirait que, dans cette nuit des âges, dans cet espace sans limites, son action se dissémine et se perd...

La foi ne ferme pas les yeux sur cette évidence. Elle n'essaye pas de n'y pas penser. Elle regarde en face cet abîme ; et, imposant silence aux doutes qui surgissent de toute part, elle dit : « Dieu est là ! » Et si nous affirmons l'intervention divine dans ce monde, - dans l'espace comme dans le temps, - si nous disons que, malgré le désordre et malgré le chaos, malgré le mal physique et malgré le mal moral, le monde est l'oeuvre de l'amour et de la sagesse de Dieu, c'est parce que nous l'avons trouvé. Nous avons senti, en redescendant en nous-mêmes, que de lui venait notre force. Dès lors, nous osons affirmer que, dans cette obscurité où notre raison se perd, Il est là, lui, l'Être infini, devant qui mille ans sont comme un jour.

Voici cependant le troisième mystère : le plus angoissant de tous. Que sont les énigmes de la souffrance et de la création au prix de cette troisième énigme : l'énigme du péché ? Car enfin, comment peut-on vaincre, dans la lutte pour la vie, si l'on se sent vaincu intérieurement, si Dieu n'est pas intervenu, si, dans les ténèbres de la vie spirituelle, il n'y a qu'une puissance odieuse de fatalité qui contraint l'âme à d'humiliantes servitudes ? À ce compte, comment peut-on avoir encore le courage de vivre ?

Mes frères, si vous en êtes là, il faut croire quand même. Ne vous imaginez pas qu'il ne vaille plus la peine de résister à votre faiblesse. N'écoutez pas ces voix perfides qui vous murmurent que tout est fini. Perdus : sûrement vous le serez si Dieu n'intervient pas. Il faut donc qu'il intervienne, c'est une affaire de vie et de mort. Étreignez-le, dans un effort suprême, ce Dieu qui se retire de votre vie, qui va vous échapper, et. dites-lui : « Je ne te laisserai pas aller, que tu ne m'aies béni. » Par votre prière, vous vaincrez, à condition que vous croyiez à la possibilité de la victoire, et qu'en face de cette fatalité dont le matérialisme affirme que nul ne peut se soustraire à son empire, vous affirmiez, vous, la souveraineté de la grâce.

La lutte que vous avez à livrer sera-t-elle toujours une lutte douloureuse, une agonie ?
Je ne le crois pas.
Quand Jacob eut contraint l'Inconnu à le bénir, le soleil se leva sur sa victoire. Il se lèvera sur la vôtre. Pour vous se réalisera la parole du prophète : « Les ténèbres ne couvriront pas toujours la terre. »

Un jour, les mystères qui vous angoissent, sans avoir entièrement disparu, cesseront de vous épouvanter. Vous sentirez alors que, si la lumière totale ne se trouve qu'au-delà de la mort, le jour vient sur le chemin où vous marchez, et qui est celui de la fidélité à votre idéal. Parce que vous aurez su vouloir, vous comprendrez de mieux en mieux. Parce que vous aurez cru, de cette foi qui est un acte de volonté, vous comprendrez, et l'adhésion définitive de votre intelligence viendra compléter l'oeuvre de votre volonté. L'amour de Dieu, s'étant d'abord manifesté à votre coeur, commencera d'illuminer pour vous toutes choses. Et ce sera la récompense de votre patient effort, d'apercevoir dès ici-bas les premières clartés du jour éternel.


Table des matières

Page précédente:
Page suivante:
 

- haut de page -