Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Du Thabor à Golgotha



II
BÉTHANIE

I. LA PIEUSE FAMILLE

Certains sites nous attirent par un charme particulier et produisent sur nous une impression paisible et agréable ; d'autres, au contraire, nous déplaisent à première vue. Cependant l'homme ne prête que rarement une oreille attentive et un coeur recueilli aux voix de la nature. Plus d'un ruisseau murmure en vain sa douce mélodie ; plus d'une fleur s'épanouit inaperçue au bord du chemin ; plus d'un oiseau fait retentir son chant joyeux sans rencontrer d'écho. L'homme est un roi déchu ; il passe à côté des magnificences de la création, avec un regard froid et indifférent, préoccupé de sa douleur ou plongé dans de folles joies. Parfois ce sont les hommes ou les événements de la vie qui donnent leur prix à nos lieux de prédilection. C'est peut-être le toit qui abritait notre berceau, la demeure où l'amour d'une mère a éclairé nos premières années, alors que les soucis et les combats de la vie nous étaient encore inconnus.

Le Seigneur avait aussi sa retraite favorite. Mais ce n'était ni Bethléhem, le lieu de sa naissance, ni Nazareth où s'était passée son enfance, ni les bords ravissants du lac de Galilée. C'est à Béthanie qu'il avait trouvé une patrie, pour autant que la terre pouvait la lui offrir. La famille, dont parle le récit évangélique, se composait de deux soeurs et de leur frère : Marthe, Marie, Lazare. Saint Jean fait d'eux le plus bel éloge que l'on puisse ambitionner, quand il dit : « Or Jésus aimait Marthe et sa soeur, et Lazare. » (Jean XI, 5.) Ils reconnaissaient ouvertement la divinité du Sauveur, auquel les liait un profond amour et ils voyaient en lui l'accomplissement des promesses faites à leur peuple. Ils étaient tellement assurés de l'affectueuse bienveillance du Seigneur à leur égard que, lorsque Lazare tombe malade, ses soeurs lui font simplement dire : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » (Jean XI, 3.)

Jésus allait souvent à Béthanie. Il ne passait pas devant la maison de ses amis sans s'y arrêter. C'est là qu'il accomplit son plus grand miracle et qu'il manifesta avec puissance la gloire de Dieu.

Il. LA FAMILLE DANS LA JOIE

Le récit évangélique nous présente tour à tour dans la joie et dans l'épreuve, les trois amis, dont le souvenir a donné sa célébrité au hameau de Béthanie.

Le Seigneur est arrivé. On le reçoit comme un hôte bien-aimé. À sa vue, les coeurs s'épanouissent. Marthe met en oeuvre tout ce que le zèle le plus pur peut inventer, pour honorer celui dont elle a reconnu la gloire divine sous sa forme de serviteur. Mais seule elle ne parvient pas à exécuter tous ses désirs. Il faut absolument que Marie lui vienne en aide. Si Jésus a dû le plus souvent se contenter, au milieu de sa fatigante activité, d'un peu de pain et de petits poissons, il faut qu'aujourd'hui, à la table de ses amis, un repas abondant vienne restaurer ses forces. Marie ne partage nullement les préoccupations de sa soeur ; elle ne voit point ses signes, elle ne remarque pas ses nombreuses allées et venues. Assise aux pieds du Sauveur, attentive aux paroles divines qui sortent de sa bouche, elle oublie tout ce qui est de la terre. Marthe, se sentant délaissée, s'adresse à l'Ami dont la parole a tout autorité sur la famille et elle le prie d'envoyer Marie à son aide. Le Seigneur, loin d'accéder à sa demande, loue Marie et adresse un sérieux reproche à sa soeur : « Marthe, Marthe, tu te mets en peine et tu t'agites pour beaucoup de choses ; mais une seule est nécessaire ; et Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera point ôtée. » (Luc X, 41, 42.)

Marthe était une servante du Seigneur, pleine de dévouement et d'enthousiasme ; elle aimait son Maître d'un amour profond et tendre ; son activité n'avait que lui seul pour but. Elle est la première femme qui ait rendu à Jésus ce glorieux témoignage : « Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui devait venir dans le monde. » (Jean XI, 27.) Si le Seigneur la blâme, lui qui connaissait son coeur, ce n'est point qu'il dédaigne ses services et son hommage, - les femmes chrétiennes feront bien de ressembler à Marthe sous ce rapport, - mais il veut lui rappeler que « le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir » (Marc X, 45), et qu'elle s'expose, avec sa fiévreuse activité, à négliger la parole du Maître et à ne laisser à celui-ci que la dernière place.

Les enfants de Dieu de notre époque méritent souvent ce même reproche. Celui qui a cru au Sauveur et dont le coeur agité a trouvé la paix, éprouve naturellement le besoin de lui témoigner son amour par une active consécration à son service. Mais l'activité peut dégénérer en agitation, et l'on en vient aisément à négliger la seule chose nécessaire : c'est-à-dire de s'asseoir tous les jours aux pieds de Jésus et d'implorer son divin secours. Qui n'en a fait mainte fois l'expérience ? Alors on perd son joyeux enthousiasme ; l'oeuvre, entreprise avec élan, devient un fardeau pénible ; on s'indigne contre les personnes qui nous laissent agir seuls, les accusant de ne pas apporter d'intérêt au règne de Dieu ; et l'on ne s'aperçoit pas que le mal vient de ce qu'on a négligé les rapports personnels et intimes avec Jésus et par conséquent perdu la force et la paix.

Le chrétien mérite aussi le blâme, lorsqu'il croit que sa manière de servir le Seigneur est la seule bonne et digne de louange. On rencontre des enfants de Dieu qui ont le don d'être toujours et partout occupés au service de leur Maître ; ils répandent des traités, adressent à chacun de bonnes, paroles, engagent une conversation sérieuse à table d'hôte, etc., mais tous n'ont pas ce talent. Il est des chrétiens tout aussi fidèles qui redoutent de se mettre en évidence. je connais un homme qui, lorsqu'il se trouve en wagon ou à table d'hôte, se sent pressé d'intercéder en silence pour ses compagnons de voyage. Ce besoin est même si intense qu'il est importuné lorsque quelqu'un lui adresse la parole. Les nouveaux convertis se laissent aisément entraîner par une activité extérieure et agitée qui peut nuire à leur développement spirituel. « Une seule chose est nécessaire, » dit le Seigneur ; seule elle donne leur vraie valeur et leur consécration à toutes les manifestations de l'amour et de l'enthousiasme. C'est ce que recherchait Marie : recueillir les paroles de Jésus, s'en nourrir chaque jour, être sanctifiée par elles, vivre en communion avec le Seigneur.

Heureuse maison de Béthanie ! Quoique tu sois tombée en ruines depuis longtemps, tu prêches encore à toutes les familles de la terre joie et paix, salut et bénédiction. Puisse-t-il s'en élever un grand nombre parmi nous, de ces familles où Christ est le meilleur ami, où tous les coeurs le servent, l'honorent et l'aiment ! Alors la peine et la fatigue pour l'oeuvre du Seigneur deviendront un plaisir, la maladie et la mort même contribueront à la gloire et à la louange de Dieu.

III. LA FAMILLE DANS LE DEUIL

C'est dans l'épreuve que l'on apprend à bien connaître la famille amie du Sauveur. Marthe alors se montre non seulement l'égale de sa soeur, mais elle la surpasse par sa foi et sa confiance en Dieu.

Nous savons peu de chose de Lazare. Ce West qu'à sa résurrection qu'il paraît au premier plan, et cela d'une manière si saisissante que les autres personnes du récit évangélique rentrent dans l'ombre. Il est dit de Lazare que « Jésus l'aimait » Jésus l'appelait « son ami. » (Jean XI, 5, 11.) Ami ! ce mot a une signification si grande et si intime qu'il se passe de tout commentaire.

Il faut que le Seigneur ait trouvé chez Lazare et chez ses soeurs quelque chose de particulièrement aimable pour leur avoir accordé son amitié. Il aime tous les hommes ; dans ses compassions infinies, il désire le salut de tous. Toutefois ce n'est pas de cet amour pour les pécheurs qu'il s'agit ici, mais bien d'une affection d'ami. Plus tard, lors de ses dernières souffrances, il dira à ses disciples : « Vous serez mes amis ; » mais en ajoutant une condition : « Si vous faites tout ce que je vous commande. » (Jean XV, 14.) Cette condition était remplie depuis longtemps à Béthanie. -

Nous parlons volontiers de notre amour pour Jésus. Nous sommes heureux quand nous pouvons dire avec Pierre : « Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t'aime. » (Jean XXI, 17.) Il est utile toutefois de nous demander si le Seigneur peut nous aimer comme des amis. Il faut pour cela que nous vivions dans une obéissance complète à sa sainte volonté, dans une recherche habituelle de sa présence, et que notre amour pour lui passe avant toute chose. Heureux celui qui possède cette précieuse assurance : « Mon Sauveur m'aime. » Heureuse la famille. où, père et mère, frères et soeurs, prient les uns pour les autres en disant : « Seigneur, celui que tu aimes » Sans doute l'épreuve pourra les atteindre, mais la gloire de Dieu se manifestera au milieu d'eux.

C'est ce qui est arrivé à la pieuse famille de Béthanie. L'amour du Seigneur ne la préserve pas de la douleur ; Lazare tombe gravement malade. Peu de jours suffisent pour transformer l'heureuse maison en une demeure désolée, où les soupirs et les larmes remplacent le chant des Psaumes.

Pauvre et misérable humanité ! combien ton existence est éphémère et ballottée ! et tu peux vivre ! et tu as le courage de te construire des palais sur la terre et de rêver la félicité ! Comment le néant de tes espérances ne t'a-t-il pas dès longtemps conduit au désespoir, ou plutôt à Dieu ? « L'homme né de femme a la vie courte, et est rassasié de trouble. » Job XIV, 1.) « Toute chair est comme l'herbe et toute la gloire de l'homme comme la fleur de l'herbe. » (I Pier. I, 24.) Depuis que le péché est entré dans le monde, suivi de la mort, qui en est le salaire et de son long cortège de souffrances, la terre est devenue une vallée de larmes, un désert où l'homme ne se sent pas à l'aise. L'humanité est inexprimablement malheureuse et son plus grand malheur est de ne pas le sentir.

Dans leur angoisse, les deux soeurs de Béthanie ont recours au Seigneur. La haine des juifs l'avait obligé de s'éloigner, mais, de loin comme de près, il demeure leur espérance. Elles envoient un message à Jésus. « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » (Jean XI, 3.) Elles ne le pressent pas de venir ; mais elles le connaissent. Il lui suffira de savoir son ami malade pour accourir sur-le-champ. Pourrait-il tarder ? laisser dans la détresse ceux qu'il aime ? Si des étrangers ont osé s'adresser à lui avec confiance. « Seigneur ! aie pitié de mon fils » (Matth. XVII, 15), « Seigneur, si tu le veux, tu peux me nettoyer » (Luc V, 12), ses amis peuvent se servir d'un « Votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez. » (Matth. VI, 8.)

Le Seigneur a appris la maladie de Lazare ; il sait ses chers amis dans l'épreuve, mais il sait aussi qu'il manifestera sa gloire à leur égard. Il ne peut le leur expliquer d'avance. Mais il veut faire briller une étoile dans leur sombre nuit, au moment même où les ombres de la mort s'étendent sur la demeure bien-aimée. Il leur envoie un message qui n'a pas son égal en beauté et en compassion « Cette maladie n'est point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu en soit glorifié » (Jean XI, 4), parole qui a consolé et séché les larmes de milliers de croyants. C'était dire aux deux soeurs que la mort ne les séparerait pas de leur frère et que cette épreuve contribuerait à la gloire de Dieu. Que pouvaient-elles espérer de plus ? Le Seigneur vient au-devant du désir de ses enfants, dans la joie comme dans la souffrance. Si leur prière est en harmonie avec sa volonté, ils en verront l'exaucement au-delà de toute attente. « Non à la mort ! » Chrétien, ta maladie, ta pauvreté, tes soucis, tes difficultés, ta croix, quel qu'en soit le nom, ne sont point à la mort, mais pour la gloire de Dieu. Remets ta cause au Seigneur, attends avec patience et tu verras la délivrance.

Soulagées par cette réponse, les deux soeurs espèrent d'heure en heure la guérison de leur bien-aimé frère. Cependant l'état du malade s'aggrave de plus en plus ; bientôt tout espoir s'évanouit ..... Lazare rend le dernier soupir. « Et Jésus demeura deux jours dans le lieu où il était. » (Jean XI, 6.)

Nous trouvons dans les saintes Écritures des exemples de la foi de plusieurs hommes de Dieu. Mais, excepté Abraham, le père des croyants, nul n'a été soumis à une plus grande épreuve que Marthe et Marie. Quand l'ordre fut donné à Abraham : « Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes et offre-le en holocauste » (Gen. XXII, 2), le patriarche possédait déjà la promesse : « C'est en Isaac que ta postérité sera appelée de ton nom » (Gen. XXI, 12), et il connaissait assez son Dieu pour croire « qu'il pouvait même le ressusciter des morts. » (Hébr. XI, 19.) S'il y avait contradiction entre la promesse et l'ordre, la foi devait les concilier. Il en est de même pour les deux soeurs entre la parole de Jésus : « Cette maladie n'est point à la mort » (Jean XI, 4), et le fait : « Seigneur, il sent déjà mauvais, car il est là depuis quatre jours. » (Jean XI, 39.) La foi de Marthe se manifeste dans cette déclaration - « Je sais que, maintenant même, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l'accordera. ) (Jean XI, 22.) La foi d'Abraham était plus calme et plus assurée ; celle des deux femmes est hésitante et douloureuse. Sans doute, si elles avaient connu l'issue de leur épreuve, elles n'auraient ni pleuré ni douté, mais au contraire béni le Seigneur. Elles ne possédaient pas encore cette foi complète et sans condition qui « espère contre tout sujet d'espérer. » (Rom. IV, 18.) « La foi est une ferme attente des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit point. » (Hébr. XI, 1) Quoiqu'il en soit, le Seigneur soumet ses amies à une grande épreuve et elles en sortent triomphantes.

Ce n'est point seulement par des paroles, ou par une grande activité, que le chrétien honore son Maître ; l'épreuve supportée, acceptée, surmontée par la foi, contribue aussi à la gloire de Dieu. « Il est vrai que tout châtiment ne paraît pas sur le moment un sujet de joie, mais de tristesse ; mais ensuite il produit un fruit paisible de justice pour ceux qui ont été ainsi exercés. » (Hébr. XII, 11.) « Vous êtes maintenant dans la tristesse, mais je vous verrai de nouveau, et votre coeur se réjouira, et personne ne vous ravira votre joie. » (Jean XVI, 22.) Que de tristesses le Seigneur a déjà changées en joie !

Après sa résurrection, Lazare eut à passer une seconde fois par la mort. À ses derniers adieux, ses soeurs auront sans doute versé des larmes moins amères. Après avoir assisté à la résurrection et à l'ascension de leur Maître, après lui avoir entendu dire : « Je vais vous préparer une place » (Jean XIV, 2), « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean XX, 17), elles devaient peu tenir à la vie ; elles devaient soupirer après le délogement « pour être toujours avec le Seigneur. » (I Thess. IV, 17.) Et si, à la mort de Lazare, la douleur de la séparation s'est encore fait sentir, cependant la note dominante de leur coeur aura été la louange, l'action de grâce, la reconnaissance. Que l'Évangile, avec ses trésors de vie, de paix et de félicité, vienne éclairer nos maisons de deuil et nous amener à contempler la vie et la mort au point de vue de l'éternité. Alors la vie deviendra plus facile et la mort plus joyeuse.

IV. L'ONCTION

Nous ne pouvons nous faire aucune idée du retentissement qu'avait eu dans la Judée et particulièrement à Jérusalem, la résurrection de Lazare. « Et la troupe qui était avec Jésus, quand il avait appelé Lazare du sépulcre, et qu'il l'avait ressuscité des morts, lui rendait témoignage. Et c'est aussi parce que le peuple avait appris qu'il avait fait ce miracle, qu'il était allé au-devant de lui. » (Jean XII, 17, 18.) Béthanie était devenu un lieu de pèlerinage pour les juifs.

Après la résurrection de Lazare, Jésus s'était éloigné pour ne revenir qu'à la fête de Pâques. Le soleil de justice avait paru dans sa gloire aux yeux des hommes. Dès ce moment il baisse à l'horizon. Lazare sort du tombeau pour faire place au Prince de la vie. Il est une prophétie vivante de la résurrection du Seigneur et une promesse pleine de consolation et d'espérance pour tous ceux qui pleurent leurs bien-aimés. « La mort est engloutie en victoire. » ( I Cor. XV, 54.) Le sépulcre ne retient plus sa proie ; le Prince de la vie la lui a ravie.

L'enthousiasme des juifs s'élève au plus haut point et éclate, à l'entrée du Seigneur à Jérusalem, par ce cri de triomphe : « Hosanna ! béni soit le roi d'Israël, qui vient au nom du Seigneur. » (Jean XII, 13.) Le miracle de la résurrection de Lazare en convertit plusieurs qui, jusqu'alors, étaient restés indécis. « Une grande multitude de juifs, ayant su que Jésus était là, y vinrent, non seulement à cause de Jésus, mais aussi pour voir Lazare, qu'il avait ressuscité des morts. » (Jean XII, 9.)

Le prince des ténèbres profite de cette occasion pour amener à maturité ses pensées de haine contre le Seigneur. « Alors les principaux sacrificateurs et les pharisiens assemblent le sanhédrin. » Ils décident la mort du Christ « Il nous importe qu'un seul homme meure pour le peuple et que toute la nation ne périsse pas, » leur dit Caïphe. (Jean XI, 47-50.)
L'Agneau de Dieu se met volontairement en marche pour l'autel du sacrifice. Sur sa route, une dernière joie lui a été préparée.

La pieuse famille de Béthanie était loin de se douter du plan diabolique formé contre son Maître. « Six jours avant la Pâque, Jésus vint à Béthanie. On lui fit là un souper. » (Jean XII, 1, 2.) Cette fois c'est « Simon » (Matth. XXVI, 6), miraculeusement guéri de la lèpre par le Seigneur, qui réclame l'honneur de le recevoir à sa table. Les deux familles se réunissent dans un amour reconnaissant et exempt de jalousie. « Lazare était un de ceux qui étaient à table avec lui. » (Jean XII, 2.) Marthe, toujours active et dévouée, ne se laisse pas ravir le privilège de servir son Maître. Jamais hôte ne fut mieux accueilli. Cet amour sans hypocrisie, ces témoignages d'une joie intime et franche, auront été un vrai rafraîchissement pour le Seigneur à la veille de s'exposer seul aux foudres de la colère divine.

Cependant la réception qui est faite à Jésus ne satisfait point Marie. Cette fois elle ne reste pas assise à ses pieds pour écouter sa parole. « Judas qui, ayant la bourse, portait ce qu'on y mettait » (Jean XII, 6), a sans doute reçu des dons considérables ; il en attend encore d'autres. L'offrande est préparée en effet, mais non en argent ou en or. Quand un coeur animé d'un saint amour, désire faire quelque chose pour le Seigneur, l'Esprit de Dieu lui en inspire le moyen. « Elle vint à lui avec un vase d'albâtre plein d'un parfum de nard pur et de grand prix, qu'elle lui répandit sur la tête, ayant rompu le vase. » (Marc 14, 3.) « Et la maison fut remplie de l'odeur du parfum. » (Jean XII, 3.) Le coeur de Marie était semblable à un sanctuaire pur et embaumé, à une fleur qui referme ses pétales durant la nuit pour ne les rouvrir qu'aux rayons du soleil matinal. Le Seigneur est son soleil. Les rayons de son amour, la rosée de ses paroles divines ont pénétré le coeur de Marie et y ont éveillé un profond et reconnaissant amour. Pour le témoigner au Sauveur, elle veut lui rendre les honneurs royaux ; elle veut répandre sur lui l'huile sainte, pareille à celle dont Samuel oignit le grand roi David. (I Sam. XVI, 13.) Il faut qu'elle obtienne, à n'importe quel prix, le parfum le plus pur, le plus précieux qui se puisse cacher dans les trésors de Jérusalem.
Sois bénie dans tous les âges, Marie ! Tu as oint notre souverain Roi, celui que ton pauvre peuple aveuglé n'a pas voulu reconnaître. Ce que des milliers d'enfants de Dieu n'ont pu faire pour leur Sauveur, tu l'as accompli en leur nom. « Tu as fait ce qui était en ton pouvoir. »

Rencontre-t-on souvent de nos jours ce joyeux enthousiasme ? ce parfum d'un amour reconnaissant ? Sans méconnaître ce que les chrétiens font pour l'avancement du règne de Dieu et pour le bien de l'humanité, on ne peut dire qu'il y ait parmi eux beaucoup de dévouement et d'élan. Ils aiment cependant leur Sauveur et ils désirent l'avènement de son règne. Mais la plupart ont si fort à faire pour ce qui les concerne, qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper de l'oeuvre du Seigneur. Et cependant que de motifs n'avons-nous pas pour une joyeuse reconnaissance ? Dans ses compassions infinies, Dieu nous a réveillés et « appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière. » (Pier. II, 9.) Quand nous nous sommes assis à ses pieds, tristes et découragés, il nous a relevés et consolés, et il a rempli nos coeurs d'une bienheureuse espérance.

L'hommage de Marie à son Maître ne rencontre que la désapprobation des disciples. D'après saint Jean, il paraît que Judas est le premier à la blâmer. (Jean XII, 4.) Cependant saint Matthieu dit que les disciples, voyant cela, en furent indignés et dirent : « À quoi bon cette perte ? car on pouvait vendre bien cher ce parfum et en donner l'argent aux pauvres. » (Matth. XXVI, 8, 9.) Non seulement Marie a dû s'avancer seule au milieu d'une nombreuse assemblée, mais elle se voit blâmée et désapprouvée. Au lieu de se joindre à elle pour louer et honorer son Roi, les disciples se détournent avec mécontentement, l'accusant de dilapidation et lui rappelant les pauvres auxquels son argent serait plus utile.

Pauvre Marie ! Ne te laisse pas décourager par la critique de ces hommes soi-disant charitables. Regarde ton Maître. Ne lis-tu pas dans son regard qu'il a compris et accepté ton hommage ? Il reconnaît en toi l'humble messagère, envoyée par son Père pour lui dispenser cette douce joie sur le chemin de l'obéissance. Les esprits étroits et bornés qui te blâment ne tarderont pas à t'envier et à rougir de leur conduite. « Dans tous les endroits du monde où cet évangile sera prêché, ce que tu as fait sera aussi raconté en mémoire de toi . » (Marc XIV, 5), et servira d'avertissement à ceux qui croient gagner le ciel par leurs aumônes, tout en restant avares et en négligeant l'essentiel, c'est-à-dire l'amour.

Ils sont rares de nos jours les imitateurs de Marie. Le but le plus élevé de la généralité des hommes - quelques hardis rêveurs exceptés - est une piété commode qui ne heurte personne. Le don complet et sans condition de soi-même au Seigneur n'est ni compris ni apprécié. On le regarde comme une chose extraordinaire qui vient rompre les usages établis.
En général on ne blâme pas les dépenses faites dans un but de plaisir. Le monde encense ses dieux et leur jette l'argent avec profusion sans que nul songe à dire : « On aurait dû donner cet argent aux pauvres. » En comparaison de celui des mondains, que le zèle des chrétiens est faible et tiède ! Si nous savions mieux honorer le Seigneur par notre conduite. et par nos sacrifices, peut-être notre exemple entraînerait-il quelque enfant du monde à nous suivre et à se joindre au peuple de Dieu.

Le Seigneur prend Marie sous sa protection. « Laissez-là. Pourquoi lui faites-vous de la peine ? Elle a fait une bonne action à mon égard. Elle a fait ce qui était en son pouvoir ; elle a embaumé par avance mon corps pour ma sépulture. » (Marc XIV, 6-8.)

Marie est justifiée au-delà de toute attente. Le Seigneur nomme même son action une bonne oeuvre, parce qu'elle l'a conçue et accomplie dans un esprit d'amour. Cette parole doit être la règle de l'activité de l'Eglise. Ce n'est point le succès, ce n'est point l'approbation des hommes qui mettent leur prix à une oeuvre, c'est le sentiment qui l'a dictée ; et ce sentiment doit être l'amour. « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu. » (I Cor. X, 31.)

« Vous aurez toujours des pauvres avec vous ; et toutes les fois que vous voudrez, vous pourrez leur faire du bien. » (Marc XIV, 7.) Oui si vous le voulez. Le pauvre auquel pense Judas, c'est lui-même. Les besoins des pauvres qui les entourent sont, pour beaucoup de personnes, une excuse commode, lorsqu'on vient réclamer leur intérêt pour les missions ou pour quelque oeuvre concernant le règne de Dieu ; mais souvent, hélas ! les pauvres heurtent en vain à leur porte. L'aumône, quand elle est pratiquée selon Dieu, est sans doute une bonne oeuvre ; mais elle peut devenir dangereuse, si ce n'est mauvaise, lorsqu'on s'en fait un mérite. Quel était, dans la salle du festin, à Béthanie, le coeur le plus rempli d'amour pour les pauvres, celui de Marie, ou celui de Judas ?


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