Du
Thabor à Golgotha
IV
AVANT LE
SACRIFICE
- La passion du Seigneur Jésus peut se
diviser en trois parties distinctes :
- 1° Le jardin des Oliviers,
l'interrogatoire devant le Sanhédrin
et la condamnation à mort.
- 2° Jésus comparaît
devant Pilate et devant Hérode, il est
frappé de verges, couronné
d'épines ; la sentence est
confirmée par le gouverneur romain.
- 3° Golgotha.
- Tout, dans ce terrible drame, a son
importance et sa signification, les actions
comme les lieux, le silence et les paroles, les
hommes et les choses.
I. LE TRAÎTRE
« Levez-vous, allons - voici celui qui
me trahit s'approche. »
(Matth. XXVI, 46.) Quel changement
subit dans le langage du Sauveur ! La crainte
et le tremblement. ont disparu et
c'est avec un calme divin qu'il attend la troupe
envoyée pour le saisir. Sa prière a
été exaucée ; l'ennemi
spirituel est vaincu.
Il en est de même dans la vie
chrétienne. Lorsque le croyant a
accepté la volonté de Dieu et qu'il a
reçu, en réponse à sa
prière, le calme et la soumission, il
souffrira encore sous l'épreuve, mais il
pourra la surmonter. Nul n'a remporté une
aussi grande victoire sur les angoisses de son
coeur que Jésus, passant de la plus grande
détresse à un calme admirable ;
n'aura-t-il pas aussi compassion de nous dans
l'épreuve et la tentation ?
« Venez à moi, vous tous qui
êtes fatigués et chargés, et je
vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug, et
apprenez de moi, parce que je suis doux et humble
de coeur, et vous trouverez le repos de vos
âmes ; car mon joug est aisé, et
mon fardeau léger. »
(Matth. XI, 28-30)
Quel réveil pour les disciples qui
dormaient de tristesse ! Les discours
sérieux et prophétiques,
prononcés par le Seigneur quelques heures
auparavant, les avaient affligés d'autant
plus, qu'ils ne les comprenaient pas et le malin
avait sans doute contribué par son influence
à leur assoupissement. N'avons-nous pas
senti ce sommeil s'emparer de nous, comme une
puissance malfaisante, au moment où nous
aurions eu besoin de chercher le secours
d'en-haut ? D'autre part, le méchant
sait tenir éveillés
ceux qui sont en sa puissance. Judas n'est point le
seul qui soit demeuré debout quand les
disciples dormaient de tristesse.
Il est positif que le diable réussit
mieux à enflammer ses sujets pour un mauvais
but, que le Saint-Esprit ne parvient à
animer les chrétiens pour le service de leur
maître. Ces derniers ont à lutter
à la fois contre leur vieil homme et contre
l'influence du tentateur, tandis que les enfants du
mal, complètement soumis au diable, ne
subissent pas deux influences opposées. Les
choses visibles, dont le malin se sert pour les
tenter, exercent une influence plus puissante sur
les hommes que les choses invisibles et
éternelles. Les premières agissent
sur les sens, les autres sont affaire de foi.
Malgré cela, le Seigneur ne rejette
pas ses faibles disciples. Il connaît leur
misère et il les porte sans cesse sur son
coeur de souverain Sacrificateur. Par leur manque
de prière et de vigilance, les disciples se
firent du tort à eux-mêmes et ils se
trouvèrent désarmés en
présence de l'ennemi. Leur exemple rappelle
à tous ceux qui sont engagés dans la
lutte la nécessité de veiller et de
prier.
« Celui qui me trahit
s'approche. »
(Matth. XXVI, 46.) Judas n'est point
seul. « Une grande troupe de gens
armés d'épées et de
bâtons, de la part des principaux
sacrificateurs, des scribes et des anciens,
s'avance »
(Marc XIV, 43), avec des lanternes,
des flambeaux et des armes.
(Jean XVIII, 3.) Le Seigneur n'a
d'yeux que pour le traître. Que les autres
accomplissent leur oeuvre criminelle, c'est
naturel. Mais que l'un des douze, l'enfant perdu,
persévère jusqu'à la fin dans
sa mauvaise voie et prenne part à l'oeuvre
des ténèbres, mettant un sceau
indélébile au jugement qui l'attend,
voilà ce qui pèse douloureusement sur
le coeur du Seigneur. Dans ce moment suprême,
c'est la seule chose qui le préoccupe. Il ne
craint pas le malin, il vient de le vaincre par la
prière. Mais la chute de son apôtre
lui cause une douleur infinie. Prenons garde
à nous, de peur qu'après avoir
vécu dans la communion du Seigneur, nous ne
donnions accès dans nos coeurs au monde, au
péché, au diable ; ce serait
« crucifier de nouveau le Fils de Dieu,
et l'exposer à l'ignominie. »
(Hébr. VI, 6.)
Le Seigneur ne redoute pas ses ennemis
déclarés, mais bien ses soi-disant
amis, qui marchent avec son peuple, en apparence du
moins, et qui font de la piété un
métier. Ceux-là compromettent sa
sainte cause et répandent la honte sur le
nom de chrétien. « Judas,
trahis-tu le Fils de l'homme par un
baiser ? »
(Luc XXII, 48.) Quelle douceur dans
ce reproche ! Cependant il ne parvient point
à toucher le malheureux, déjà
prêt pour l'enfer. Le coeur du traître
reste froid comme son baiser.
Il. QUESTION
IMPORTANTE
Jésus s'avance au-devant de la troupe
ennemie :
« Qui cherchez~vous ? leur
demande-t-il. Ils lui répondirent :
Jésus de Nazareth. »
(Jean XVIII, 4.) Jésus sait
bien que c'est lui qu'ils cherchent, mais il veut
que ses ennemis se rendent compte de ce qu'ils font
et sachent quel est celui qu'ils poursuivent pour
le faire mourir.
Qui cherchez-vous ? Est-ce celui que le
peuple a salué comme le Fils de David,
l'espérance des patriarches, la gloire
d'Israël ? Celui qui a nourri les
affamés, guéri les malades,
ressuscité les morts ?
Qui cherchez-vous ? Est-ce
Jésus, doux et humble de coeur, le Fils de
l'homme pur et saint, celui que nul ne pourra
convaincre de péché, celui qui
apporte au monde le royaume de Dieu, le pardon, la
vie éternelle ? Le Seigneur savait que
ce puissant appel adressé à la
conscience de ses ennemis resterait sans effet, car
ceux-ci n'étaient nullement disposés
à y prêter attention. Mais cette
parole aura retenti dans leur conscience
jusqu'à leur dernier soupir.
Cette même question s'adresse
aujourd'hui encore à chacun de nous. Qui
cherches-tu ? Une vie facile, le
bien-être de ta famille, le succès de
tes entreprises ? ou cherches-tu un Sauveur,
dans la détresse, un
défenseur contre le méchant, un
consolateur dans la souffrance ? Cherches-tu
celui qui seul peut pardonner tes
péchés, calmer ta conscience
angoissée et t'offrir, sur la mer
agitée de la vie, un port assuré, une
patrie éternelle et bienheureuse ?
Cherches-tu ce qu'il y a de plus grand et de plus
précieux sur la terre et dans le ciel, le
Dieu puissant, miséricordieux, le
Père qui t'a créé et qui
t'offre son amour ?
À tes efforts, à tes
recherches, à tes soupirs, il n'y a qu'une
seule réponse : Jésus de
Nazareth, l'Homme-Dieu, le Sauveur du monde. En lui
tu trouveras tout ; hors de lui, tes
recherches et tes soupirs seront vains. Qui
cherches-tu ?
Jésus, dont le nom est au-dessus de
tout autre nom, et devant lequel « tout
ce qui est dans les cieux, et sur la terre, et sous
la terre, doit fléchir le genou, »
(Phil. II, 9, 10.) Jésus est
la solution du problème de l'histoire du
monde, de la science humaine et du mystère
de notre propre vie. Lui seul peut résoudre
les questions les plus importantes. Il apporte la
lumière au milieu de l'obscurité,
l'harmonie dans le chaos des dissonances
terrestres, la rémunération, la
justice, le repos, après les souffrances et
les injustices de la vie.
Sciemment ou inconsciemment, tous les hommes
cherchent le Seigneur ; les uns en amis, les
autres en ennemis. Il en a toujours
été ainsi. Les
disciples de Jean-Baptiste, sur
les bords du Jourdain, auxquels Jésus
demande : Que cherchez-vous ? le suivent
immédiatement et ils trouvent plus qu'ils ne
pouvaient espérer. Car, leur dit le
Seigneur : « Je vous dis en
vérité, à vous qui m'avez
suivi, que lorsque le Fils de l'homme sera assis
sur le trône de sa gloire, dans le
renouvellement qui doit arriver, vous aussi serez
assis sur douze trônes, jugeant les douze
tribus d'Israël. »
(Math. XIX, 28.) Dès lors, un
grand nombre d'Israélites ont trouvé
en Jésus, non seulement le secours dans la
détresse, la guérison dans la
maladie, la force contre la puissance des
ténèbres, mais le pardon des
péchés, l'adoption d'enfants de Dieu
et le bonheur éternel.
La troupe cherchait Jésus, dans le
jardin des Oliviers, non pour lui demander quelque
chose, mais pour se défaire de lui. Leur
plan n'a pas réussi, car le Seigneur est
toujours vivant. La même guerre se renouvelle
dans chaque génération. Les uns
viennent à lui pour implorer secours et
pardon ; les autres pour le combattre. Et ces
derniers ne se rendent pas compte que le Seigneur
règne et qu'il domine même sur ses
ennemis ! On ne combat point un mort.
« Vous me chercherez, et vous me
trouverez ; car vous m'aurez recherché
de tout votre coeur. »
(Jér. XXIX 13.) Qui
cherchez-vous ?
III. C'EST MOI
« Jésus leur dit : C'est
moi. »
(Jean XVIII, 5.) Je suis Jésus
de Nazareth que vous cherchez. Cette simple et
courte réponse résume tout ce que le
Seigneur a dit précédemment sur
lui-même : « Je suis la
lumière du monde. »
(Jean VIII, 12.) « Je
suis le pain de vie. »
(Jean VI, 35.) « Je suis la
résurrection et la vie. »
(Jean XI, 25.) « Je suis le
bon Berger. »
(Jean X, 11.) Aucun des puissants de
la terre n'a parlé avec autant
d'autorité et de majesté. Aussi la
haine et l'injustice sont obligées de
s'incliner devant Jésus, avant qu'il livre
sa vie aux mains des méchants.
« C'est moi ». Cette
parole résonnera, au travers des
siècles, jusqu'au retour glorieux du
Seigneur. Quand il reviendra « dans sa
gloire avec tous les saints anges, alors il
s'assiéra sur le trône de sa gloire.
Et toutes les nations seront assemblées
devant lui. »
(Math. XXV, 31, 32.) Alors cette
parole « c'est moi » retentira
avec un son de trompette, « les
éléments embrasés seront
dissous, et la terre, avec les oeuvres qui sont en
elle, sera entièrement
brûlée »
(2 Pier. III, 10) ; et les
ennemis du Seigneur tomberont à terre, non
pour se relever aussitôt et jeter les mains
sur lui, mais pour s'écrier, dans le
sentiment de leur impuissance et
de leur culpabilité :
« Montagnes et rochers, tombez sur nous
et cachez-nous de devant la face de celui qui est
assis sur le trône. »
(Apoc. VI, 16.)
« C'est moi ». C'est en
même temps une parole de consolation pour
tous ceux qui aiment le Seigneur.
« Rassurez-vous, c'est moi ; n'ayez
point de peur »
(Marc VI, 50), dit Jésus aux
disciples qui luttaient contre les vagues en furie
du lac de Génézareth.
« Pourquoi êtes-vous
troublés ? voyez mes mains et mes
pieds, car c'est moi-même »
(Luc XXIV, 38, 39) ;
« la paix soit avec vous »
(Jean XX, 19), dit-il au soir de sa
résurrection aux disciples
découragés et craintifs.
« C'est moi ». Il nous
adresse cette même parole, quand les eaux de
l'épreuve ou les vagues de la tentation
menacent de nous engloutir, quand les ennemis de
Dieu paraissent triompher, ou quand l'oeuvre
à laquelle nous travaillons semble
près d'être anéantie.
« Ne crains point, petit troupeau, car il
a plu à votre Père de vous donner le
royaume. »
(Luc XII, 32.)
« Jésus-Christ est le même,
hier, aujourd'hui, et pour
l'éternité. »
(Hébr. XIII, 8.)
« Et dès qu'il leur eut
dit : « C'est moi », ils
reculèrent et tombèrent par
terre. »
(Jean XVIII, 6.) Celui qui va se
laisser lier comme un malfaiteur, est le
Maître du monde. « Toute puissance
lui est donnée dans le ciel et sur la
terre. »
(Math. XXVIII, 18.) À sa
parole, les tempêtes s'apaisent, les
démons s'enfuient, les morts ressuscitent.
Ses ennemis mêmes sont obligés de
reconnaître que c'est volontairement qu'il
livre sa vie à la mort. Au seul son de sa
voix, ils reculent et tombent à terre.
« Personne ne m'ôte la vie, mais je
la donne de moi-même », avait dit
Jésus.
(Jean X, 18.)
Son amour compatissant se manifeste encore
par la guérison miraculeuse de Malchus,
serviteur du souverain sacrificateur.
(Luc XXII, 51.) C'est le dernier
rayon de sa gloire ; le soleil est près
de disparaître. La vie sainte et
élevée du Fils de l'homme va
être engloutie dans la nuit des souffrances
et de la mort. Mais ce coucher de soleil annonce
l'aurore du matin de Pâques, du printemps
éternel, qui apportera au monde malade et
glacé le bonheur et la paix.
IV. LE CHRÉTIEN EN PAYS
ENNEMI
« Si donc c'est moi que vous cherchez,
laissez aller ceux-ci. »
(Jean XVIII, 8.) Quoiqu'il eût
pu le faire aisément, le Seigneur ne veut
pas détruire ses ennemis.
« Comment donc s'accompliraient les
Écritures qui disent qu'il en doit
être ainsi ? »
(Math. XXVI, 54.)
Les disciples ne devaient point participer
à sa Passion. Avant que le
Sauveur eût souffert pour eux, ils ne
pouvaient souffrir pour lui. Plus tard
« ils boiront sa coupe, et ils seront
baptisés du baptême dont il doit
être baptisé. »
(Math. XX, 23.) Mais le Seigneur doit
lutter seul, afin de conquérir pour eux la
force de le suivre sur le chemin de la
croix. » C'était afin que cette
parole qu'il avait dite fût accomplie :
« Je n'ai perdu aucun de ceux que tu m'as
donnés. »
(Jean XVIII, 9.) Chose
remarquable ! Le Seigneur s'expose sans
défense aux coups de ses ennemis
acharnés et, par un seul mot, il
délivre ses pauvres disciples. Ses ennemis
les laissent aller ; sa parole
élève comme un mur de feu autour des
apôtres, même lorsque l'un d'eux,
Pierre, vient étourdiment se jeter au milieu
du danger.
« Laissez aller
ceux-ci ». Depuis longtemps il n'y aurait
plus de chrétiens sur la terre, si le
Seigneur ne se tenait, vivant et puissant,
près d'eux pour les garder. L'histoire de
l'Eglise, celle de chaque enfant de Dieu, en est la
preuve. « L'Évangile est la
puissance de Dieu pour le salut de tous ceux qui
croient. »
(Rom. I, 16.) Sans cette protection,
qui s'est manifestée d'une manière
visible en faveur des disciples à
Gethsémané, nul homme ne parviendrait
au salut.
C'est une lettre de grâce
adressée à tous les croyants. Ne te
la laisse pas ravir, enfant de Dieu !
Que tu sois le plus saint ou le
plus faible des disciples du Sauveur, si tu aimes
ton Maître, si tu te places franchement et
résolument à côté de
lui, cette parole te concerne.
V. NON L'ÉPÉE, MAIS
L'OBÉISSANCE
« Seigneur, frapperons-nous de
l'épée ? »
(Luc XXII, 49) demandent les
disciples. Et, sans attendre la réponse,
Pierre tire l'épée ; il frappe
autour de lui et coupe l'oreille droite de Malchus.
Le Seigneur guérit ce dernier, puis il
blâme ouvertement son disciple.
Le mal causé par l'épée
de Pierre est la première des innombrables
blessures qu'un zèle charnel et intempestif
a faites à la cause du Seigneur.
« Nos armes de guerre ne sont pas
charnelles, mais elles sont puissantes en
Dieu. »
(2 Cor. X, 4.) Que serait-il advenu
du royaume des cieux sur la terre si, à
chaque fois, le Seigneur n'était intervenu
pour réparer, par sa puissance et sa
sagesse, les fâcheuses conséquences de
l'imprudence des chrétiens ? Pierre
voulait montrer à son Maître qu'il
était prêt à s'exposer pour lui
au danger, à la mort même. Ses
intentions étaient bonnes, mais il agissait
sans réflexion. Il lui était plus
facile de tirer l'épée à
côté de Jésus que de veiller et
de prier. Il dut apprendre dans
la suite à se laisser lier et à
perdre sa vie pour l'amour de lui.
L'impétuosité de Pierre aurait
pu nuire à la cause de son Maître.
Celui-ci supporte son pauvre disciple avec une
grande patience et répare le mal qu'il a
fait. Puis il ajoute cette belle parole :
« Penses-tu que je ne puisse pas
maintenant prier mon Père, qui me donnerait
plus de douze légions d'anges ? Comment
donc s'accompliraient les Écritures qui
disent qu'il en doit être
ainsi ? »
(Matth. XXVI, 53, 54.) Tandis que
Jésus se laisse lier et emmener, il voit en
esprit les milliers d'anges qui contemplent avec
admiration son immolation volontaire et qui
voleraient à son secours si, au lieu de
mourir pour sauver le monde, le Seigneur voulait
maintenant le juger.
Ces mêmes esprits, dont les myriades
entourent son trône, « exercent un
ministère en faveur de ceux qui doivent
hériter du salut. »
(Hébr. I, 14.) Le Seigneur ne
manque pas de moyens pour protéger ses
élus. Son royaume est puissant et glorieux.
Heureux ceux qui y ont acquis droit de
bourgeoisie !
« Comment donc s'accompliraient
les Écritures qui disent qu'il en doit
être ainsi ? »
(Matth. XXVI, 54.) Le Seigneur a fait
des Écritures la règle constante de
sa conduite ; il a accompli point après
point, non seulement les prophéties qui le
concernent,mais la loi sainte
jusqu'à un iota et à un trait de
lettre. Nous ne pouvons parvenir à la
perfection ; c'est pour cela que la justice
parfaite du Seigneur vient couvrir nos nombreux
manquements. Les saintes Écritures doivent
s'accomplir. Le chemin par lequel le Seigneur a
passé, par la souffrance et la mort à
l'éternité bienheureuse, est le
même que son Église et chacun de ses
enfants ont à suivre. Sans doute l'un a
parfois plus à porter que l'autre, mais il
n'y a pas d'exception : par la croix à
la gloire. Le Seigneur tend à ses disciples
la coupe que le Père lui a offerte et que,
par sa prière, il a obtenu la volonté
et la force d'accepter. Nous devons suivre son
exemple et ne point prétendre à la
couronne sans avoir porté la croix.
« En ce moment, Jésus dit
à la troupe : Vous êtes sortis
avec des épées et des bâtons,
comme après un brigand, pour me
prendre ; j'étais tous les jours assis
parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne
m'avez point saisi. Mais tout ceci est
arrivé, afin que les écrits des
prophètes fussent accomplis. »
(Matth. XXVI, 56.)
Le Seigneur ressent profondément
l'ignominie et l'indignité du traitement qui
lui est infligé et il l'exprime avec un
sérieux plein de majesté ! Il
rappelle à ses ennemis les jours
mémorables où il les instruisait,
quand des milliers écoutaient sa Parole avec
enthousiasme et poussaient des cris de joie
à sa vue, et il leur fait
sentir combien ils sont lâches de s'attaquer
à lui maintenant qu'il est sans
défense. « Mais c'est votre heure
et la puissance des ténèbres.
(Luc XXII, 53.) C'est ici
l'accomplissement de la prophétie de
Daniel : « Le Christ sera
retranché, et non pour lui »
(Dan. IX, 26), et de la sentence
adressée au serpent par l'Éternel
Dieu dans le jardin d'Eden : « La
postérité de la femme
t'écrasera la tête, et toi, tu la
blesseras au talon. »
(Gen. III, 15.) Il faut que ses
ennemis sachent qu'en agissant ainsi, ils se font
les instruments de la puissance du mal, et qu'ils
accomplissent ses desseins. Ils montrent au monde
l'abîme dans lequel peut tomber celui qui
préfère les ténèbres
à la lumière.
C'est ici la plus grande victoire du mal sur
la vérité et la
sainteté ! Le seul homme qui fut
parfaitement pur et saint va être mis
à mort, et cela uniquement parce qu'il est
pur et saint. Voilà ce dont
l'humanité est capable !
Cependant les enfants mêmes du diable
n'ont pas été tels dès le
commencement. Judas avait aimé la
lumière, lorsqu'elle lui apparut, maïs
il avait gardé un interdit dans son
coeur ; Satan s'en servit pour l'amener peu
à peu à haïr la
vérité et à faire la guerre
à Dieu. La tentation ne se présente
pas à nous sous la même forme
qu'à Judas. Mais Satan possède
toujours sa puissance. Christ est
encore haï de ceux-là même qui
l'ont connu. Prenons garde à nous, de peur
que, comme Judas, nous ne devenions des ennemis de
la lumière. « Que celui qui croit
être debout, prenne garde qu'il ne tombe.
(I Cor. X, 12.)
Jésus se laisse lier et emmener.
« Alors tous ses disciples, l'ayant
abandonné, s'enfuirent. »
(Marc XIV, 50.) Le Seigneur le leur
avait prédit. « Je vous serai
cette nuit à tous une occasion de
chute ; car il est écrit :
« je frapperai le Berger, et les brebis
seront dispersées. »
(Marc XIV, 27.)
VI.
L'INTERROGATOIRE
Alors la cohorte, le tribun militaire et les
sergents des juifs prirent Jésus, le
lièrent et l'emmenèrent,
premièrement chez Anne, parce qu'il
était le beau-père de Caïphe, le
souverain sacrificateur de cette
année-là. »
(Jean XVIII, 12, 13.) Anne avait
été déposé par les
Romains de sa charge de souverain sacrificateur.
Cette injustice avait contribué à le
placer très haut dans l'estime du parti
judaïsant et opposé à la
domination étrangère. Malgré
leur rivalité, Anne était en bons
termes avec son gendre Caïphe, dont
probablement il habitait le palais ; une
même haine les animait contre le Christ.
C'est à Anne que l'on conduit
Jésus, soit par égard pour lui, soit
parce qu'il était le membre le plus ardent
de la ligue formée contre le Seigneur. Le
vieil et astucieux pharisien comptait surprendre
Jésus par ses questions, afin de pouvoir se
présenter avec une accusation bien en
règle devant le sanhédrin. Son
importance en aurait été
rehaussée. « Il interroge
Jésus sur ses disciples, et sa
doctrine. »
(Jean XVIII, 19.) Dans quel
but ?
Non seulement les ennemis du Seigneur
avaient décidé de le faire mourir,
mais ils avaient arrêté d'avance les
motifs de sa condamnation. Ils voulaient l'accuser
d'être un imposteur, prêchant des
doctrines dangereuses, et un chef de parti
soulevant le peuple et ayant rassemblé de
nombreux partisans. Ces deux accusations devaient
suffire pour le perdre en même temps aux yeux
des Romains et des juifs. Car la loi de Moïse
punissait de mort tout faux prophète, tout
blasphémateur contre l'Éternel, et
les autorités romaines sévissaient
avec rigueur contre les émeutiers et les
perturbateurs. Le plan ourdi, il ne s'agit plus que
de le mettre à exécution.
L'interrogatoire devait avoir lieu devant le
sanhédrin. Mais Anne prend sur lui de le
devancer. Son attente est promptement
déçue. Si, depuis le plus petit
jusqu'au plus grand, tous les juifs tremblaient
devant l'ancien souverain sacrificateur, il y eut
cependant un homme qui ne le
craignit pas et dont les réponses dignes et
fermes et le regard assuré, durent lui
causer une secrète terreur.
« Jésus lui
répondit : J'ai parlé
ouvertement au monde ; j'ai toujours
enseigné dans la synagogue et dans le
temple, où les juifs s'assemblent de toutes
parts, et je n'ai rien dit en cachette. Pourquoi
m'interroges-tu ? Interroge ceux qui ont
entendu ce que je leur ai dit ; ces
gens-là savent ce que j'ai dit. »
(Jean XVIII, 20, 21.)
Il devient évident aux yeux de tous
que la cause unique de la condamnation de Christ
est sa qualité de Fils de Dieu. Ses juges et
ses accusateurs n'ont pas la satisfaction de
trouver en lui l'ombre d'une faute. Ils sont
forcés de reconnaître, - et toutes les
générations l'ont reconnu
après eux - qu'ils ont mis à mort le
Messie, l'espérance de leurs pères,
le Sauveur du monde, et cela uniquement parce qu'il
a rendu témoignage à la
vérité.
Ce ne sont pas les païens qui ont
commis ce meurtre, mais bien le peuple
d'Israël qui connaissait le vrai Dieu et qui
possédait les promesses. Et ce ne sont pas
les simples, les ignorants, les petits, qui sont
les seuls coupables, mais les principaux, le
souverain sacrificateur et les anciens. De
génération en
génération, depuis dix
siècles, les juifs soupiraient après
le Messie ; l'époque de sa venue, sa
naissance, les événements de sa vie,
tout était annoncé
avec détails dans les saints livres. Le
Christ paraît. Il accomplit la parole
prophétique. Il ne fait de mal à
personne ; loin de là, il
relève, il guérit, il console... et
Israël le met à mort ! Comment
expliquer l'inexplicable ?
Nous ne parlons ici ni de la haine ni de
l'hypocrisie des pharisiens. Ce qui restera
toujours une énigme, c'est que les
héritiers des promesses aient pu se
soumettre à la puissance de Satan, au point
de devenir les meurtriers de Celui-là
même dont ils attendaient la
manifestation.
La chose cependant devient
compréhensible, lorsque nous nous
plaçons au point de vue du temps
présent. Car, si le Fils de Dieu revenait
maintenant sur la terre, est-ce que le peuple de la
nouvelle alliance lui ferait un meilleur
accueil ? Sans doute des milliers de coeurs
affamés et altérés
tressailleraient de joie à sa vue ;
mais la chrétienté prise dans son
ensemble ! La chrétienté froide,
formaliste, ennemie de la croix de Christ, comment
accepterait-elle la prédication du royaume
des cieux ? comment le monde civilisé
et blasé recevrait-il le fils du charpentier
accompagné de quelques humbles
pêcheurs ? Les chrétiens
auraient-ils le courage nécessaire pour
résister au courant et suivre le
Seigneur ? L'opinion du monde exerce une si
grande influence sur les hommes, que le prince des
ténèbres la met en oeuvre et s'en
sert pour accomplir ses desseins.
Ce fut alors son arme principale. Au nom de la
religion, le Christ, qui est le centre et l'essence
même de la religion, fut repoussé,
parce qu'il ne se présentait pas dans les
formes convenues et qu'il ne s'appuyait pas sur les
principaux du peuple. L'inimitié de ces
derniers eut pour cause première leur
orgueil blessé !
La haine du plus grand nombre provenait
d'une autre source. Les enseignements du Seigneur
avaient nécessairement dû atteindre la
conscience de la foule incrédule. La
lumière est la condamnation des
ténèbres. La même parole, qui
apporte la consolation et la vie au coeur
altéré de pardon et de justice,
irrite et aigrit les esprits charnels et
orgueilleux. Ceux-ci forment toujours la
majorité. Quel est le prédicateur
évangélique et fidèle qui n'en
ait fait l'expérience ?
Le Seigneur répond à Anne avec
une sage et sainte énergie, ce en même
temps avec tant de clarté et
d'autorité, que l'astucieux vieillard est
obligé de laisser ses disciples en paix.
Heureux ceux qui ont un tel Maître pour
défenseur !
« Je n'ai rien dit en
cachette. »
(Jean XVIII, 20.) Personne n'aurait
osé parler au vieux sacrificateur avec
autant de courage. Cette hardie justification
aurait dû réveiller la conscience du
juge inique et le faire rentrer en lui-même.
En effet, sa question montrait
avec évidence que l'enseignement de
Jésus lui était complètement
étranger. Pendant trois ans, le Messie
promis aux pères, le Prophète aux
paroles divines, le souverain Sacrificateur
éternel, annonce le royaume de Dieu ;
il rend la vue aux aveugles, il fait marcher les
paralytiques, il guérit les lépreux,
il ressuscite les morts et Anne n'en sait
rien ! Sa renommée est répandue
dans le pays ; des milliers accourent sur son
passage, ses discours se répètent en
tous lieux, le peuple s'écrie à la
vue de ses miracles : « Un grand
prophète s'est élevé parmi
nous, et Dieu a visité son
peuple ! »
(Luc VII, 16.) Et les sacrificateurs,
les gardiens du sanctuaire, ne sont jamais
allés le voir ! ne sont jamais
allés l'entendre ! Mais la nuit
où Jésus fut livré, alors ils
se montrent et se mêlent à la
foule !
Ce fait, qui nous parait inouï, se
répète incessamment : La bonne
nouvelle de l'Évangile retentit dans le
monde entier. Des milliers se rassemblent autour de
l'étendard de la croix, ayant trouvé
en Jésus le salut, la paix et le bonheur.
Les oeuvres chrétiennes, la
prédication du royaume des cieux ne se font
point en secret. Et cependant, un grand nombre, en
premier lieu les hommes de science, ne s'en
occupent point et ne les jugent point dignes d'une
heure de sérieux examen. Mais lorsqu'il
s'agit de critiquer, d'énoncer un jugement
à propos de la religion du
Christ, de la révélation, de
l'éternité, ces mêmes savants
tranchent et décident avec une
complète liberté. Que penserait-on
d'un homme qui, ne s'étant jamais
occupé de peinture et n'ayant jamais
manié le pinceau, se permettrait de
critiquer les admirables toiles de
Raphaël ? ou d'un ignorant en fait de
musique, qui déclarerait l'orgue de Barbarie
supérieur à une symphonie de
Beethoven admirablement
exécutée ?
Des millions de créatures vivent sur
la terre quarante, cinquante, quatre-vingts ans,
sans s'inquiéter de l'oeuvre et des
enseignements du Seigneur. Le salut éternel
est prêché à l'humanité
condamnée, et la majeure partie
n'écoute pas le message de grâce et se
contente des « On dit ! »
« Le ciel passera, la terre, avec les
oeuvres qui sont en elle, sera entièrement
brûlée. »
(2 Pierre III, 10.) Mais les paroles
de Jésus demeureront et ceux-là seuls
qui auront cru en lui hériteront la vie
éternelle.
VII. JÉSUS
DEVANT LE SANHÉDRIN
« Et Anne l'envoya lié à
Caïphe le souverain sacrificateur. »
(Jean XVIII, 24.) Il importait aux
principaux que la séance officielle du
sanhédrin,
présidée par
Caïphe, eut l'apparence de la
légalité. L'intention positive de
ceux-ci, de se défaire de Jésus,
s'était manifestée durant tout le
ministère du Seigneur. »
« Jésus ne pouvait pas demeurer,
en Judée, parce que les juifs cherchaient
à le faire mourir. »
(Jean VII, 1.) « Les juifs
avaient arrêté que si quelqu'un
reconnaissait Jésus pour le Christ, il
serait chassé de la synagogue. »
(Jean IX, 22.) Après la
résurrection de Lazare, « les
principaux sacrificateurs et les pharisiens
assemblèrent le sanhédrin, et
dirent : « Que ferons-nous ?
car cet homme fait beaucoup de
miracles. »
(Jean XI, 47.) « Ils
donnent l'ordre que si quelqu'un savait où
il était, il le déclarât, afin
qu'on se saisît de lui. »
(Jean XI, 57.)
À la dernière séance du
sanhédrin, Caïphe prononce cette parole
prophétique : « Vous n'y
entendez rien ; et vous ne considérez
pas qu'il nous importe qu'un seul homme meure pour
le peuple, et que toute la nation ne périsse
pas. »
(Jean XI, 49, 50.) Saint Jean
ajoute : « Or, il ne dit pas cela de
son propre mouvement, mais, étant souverain
sacrificateur cette année-là, il
prophétisa que Jésus devait mourir,
non seulement pour la nation, mais aussi pour
rassembler en un seul corps les enfants de Dieu
dispersés. »
(Jean XI, 51, 52.) Le souverain
sacrificateur occupait une place trop importante au
milieu de la nation juive, pour
que Dieu l'ait laissé parler de
lui-même dans une circonstance si grave.
À cet instant décisif, il lui rend le
don de prophétie qui était perdu
depuis longtemps en Israël. Comme un nouveau
Balaam, Caïphe annonce le conseil divin de la
rédemption ; il prononce la
bénédiction sur Jésus et sur
le peuple de Dieu et la malédiction sur
lui-même et sur son parti. L'Esprit de Dieu
lui inspire les paroles mêmes que le
souverain sacrificateur devait prononcer, au moment
où l'ancienne sacrificature prenait fin pour
faire place à l'éternelle et parfaite
sacrificature.
On raconte que, dans le beau temps de la
république romaine, le sénat
paraissait une assemblée de rois. Ces
sénateurs romains étaient des hommes
honorables, nobles, loyaux. Le bien de
l'État passait pour eux en première
ligne ; mais la justice était à
la base de leur édifice.
À Jérusalem, il en est tout
autrement. Les pères du peuple s'assemblent.
Les principaux, les anciens, à l'aspect
vénérable, aux cheveux blanchis par
l'âge, entrent en séance. Leur devoir
est de faire régner la justice et respecter
la loi de Dieu ; le Maître du ciel et de
la terre leur a confié le soin de sa vigne
jusqu'à son retour. Voici maintenant
l'héritier. « Peut-être
qu'en voyant mon fils bien-aimé, ils le
respecteront, » dit le Seigneur.
(Luc XX, 14.) Mais non, ils ne le
craignent pas ; ils
cherchent à le jeter
dehors, à le tuer, pour avoir son
héritage et conserver leur injuste
domination. Les hauts faits du fils sont trop
évidents pour qu'il soit possible de les
nier. Que faire ? on cherche, on achète
de faux témoins, afin de pouvoir
déclarer, sous l'apparence de la
légalité, que Jésus est digne
de mort. Quel triste rôle vous jouez ici,
anciens et sacrificateurs ! Combien tu es
déchu, peuple descendu d'Abraham !
Quand les principes du droit et de la justice ne
dirigent plus les autorités, une nation est
bien près de sa ruine. Israël en est un
vivant exemple.
Qu'une pareille assemblée cherche de
faux témoins, cela surprend moins, que de
voir ceux-ci oser accuser Jésus par leurs
paroles mensongères. Ils devaient être
animés d'un esprit véritablement
diabolique, L'ennemi rusé et méchant
ne trouve que trop aisément des hommes
disposés à fausser et à
travestir les paroles du Christ et à
susciter la méfiance à son
égard. Le Seigneur sera toujours
« en butte à la
contradiction. »
(Luc II, 34.)
Ce qui paraît plus extraordinaire
encore, c'est qu'il ne se soit pas trouvé un
seul disciple assez courageux pour déposer
son témoignage en faveur de Jésus.
Certes, il ne manquait pas de gens qui auraient pu
le faire. Parmi les milliers de juifs
assemblés à Jérusalem pour la
fête, les uns avaient éprouvé
en leur corps la puissance merveilleuse
du Seigneur, les autres avaient
entendu raconter ses miracles. Les disciples, en se
dispersant, avaient dû répandre de
tout côté la nouvelle de l'arrestation
de leur Maître. Cependant nul ne s'avance
pour prendre sa défense. Où est
l'aveugle-né qui avait fait cette franche
confession devant le sanhédrin
« Je ne sais si c'est un
pécheur ; je sais une chose c'est que
j'étais aveugle et que maintenant je
vois »
(Jean IX, 25.) Un des apôtres
le renie, les autres se cachent, terrifiés.
Cependant le Seigneur en avait appelé
à leur témoignage :
« Interroge ceux qui ont entendu
ce que je leur ai dit ; ces gens-là
savent ce que j'ai dit. »
(Jean XVIII, 21.) Ah ! pas un
seul n'ose s'avancer et défendre son
Maître. Honte ! honte sur eux
« Maudit est l'homme qui se confie en
l'homme il sera comme un homme dénué
de secours dans la plaine
stérile. »
(Jér. XVII, 5, 6.) Le
Seigneur, lui, ne se reposait sur personne et il
n'avait nul besoin qu'un autre prît sa
défense.
Je ne pense pas que, de nos jours, les
chrétiens soient beaucoup plus courageux.
Quand tout suit paisiblement son cours, les foules
se rassemblent autour de l'Évangile, mais,
dès qu'il y a lutte ou danger, la plupart se
retirent effrayés et laissent les
combattants se tirer seuls d'affaire.
En général, on accuse Simon
Pierre de s'être laissé
entraîner par un faux point d'honneur
à suivre Jésus
jusque dans le palais de Caïphe. Cependant la
place des apôtres était bien à
côté de leur Maître. Car, pour
raconter sa Passion, il fallait qu'ils y eussent
assisté. S'ils étaient restés
à leur poste, le Seigneur les aurait
gardés et pas un seul cheveu ne serait
tombé de leur tête. Il est vrai que
Jésus avait dit à Pierre :
« Où je vais, tu ne peux me suivre
maintenant »
(Jean XIII, 36), mais c'est à
sa mort qu'il faisait allusion. Le Saint-Esprit
avait aussi prédit par le
prophète : « Frappe le
pasteur, et les brebis seront
dispersées. »
(Zach. XIII, 7.) Mais cette fuite des
brebis n'est ni louée ni approuvée.
Le Seigneur conduit son petit troupeau dans
le jardin des Oliviers et il ne le renvoie pas
à l'arrivée de la troupe ennemie.
Pierre n'est point à blâmer parce
qu'il a suivi Jésus dans le palais avec
Jean, mais parce qu'il a négligé de
veiller et de prier. Quand Christ, son
Évangile, son règne, sont en cause,
les disciples doivent rester à leur poste.
Il semble, au premier abord, que les faibles
devraient se tenir éloignés de la
tentation. Mais quels seront les forts ?
Faible ou fort, la place du disciple fidèle
est à côté de son Maître
- que celui-ci soit honoré ou
méprisé - et, avec le Seigneur, le
plus faible deviendra fort.
VIII. SILENCE
DU CHRIST
« Ne réponds-tu rien ?
Qu'est-ce que ces gens déposent contre
toi ? »
(Math. XXVI, 62.) Le Seigneur garde
le silence. Malgré les mauvais traitements
dont son visage porte encore les traces, il
apparaît comme un roi, dans sa sainte et
merveilleuse majesté. Par ce silence, qui
devait profondément impressionner
l'assemblée, il dirige les débats et
les amène au point capital, savoir à
la question solennelle du souverain
sacrificateur.
Le silence du Seigneur vis-à-vis des
faux témoins nous dicte la conduite que nous
avons à suivre, quand nous sommes en butte
à la méchanceté des hommes.
Les chrétiens ne peuvent échapper
à de faux jugements, à la haine,
à la calomnie. Plus leur vie
intérieure sera pure et
élevée, plus la dépravation du
monde les fera souffrir. L'image du Maître,
calme et paisible en face des outrages et des
fausses accusations, leur aidera à supporter
l'ignominie et à se conduire d'une
manière digne de l'Évangile.
Le Seigneur a non seulement sanctifié
ce chemin douloureux, mais il a acquis aux siens la
force de le suivre. Il devrait nous être
d'autant plus facile de supporter la calomnie que
nous ne sommes jamais, comme le Seigneur,
complètement innocents.
Presque toujours, quelque péché
caché, en rapport plus ou moins direct avec
l'attaque dirigée contre nous, deviendra
manifeste à notre conscience ;
humiliés et repentants, nous apprendrons
à garder le silence, même si l'on nous
accuse injustement.
Qu'il sera terrible dans
l'éternité, le sort de ces faux
témoins, quand ils verront le triomphe de la
vérité à laquelle ils avaient
opiniâtrement résisté !
Sans doute, s'ils avaient su que le pauvre
Nazaréen était le Fils de Dieu, ils
n'auraient pas osé le charger de leur faux
témoignage. Mais ils le firent par
incrédulité et par basse flatterie
envers les principaux ; ces
péchés les entraînèrent
à la ruine.
IX. CHRIST, FILS
DU DIEU VIVANT
Le silence impénétrable du
Seigneur a tenu le procès en suspens. Le
souverain sacrificateur et ses acolytes ne
s'étaient pas attendus à pareil
échec. Leur embarras est extrême.
Caïphe se voit forcé de renoncer aux
moyens détournés et d'adresser
à Jésus une question claire et
précise. C'est ce que voulait le Seigneur,
afin de pouvoir répondre d'une
manière tout aussi positive. Il voulait que
le monde entier apprît qu'il était le
Christ, le Fils de Dieu, et que
le peuple d'Israël mettait à mort, non
un malfaiteur, mais son propre Messie. Sans se
douter qu'il accomplissait la volonté d'un
plus grand que lui, le souverain sacrificateur
adjure Jésus, « par le Dieu
vivant, de dire s'il est le Christ, le Fils de
Dieu ». Et Jésus lui
répondit : « Tu l'as
dit. »
(Matth. XXVI, 63.)
L'audience a pris une tournure inattendue et
merveilleuse. C'est le moment capital de l'histoire
de l'humanité. Le souverain sacrificateur
interpelle le Seigneur, avec la formule du serment
usité chez les Juifs et le Seigneur affirme
par serment sa qualité de Fils de Dieu.
jusqu'à présent, son simple
témoignage avait suffi aux disciples, car
ceux-ci avaient déjà reconnu que
« Jésus était le Christ, le
Fils du Dieu vivant. »
(Matth. XVI, 16.) Mais une
confirmation solennelle était
nécessaire pour le salut des
générations à venir.
Tout homme est placé dans
l'alternative de croire, ou que Jésus a dit
la vérité et qu'il est le Fils de
Dieu, le Sauveur, le Maître, le juge du
monde, ou qu'il a prononcé un parjure et
qu'il est un imposteur, un blasphémateur qui
méritait la mort et qui l'a subie avec
justice. Cette conséquence est
évidente et il est incompréhensible
qu'un si grand nombre de personnes ne la voient
pas.
Le sanhédrin a agi avec plus de
logique. Les principaux ne
croyaient pas, ou ne voulaient pas croire à
la divinité de Jésus ; c'est
pourquoi ils le condamnèrent comme
blasphémateur. Nous ne rechercherons pas si
tous les membres du conseil tenaient effectivement
Jésus pour coupable, ou si, en le
condamnant, ils agissaient contre leur conscience.
Dans ce dernier cas, ils auraient commis une action
basse, inexcusable, diabolique.
Quand on étudie la vie du Seigneur,
on arrive à la conclusion que tout
Israël aurait pu parvenir à une
parfaite certitude à l'égard de la
personne du Christ. Sa gloire indescriptible, le
témoignage qui lui fut rendu par
Jean-Baptiste, ses miracles, - entr'autres la
résurrection de Lazare - les paroles pleines
de grâce et de vérité qui
sortaient de ses lèvres, sa
réputation répandue dans tout le pays
et au delà des frontières, les types
et les prophéties messianiques accomplies en
sa personne, tout aurait dû le convaincre de
la divinité du Fils de l'homme. Ceux qui
sont venus à lui simplement et sans
hypocrisie sont tombés à ses pieds,
reconnaissant en lui le Fils de Dieu : le
centenier romain de Capernaüm et la femme
cananéenne ; Nathanaël et
Zachée le péager - la
pécheresse de Magdala et les deux soeurs de
Béthanie.
Le Seigneur, debout devant le conseil,
affirme, par un serment solennel, qu'il est le Fils
de Dieu. Si les principaux sacrificateurs avaient
conservé une
étincelle de loyauté et d'amour de la
vérité, ils auraient dû tout au
moins approfondir cette assertion avec calme et
sérieux. Mais non ! La haine les
aveugle ; un miracle même ne serait pas
assez puissant pour ramener leur coeur
égaré ; l'endurcissement est
leur châtiment.
Plus de cinquante générations
se sont succédées depuis que le
Christ a affirmé avec serment sa
qualité de Fils de Dieu. Si quelques-uns
déclarent franchement qu'ils le regardent
comme un hypocrite et la religion chrétienne
comme une tromperie, la plupart des hommes restent
dans le vague à son sujet. La croyance
à sa divinité est incommode à
un monde léger et terrestre, parce qu'elle
entraîne avec soi la conviction du
péché, la conversion et la
sainteté. Cependant les conséquences
de la divinité du Sauveur sont si
manifestes, qu'il est impossible de ne pas les
voir. « Cueille-t-on des raisins sur des
épines, ou des figues sur des
chardons ? »
(Matth. VII, 17.) Celui qui est le
centre de l'Évangile, la pierre angulaire de
la religion chrétienne, ne peut être
un mauvais arbre, puisque ses fruits sont
bons.
Quant à nous, après avoir
sérieusement examiné et pesé
les dénégations de
l'incrédulité, nous pouvons affirmer
avec assurance qu'elles ne nous ont aucunement
ébranlé. Notre foi ne repose pas sur
une base aussi fragile que les adversaires de
l'Évangile se plaisent
à le répéter. « Nous
savons en qui nous avons cru. »
(2 Tim. I, 12.) La source de
l'incrédulité n'est point dans la
raison, mais dans le coeur qui cherche à
s'appuyer sur de mauvais prétextes.
Il est plus facile, de nos jours, d'en
arriver à une complète certitude au
sujet du Christ que lorsqu'il était sur la
terre. Alors ses disciples seuls le connaissaient
intimement. La plupart des Juifs n'avaient entendu
qu'une partie de ses discours et n'avaient
assisté qu'à quelques-uns de ses
miracles ; mais nous, nous possédons le
récit complet de sa vie. Si toutes ses
paroles et toutes ses actions n'ont pas
été conservées, cependant
l'Évangile en donne un récit
détaillé et exact ; le
témoignage des apôtres et de la
primitive Église viennent les confirmer.
Oui, les saintes Écritures nous
présentent la révélation
complète de l'oeuvre de Christ, elles
contiennent tout le plan du salut de
l'humanité. Pour peu que nous ayons des yeux
pour voir, nous serons obligés de
reconnaître que le Nouveau Testament est
l'accomplissement glorieux de l'Ancien et que
Jésus est le Fils de Dieu, le Sauveur du
monde.
Le grand prétexte de
l'incrédulité pour ne pas croire, ce
sont les miracles du Seigneur. Mais, quand
même il n'en aurait point accompli, le
merveilleux resterait encore attaché
à sa personne : sa
vie, sa mort, sa résurrection, sont autant
de miracles. Sa Parole en est un permanent :
« Jamais homme n'a parlé comme cet
homme ! »
(Jean VII, 46.) Chaque mot
prononcé par le Seigneur a une valeur, non
seulement pour le moment présent, mais
jusqu'à la fin des siècles. La parole
adressée au péager, à la
pauvre pécheresse, a consolé le
philosophe grec et l'esclave romaine,
l'impératrice sur son trône et le
moine dans sa cellule. La même parole
convertit le prince européen, l'ouvrier
américain, l'orgueilleux Brahmane et le
nègre africain.
Après avoir répondu :
« Je le suis », Jésus
ajoute : « Et même je vous le
déclare : Dès maintenant vous
verrez le Fils de l'homme assis à la droite
de la puissance de Dieu, et venant sur les
nuées du ciel. »
(Matth. XXVI, 64.) Jésus se
rend bien compte du contraste étrange qui
existe entre les liens qui le retiennent captif et
sa gloire à venir, entre son abaissement
momentané et sa majesté divine, et il
s'efforce de rendre cette impression saisissante et
efficace pour ses juges.
Le Fils de l'homme sera assis à la
droite de la puissance de Dieu ; il viendra
sur les nuées du ciel. La première
partie de cette prophétie a trait à
la gloire céleste qui attend le Seigneur, la
seconde au jugement d'Israël et finalement au
grand jour du jugement. Quand on a vu les luttes de
Jésus contre l'incrédulité de
son peuple, quand on a entendu
les clameurs des juifs : « Que son
sang retombe sur nous et sur nos
enfants ! »
(Math. XXVII, 25) quand on a
assisté à la crucifixion du Sauveur,
on comprend le rapport intime qui existe entre le
rejet du Messie par Israël et le rejet
d'Israël par Dieu : quarante ans
après la mort de Jésus, la nation
juive fut ébranlée jusqu'à sa
base et dispersée aux quatre vents des
cieux.
Lorsque la Galilée débordait
d'enthousiasme pour Jésus, le Seigneur
parlait de sa mort et de la douleur que ses
disciples en éprouveraient. Quand il
parcourait librement le pays, il leur
annonçait ses souffrances. Maintenant qu'il
est lié et traîné devant le
tribunal, il prédit son
élévation triomphante. Grandeur
divine ! sagesse infinie !
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