Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Du Thabor à Golgotha



IV
AVANT LE SACRIFICE
La passion du Seigneur Jésus peut se diviser en trois parties distinctes :
1° Le jardin des Oliviers, l'interrogatoire devant le Sanhédrin et la condamnation à mort.
2° Jésus comparaît devant Pilate et devant Hérode, il est frappé de verges, couronné d'épines ; la sentence est confirmée par le gouverneur romain.
3° Golgotha.
Tout, dans ce terrible drame, a son importance et sa signification, les actions comme les lieux, le silence et les paroles, les hommes et les choses.

I. LE TRAÎTRE

« Levez-vous, allons - voici celui qui me trahit s'approche. » (Matth. XXVI, 46.) Quel changement subit dans le langage du Sauveur ! La crainte et le tremblement. ont disparu et c'est avec un calme divin qu'il attend la troupe envoyée pour le saisir. Sa prière a été exaucée ; l'ennemi spirituel est vaincu.

Il en est de même dans la vie chrétienne. Lorsque le croyant a accepté la volonté de Dieu et qu'il a reçu, en réponse à sa prière, le calme et la soumission, il souffrira encore sous l'épreuve, mais il pourra la surmonter. Nul n'a remporté une aussi grande victoire sur les angoisses de son coeur que Jésus, passant de la plus grande détresse à un calme admirable ; n'aura-t-il pas aussi compassion de nous dans l'épreuve et la tentation ? « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug, et apprenez de moi, parce que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes ; car mon joug est aisé, et mon fardeau léger. » (Matth. XI, 28-30)

Quel réveil pour les disciples qui dormaient de tristesse ! Les discours sérieux et prophétiques, prononcés par le Seigneur quelques heures auparavant, les avaient affligés d'autant plus, qu'ils ne les comprenaient pas et le malin avait sans doute contribué par son influence à leur assoupissement. N'avons-nous pas senti ce sommeil s'emparer de nous, comme une puissance malfaisante, au moment où nous aurions eu besoin de chercher le secours d'en-haut ? D'autre part, le méchant sait tenir éveillés ceux qui sont en sa puissance. Judas n'est point le seul qui soit demeuré debout quand les disciples dormaient de tristesse.

Il est positif que le diable réussit mieux à enflammer ses sujets pour un mauvais but, que le Saint-Esprit ne parvient à animer les chrétiens pour le service de leur maître. Ces derniers ont à lutter à la fois contre leur vieil homme et contre l'influence du tentateur, tandis que les enfants du mal, complètement soumis au diable, ne subissent pas deux influences opposées. Les choses visibles, dont le malin se sert pour les tenter, exercent une influence plus puissante sur les hommes que les choses invisibles et éternelles. Les premières agissent sur les sens, les autres sont affaire de foi.

Malgré cela, le Seigneur ne rejette pas ses faibles disciples. Il connaît leur misère et il les porte sans cesse sur son coeur de souverain Sacrificateur. Par leur manque de prière et de vigilance, les disciples se firent du tort à eux-mêmes et ils se trouvèrent désarmés en présence de l'ennemi. Leur exemple rappelle à tous ceux qui sont engagés dans la lutte la nécessité de veiller et de prier.

« Celui qui me trahit s'approche. » (Matth. XXVI, 46.) Judas n'est point seul. « Une grande troupe de gens armés d'épées et de bâtons, de la part des principaux sacrificateurs, des scribes et des anciens, s'avance » (Marc XIV, 43), avec des lanternes, des flambeaux et des armes. (Jean XVIII, 3.) Le Seigneur n'a d'yeux que pour le traître. Que les autres accomplissent leur oeuvre criminelle, c'est naturel. Mais que l'un des douze, l'enfant perdu, persévère jusqu'à la fin dans sa mauvaise voie et prenne part à l'oeuvre des ténèbres, mettant un sceau indélébile au jugement qui l'attend, voilà ce qui pèse douloureusement sur le coeur du Seigneur. Dans ce moment suprême, c'est la seule chose qui le préoccupe. Il ne craint pas le malin, il vient de le vaincre par la prière. Mais la chute de son apôtre lui cause une douleur infinie. Prenons garde à nous, de peur qu'après avoir vécu dans la communion du Seigneur, nous ne donnions accès dans nos coeurs au monde, au péché, au diable ; ce serait « crucifier de nouveau le Fils de Dieu, et l'exposer à l'ignominie. » (Hébr. VI, 6.)

Le Seigneur ne redoute pas ses ennemis déclarés, mais bien ses soi-disant amis, qui marchent avec son peuple, en apparence du moins, et qui font de la piété un métier. Ceux-là compromettent sa sainte cause et répandent la honte sur le nom de chrétien. « Judas, trahis-tu le Fils de l'homme par un baiser ? » (Luc XXII, 48.) Quelle douceur dans ce reproche ! Cependant il ne parvient point à toucher le malheureux, déjà prêt pour l'enfer. Le coeur du traître reste froid comme son baiser.

Il. QUESTION IMPORTANTE

Jésus s'avance au-devant de la troupe ennemie :
« Qui cherchez~vous ? leur demande-t-il. Ils lui répondirent : Jésus de Nazareth. » (Jean XVIII, 4.) Jésus sait bien que c'est lui qu'ils cherchent, mais il veut que ses ennemis se rendent compte de ce qu'ils font et sachent quel est celui qu'ils poursuivent pour le faire mourir.

Qui cherchez-vous ? Est-ce celui que le peuple a salué comme le Fils de David, l'espérance des patriarches, la gloire d'Israël ? Celui qui a nourri les affamés, guéri les malades, ressuscité les morts ?

Qui cherchez-vous ? Est-ce Jésus, doux et humble de coeur, le Fils de l'homme pur et saint, celui que nul ne pourra convaincre de péché, celui qui apporte au monde le royaume de Dieu, le pardon, la vie éternelle ? Le Seigneur savait que ce puissant appel adressé à la conscience de ses ennemis resterait sans effet, car ceux-ci n'étaient nullement disposés à y prêter attention. Mais cette parole aura retenti dans leur conscience jusqu'à leur dernier soupir.

Cette même question s'adresse aujourd'hui encore à chacun de nous. Qui cherches-tu ? Une vie facile, le bien-être de ta famille, le succès de tes entreprises ? ou cherches-tu un Sauveur, dans la détresse, un défenseur contre le méchant, un consolateur dans la souffrance ? Cherches-tu celui qui seul peut pardonner tes péchés, calmer ta conscience angoissée et t'offrir, sur la mer agitée de la vie, un port assuré, une patrie éternelle et bienheureuse ? Cherches-tu ce qu'il y a de plus grand et de plus précieux sur la terre et dans le ciel, le Dieu puissant, miséricordieux, le Père qui t'a créé et qui t'offre son amour ?

À tes efforts, à tes recherches, à tes soupirs, il n'y a qu'une seule réponse : Jésus de Nazareth, l'Homme-Dieu, le Sauveur du monde. En lui tu trouveras tout ; hors de lui, tes recherches et tes soupirs seront vains. Qui cherches-tu ?

Jésus, dont le nom est au-dessus de tout autre nom, et devant lequel « tout ce qui est dans les cieux, et sur la terre, et sous la terre, doit fléchir le genou, » (Phil. II, 9, 10.) Jésus est la solution du problème de l'histoire du monde, de la science humaine et du mystère de notre propre vie. Lui seul peut résoudre les questions les plus importantes. Il apporte la lumière au milieu de l'obscurité, l'harmonie dans le chaos des dissonances terrestres, la rémunération, la justice, le repos, après les souffrances et les injustices de la vie.

Sciemment ou inconsciemment, tous les hommes cherchent le Seigneur ; les uns en amis, les autres en ennemis. Il en a toujours été ainsi. Les disciples de Jean-Baptiste, sur les bords du Jourdain, auxquels Jésus demande : Que cherchez-vous ? le suivent immédiatement et ils trouvent plus qu'ils ne pouvaient espérer. Car, leur dit le Seigneur : « Je vous dis en vérité, à vous qui m'avez suivi, que lorsque le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire, dans le renouvellement qui doit arriver, vous aussi serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël. » (Math. XIX, 28.) Dès lors, un grand nombre d'Israélites ont trouvé en Jésus, non seulement le secours dans la détresse, la guérison dans la maladie, la force contre la puissance des ténèbres, mais le pardon des péchés, l'adoption d'enfants de Dieu et le bonheur éternel.

La troupe cherchait Jésus, dans le jardin des Oliviers, non pour lui demander quelque chose, mais pour se défaire de lui. Leur plan n'a pas réussi, car le Seigneur est toujours vivant. La même guerre se renouvelle dans chaque génération. Les uns viennent à lui pour implorer secours et pardon ; les autres pour le combattre. Et ces derniers ne se rendent pas compte que le Seigneur règne et qu'il domine même sur ses ennemis ! On ne combat point un mort. « Vous me chercherez, et vous me trouverez ; car vous m'aurez recherché de tout votre coeur. » (Jér. XXIX 13.) Qui cherchez-vous ?

III. C'EST MOI

« Jésus leur dit : C'est moi. » (Jean XVIII, 5.) Je suis Jésus de Nazareth que vous cherchez. Cette simple et courte réponse résume tout ce que le Seigneur a dit précédemment sur lui-même : « Je suis la lumière du monde. » (Jean VIII, 12.) « Je suis le pain de vie. » (Jean VI, 35.) « Je suis la résurrection et la vie. » (Jean XI, 25.) « Je suis le bon Berger. » (Jean X, 11.) Aucun des puissants de la terre n'a parlé avec autant d'autorité et de majesté. Aussi la haine et l'injustice sont obligées de s'incliner devant Jésus, avant qu'il livre sa vie aux mains des méchants.

« C'est moi ». Cette parole résonnera, au travers des siècles, jusqu'au retour glorieux du Seigneur. Quand il reviendra « dans sa gloire avec tous les saints anges, alors il s'assiéra sur le trône de sa gloire. Et toutes les nations seront assemblées devant lui. » (Math. XXV, 31, 32.) Alors cette parole « c'est moi » retentira avec un son de trompette, « les éléments embrasés seront dissous, et la terre, avec les oeuvres qui sont en elle, sera entièrement brûlée » (2 Pier. III, 10) ; et les ennemis du Seigneur tomberont à terre, non pour se relever aussitôt et jeter les mains sur lui, mais pour s'écrier, dans le sentiment de leur impuissance et de leur culpabilité : « Montagnes et rochers, tombez sur nous et cachez-nous de devant la face de celui qui est assis sur le trône. » (Apoc. VI, 16.)

« C'est moi ». C'est en même temps une parole de consolation pour tous ceux qui aiment le Seigneur. « Rassurez-vous, c'est moi ; n'ayez point de peur » (Marc VI, 50), dit Jésus aux disciples qui luttaient contre les vagues en furie du lac de Génézareth. « Pourquoi êtes-vous troublés ? voyez mes mains et mes pieds, car c'est moi-même » (Luc XXIV, 38, 39) ; « la paix soit avec vous » (Jean XX, 19), dit-il au soir de sa résurrection aux disciples découragés et craintifs.

« C'est moi ». Il nous adresse cette même parole, quand les eaux de l'épreuve ou les vagues de la tentation menacent de nous engloutir, quand les ennemis de Dieu paraissent triompher, ou quand l'oeuvre à laquelle nous travaillons semble près d'être anéantie. « Ne crains point, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le royaume. » (Luc XII, 32.) « Jésus-Christ est le même, hier, aujourd'hui, et pour l'éternité. » (Hébr. XIII, 8.)

« Et dès qu'il leur eut dit : « C'est moi », ils reculèrent et tombèrent par terre. » (Jean XVIII, 6.) Celui qui va se laisser lier comme un malfaiteur, est le Maître du monde. « Toute puissance lui est donnée dans le ciel et sur la terre. » (Math. XXVIII, 18.) À sa parole, les tempêtes s'apaisent, les démons s'enfuient, les morts ressuscitent. Ses ennemis mêmes sont obligés de reconnaître que c'est volontairement qu'il livre sa vie à la mort. Au seul son de sa voix, ils reculent et tombent à terre. « Personne ne m'ôte la vie, mais je la donne de moi-même », avait dit Jésus. (Jean X, 18.)

Son amour compatissant se manifeste encore par la guérison miraculeuse de Malchus, serviteur du souverain sacrificateur. (Luc XXII, 51.) C'est le dernier rayon de sa gloire ; le soleil est près de disparaître. La vie sainte et élevée du Fils de l'homme va être engloutie dans la nuit des souffrances et de la mort. Mais ce coucher de soleil annonce l'aurore du matin de Pâques, du printemps éternel, qui apportera au monde malade et glacé le bonheur et la paix.

IV. LE CHRÉTIEN EN PAYS ENNEMI

« Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci. » (Jean XVIII, 8.) Quoiqu'il eût pu le faire aisément, le Seigneur ne veut pas détruire ses ennemis. « Comment donc s'accompliraient les Écritures qui disent qu'il en doit être ainsi ? » (Math. XXVI, 54.)

Les disciples ne devaient point participer à sa Passion. Avant que le Sauveur eût souffert pour eux, ils ne pouvaient souffrir pour lui. Plus tard « ils boiront sa coupe, et ils seront baptisés du baptême dont il doit être baptisé. » (Math. XX, 23.) Mais le Seigneur doit lutter seul, afin de conquérir pour eux la force de le suivre sur le chemin de la croix. » C'était afin que cette parole qu'il avait dite fût accomplie : « Je n'ai perdu aucun de ceux que tu m'as donnés. » (Jean XVIII, 9.) Chose remarquable ! Le Seigneur s'expose sans défense aux coups de ses ennemis acharnés et, par un seul mot, il délivre ses pauvres disciples. Ses ennemis les laissent aller ; sa parole élève comme un mur de feu autour des apôtres, même lorsque l'un d'eux, Pierre, vient étourdiment se jeter au milieu du danger.

« Laissez aller ceux-ci ». Depuis longtemps il n'y aurait plus de chrétiens sur la terre, si le Seigneur ne se tenait, vivant et puissant, près d'eux pour les garder. L'histoire de l'Eglise, celle de chaque enfant de Dieu, en est la preuve. « L'Évangile est la puissance de Dieu pour le salut de tous ceux qui croient. » (Rom. I, 16.) Sans cette protection, qui s'est manifestée d'une manière visible en faveur des disciples à Gethsémané, nul homme ne parviendrait au salut.

C'est une lettre de grâce adressée à tous les croyants. Ne te la laisse pas ravir, enfant de Dieu ! Que tu sois le plus saint ou le plus faible des disciples du Sauveur, si tu aimes ton Maître, si tu te places franchement et résolument à côté de lui, cette parole te concerne.

V. NON L'ÉPÉE, MAIS L'OBÉISSANCE

« Seigneur, frapperons-nous de l'épée ? » (Luc XXII, 49) demandent les disciples. Et, sans attendre la réponse, Pierre tire l'épée ; il frappe autour de lui et coupe l'oreille droite de Malchus. Le Seigneur guérit ce dernier, puis il blâme ouvertement son disciple.

Le mal causé par l'épée de Pierre est la première des innombrables blessures qu'un zèle charnel et intempestif a faites à la cause du Seigneur. « Nos armes de guerre ne sont pas charnelles, mais elles sont puissantes en Dieu. » (2 Cor. X, 4.) Que serait-il advenu du royaume des cieux sur la terre si, à chaque fois, le Seigneur n'était intervenu pour réparer, par sa puissance et sa sagesse, les fâcheuses conséquences de l'imprudence des chrétiens ? Pierre voulait montrer à son Maître qu'il était prêt à s'exposer pour lui au danger, à la mort même. Ses intentions étaient bonnes, mais il agissait sans réflexion. Il lui était plus facile de tirer l'épée à côté de Jésus que de veiller et de prier. Il dut apprendre dans la suite à se laisser lier et à perdre sa vie pour l'amour de lui.

L'impétuosité de Pierre aurait pu nuire à la cause de son Maître. Celui-ci supporte son pauvre disciple avec une grande patience et répare le mal qu'il a fait. Puis il ajoute cette belle parole : « Penses-tu que je ne puisse pas maintenant prier mon Père, qui me donnerait plus de douze légions d'anges ? Comment donc s'accompliraient les Écritures qui disent qu'il en doit être ainsi ? » (Matth. XXVI, 53, 54.) Tandis que Jésus se laisse lier et emmener, il voit en esprit les milliers d'anges qui contemplent avec admiration son immolation volontaire et qui voleraient à son secours si, au lieu de mourir pour sauver le monde, le Seigneur voulait maintenant le juger.

Ces mêmes esprits, dont les myriades entourent son trône, « exercent un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut. » (Hébr. I, 14.) Le Seigneur ne manque pas de moyens pour protéger ses élus. Son royaume est puissant et glorieux. Heureux ceux qui y ont acquis droit de bourgeoisie !

« Comment donc s'accompliraient les Écritures qui disent qu'il en doit être ainsi ? » (Matth. XXVI, 54.) Le Seigneur a fait des Écritures la règle constante de sa conduite ; il a accompli point après point, non seulement les prophéties qui le concernent,mais la loi sainte jusqu'à un iota et à un trait de lettre. Nous ne pouvons parvenir à la perfection ; c'est pour cela que la justice parfaite du Seigneur vient couvrir nos nombreux manquements. Les saintes Écritures doivent s'accomplir. Le chemin par lequel le Seigneur a passé, par la souffrance et la mort à l'éternité bienheureuse, est le même que son Église et chacun de ses enfants ont à suivre. Sans doute l'un a parfois plus à porter que l'autre, mais il n'y a pas d'exception : par la croix à la gloire. Le Seigneur tend à ses disciples la coupe que le Père lui a offerte et que, par sa prière, il a obtenu la volonté et la force d'accepter. Nous devons suivre son exemple et ne point prétendre à la couronne sans avoir porté la croix.

« En ce moment, Jésus dit à la troupe : Vous êtes sortis avec des épées et des bâtons, comme après un brigand, pour me prendre ; j'étais tous les jours assis parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne m'avez point saisi. Mais tout ceci est arrivé, afin que les écrits des prophètes fussent accomplis. » (Matth. XXVI, 56.)

Le Seigneur ressent profondément l'ignominie et l'indignité du traitement qui lui est infligé et il l'exprime avec un sérieux plein de majesté ! Il rappelle à ses ennemis les jours mémorables où il les instruisait, quand des milliers écoutaient sa Parole avec enthousiasme et poussaient des cris de joie à sa vue, et il leur fait sentir combien ils sont lâches de s'attaquer à lui maintenant qu'il est sans défense. « Mais c'est votre heure et la puissance des ténèbres. (Luc XXII, 53.) C'est ici l'accomplissement de la prophétie de Daniel : « Le Christ sera retranché, et non pour lui » (Dan. IX, 26), et de la sentence adressée au serpent par l'Éternel Dieu dans le jardin d'Eden : « La postérité de la femme t'écrasera la tête, et toi, tu la blesseras au talon. » (Gen. III, 15.) Il faut que ses ennemis sachent qu'en agissant ainsi, ils se font les instruments de la puissance du mal, et qu'ils accomplissent ses desseins. Ils montrent au monde l'abîme dans lequel peut tomber celui qui préfère les ténèbres à la lumière.

C'est ici la plus grande victoire du mal sur la vérité et la sainteté ! Le seul homme qui fut parfaitement pur et saint va être mis à mort, et cela uniquement parce qu'il est pur et saint. Voilà ce dont l'humanité est capable !

Cependant les enfants mêmes du diable n'ont pas été tels dès le commencement. Judas avait aimé la lumière, lorsqu'elle lui apparut, maïs il avait gardé un interdit dans son coeur ; Satan s'en servit pour l'amener peu à peu à haïr la vérité et à faire la guerre à Dieu. La tentation ne se présente pas à nous sous la même forme qu'à Judas. Mais Satan possède toujours sa puissance. Christ est encore haï de ceux-là même qui l'ont connu. Prenons garde à nous, de peur que, comme Judas, nous ne devenions des ennemis de la lumière. « Que celui qui croit être debout, prenne garde qu'il ne tombe. (I Cor. X, 12.)

Jésus se laisse lier et emmener. « Alors tous ses disciples, l'ayant abandonné, s'enfuirent. » (Marc XIV, 50.) Le Seigneur le leur avait prédit. « Je vous serai cette nuit à tous une occasion de chute ; car il est écrit : « je frapperai le Berger, et les brebis seront dispersées. » (Marc XIV, 27.)

VI. L'INTERROGATOIRE

Alors la cohorte, le tribun militaire et les sergents des juifs prirent Jésus, le lièrent et l'emmenèrent, premièrement chez Anne, parce qu'il était le beau-père de Caïphe, le souverain sacrificateur de cette année-là. » (Jean XVIII, 12, 13.) Anne avait été déposé par les Romains de sa charge de souverain sacrificateur. Cette injustice avait contribué à le placer très haut dans l'estime du parti judaïsant et opposé à la domination étrangère. Malgré leur rivalité, Anne était en bons termes avec son gendre Caïphe, dont probablement il habitait le palais ; une même haine les animait contre le Christ.

C'est à Anne que l'on conduit Jésus, soit par égard pour lui, soit parce qu'il était le membre le plus ardent de la ligue formée contre le Seigneur. Le vieil et astucieux pharisien comptait surprendre Jésus par ses questions, afin de pouvoir se présenter avec une accusation bien en règle devant le sanhédrin. Son importance en aurait été rehaussée. « Il interroge Jésus sur ses disciples, et sa doctrine. » (Jean XVIII, 19.) Dans quel but ?

Non seulement les ennemis du Seigneur avaient décidé de le faire mourir, mais ils avaient arrêté d'avance les motifs de sa condamnation. Ils voulaient l'accuser d'être un imposteur, prêchant des doctrines dangereuses, et un chef de parti soulevant le peuple et ayant rassemblé de nombreux partisans. Ces deux accusations devaient suffire pour le perdre en même temps aux yeux des Romains et des juifs. Car la loi de Moïse punissait de mort tout faux prophète, tout blasphémateur contre l'Éternel, et les autorités romaines sévissaient avec rigueur contre les émeutiers et les perturbateurs. Le plan ourdi, il ne s'agit plus que de le mettre à exécution. L'interrogatoire devait avoir lieu devant le sanhédrin. Mais Anne prend sur lui de le devancer. Son attente est promptement déçue. Si, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, tous les juifs tremblaient devant l'ancien souverain sacrificateur, il y eut cependant un homme qui ne le craignit pas et dont les réponses dignes et fermes et le regard assuré, durent lui causer une secrète terreur.

« Jésus lui répondit : J'ai parlé ouvertement au monde ; j'ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où les juifs s'assemblent de toutes parts, et je n'ai rien dit en cachette. Pourquoi m'interroges-tu ? Interroge ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit ; ces gens-là savent ce que j'ai dit. » (Jean XVIII, 20, 21.)

Il devient évident aux yeux de tous que la cause unique de la condamnation de Christ est sa qualité de Fils de Dieu. Ses juges et ses accusateurs n'ont pas la satisfaction de trouver en lui l'ombre d'une faute. Ils sont forcés de reconnaître, - et toutes les générations l'ont reconnu après eux - qu'ils ont mis à mort le Messie, l'espérance de leurs pères, le Sauveur du monde, et cela uniquement parce qu'il a rendu témoignage à la vérité.

Ce ne sont pas les païens qui ont commis ce meurtre, mais bien le peuple d'Israël qui connaissait le vrai Dieu et qui possédait les promesses. Et ce ne sont pas les simples, les ignorants, les petits, qui sont les seuls coupables, mais les principaux, le souverain sacrificateur et les anciens. De génération en génération, depuis dix siècles, les juifs soupiraient après le Messie ; l'époque de sa venue, sa naissance, les événements de sa vie, tout était annoncé avec détails dans les saints livres. Le Christ paraît. Il accomplit la parole prophétique. Il ne fait de mal à personne ; loin de là, il relève, il guérit, il console... et Israël le met à mort ! Comment expliquer l'inexplicable ?

Nous ne parlons ici ni de la haine ni de l'hypocrisie des pharisiens. Ce qui restera toujours une énigme, c'est que les héritiers des promesses aient pu se soumettre à la puissance de Satan, au point de devenir les meurtriers de Celui-là même dont ils attendaient la manifestation.

La chose cependant devient compréhensible, lorsque nous nous plaçons au point de vue du temps présent. Car, si le Fils de Dieu revenait maintenant sur la terre, est-ce que le peuple de la nouvelle alliance lui ferait un meilleur accueil ? Sans doute des milliers de coeurs affamés et altérés tressailleraient de joie à sa vue ; mais la chrétienté prise dans son ensemble ! La chrétienté froide, formaliste, ennemie de la croix de Christ, comment accepterait-elle la prédication du royaume des cieux ? comment le monde civilisé et blasé recevrait-il le fils du charpentier accompagné de quelques humbles pêcheurs ? Les chrétiens auraient-ils le courage nécessaire pour résister au courant et suivre le Seigneur ? L'opinion du monde exerce une si grande influence sur les hommes, que le prince des ténèbres la met en oeuvre et s'en sert pour accomplir ses desseins. Ce fut alors son arme principale. Au nom de la religion, le Christ, qui est le centre et l'essence même de la religion, fut repoussé, parce qu'il ne se présentait pas dans les formes convenues et qu'il ne s'appuyait pas sur les principaux du peuple. L'inimitié de ces derniers eut pour cause première leur orgueil blessé !

La haine du plus grand nombre provenait d'une autre source. Les enseignements du Seigneur avaient nécessairement dû atteindre la conscience de la foule incrédule. La lumière est la condamnation des ténèbres. La même parole, qui apporte la consolation et la vie au coeur altéré de pardon et de justice, irrite et aigrit les esprits charnels et orgueilleux. Ceux-ci forment toujours la majorité. Quel est le prédicateur évangélique et fidèle qui n'en ait fait l'expérience ?

Le Seigneur répond à Anne avec une sage et sainte énergie, ce en même temps avec tant de clarté et d'autorité, que l'astucieux vieillard est obligé de laisser ses disciples en paix. Heureux ceux qui ont un tel Maître pour défenseur !
« Je n'ai rien dit en cachette. » (Jean XVIII, 20.) Personne n'aurait osé parler au vieux sacrificateur avec autant de courage. Cette hardie justification aurait dû réveiller la conscience du juge inique et le faire rentrer en lui-même. En effet, sa question montrait avec évidence que l'enseignement de Jésus lui était complètement étranger. Pendant trois ans, le Messie promis aux pères, le Prophète aux paroles divines, le souverain Sacrificateur éternel, annonce le royaume de Dieu ; il rend la vue aux aveugles, il fait marcher les paralytiques, il guérit les lépreux, il ressuscite les morts et Anne n'en sait rien ! Sa renommée est répandue dans le pays ; des milliers accourent sur son passage, ses discours se répètent en tous lieux, le peuple s'écrie à la vue de ses miracles : « Un grand prophète s'est élevé parmi nous, et Dieu a visité son peuple ! » (Luc VII, 16.) Et les sacrificateurs, les gardiens du sanctuaire, ne sont jamais allés le voir ! ne sont jamais allés l'entendre ! Mais la nuit où Jésus fut livré, alors ils se montrent et se mêlent à la foule !

Ce fait, qui nous parait inouï, se répète incessamment : La bonne nouvelle de l'Évangile retentit dans le monde entier. Des milliers se rassemblent autour de l'étendard de la croix, ayant trouvé en Jésus le salut, la paix et le bonheur. Les oeuvres chrétiennes, la prédication du royaume des cieux ne se font point en secret. Et cependant, un grand nombre, en premier lieu les hommes de science, ne s'en occupent point et ne les jugent point dignes d'une heure de sérieux examen. Mais lorsqu'il s'agit de critiquer, d'énoncer un jugement à propos de la religion du Christ, de la révélation, de l'éternité, ces mêmes savants tranchent et décident avec une complète liberté. Que penserait-on d'un homme qui, ne s'étant jamais occupé de peinture et n'ayant jamais manié le pinceau, se permettrait de critiquer les admirables toiles de Raphaël ? ou d'un ignorant en fait de musique, qui déclarerait l'orgue de Barbarie supérieur à une symphonie de Beethoven admirablement exécutée ?

Des millions de créatures vivent sur la terre quarante, cinquante, quatre-vingts ans, sans s'inquiéter de l'oeuvre et des enseignements du Seigneur. Le salut éternel est prêché à l'humanité condamnée, et la majeure partie n'écoute pas le message de grâce et se contente des « On dit ! » « Le ciel passera, la terre, avec les oeuvres qui sont en elle, sera entièrement brûlée. » (2 Pierre III, 10.) Mais les paroles de Jésus demeureront et ceux-là seuls qui auront cru en lui hériteront la vie éternelle.

VII. JÉSUS DEVANT LE SANHÉDRIN

« Et Anne l'envoya lié à Caïphe le souverain sacrificateur. » (Jean XVIII, 24.) Il importait aux principaux que la séance officielle du sanhédrin, présidée par Caïphe, eut l'apparence de la légalité. L'intention positive de ceux-ci, de se défaire de Jésus, s'était manifestée durant tout le ministère du Seigneur. » « Jésus ne pouvait pas demeurer, en Judée, parce que les juifs cherchaient à le faire mourir. » (Jean VII, 1.) « Les juifs avaient arrêté que si quelqu'un reconnaissait Jésus pour le Christ, il serait chassé de la synagogue. » (Jean IX, 22.) Après la résurrection de Lazare, « les principaux sacrificateurs et les pharisiens assemblèrent le sanhédrin, et dirent : « Que ferons-nous ? car cet homme fait beaucoup de miracles. » (Jean XI, 47.) « Ils donnent l'ordre que si quelqu'un savait où il était, il le déclarât, afin qu'on se saisît de lui. » (Jean XI, 57.)

À la dernière séance du sanhédrin, Caïphe prononce cette parole prophétique : « Vous n'y entendez rien ; et vous ne considérez pas qu'il nous importe qu'un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse pas. » (Jean XI, 49, 50.) Saint Jean ajoute : « Or, il ne dit pas cela de son propre mouvement, mais, étant souverain sacrificateur cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir, non seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un seul corps les enfants de Dieu dispersés. » (Jean XI, 51, 52.) Le souverain sacrificateur occupait une place trop importante au milieu de la nation juive, pour que Dieu l'ait laissé parler de lui-même dans une circonstance si grave. À cet instant décisif, il lui rend le don de prophétie qui était perdu depuis longtemps en Israël. Comme un nouveau Balaam, Caïphe annonce le conseil divin de la rédemption ; il prononce la bénédiction sur Jésus et sur le peuple de Dieu et la malédiction sur lui-même et sur son parti. L'Esprit de Dieu lui inspire les paroles mêmes que le souverain sacrificateur devait prononcer, au moment où l'ancienne sacrificature prenait fin pour faire place à l'éternelle et parfaite sacrificature.

On raconte que, dans le beau temps de la république romaine, le sénat paraissait une assemblée de rois. Ces sénateurs romains étaient des hommes honorables, nobles, loyaux. Le bien de l'État passait pour eux en première ligne ; mais la justice était à la base de leur édifice.

À Jérusalem, il en est tout autrement. Les pères du peuple s'assemblent. Les principaux, les anciens, à l'aspect vénérable, aux cheveux blanchis par l'âge, entrent en séance. Leur devoir est de faire régner la justice et respecter la loi de Dieu ; le Maître du ciel et de la terre leur a confié le soin de sa vigne jusqu'à son retour. Voici maintenant l'héritier. « Peut-être qu'en voyant mon fils bien-aimé, ils le respecteront, » dit le Seigneur. (Luc XX, 14.) Mais non, ils ne le craignent pas ; ils cherchent à le jeter dehors, à le tuer, pour avoir son héritage et conserver leur injuste domination. Les hauts faits du fils sont trop évidents pour qu'il soit possible de les nier. Que faire ? on cherche, on achète de faux témoins, afin de pouvoir déclarer, sous l'apparence de la légalité, que Jésus est digne de mort. Quel triste rôle vous jouez ici, anciens et sacrificateurs ! Combien tu es déchu, peuple descendu d'Abraham ! Quand les principes du droit et de la justice ne dirigent plus les autorités, une nation est bien près de sa ruine. Israël en est un vivant exemple.

Qu'une pareille assemblée cherche de faux témoins, cela surprend moins, que de voir ceux-ci oser accuser Jésus par leurs paroles mensongères. Ils devaient être animés d'un esprit véritablement diabolique, L'ennemi rusé et méchant ne trouve que trop aisément des hommes disposés à fausser et à travestir les paroles du Christ et à susciter la méfiance à son égard. Le Seigneur sera toujours « en butte à la contradiction. » (Luc II, 34.)

Ce qui paraît plus extraordinaire encore, c'est qu'il ne se soit pas trouvé un seul disciple assez courageux pour déposer son témoignage en faveur de Jésus. Certes, il ne manquait pas de gens qui auraient pu le faire. Parmi les milliers de juifs assemblés à Jérusalem pour la fête, les uns avaient éprouvé en leur corps la puissance merveilleuse du Seigneur, les autres avaient entendu raconter ses miracles. Les disciples, en se dispersant, avaient dû répandre de tout côté la nouvelle de l'arrestation de leur Maître. Cependant nul ne s'avance pour prendre sa défense. Où est l'aveugle-né qui avait fait cette franche confession devant le sanhédrin « Je ne sais si c'est un pécheur ; je sais une chose c'est que j'étais aveugle et que maintenant je vois » (Jean IX, 25.) Un des apôtres le renie, les autres se cachent, terrifiés. Cependant le Seigneur en avait appelé à leur témoignage :
« Interroge ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit ; ces gens-là savent ce que j'ai dit. » (Jean XVIII, 21.) Ah ! pas un seul n'ose s'avancer et défendre son Maître. Honte ! honte sur eux « Maudit est l'homme qui se confie en l'homme il sera comme un homme dénué de secours dans la plaine stérile. » (Jér. XVII, 5, 6.) Le Seigneur, lui, ne se reposait sur personne et il n'avait nul besoin qu'un autre prît sa défense.

Je ne pense pas que, de nos jours, les chrétiens soient beaucoup plus courageux. Quand tout suit paisiblement son cours, les foules se rassemblent autour de l'Évangile, mais, dès qu'il y a lutte ou danger, la plupart se retirent effrayés et laissent les combattants se tirer seuls d'affaire.

En général, on accuse Simon Pierre de s'être laissé entraîner par un faux point d'honneur à suivre Jésus jusque dans le palais de Caïphe. Cependant la place des apôtres était bien à côté de leur Maître. Car, pour raconter sa Passion, il fallait qu'ils y eussent assisté. S'ils étaient restés à leur poste, le Seigneur les aurait gardés et pas un seul cheveu ne serait tombé de leur tête. Il est vrai que Jésus avait dit à Pierre : « Où je vais, tu ne peux me suivre maintenant » (Jean XIII, 36), mais c'est à sa mort qu'il faisait allusion. Le Saint-Esprit avait aussi prédit par le prophète : « Frappe le pasteur, et les brebis seront dispersées. » (Zach. XIII, 7.) Mais cette fuite des brebis n'est ni louée ni approuvée.

Le Seigneur conduit son petit troupeau dans le jardin des Oliviers et il ne le renvoie pas à l'arrivée de la troupe ennemie. Pierre n'est point à blâmer parce qu'il a suivi Jésus dans le palais avec Jean, mais parce qu'il a négligé de veiller et de prier. Quand Christ, son Évangile, son règne, sont en cause, les disciples doivent rester à leur poste. Il semble, au premier abord, que les faibles devraient se tenir éloignés de la tentation. Mais quels seront les forts ? Faible ou fort, la place du disciple fidèle est à côté de son Maître - que celui-ci soit honoré ou méprisé - et, avec le Seigneur, le plus faible deviendra fort.

VIII. SILENCE DU CHRIST

« Ne réponds-tu rien ? Qu'est-ce que ces gens déposent contre toi ? » (Math. XXVI, 62.) Le Seigneur garde le silence. Malgré les mauvais traitements dont son visage porte encore les traces, il apparaît comme un roi, dans sa sainte et merveilleuse majesté. Par ce silence, qui devait profondément impressionner l'assemblée, il dirige les débats et les amène au point capital, savoir à la question solennelle du souverain sacrificateur.

Le silence du Seigneur vis-à-vis des faux témoins nous dicte la conduite que nous avons à suivre, quand nous sommes en butte à la méchanceté des hommes. Les chrétiens ne peuvent échapper à de faux jugements, à la haine, à la calomnie. Plus leur vie intérieure sera pure et élevée, plus la dépravation du monde les fera souffrir. L'image du Maître, calme et paisible en face des outrages et des fausses accusations, leur aidera à supporter l'ignominie et à se conduire d'une manière digne de l'Évangile.

Le Seigneur a non seulement sanctifié ce chemin douloureux, mais il a acquis aux siens la force de le suivre. Il devrait nous être d'autant plus facile de supporter la calomnie que nous ne sommes jamais, comme le Seigneur, complètement innocents. Presque toujours, quelque péché caché, en rapport plus ou moins direct avec l'attaque dirigée contre nous, deviendra manifeste à notre conscience ; humiliés et repentants, nous apprendrons à garder le silence, même si l'on nous accuse injustement.
Qu'il sera terrible dans l'éternité, le sort de ces faux témoins, quand ils verront le triomphe de la vérité à laquelle ils avaient opiniâtrement résisté ! Sans doute, s'ils avaient su que le pauvre Nazaréen était le Fils de Dieu, ils n'auraient pas osé le charger de leur faux témoignage. Mais ils le firent par incrédulité et par basse flatterie envers les principaux ; ces péchés les entraînèrent à la ruine.

IX. CHRIST, FILS DU DIEU VIVANT

Le silence impénétrable du Seigneur a tenu le procès en suspens. Le souverain sacrificateur et ses acolytes ne s'étaient pas attendus à pareil échec. Leur embarras est extrême. Caïphe se voit forcé de renoncer aux moyens détournés et d'adresser à Jésus une question claire et précise. C'est ce que voulait le Seigneur, afin de pouvoir répondre d'une manière tout aussi positive. Il voulait que le monde entier apprît qu'il était le Christ, le Fils de Dieu, et que le peuple d'Israël mettait à mort, non un malfaiteur, mais son propre Messie. Sans se douter qu'il accomplissait la volonté d'un plus grand que lui, le souverain sacrificateur adjure Jésus, « par le Dieu vivant, de dire s'il est le Christ, le Fils de Dieu ». Et Jésus lui répondit : « Tu l'as dit. » (Matth. XXVI, 63.)

L'audience a pris une tournure inattendue et merveilleuse. C'est le moment capital de l'histoire de l'humanité. Le souverain sacrificateur interpelle le Seigneur, avec la formule du serment usité chez les Juifs et le Seigneur affirme par serment sa qualité de Fils de Dieu. jusqu'à présent, son simple témoignage avait suffi aux disciples, car ceux-ci avaient déjà reconnu que « Jésus était le Christ, le Fils du Dieu vivant. » (Matth. XVI, 16.) Mais une confirmation solennelle était nécessaire pour le salut des générations à venir.

Tout homme est placé dans l'alternative de croire, ou que Jésus a dit la vérité et qu'il est le Fils de Dieu, le Sauveur, le Maître, le juge du monde, ou qu'il a prononcé un parjure et qu'il est un imposteur, un blasphémateur qui méritait la mort et qui l'a subie avec justice. Cette conséquence est évidente et il est incompréhensible qu'un si grand nombre de personnes ne la voient pas.

Le sanhédrin a agi avec plus de logique. Les principaux ne croyaient pas, ou ne voulaient pas croire à la divinité de Jésus ; c'est pourquoi ils le condamnèrent comme blasphémateur. Nous ne rechercherons pas si tous les membres du conseil tenaient effectivement Jésus pour coupable, ou si, en le condamnant, ils agissaient contre leur conscience. Dans ce dernier cas, ils auraient commis une action basse, inexcusable, diabolique.

Quand on étudie la vie du Seigneur, on arrive à la conclusion que tout Israël aurait pu parvenir à une parfaite certitude à l'égard de la personne du Christ. Sa gloire indescriptible, le témoignage qui lui fut rendu par Jean-Baptiste, ses miracles, - entr'autres la résurrection de Lazare - les paroles pleines de grâce et de vérité qui sortaient de ses lèvres, sa réputation répandue dans tout le pays et au delà des frontières, les types et les prophéties messianiques accomplies en sa personne, tout aurait dû le convaincre de la divinité du Fils de l'homme. Ceux qui sont venus à lui simplement et sans hypocrisie sont tombés à ses pieds, reconnaissant en lui le Fils de Dieu : le centenier romain de Capernaüm et la femme cananéenne ; Nathanaël et Zachée le péager - la pécheresse de Magdala et les deux soeurs de Béthanie.

Le Seigneur, debout devant le conseil, affirme, par un serment solennel, qu'il est le Fils de Dieu. Si les principaux sacrificateurs avaient conservé une étincelle de loyauté et d'amour de la vérité, ils auraient dû tout au moins approfondir cette assertion avec calme et sérieux. Mais non ! La haine les aveugle ; un miracle même ne serait pas assez puissant pour ramener leur coeur égaré ; l'endurcissement est leur châtiment.

Plus de cinquante générations se sont succédées depuis que le Christ a affirmé avec serment sa qualité de Fils de Dieu. Si quelques-uns déclarent franchement qu'ils le regardent comme un hypocrite et la religion chrétienne comme une tromperie, la plupart des hommes restent dans le vague à son sujet. La croyance à sa divinité est incommode à un monde léger et terrestre, parce qu'elle entraîne avec soi la conviction du péché, la conversion et la sainteté. Cependant les conséquences de la divinité du Sauveur sont si manifestes, qu'il est impossible de ne pas les voir. « Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons ? » (Matth. VII, 17.) Celui qui est le centre de l'Évangile, la pierre angulaire de la religion chrétienne, ne peut être un mauvais arbre, puisque ses fruits sont bons.

Quant à nous, après avoir sérieusement examiné et pesé les dénégations de l'incrédulité, nous pouvons affirmer avec assurance qu'elles ne nous ont aucunement ébranlé. Notre foi ne repose pas sur une base aussi fragile que les adversaires de l'Évangile se plaisent à le répéter. « Nous savons en qui nous avons cru. » (2 Tim. I, 12.) La source de l'incrédulité n'est point dans la raison, mais dans le coeur qui cherche à s'appuyer sur de mauvais prétextes.

Il est plus facile, de nos jours, d'en arriver à une complète certitude au sujet du Christ que lorsqu'il était sur la terre. Alors ses disciples seuls le connaissaient intimement. La plupart des Juifs n'avaient entendu qu'une partie de ses discours et n'avaient assisté qu'à quelques-uns de ses miracles ; mais nous, nous possédons le récit complet de sa vie. Si toutes ses paroles et toutes ses actions n'ont pas été conservées, cependant l'Évangile en donne un récit détaillé et exact ; le témoignage des apôtres et de la primitive Église viennent les confirmer. Oui, les saintes Écritures nous présentent la révélation complète de l'oeuvre de Christ, elles contiennent tout le plan du salut de l'humanité. Pour peu que nous ayons des yeux pour voir, nous serons obligés de reconnaître que le Nouveau Testament est l'accomplissement glorieux de l'Ancien et que Jésus est le Fils de Dieu, le Sauveur du monde.

Le grand prétexte de l'incrédulité pour ne pas croire, ce sont les miracles du Seigneur. Mais, quand même il n'en aurait point accompli, le merveilleux resterait encore attaché à sa personne : sa vie, sa mort, sa résurrection, sont autant de miracles. Sa Parole en est un permanent : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme ! » (Jean VII, 46.) Chaque mot prononcé par le Seigneur a une valeur, non seulement pour le moment présent, mais jusqu'à la fin des siècles. La parole adressée au péager, à la pauvre pécheresse, a consolé le philosophe grec et l'esclave romaine, l'impératrice sur son trône et le moine dans sa cellule. La même parole convertit le prince européen, l'ouvrier américain, l'orgueilleux Brahmane et le nègre africain.

Après avoir répondu : « Je le suis », Jésus ajoute : « Et même je vous le déclare : Dès maintenant vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. » (Matth. XXVI, 64.) Jésus se rend bien compte du contraste étrange qui existe entre les liens qui le retiennent captif et sa gloire à venir, entre son abaissement momentané et sa majesté divine, et il s'efforce de rendre cette impression saisissante et efficace pour ses juges.

Le Fils de l'homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu ; il viendra sur les nuées du ciel. La première partie de cette prophétie a trait à la gloire céleste qui attend le Seigneur, la seconde au jugement d'Israël et finalement au grand jour du jugement. Quand on a vu les luttes de Jésus contre l'incrédulité de son peuple, quand on a entendu les clameurs des juifs : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » (Math. XXVII, 25) quand on a assisté à la crucifixion du Sauveur, on comprend le rapport intime qui existe entre le rejet du Messie par Israël et le rejet d'Israël par Dieu : quarante ans après la mort de Jésus, la nation juive fut ébranlée jusqu'à sa base et dispersée aux quatre vents des cieux.

Lorsque la Galilée débordait d'enthousiasme pour Jésus, le Seigneur parlait de sa mort et de la douleur que ses disciples en éprouveraient. Quand il parcourait librement le pays, il leur annonçait ses souffrances. Maintenant qu'il est lié et traîné devant le tribunal, il prédit son élévation triomphante. Grandeur divine ! sagesse infinie !


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