Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Du Thabor à Golgotha



V
VOILA L'HOMME

 I. NUIT DE TÉNÈBRES

Avec un calme majestueux, le Seigneur a dévoilé ouvertement le mystère de sa divinité. La révélation du Fils de Dieu que, depuis des siècles, les prophètes et les rois ont attendue et espérée, a retenti devant l'assemblée des pères d'Israël. Celui qui prononce cette parole est, il est vrai, un homme sans apparence, c'est même un prisonnier. Mais, dans sa courte vie, il a montré qu'il avait le droit de rendre ce témoignage.

À l'ouïe de cette déclaration, les principaux, les sacrificateurs, les anciens, se lèvent avec violence. « Le souverain sacrificateur déchira ses habits, disant : Il a blasphémé ; qu'avons-nous plus besoin de témoins ? Vous venez d'entendre son blasphème. Que vous en semble ? Ils répondirent : Il mérite la mort. » (Matth. XXVI, 65, 66.) Chose merveilleuse ! Le souverain sacrificateur prononce, contre son gré, son propre jugement. Au moment où l'Agneau de Dieu s'offre en holocauste pour le péché, le sacerdoce éternel commence et celui du souverain sacrificateur terrestre prend fin. C'est en témoignage de ce fait que celui-ci déchire son vêtement. « La folie de Dieu est plus sage que les hommes. » (I Cor. I, 25.)

Une explosion de fureur sauvage éclate dans la salle. La plume se refuse à décrire cette scène. Les membres du sanhédrin, oubliant qu'ils sont assemblés en tribunal officiel, se précipitent sur le Seigneur garrotté et sans défense, le frappent, lui crachent au visage, lui crient des injures (Marc XIV, 65), donnant essor à la haine, à la grossièreté, à la cruauté que peut contenir un coeur enflammé par le diable. Et, lorsque les principaux s'éloignent, leurs serviteurs continuent toute la nuit leur oeuvre infernale. (Luc XXII, 63-65.) Le soleil est descendu à l'horizon, le ciel est sombre et voilé, le mystère reste impénétrable.

Il est des épreuves pires que la mort. Les souffrances de cette dernière nuit me paraissent plus terribles que la mort même de Jésus. Il y a un siècle, lorsque Louis XVI et Marie-Antoinette furent guillotinés, un cri d'indignation s'éleva dans le monde entier contre le peuple qui ajoutait ce régicide à tant de sang déjà répandu. Mais que sont les humiliations, subies par le malheureux monarque, comparées au traitement infligé au Roi des rois ?

Quelque saisissante que soit la mort de Christ à Golgotha, nous la comprenons en une certaine mesure. C'est l'Agneau de Dieu, qui s'offre en expiation pour les pécheurs. Ce sacrifice a quelque chose de grand, de divin ; il parait nécessaire. Mais ces traitements grossiers, bas, vulgaires, nous révoltent. Pourquoi le Fils unique de Dieu, l'image empreinte de sa personne, celui qui partageait la gloire du Père avant que le monde fût fait, pourquoi dut-il être abaissé à une telle ignominie ? Celui dont le visage resplendit comme le soleil, celui que les anges adorent en se voilant la face (Esaïe VI, 2, 3), il est là, lié de cordes, la figure ensanglantée, meurtrie par les coups de poing et couverte de crachats que ses mains ne sont même pas libres d'essuyer ; et, durant toute une nuit, les êtres les plus méchants que la terre ait portés, ne cessent de l'accabler d'injures et de grossièretés ! Cette ignominie était-elle indispensable pour notre salut ? Le sang répandu sur la croix ne suffisait-il pas pour expier nos péchés ? Pour répondre à cette question, il faudrait descendre jusqu'aux profondeurs de l'enfer et nous élever jusqu'au trône de la justice divine.

Essayons de nous représenter la douleur que le Dieu saint doit éprouver à la vue du mal. Depuis que « le péché est entré dans le monde » (Rom. V, 12), Dieu en souffre et cela d'autant plus qu'il est la sainteté même. Cette souffrance incommensurable avait besoin d'une expiation. Dans son immolation volontaire, non seulement le Sauveur a été exposé à tous les assauts de la tentation, mais il a expié la douleur que le péché a causée à Dieu et il a porté la culpabilité de l'humanité dont il fait partie. Par sa sainte haine du mal, il le condamne et l'expie. Tous les péchés qui attristent le coeur de Dieu ont assailli le Sauveur qui les a surmontés et expiés, depuis la faiblesse du timide disciple jusqu'à la haine diabolique des pharisiens. Il ne repousse aucune amertume, il vide jusqu'à la lie la coupe de la vieille inimitié du serpent contre Dieu.

Ces excès d'ignominies qui frappent le Seigneur ne sont point accidentels, mais proportionnés à l'immensité de la douleur causée à Dieu par le péché. Sur le Thabor et à Gethsémané, s'est décrété entre le Père et le Fils « le grand mystère de piété » II Tim. III, 16) ; le Père mesurant la somme de souffrances nécessaires au rachat du monde, et le Fils les acceptant avec une sainte soumission. L'amour divin ne pouvait s'abaisser plus bas qu'en prenant sur lui toutes les conséquences de nos péchés, c'est-à-dire la souffrance ; il s'est approprié ce qui était à nous, afin de nous donner ce qui est à lui.

Les Juifs ne sont pas les seuls bourreaux du Seigneur ; l'humanité entière est coupable de sa mort et de ses souffrances. Tous ont leur part de responsabilité dans le martyre du Christ. L'homme, quand il est réduit à lui-même et à sa mauvaise nature, se laisse entraîner, par l'influence du Malin, à l'inimitié contre Dieu et à la haine de la sainteté. Christ, par ses saintes souffrances, a surmonté le péché ; en conséquence, ceux qui lui appartiennent peuvent vaincre le mal et vivre de la vie nouvelle d'enfants de Dieu. Ils se séparent de la vieille humanité pour faire partie de l'humanité nouvelle dont Christ est le chef.

Contemplons avec vénération l'abaissement de notre Maître, le calme et la sainteté avec lesquelles il supporte ces barbares traitements. Nulle parole de plainte, nul cri de douleur ne sortent de ses lèvres. Oh ! si nous avions pu lire dans son coeur ! nous aurions vu qu'il ressentait profondément l'indignité de ces tourments, mais que l'amour de son Père et la compassion pour ses persécuteurs dominaient tout autre sentiment. « J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe ; je n'ai pas dérobé mon visage aux outrages ni aux crachats. » (Esaïe L, 6.) « Les outrages de ceux qui t'outragent sont tombés sur moi ; j'ai été l'objet de leurs railleries. » (Ps. LXIX, 10, 12.) Les prophéties, qui annonçaient sa Passion, dans leurs plus cruels détails (Esaïe LIII), faisaient la constante préoccupation du Seigneur. Il les suivait ligne après ligne. Elles ne s'accomplissent point parce qu'elles ont été prédites, mais elles ont été prédites parce que, d'après le conseil de Dieu, elles devaient s'accomplir.

Il est à peine nécessaire de tirer de cette scène une application pratique. En voyant le Sauveur méprisé et rejeté, nous nous souviendrons de ce passage : « Tu m'as tourmenté par tes péchés, et tu m'as fatigué par tes iniquités » (Esaïe XLIII, 24) ; et de la parole du Seigneur : « Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. » (Jean XIII, 16.) Il est plus facile au coeur naturel de s'humilier devant Dieu que devant les hommes. Que de chrétiens tiennent à leur honneur, à leur dignité, au respect qu'ils croient mériter ! comme ils jugent souvent avec sévérité ceux qui leur ont manqué d'égards ! Et cependant ils se disent disciples de Jésus et ils n'attendent leur salut que de ses souffrances et de son ignominie ! Pour le chrétien, ce devrait être un honneur de porter l'opprobre de Christ et un opprobre de recevoir les honneurs du monde. Que sont nos souffrances, nos amertumes, nos blessures, en comparaison de celles que le Sauveur a endurées ?

Quand nous sommes en voyage, qu'importe l'opinion qu'auront de nous les compagnons de route qui vont bientôt nous quitter ? l'essentiel est ce qu'on pense de nous au pays natal. Trop souvent le chrétien est semblable au voyageur insensé, qui recherche les hommages et les honneurs de ses amis d'un jour et qui ne s'inquiète pas d'être inconnu ou méprisé dans sa patrie. « Il n'y a point de proportion entre les souffrances du temps présent et la gloire à venir, qui sera manifestée en nous. » (Rom. VIII, 18.) « Réjouissez-vous de ce que vous participez aux souffrances de Christ, afin que lorsque sa gloire sera manifestée, vous soyez aussi comblés de joie. » (I Pier. IV, 13.)

II. REJETÉ PAR ISRAËL. LIVRÉ AUX GENTILS

La nuit est passée. Un jour nouveau se lève. C'est le grand jour de l'expiation, dont le souvenir sera conservé aussi longtemps qu'il y aura des hommes sur la terre et que les élus célébreront par leurs cantiques, d'éternité en éternité.

« Dès que le jour fut venu, le conseil des anciens du peuple, les principaux sacrificateurs et les scribes s'assemblèrent » (Luc XXII, 66), sans doute en plus grand nombre qu'au milieu de la nuit. « Ils firent venir Jésus dans leur sanhédrin ; et ils lui dirent : « Si tu es le Christ, dis-le nous. » (Luc XXII, 67.) Pour la seconde fois, Jésus rend témoignage à sa divinité. Pour la seconde fois, Caïphe et le conseil le condamnent à mort comme blasphémateur.

Le conseil se trouve maintenant dans le plus grand embarras ; car le droit de faire exécuter ses sentences lui a été retiré quelques années auparavant par les Romains. Ici se manifeste, d'une manière merveilleuse, la toute puissante intervention de Dieu. En effet, si Israël possédait encore ce droit, le Sauveur ne serait point crucifié, mais lapidé. « Quiconque blasphémera le nom de l'Éternel sera puni de mort, toute l'assemblée le lapidera. » (Lévit. XXIV, 16.) Or, la crucifixion du Christ avait été annoncée 1500 ans auparavant par le type du serpent d'airain. (Nomb. XXI, 4-9. Jean III, 14, 15.) Il ne fallait pas que le Seigneur mourût de la mort du blasphémateur et il importait que le souvenir de ses dernières paroles et de sa sainte agonie fût conservé à l'Eglise et au monde.

Il s'agit pour les principaux, d'obtenir du gouverneur romain la sanction de leur jugement. Ils savent d'avance que ce ne sera pas chose aisée. Mais « les enfants de ce siècle sont plus prudents dans leur génération que les enfants de lumière. » (Luc XVI, 8.) La méchanceté, alliée à la puissance des ténèbres, possède de grandes ressources. Les pharisiens soulèvent le peuple, lui répètent que Jésus de Nazareth, le soi-disant prophète, a été reconnu et jugé comme blasphémateur par le sanhédrin. La foule se rassemble. « Toute l'assemblée s'étant levée, mène Jésus à Pilate. » (Luc XXIII, 1.) Les rues se remplissent d'une multitude de gens agités et bruyants. Nul ne reste en chemin. Tous sont entraînés. Qui oserait s'opposer au fanatisme déchaîné des principaux ? Les timides feront nombre et l'on s'est assuré de gens pour crier. Le sinistre cortège arrive devant le palais de Pilate. -

O Abraham ! homme de foi et d'espérance ! O Jacob ! homme de paix ! O Moïse ! toi qui as été fidèle dans la maison de ton Dieu ! O David ! chantre d'Israël ! Du haut de votre demeure bienheureuse, voyez votre pauvre peuple tombé. La semence qui doit être en bénédiction à toutes les nations, l'Étoile de Jacob, le Fils de David, Celui que votre foi a salué d'avance, est venu sur la terre et votre peuple le repousse !

C'est une grande humiliation pour les membres du sanhédrin, après avoir siégé comme juges, de devoir comparaître en simples accusateurs devant l'exécré Romain. Mais la haine ne craint ni peine ni honte. Qu'ils seraient merveilleux, les progrès du règne de Dieu sur la terre, si l'esprit de sacrifice des chrétiens était à la hauteur de celui des méchants !

Les Juifs, en livrant le Messie aux Gentils, accomplissent les prophéties, sans s'en rendre compte, et prononcent leur propre condamnation. Leur peuple sera rejeté, leur temple désert, leur Pâque deviendra une fête vide de sens, sans espérance et sans avenir. Ils contribuent inconsciemment au plan de Dieu pour le salut des nations païennes. Car Christ, remis aux mains des Romains, sort du cadre étroit de l'histoire d'Israël pour entrer dans le domaine de l'histoire universelle. Ses souffrances et sa mort appartiennent au genre humain tout entier.

Les anciens du peuple « n'entrèrent point dans le prétoire, afin de ne pas se souiller et de pouvoir manger la Pâque. » (Jean XVIII, 28.) Pendant les sept jours qui précèdent la fête de Pâque, les juifs devaient manger des pains sans levain et enlever de leurs demeures tout levain, emblème du péché. (Exode XII, 14-20.) Ils observent la forme, mais sans en comprendre le sens. S'ils avaient été à l'école de Christ, ils auraient appris, comme les apôtres, ce que signifie le levain. (Matth. XVI, 6-12.) On pourrait les croire de stricts observateurs de la loi, si l'on ne savait que parmi eux se trouvaient des Saducéens, - en premier lieu le souverain sacrificateur - qui ne croient ni au Dieu vivant, ni aux anges, ni aux esprits. Mais, en présence du peuple, ils affectaient les dehors de la piété. Plusieurs cependant, d'entre les pharisiens, croyaient sincèrement qu'ils se souilleraient en franchissant le seuil d'une demeure païenne. Quelle délicatesse de conscience exagérée, unie à un manque complet de droiture ! Assassiner un prophète, un saint, souille moins que de toucher du levain.

III. ACCUSATIONS CONTRE LE CHRIST

Pilate, bien que contrarié à la vue de la foule tumultueuse, sort cependant de son palais ; car il tient à ménager les préjugés des Juifs. « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » (Jean XVIII, 29.) « Ils lui répondirent : Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré. » (Jean XVIII, 30.) Les pharisiens avaient espéré que Pilate ratifierait leur jugement, sans autre forme de procès. Le gouverneur, pensaient-ils, aurait dû comprendre que, lorsque le sanhédrin a condamné un homme et l'a livré au pouvoir séculier, il n'est pas besoin de plus ample information. En demander le motif, c'est douter de la sagesse de ces saints hommes.

Mais ce n'est point en vain que Pilate a étudié le droit romain, d'après lequel nul ne peut être condamné sans interrogatoire préalable. Aussi, d'un ton positif ; « Prenez-le vous-mêmes, et le jugez selon votre loi ! » dit-il aux Juifs. « Il ne nous est pas permis de faire mourir personne ! (Jean XVIII, 31, 32.) Cette réponse montre leur volonté bien arrêtée de faire périr Jésus, La seule possibilité de l'avortement de leur plan les met en fureur. Quoi ! depuis trois ans, ils méditent des pensées de mort contre Jésus, ils sont sur le point de réussir, et ils devraient y renoncer ! À aucun prix ! Il faut absolument que l'orgueilleux Romain cède à la pression et condamne à mort le Seigneur.

Autant les bonnes pensées mettent de temps à germer, autant les mauvaises viennent facilement au méchant. L'homme le plus stupide, quand il est animé de l'esprit de mensonge, montre parfois une habileté surprenante.

Les membres du conseil, après s'être concertés, présentent contre le Seigneur une triple accusation : « Cet homme séduit la nation - » « Il défend de donner le tribut à César ; » « Il se dit le Christ, le roi. » (Luc XXIII, 2.) La première accusation était juste, mais dans un sens tout autre que celui que les juifs y attachaient. La seconde était un mensonge positif. La troisième, la seule que Pilate prenne en considération, était une perfide fausseté. Ces accusations étaient calculées de manière à faire de Jésus un chef politique et un révolutionnaire. Reprenons-les en détail.

Jésus en effet a séduit le peuple. Il l'a détourné de ses conducteurs aveugles pour le ramener au Dieu vivant. Il l'a détourné des institutions humaines et formalistes pour le conduire au bon Berger. Les pharisiens ne se trompaient point, lorsqu'ils disaient en plein sanhédrin : « Si nous le laissons faire, tout le monde croira en lui. » (Jean XI, 48.) Pouvait-on blâmer ce pauvre peuple d'abandonner les citernes crevassées et sans eau, pour se désaltérer à la fontaine jaillissante de miséricorde, d'amour, de pardon ? Pouvait-on hésiter, à moins d'être aveuglé par la haine, entre les paroles saintes et divines qui sortaient de la bouche de Jésus et les fades enseignements des docteurs de la loi.

Les discours du Seigneur avaient profondément ébranlé la puissance et l'influence des pharisiens. Il détourne le peuple, non du pouvoir établi, comme les Juifs cherchent à le faire croire, mais des bergers faux et infidèles, de ceux « qui payent la dîme de la menthe, de l'aneth, et du cumin et qui négligent les choses les plus importantes de la loi, savoir : la justice, la miséricorde et la fidélité. » (Matth. XXIII, 23.) Le coeur de Jésus débordait de compassion et de miséricorde, il appelait à lui « tous ceux qui sont fatigués et chargés » (Matth. XI, 28), ceux-ci forment toujours la majorité - leur démontrant « que son joug est aisé, et son fardeau léger. » (Matth. XI, 30.) N'est-il pas naturel que, pour le suivre, le peuple ait abandonné ses faux docteurs ?

Avant la venue du Sauveur, l'amour compatissant était inconnu au vieux monde. Jésus a détrôné la religion froide et formaliste, pour la remplacer par une religion pleine de vie et d'amour. Oh ! si les chrétiens possédaient plus de compassion et de charité pour les âmes, ils remporteraient de grandes victoires. Un missionnaire qui annoncerait l'Évangile aux païens, sans que son coeur soit rempli de compassion, un pasteur en chaire, un maître dans son école, un père au milieu de sa famille, qui n'éprouveraient pas d'amour pour ceux auxquels ils s'adressent, ne feront jamais de bien ; au contraire, leur influence sera d'autant plus funeste qu'ils seront plus haut placés.

Depuis la conquête du pays de Canaan, jamais le peuple d'Israël n'avait été aussi profondément agité. Samuel, David, Élisée, Jean-Baptiste, d'autres encore, avaient suscité de grands soulèvements, mais ils n'étaient que des serviteurs, Jésus est le Maître. Leur apparition ressemble au météore qui traverse la nuit sombre, ou à une belle journée isolée au milieu d'un long et triste hiver. La venue du Sauveur est pareille au soleil printanier, dont les doux rayons, pénétrant en tout lieu, fondent la glace et éveillent la nature à une vie nouvelle.

Ce mouvement se propagea dans toute la Judée et même dans les pays avoisinants. Partout où Jésus se montre, les hommes quittent leurs travaux et se rassemblent par milliers autour de lui. Le Seigneur n'a plus le temps de manger. Pour prier, il doit prendre sur son repos de la nuit. S'il cherche quelques heures de solitude dans un lieu écarté et désert, cinq mille personnes l'y suivent et restent à écouter sa parole divine, oubliant le manger et le boire, et ne songeant plus au long chemin du retour. (Matth. XIV, 14-21.) jamais la Judée n'avait vu si joyeux cortège que celui qui suivait Jésus, se rendant à Jérusalem pour les fêtes. Les populations de villes et de villages entiers se joignaient à lui. Oui, il a soulevé le peuple.

Cette agitation n'a pas été circonscrite aux seuls temps du Christ. Les uns après les autres, tous les peuples en ont été saisis. L'Évangile a remué le monde grec et le monde romain jusqu'à leur base et il a planté, au milieu du désert du paganisme, un riche jardin de Dieu. À l'époque de la réformation, cette même Parole est venue remuer à salut tous les peuples de l'Europe et les appeler à une vie nouvelle. Plaise à Dieu que, parmi nous aussi, l'Évangile de grâce, la bonne nouvelle du salut, vienne réveiller les âmes et produire une profonde et puissante commotion !

Pilate devait être renseigné, par ses subordonnés, sur ce mouvement dont on faisait un grief à Jésus. Le centenier romain de Capernaüm (Matth. VIII, 5-13), qui avait éprouvé dans sa famille le secours miraculeux du Seigneur, avait sans doute raconté à ses supérieurs la guérison de son fils. Non seulement Pilate devait être au fait de cette agitation, mais il devait savoir qu'elle n'était ni politique ni révolutionnaire et que la personne de Jésus était un danger, non pour les Romains, mais pour les pharisiens. Aussi n'attache-t-il pas d'importance à cette accusation.

Le deuxième fait, allégué contre le Seigneur, était un mensonge conscient. Jésus avait répondu avec la plus grande clarté à la question captieuse des Hérodiens : « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Matth. XXII, 21.) Si cette accusation avait été fondée, elle aurait pesé fortement dans la balance aux yeux du fonctionnaire romain.

Le fait que celui-ci ne le relève pas, est la preuve qu'il était assuré de l'innocence de Jésus sur ce point. Peut-être l'officier de garde à la porte du temple avait-il assisté à l'entretien de Jésus avec les principaux et en avait-il fait rapport à son maître.

La troisième accusation est seule jugée digne de l'attention du gouverneur : Jésus veut se faire roi. Aveuglés par leur haine, les juifs ne se rendent point compte qu'ils dévoilent aux Romains leur espoir et le sujet de leur constant désir. En effet, ils attendaient le Messie promis par les prophètes. Mais leurs espérances messianiques déviées et faussées en avaient fait un roi terrestre, qui devait délivrer la Judée de la domination romaine et relever leur orgueil national.

IV. LE ROI DES JUIFS

Pilate fait appeler Jésus. « Es-tu le roi des juifs ? » (Jean XVIII, 33) lui demande-t-il. Pilate était depuis trop longtemps en Judée pour ignorer les coutumes religieuses, le grand passé historique, les espérances à venir des juifs. Les particularités de ce peuple, sa religion, son attente positive d'un Messie avaient dû attirer son attention. Il devait savoir qu'un grand nombre de juifs regardaient Jésus comme le Messie promis et qu'ils l'avaient même ouvertement proclamé. Peut-être n'était-il monté, de Césarée à Jérusalem, pour la fête de Pâque, que parce qu'il connaissait le complot formé contre Jésus. Ceci expliquerait sa conviction arrêtée de l'innocence du Seigneur et l'importance que l'orgueilleux Romain mettait au procès d'un juif obscur. Sa résistance à la fureur des pharisiens devait avoir un motif autre que celui de faire triompher le droit romain du fanatisme israélite. Peut-être avait-il quelque connaissance de la merveilleuse vie de Jésus et des prophéties, d'après lesquelles un roi victorieux devait surgir en Israël et subjuguer le monde entier.

À la question de Pilate, Jésus répond par une autre question : « Dis-tu cela de ton propre mouvement, ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ? » (Jean XVIII, 34.) Est-ce le juge ou est-ce ton coeur qui parle ? Oh ! si c'était ton coeur ! En prononçant ces mots, Jésus a en vue, non seulement le salut de Pilate, mais celui des générations à venir ; car, par la volonté de Dieu, chacune de ses paroles est destinée à l'humanité tout entière.

Pilate est obligé de reconnaître qu'il ne parle pas de lui-même, Il sait bien que Jésus n'est ni un révolutionnaire, ni un prétendant au trône. Manifestement blessé de ce reproche, il reprend : « Suis-je juif, moi ? Ta nation et tes principaux sacrificateurs t'ont livré à moi ; qu'as-tu fait ? » (Jean XVIII, 35.) Penses-tu, semble-t-il dire, que je te prenne pour un roi ? Il faut être juif, pour s'imaginer pareille folie. Tu dois cependant avoir fait quelque chose pour exciter à un pareil point tes chefs contre toi ? Qu'est-ce ? Qu'as-tu fait ? Cette dernière question est une petite vengeance de l'humiliation qu'il vient de subir.

Il eût été aisé au Seigneur de manifester son innocence au grand jour. Peu de mots lui auraient suffi pour convaincre le gouverneur qu'il n'avait fait aucun mal, mais au contraire beaucoup de bien, soit au peuple juif, soit aux païens, même a des serviteurs de Pilate, ce que des milliers pouvaient attester. Mais le Seigneur ne cherche pas à prouver son innocence, Il veut que Pilate arrive à cette conviction par lui-même et que le représentant du monde païen reconnaisse et atteste sa dignité royale, comme elle l'a été par le conseil des juifs, afin que toutes les nations sachent que c'est le Sauveur du monde, le Messie, le Roi, qui a été mis à mort.

C'est pour cela qu'il laisse sans réponse cette question : qu'as-tu fait ? et qu'il relève avec une grande clarté sa dignité royale, à laquelle le juge romain n'attachait que peu d'importance. Dans l'accusation des Juifs, il y avait un fond de vérité. Pilate va l'apprendre.

V. LE RÈGNE DE CHRIST

« Mon royaume n'est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs combattraient, afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n'est pas d'ici-bas. » (Jean XVIII, 36.) Précédemment, le Seigneur avait parlé de son règne, mais jamais d'une manière aussi claire et positive. On l'accuse de vouloir se faire roi et c'est en roi qu'il répond ; il est roi en effet, il possède un royaume, c'est un fait avéré.

Quand Jean-Baptiste commence son ministère, il annonce le royaume des cieux. « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. » (Matth. III, 3.) Jésus fait de la prédication du royaume de Dieu le point central de ses enseignements : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. (Matth. V, 3.) Les apôtres suivent son exemple ; ils appuient leurs exhortations sur la glorieuse manifestation du Seigneur, sur l'héritage royal, sur la gloire et la félicité des élus. ( I Cor. XV, 58.) Notre vie est un pèlerinage ; nous rencontrons sur notre chemin, des soucis, des épreuves et beaucoup de péchés. Qu'est-ce qui consolera et relèvera le coeur découragé, fléchissant sous son fardeau, si ce n'est la pensée du retour à la maison paternelle ? Quand on est certain de trouver dans sa patrie l'abondance et le bonheur, on supporte plus facilement les difficultés et les peines de l'exil.

Dès les premiers jours de l'humanité, Dieu avait eu en vue l'établissement de son royaume sur la terre. Le but constant de ses voies envers les hommes a été de transformer les pécheurs égarés et perdus, en une communauté d'élus saints et bienheureux.

Le règne du Seigneur a été prédit par de nombreux types et par beaucoup de prophéties (Dan. II, 44: VII, 27.), les unes parlant de son abaissement (Esaïe LIII), les autres décrivant sa puissance et sa gloire. (Ps. II, 6 ; XXIV, 7, 8.) Les Israélites ne pouvaient se faire à l'idée d'un Messie abaissé, souffrant, mourant ; même les apôtres s'attendaient à une manifestation glorieuse et extérieure de la puissance de leur Maître. ...

Les prophéties, concernant le royaume des cieux, ont commencé à s'accomplir à la venue de Christ. Et lorsque, à son Ascension, le Seigneur a quitté la terre, il y a laissé une Église qui l'adorait comme son roi et qui formait les prémices du royaume qui doit embrasser tous les peuples. Depuis ce temps des petits commencements, depuis dix-huit siècles, ce règne n'a cessé de s'étendre. Il a conservé le caractère de son divin fondateur. Par la souffrance à la gloire. Si le royaume de Christ dans le monde est crucifié, c'est le signe de sa réalité, de sa vitalité. Cette condition ne doit point être mise de côté. On tient trop à voir l'Eglise honorée et puissante. Mais cet état n'est ni normal ni salutaire. L'histoire de la chrétienté de tous les siècles en est la preuve. Le pouvoir et la vertu sont choses très différentes. La force intérieure diminue à mesure que la puissance extérieure augmente ; par contre, plus l'Eglise est opprimée, plus sa force intérieure sera grande et glorieuse.

La prédication du royaume des cieux, pleine de grâce et de pardon, s'adresse aux égarés, aux tombés, à tous ceux qui ont le mal du pays de la patrie céleste. Pour entrer dans ce royaume, il faut passer par la nouvelle naissance ; il faut que le vieil homme meure et qu'une vie nouvelle soit créée en nous. Les enfants du royaume se savent étrangers dans ce monde ; leur bourgeoisie est au ciel. Leurs biens et leurs privilèges, pendant cette période d'épreuve, ne sont pas visibles au dehors, mais la valeur en dépasse tout ce que le monde peut offrir : paix du coeur, justice, joie, espérance assurée. Les chrétiens sont de race royale, mais ils portent leurs trésors dans des vases de terre. (I Pier. II, 9.) Ce sont des rois tombés et détrônés, mais qui doivent être bientôt relevés et introduits dans la gloire. L'homme n'est ni ange ni bête, mais un enfant de Dieu déchu et sa dignité consiste en ce qu'il connaît son origine. Heureux ceux qui ont le mal du pays du ciel, car ils entreront dans la maison paternelle.

Notre époque actuelle de développement progressif ne durera pas toujours. Dieu en a fixé le terme. Il ne nous a pas révélé « les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité. » (Act. I, 7.) Mais sa Parole nous dit d'une manière positive que la fin viendra. Dans ses discours et ses paraboles, le Seigneur a sans cesse fait allusion à son retour et à l'établissement de son règne. Cette perspective forme l'arrière-plan de la prédication apostolique. Les prophéties de l'ancienne alliance et celles de l'Apocalypse annoncent un royaume qui ne sera pas uniquement spirituel. Christ n'est pas venu anéantir l'attente des Juifs, mais corriger leurs idées erronées. Le Seigneur doit revenir sur cette vieille terre pécheresse, afin de soumettre tous les royaumes et d'y établir son règne messianique. Alors la justice et la paix fleuriront en tout lieu et « la terre sera remplie de la connaissance de l'Éternel, comme le fond de la mer des eaux qui le couvrent. » (Esaïe XI, 9.)

La fin de l'économie présente est annoncée comme devant être une époque de grandes tribulations, dont la destruction de Jérusalem et les désolations qui l'ont suivie, ne sont que l'image et le prélude. (Matth. XXIV. Luc XXI.) « Que personne ne vous séduise en aucune manière ; car il faut que la révolte soit arrivée auparavant, et qu'on ait vu paraître l'homme de péché, le fils de la perdition, l'adversaire. Alors paraîtra l'impie, que le Seigneur détruira par le souffle de sa bouche, et qu'il anéantira par l'éclat de son avènement. » (2 Thess. II, 3-10.) D'après ce passage, l'antéchrist doit précéder le retour du Seigneur et entraîner par ses séductions une grande partie de la chrétienté. Le diable dirigera la dernière et terrible persécution contre l'Eglise, qui sera purifiée et affinée, comme l'or dans le creuset de l'épreuve.

Quand l'angoisse sera parvenue à son comble, le Seigneur apparaîtra du ciel avec une grande puissance et avec gloire ; « le diable sera lié pour mille ans, jeté dans l'abîme et enfermé, afin qu'il ne séduise plus les nations, jusqu'à ce que les mille ans soient accomplis. » (Apoc. XX, 2, 3.) Pendant le règne de mille ans, la divine puissance du Seigneur ne rencontrera plus d'obstacle. La paix, la joie, l'harmonie régneront sur la terre ; « les épées seront changées en hoyaux, et les lances en serpes. On n'apprendra plus la guerre, » (Esaïe II, 4.) « Il n'y aura plus là d'enfant né pour peu de jours, ni de vieillard qui n'accomplisse ses jours. » (Esaïe LXV, 20.) La terrible désharmonie cessera dans la nature. Christ et ses saints régneront sur la terre. (Apoc. XX, 4-6.) Toutes les prophéties concernant le règne du Fils de David et sa domination sur les peuples seront accomplies. Il sera le Maître souverain et les promesses faites aux croyants se réaliseront au delà de toute attente.

Le millénium est une époque de sabbat pour l'humanité et pour la nature. Cependant la terre, n'étant pas encore transformée, ne peut être la demeure permanente du Seigneur et de son Église. Il est un grand progrès dans l'histoire du règne de Dieu, une époque de mission parmi tous les peuples, celui d'Israël en premier lieu ; mais il n'est pas l'entier accomplissement des voies de Dieu envers l'humanité. Il reste un dernier degré à franchir : l'éternité.

Dans la description courte, mais solennelle, de sa vision, saint Jean indique la transition du millénium à l'éternité. (Apoc. XX, 7-10.) Satan sort de l'abîme, il exerce sa puissance de séduction sur les habitants de la terre et il livre, à Jérusalem, son dernier combat à mort contre la sainte communauté. Le Seigneur apparaît pour le vaincre et exercer le jugement final sur lui et sur toutes les créatures.

Notre imagination est impuissante à nous représenter la gloire et la félicité dont jouiront les élus. « Les nouveaux cieux et la nouvelle terre » (2 Pier. III, 13), deviendront l'habitation de Dieu et de l'humanité sauvée et glorifiée. Non seulement les hommes, mais l'univers entier atteindra le plus haut degré de perfection. Sur la terre, revêtue d'une gloire indicible, Christ établira son règne au milieu de ceux qu'il « n'a point eu honte d'appeler ses frères » (Hébr. II, 11), et qui sont devenus par lui participants de la nature et de la gloire divines, « héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ. » (Rom. VIII, 17.) La foi sera changée en vue et la connaissance en perfection - l'amour, qui ne périt jamais, remplira le coeur des bienheureux. Ceux-ci jouiront du repos de Dieu (Hébr. IV, 9), d'un repos qui n'exclut pas l'activité, mais l'agitation et la fatigue. Tous les trésors de la terre, toutes les jouissances qu'elle peut offrir, ne sont que jouets d'enfants et ombre passagère en comparaison de la gloire, de l'amour, du bonheur, qui deviendront le partage des élus.

VI. CHRIST EST LA VÉRITÉ

Lorsque Christ parle à Pilate de son règne, il en voit en esprit, non seulement le lent et progressif développement, mais la gloire à venir.

Le royaume de Dieu est la vérité ; ceci est son caractère essentiel. Quoique, dans ce monde de péché et de mensonge, la vérité rencontre de nombreux ennemis et ait de constants combats à livrer, il est cependant certain que la victoire doit lui demeurer. La vérité a été manifestée en Jésus-Christ. « Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité. » (Jean XVIII, 37.)

Les philosophes païens avaient déjà compris que c'est de la vérité que procèdent l'harmonie, la vie et la lumière et que le mensonge engendre les ténèbres et la mort. Le mensonge peut séduire une âme, la retenir longtemps dans l'erreur, mais il ne lui donnera jamais la paix. C'est pourquoi les hommes ont toujours recherché la vérité - elle appartient à tout leur être, car ils ont été créés pour elle.

« Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité ? » (Jean XVIII, 38.) Cette question est aussi vieille que l'humanité. Notre existence même est une chaîne de mystères ; car la vie morale ne provient pas de la boue, - nous le sentons bien - quoique quelques-uns osent le prétendre. Pourquoi sommes-nous là ? Qui a créé le monde, dans lequel nous sommes placés et où nous avons tant de peine à nous trouver à l'aise ? Si le monde à été fait pour l'homme, par qui celui-ci a-t-il été créé ? L'homme se sent le roi de la création ; il se l'asservit par son intelligence, et cependant il en dépend d'une manière servile et il lui doit la conservation de son existence. D'où vient le mal dans le monde ? et la souffrance, le malheur d'un grand nombre, la mort pour tous ? Nul ne peut échapper à ces questions et à beaucoup d'autres. Souvent on les repousse, on cherche à s'en distraire, mais ce n'est qu'au prix de sa dignité humaine. L'animal, lui, n'approfondit pas ces problèmes.

Lorsque Pilate dit à Jésus : « Qu'est-ce que la vérité ? » je ne crois pas que ce fût avec l'accent de la moquerie ou de l'ironie. C'était la simple expression de ses sentiments. Il en était arrivé, par ses études et ses réflexions, à la conviction qu'il est impossible de trouver une solution au mystère de l'existence, une réponse au soupir de l'humanité. Pilate ne parle pas en son nom seul - il ne fait qu'exprimer le désespoir du vieux monde, cherchant sans cesse la vérité et ne la trouvant pas.

Le résultat négatif des recherches de chaque génération n'empêche pas la suivante de recommencer le même travail. Car il n'y a pour l'homme ni paix ni repos, aussi longtemps qu'il n'a pas trouvé la vérité.

Christ est la réponse à toutes les questions. Lui seul résout les énigmes de la vie. Le désir des païens, l'attente d'Israël se sont réalisés en lui. Il rend témoignage à la vérité, non par un système philosophique ou des théories humaines, mais en la manifestant dans sa personne et dans sa vie. Tous ses discours en rendent témoignage. Il nous fait connaître la pensée de Dieu ; il nous révèle son amour, ses compassions, sa grâce. Il est lui-même le Médiateur de cette grâce et il la rend efficace en expiant les péchés de l'humanité. Il annonce le royaume des cieux comme étant le but et la patrie de l'homme. Sans lui, l'histoire des nations demeure un chaos inextricable, livré au hasard. Il nous conduit à Dieu et nous donne la paix. Il fait concourir toutes nos épreuves et nos difficultés à son plan d'amour.

L'Eglise universelle a trouvé en Christ vie, lumière, bonheur. Pourquoi ce bien suprême n'est-il pas le partage de tous ? Pourquoi l'Évangile rencontre-t-il tant d'opposition et de mépris ? La réponse n'est pas longue à chercher. C'est la faute, non de la vérité, mais du coeur de l'homme et de son péché. La vérité subit dans ce monde le même sort que celui qui l'a apportée, savoir Jésus-Christ. Les juifs n'ont pu le « convaincre de péché » (Jean VIII, 46), et cependant ils l'ont rejeté. Un petit nombre seulement l'ont reconnu pour leur Sauveur et leur Maître ; à ceux-là « il a donné le droit d'être faits enfants de Dieu. » (Jean I, 12.) Le même fait se renouvelle sans cesse. « Quiconque est de la vérité écoute ma voix » (Jean XVIII, 37), dit le Seigneur. Celui qui cherche la vérité reconnaît par là que son état est désespéré devant Dieu et qu'il a besoin du salut.

Si la vérité est une puissance, le mensonge en est aussi une. Ces deux puissances se rencontrent dans le coeur de l'homme et s'y livrent bataille. Laquelle remportera la victoire ? Il faut une volonté bien arrêtée pour vouloir la vérité ; car au commencement celle-ci n'est point agréable. Elle condamne, elle humilie, elle fait souffrir, avant de guérir. La vérité est sainte, car Dieu est saint. S'il est resté dans l'homme une étincelle d'amour pour le bien, « la vérité l'affranchira et le sanctifiera. » (Jean VIII, 32.)

Un souvenir de mon ministère fera mieux comprendre cette pensée. J'ai reçu dernièrement une lettre d'un cordonnier, établi actuellement loin de Lausanne, dans laquelle il me raconte sa conversion. Quand il habitait Lausanne, cet homme était affilié aux socialistes, et même, lors d'une grève, il s'était mis à la tête des émeutiers. Étant tombé malade peu après, il fut soigné quelque temps à l'hôpital, qui se trouvait alors à côté de l'église allemande. Pendant sa convalescence, il s'assit, un dimanche matin, dans le jardin, sous la fenêtre ouverte de l'église et il m'entendit citer ce passage : « Heureux les débonnaires ; car ils hériteront de la terre. » (Matth. V, 5.) Il en fut frappé et il écouta la prédication jusqu'à la fin. Dès lors, pendant plusieurs mois, il suivit le culte allemand, il rompit complètement avec sa vie passée et se convertit à Dieu. Il n'avait pas osé, écrivait-il, venir me voir avant de quitter Lausanne; mais maintenant, que sept ans s'étaient écoulés et qu'il se sentait dans la pleine paix de l'enfant de Dieu, il éprouvait le besoin de me remercier pour le bien que le Seigneur lui avait fait par mon moyen. Oui, si le mal, si les ténèbres sont une puissance, la vérité est capable de les vaincre, pour peu qu'elle trouve un point d'appui dans le coeur.

Je suis souvent frappé du peu de valeur et de l'absurdité des objections que l'incrédulité oppose à la vérité. Me trouvant, il y a quelques années, dans un établissement de bains, je fus placé à table d'hôte à côté d'un cartographe. Une discussion religieuse ne tarda pas à s'engager entre nous. Cet homme soutenait qu'il était impossible aux âmes d'aller au ciel, puisqu'il faudrait déjà des milliers d'années pour atteindre les étoiles les plus rapprochées de la terre. Je lui demandai alors combien on mettait de jours pour aller en Amérique et en Australie. Lorsqu'il m'eut répondu, je lui posai une autre question - combien de temps mettrait sa pensée pour se rendre à New-York et en revenir ? Toute la société se mit à rire - mon interlocuteur rit aussi, mais d'un air embarrassé. Je profitai de l'occasion pour parler du monde invisible, que la Parole de Dieu nous fait connaître, et pour démontrer aux assistants que les croyances chrétiennes ne sont point illogiques, comme le prétendent ceux qui ne les connaissent pas.


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