Du
Thabor à Golgotha
VI
GOLGOTHA
X. TOUT EST ACCOMPLI
« Et quand Jésus eut pris le
vinaigre, il dit : Tout est
accompli. »
(Jean XIX, 30.)
Cette parole est la plus courte de celles
que le Seigneur a prononcées sur la
croix ; dans l'original, elle ne se compose
que d'un seul mot. Mais elle est la plus
complète, car elle embrasse l'oeuvre
entière de l'expiation, le temps et
l'éternité. Pour en épuiser le
sens, il faudrait remonter au conseil du
Tout-Puissant qui, avant la création du
monde, avait résolu le
salut de l'humanité ; il faudrait
suivre l'oeuvre de Dieu à travers les
siècles, jusqu'à son parfait
accomplissement dans l'éternité. Plus
nous approfondissons les pensées de Dieu
à notre égard, plus nous sentons
notre pauvreté et notre incapacité.
Nous ressemblons à l'enfant que saint
Augustin vit un jour, tandis qu'il se promenait au
bord de la mer, en méditant sur la nature de
Dieu : l'enfant cherchait à vider la
mer en puisant l'eau dans une coquille.
« Tout est
accompli ! » Qu'est-ce qui est
accompli ?
Avant tout, une vie de renoncements, de
privations, de souffrances. Personne n'a souffert
de l'ignominieuse déchéance de
l'humanité. comme Jésus, parce que,
seul, il connaissait la gloire qui lui était
destinée. Il n'a cessé de mener deuil
sur la misère de ses frères, il a
porté dans son coeur la souffrance du monde
entier. Sa joie était d'adoucir la douleur
du corps et celle de l'âme, de consoler les
affligés, de sécher les larmes de
ceux qui pleurent. Il est mort pour les
pécheurs, se mettant à leur place et
portant leur condamnation. Comment
l'humanité l'a-t-elle payé de tant de
bienfaits ? qu'a-t-il reçu pour sa
récompense ? La mort ! la mort sur
la croix, la haine, l'ignominie, les
persécutions. Les anges se
réjouissent à sa naissance, pour le
monde tombé ;mais les hommes le
repoussent et lui
présentent la couronne d'épines et la
croix du malfaiteur. Oui, en vérité,
une vie merveilleuse et divine est
accomplie !
Quand un homme, dont la vie a
été consacrée à une
oeuvre grande et utile, meurt de mort tragique ou
victime de la haine de ses ennemis, une sympathie
spontanée ébranle même ceux qui
ne le connaissaient point. Ici il s'agit de la mort
la plus émouvante et de la vie la plus
sainte, mais la majorité des hommes n'y
prêtent pas attention. Si, depuis dix-huit
siècles, un grand nombre de coeurs se sont
ouverts à l'amour du Sauveur, il est certain
cependant que l'intérêt
général et universel de toutes les
créatures ne se porte point sur lui et que
le zèle même des chrétiens est
bien terne et languissant. Il en était
autrement dans la primitive Église ; de
là sa force.
Non seulement une vie, mais une oeuvre sans
pareille est accomplie, une oeuvre qui embrasse le
monde entier, le passé et l'avenir. Depuis
la chute d'Adam jusqu'à Jean-Baptiste, les
prophéties se sont succédées
à intervalles plus ou moins
rapprochés, aboutissant toutes - comme les
ruisseaux de la montagne qui forment un grand
fleuve - au Sauveur et à son oeuvre
rédemptrice. Durant des siècles,
elles ont été l'espérance des
croyants, leur parlant du salut éternel que
Dieu accomplirait « par l'homme qu'il a
établi. »
(Act. XVII, 31.) Sa
naissance d'une vierge
(Esaïe VII, 14), le moment de
son apparition, le lieu de sa naissance
(Mich. V, 2), sont annoncés
avec la plus grande précision. Ses
souffrances expiatoires sont dépeintes dans
leurs moindres détails. (Esaïe LIII.)
Toutes ces prophéties sont accomplies quand
Jésus rend l'esprit.
Pendant deux mille ans, le sang des
sacrifices a coulé à flots dans le
temple de Jérusalem, selon l'ordre
établi par Dieu même « pour
faire l'expiation pour vos âmes ; car
c'est par le sang que le sang fait
l'expiation. »
(Lév. XVII, 11). L'ordonnance
concernant le grand jour des expiations
était particulièrement significative.
« Aaron devait appuyer ses deux mains sur
la tête du bouc vivant et confesser sur lui
toutes les iniquités des enfants
d'Israël, et toutes leurs rébellions et
tous leurs péchés. »
(Lév. XVI, 21.) Il devait
entrer « dans le sanctuaire avec le sang
de l'alliance et en faire par sept fois aspersion
sur l'autel. »
(Lév. XVI, 18.)
« Mais il est impossible que le sang des
taureaux et des boucs Ôte les
péchés. »
(Hébr. X, 4.) Le sacrifice
était un type, une prophétie, une
prédication, sans cesse
répétée de l'état de
péché de l'homme et de la
nécessité d'un Sauveur. Ce sacrifice
divin a été accompli sur Golgotha.
« Par une seule oblation, il a rendu
parfaits pour toujours ceux qui sont
sanctifiés. »
(Hébr. X, 14.) Dès
lors, la sainte Cène a
remplacé le repas de l'agneau pascal ;
car le sang de Christ est le vrai sang de
l'alliance. Les types, les sacrifices ont
reçu leur plein accomplissement.
La malédiction qui pesait sur
l'humanité, à cause de ses
innombrables transgressions, est enlevée. Ce
que les hommes n'ont pas été en
état de faire, Jésus l'a fait.
« Il a aimé Dieu de tout son
coeur, de toute son âme et de toute sa
pensée. »
(Matth. XXII, 37.) « Il est
la fin de la loi, pour la justification de tout
croyant. »
(Rom. X, 4.) Le chrétien,
délivré de la malédiction de
la loi et de la condamnation, est
transplanté dans la vie
éternelle ; « il se
revêt du nouvel homme, dans la justice et la
sainteté de la
vérité »
(Eph. IV, 24) ; comme
« membre du corps de Christ »
(Eph. V, 30), il participe à
sa sainteté, à sa communion, à
sa gloire. Ce que le péché avait
séparé est de nouveau réuni.
La bienveillance et l'amour paternel de Dieu nous
sont rendus. Notre adoption est un fait accompli
pour l'éternité.
Le bonheur dont jouiront les élus
« sur la nouvelle terre et sous les nouveaux
cieux »
(2 Pierre III, 13), « ces choses
que l'oeil n'avait point vues, que l'oreille
n'avait point entendues, et qui n'étaient
point montées au coeur de l'homme, que Dieu
avait préparées pour ceux qui
l'aiment »
(I Cor. II, 9),
cet avenir glorieux est compris
dans cette parole tout est accompli.
Le pardon est offert à tous.
« Venez à moi, vous tous qui
êtes fatigués et chargés, et je
vous soulagerai. »
(Matth. XI, 28.) « Que le
méchant abandonne sa voie, et l'homme
injuste ses pensées ; et qu'il retourne
à l'Éternel, qui aura pitié de
lui, et à notre Dieu, car il pardonne
abondamment. »
(Esaïe LV, 7.)
« Consolez, consolez mon peuple, dit
notre Dieu. »
(Esaïe XL, 1.) Le salut est
gratuit. On ne peut assez le répéter.
Notre salut est chose accomplie - notre bonheur est
un don de la libre grâce de Dieu - nous
n'avons rien à faire pour le
mériter.
Malheureusement, un grand nombre de
personnes se représentent qu'elles ont
à gagner le ciel par leurs oeuvres. Sur dix
mourants, il y en a en moyenne neuf qui estiment
avoir droit à la vie éternelle, parce
qu'ils ont été, d'honnêtes
gens. Leur ignorance, quant à la seule chose
nécessaire, peut venir, pour quelques-uns,
d'une instruction défectueuse. Mais, si nous
attendons d'être justes pour avoir droit
à la grâce de Dieu, nous n'y
parviendrons jamais. La seule chose à faire,
c'est de porter nos péchés au pied de
la croix et de tendre les mains, en demandant
grâce pour l'amour du Sauveur.
Celui-là seul qui a trouvé un
Père en son Dieu peut être heureux.
Tout est accompli ! Cette parole du
Seigneur doit rappeler aux chrétiens
d'autres passages des saintes Écritures.
« Vous êtes la race élue, la
sacrificature royale, la nation sainte, le peuple
acquis, pour annoncer les vertus de celui qui nous
a appelés des ténèbres
à sa merveilleuse
lumière. »
(I Pier. II, 9.)
« Conduisez-vous d'une manière
digne du Seigneur, pour lui plaire en toutes
choses, portant des fruits en toutes sortes de
bonnes oeuvres. »
(Col. I, 10.) Suivons Jésus
notre modèle, afin de pouvoir
répéter comme lui, quand viendra
notre dernier moment : « J'ai
achevé l'ouvrage que tu m'avais donné
à faire »
(Jean XVII, 4), et comme saint
Paul : « J'ai combattu le bon
combat, j'ai achevé la course, j'ai
gardé la foi. »
(2 Tim. IV, 7.)
N'est-il pas étrange, qu'au moment
même où le Seigneur livre sa vie
à la mort, il s'écrie : Tout est
accompli ? Aux yeux du monde, ce sont ses
ennemis qui triomphent ; ce sont eux qui
auraient pu dire : Notre plan a
réussi ; nous avons remporté la
victoire. Être opprimé et mis à
mort ne s'appelle généralement pas
gagner sa cause, mais la perdre. C'est à ce
moment cependant que Jésus remporte la
victoire. Cette parole a vu son accomplissement
déjà au matin de Pâque, par la
résurrection du Seigneur et, depuis dix-huit
siècles, elle ne cesse de se
réaliser. Les ennemis mêmes de Christ
sont forcés de.
reconnaître qu'en mourant il a
remporté la victoire et fondé son
royaume.
À cette heure solennelle, sur
Golgotha, il ne s'agissait pas de ces questions
secondaires pour lesquelles les hommes se
passionnent si souvent, mais de la question
importante entre toutes : le salut ou la
perdition du monde. L'humanité perdra-t-elle
son Dieu ? le royaume des cieux sera-t-il
réduit à tomber dans l'erreur, la
méchanceté, la
dépravation ? ou la malédiction,
accumulée depuis des siècles,
sera-t-elle enlevée ? et un nouveau
royaume de paix et de lumière
ressortira-t-il vivant de la, mort et des
ténèbres ? Sur la croix, en
mourant, Jésus a résolu
triomphalement toutes ces questions. Sans doute, si
l'on regarde à la faiblesse et au petit
nombre de ceux qui entourent la croix, on pourrait
douter de la possibilité de la victoire.
Mais, au moment où il incline la tête
pour mourir, Jésus s'écrie :
Tout est accompli. Dans le ciel, des légions
d'êtres bienheureux répètent en
choeur : tout est accompli, et, sur la terre,
des milliers de créatures répondent
à leur tour : Tout est accompli !
XI. JE REMETS
MON ESPRIT ENTRE TES MAINS
La dernière parole du Seigneur le
concerne personnellement. C'est l'adieu du mourant.
Comme en commençant son
agonie, Jésus expire le nom de son
Père sur les lèvres. Sa vie
entière a été une vie d'amour,
d'obéissance, de communion avec Dieu, et sa
mort vient y mettre le sceau. Il ne pouvait finir
autrement.
Peu d'hommes savent comment il faut faire
pour bien mourir ; c'est ici qu'on l'apprend.
Le Seigneur nous permet de jeter un regard dans son
coeur défaillant. S'il n'avait pensé
qu'à lui-même, il aurait sans doute
expiré dans le silence. S'il le fait avec un
grand cri, c'est qu'à ce moment
suprême, il est encore occupé de
nous.
Que nous dit cette parole :
« Mon Père, je remets mon esprit
entre tes mains. »
(Luc XXIII, 46.) ?
Elle nous montre une mort heureuse, la mort
de l'enfant de Dieu que rien ne sépare plus
de son Père. Jésus remet son esprit
entre ses mains comme Fils de Dieu, mais aussi
comme Fils de l'homme. Il est difficile de mourir,
de quitter les biens auxquels nous sommes
attachés, de nous séparer de ceux que
nous aimons. Si nous connaissions l'histoire de la
plupart des hommes, nous en serions
attristés ; mais souvent celle de leur
mort nous glacerait d'épouvante. Les hommes
les plus distingués, les meilleurs de
l'ancienne alliance, sont morts en plaçant
leur confiance dans les compassions de Dieu; ils
avaient l'espérance, mais
non la certitude joyeuse et filiale. Avant la venue
du Christ, quelques âmes d'élite,
embrassant avec hardiesse les promesses divines, en
ont pressenti la réalisation future. Mais le
nombre en était restreint.
Qui dira les soupirs douloureux, incertains,
désespérés, de milliers de
mourants ? Notre monde est un vaste
cimetière. Une génération suit
l'autre au tombeau et celle qui lui succède
marche, inconsciente, à la rencontre de
l'ennemi redoutable, sur la poussière de la
précédente. Quand la mort s'approche
pour faire valoir ses droits, alors
l'indifférence fait place à
l'angoisse et à la détresse.
Le Christ, en expirant à Golgotha, ne
connaît ni l'incertitude ni la crainte. Il
sait d'où il vient, où il va, sur qui
il se repose. Il retourne paisible et heureux dans
sa patrie, auprès de son Dieu ; il sait
qu'il a le plein droit d'y entrer. Oh ! quel
moment béni pour le Seigneur que celui
où, quittant la terre d'exil,
échappant au contact des pécheurs,
aux mains des méchants, il s'est
retiré à l'abri sous l'aile de son
Père ! Son mal du pays est
apaisé pour toujours.
Si la sainte mort du Seigneur était
un simple fait historique, elle ne ferait que nous
attrister et ne nous apporterait aucune
consolation. Mais Jésus a racheté
notre mort; il a emporté dans sa tombe
nos péchés, notre
dette, tout ce qui nous séparait du Dieu
saint.
Il ne reste au Seigneur qu'une seule chose
à accomplir, la dernière, par
laquelle il doit se rendre semblable à ses
frères : livrer son corps à la
tombe, mourir afin de leur ouvrir le passage et
d'éclairer pour eux la sombre vallée.
Le chrétien, maintenant, peut s'endormir en
paix, plein de confiance, assuré de la
victoire.
Rien n'est plus incertain que la vie
humaine. D'un jour à l'autre, nous sommes
exposés à perdre les biens que nous
possédons, ce que des années de
travail nous ont acquis. La seule chose certaine,
c'est la mort. Quant au moment où elle doit
nous atteindre, il n'y a pas de règle ;
l'incertitude est complète. Ici meurt un
jeune homme, une jeune fille, au printemps de la
vie ; là une femme dans la force de
l'âge, et les uns et les autres dans des
circonstances qui rendent leur perte
irréparable et navrante. Chaque jour
ramène le même spectacle douloureux.
Il n'est personne qui n'ait été
témoin de cette désolation, au moins
une fois dans sa vie. On ne peut visiter un
cimetière sans être attristé
à la pensée des souffrances
incalculables qui sont attachées à
ces tombes. Combien de coeurs sont restés
ensevelis avec leurs bien-aimés !
Il semble, qu'instruit par cette
expérience, l'homme le plus inculte et le
plus léger devrait se
préparer à la
mort. Quand s'approche le dernier moment, chacun,
il est vrai, aimerait bien s'en aller en paix.
Mais, en santé, plein de forces. on y pense
peu. Pendant les trente-trois ans de mon
ministère, j'ai visité un grand
nombre de malades sur leur lit de mort, mais je
n'en ai pas vu un seul qui ne désirât
aller au ciel. À l'approche de
l'éternité, la conscience fait
entendre des appels auxquels nul ne peut
résister. Écoutons-les avant que
vienne la dernière heure et, comme nous n'en
connaissons pas le moment, « si
aujourd'hui nous entendons sa voix, n'endurcissons
point nos coeurs. »
(Hébr. III, 15)
Si tu veux t'endormir en paix, - je sais que
tu le désires - va l'apprendre à
Golgotha. Pour mourir paisible et joyeux, pour
pouvoir remettre ton âme entre les mains du
Père céleste, il faut que le Dieu
saint soit devenu ton Père. Ta mort sera la
conséquence de ta vie spirituelle.
« Celui qui sème pour la chair,
moissonnera de la chair la corruption ; mais
celui qui sème pour l'Esprit, moissonnera de
l'Esprit la vie éternelle. »
(Gal, VI, 8.)
Pour ceux qui appartiennent à Christ,
la mort est douce et pleine de consolation.
« Quand je vous aurai
préparé une place, je reviendrai et
vous prendrai avec moi, afin qu'où je serai,
vous y soyez aussi. »
(Jean XIV, 3.) « Heureux
dès à
présent les morts qui
meurent dans le Seigneur. » (Apoc. XIV,
13.) Oui, ce sera un moment de bonheur indicible
pour l'enfant de Dieu qui soupire après le
ciel, que celui où il inclinera la
tête, et remettra son esprit dans les mains
du Dieu des miséricordes. Ses yeux se
fermeront aux choses d'ici-bas, en les rouvrant, il
verra le Seigneur qui l'introduira dans la patrie
céleste. Quelle compensation aux longues et
tristes années de l'exil !
« Il n'y a point de proportion entre les
souffrances du temps présent et la gloire
à venir, qui doit être
manifestée en nous. » (Rom. VIII,
18.) Veuille le Seigneur nous accorder,
après notre pèlerinage, un tel retour
dans la maison paternelle !
XII. MORT DU
CHRIST
À l'instant où le Dieu-homme
expire, il se produit dans la création
entière, dans le monde visible et dans celui
qui est invisible, un immense ébranlement.
Le ciel et la terre rendent témoignage,
d'une manière saisissante, à ce fait
inouï.
« En même temps, le voile du
temple se déchira en deux, depuis le haut
jusqu'en bas. »
(Matth. XXVII. 51) Cet
événement n'est que l'écho de
ce qui se passe dans le monde invisible. Moïse
avait établi le sanctuaire terrestre de
Jéhovah d'après le
modèle qui lui avait été
montré sur le Sinaï.
(Exode XXV.) Le lieu
très-saint, dans lequel l'Éternel se
manifestait pour diriger son peuple, était
caché aux yeux de tous par un voile.
très épais, fait d'étoffes
précieuses.
(Exode XXVI, 31, 33.) Personne
n'avait le droit de le soulever. Une fois par an,
seulement, au grand jour des expiations
(Exode XVI, 1-10 ;
Hébr. IX, 7, 8), le souverain
sacrificateur entrait dans le sanctuaire avec le
sang de l'alliance. Le lieu très saint
était fermé à tous, afin de
rappeler incessamment au peuple que le
péché le séparait du Dieu
trois fois saint. Lorsque le grand sacrifice fut
accompli sur Golgotha, lorsque l'Agneau de Dieu
« fut entré dans le saint des
saints, avec son propre sang »
(Hébr. IX, 12), alors le voile
du temple se déchire, symbole de ce qui se
passe dans le ciel, véritable
sanctuaire.
Nous connaissons ce fait merveilleux ;
il n'est personne qui ne l'ait lu ou entendu
raconter. Il n'en est malheureusement pas de
même de son application pratique :
« Ayant donc la liberté d'entrer
dans le sanctuaire, par le sang de Jésus,
chemin nouveau et vivant, qu'il nous a frayé
à travers le voile, c'est-à-dire
à travers sa chair ; approchons-nous
avec un coeur sincère, dans une pleine
certitude de foi, ayant les coeurs purifiés
des souillures. »
(Hébr. X, 19-22.) Si, par un
concours de circonstances
exceptionnelles, un pauvre homme obtenait le libre
accès auprès d'un puissant monarque,
devant lequel les princes et les grands de la terre
se prosternent avec le plus profond respect, et
qu'il lui fût permis de lui présenter
en tout temps ses besoins et ses voeux, je me
représente qu'il s'estimerait très
heureux et que son sort serait envié de
tous.
Un privilège bien plus glorieux nous
est accordé. Le Dieu tout puissant, que les
chérubins et les séraphins adorent en
se voilant la face, accorde à de pauvres
créatures tombées le droit de
s'approcher en tout temps de son trône, de
déposer à ses pieds leurs soucis et
leurs peines, d'implorer de lui force, paix et
secours. Quoi ! celui qui tient dans sa main
ton bonheur et ton malheur, t'ouvre la porte de son
sanctuaire ; il t'invite à demander
grâce sur grâce ; et tu resterais
loin de lui, avec ta pauvreté et ta
misère, sans répondre à ses
appels !
« Les sépulcres
s'ouvrirent, et plusieurs des saints, qui
étaient morts, ressuscitèrent ;
et étant sortis de leurs sépulcres
après sa résurrection, ils
entrèrent dans la sainte cité, et ils
furent vus de plusieurs personnes. »
(Matth. XXVII, 52, 53.) Ces tombeaux
qui s'ouvrent, ces morts qui ressuscitent,
annoncent à tous que Jésus-Christ est
le Seigneur, « qu'il domine sur les morts
et sur les vivants. »
(Rom. XIV, 9.) Dans le monde des
trépassés, sa mort
aura aussi occasionné une commotion
saisissante. Ceux qui s'étaient endormis
dans la foi à un Sauveur à venir,
accourent au devant de lui, pour demeurer
« toujours avec le Seigneur. »
(I Thess. IV, 17.) Christ n'entre pas
seul dans le lieu très saint ; il
amène avec lui, comme fruits de son travail,
ceux qui l'ont attendu par la foi.
« Tous ceux qui sont dans les
sépulcres entendront sa voix et
sortiront. »
(Jean V, 28.) « Je suis la
résurrection et la vie »
(Jean XI, 25), avait dit
Jésus. L'apparition à
Jérusalem des saints ressuscités est
un témoignage divin et puissant de l'oeuvre
rédemptrice du Sauveur et de sa victoire sur
la mort. C'est en même temps une
prophétie de la résurrection
bienheureuse des enfants de Dieu.
« La terre trembla, les rochers se
fendirent. »
(Matth. XXVII, 51.) Un violent
tremblement de terre ébranle la nature.
C'est une magnifique oraison funèbre
ordonnée par Dieu à la mort du
Médiateur de l'humanité, de Celui
« par qui et pour qui sont toutes
choses. »
(Rom. XI, 36.) « Je vous
dis que si ceux-ci se taisent, les pierres
crieront »
(Luc XIX, 40), avait dit le Seigneur
aux pharisiens, quelques jours auparavant. Tous
ceux qui l'ont connu et aimé se taisent.
Personne ne comprend le grand acte qui vient de
s'accomplir.
Alors Dieu entre en scène d'une
manière qui fait trembler amis et ennemis.
La terre, demeure des
pêcheurs,
théâtre de leurs abominations et de
leurs péchés, profanée par
leurs débordements, fait entendre des
roulements de tonnerre souterrain. C'est un
témoignage solennel rendu à la
majesté et à la divinité du
Christ qui vient d'expirer. C'est aussi le joyeux
tressaillement de la nature qui se sent
délivrée de la malédiction,
sous le poids de laquelle elle gémissait
depuis des milliers d'années. « La
création attend, avec un ardent
désir, que les enfants de Dieu soient
manifestés, dans l'espérance qu'elle
sera aussi délivrée de la servitude
de la corruption. Car nous savons que
jusqu'à présent, toute la
création soupire et souffre. »
(Rom. VIII, 19-22.)
« Et le centenier, qui
était vis-à-vis de Jésus,
voyant qu'il avait expiré en criant ainsi,
dit : Cet homme était
véritablement Fils de Dieu. »
(Marc XV, 39.) Au moment où
les disciples ont perdu tout espoir, celui-ci
renaît dans le coeur du païen. Le rude
guerrier avait assisté à de nombreux
supplices ; jamais il n'avait vu pareille
mort. Il le reconnaît avec franchise et il
condamne, par sa déclaration, les juges
injustes du Seigneur. Ce capitaine fut les
prémices de la grande multitude,
composée de « gens de toute
nation, tribu, peuple et langue »
(Apoc. VII, 9), qui ont
été amenés au salut par la vue
de la croix.
« Et tout le peuple qui
s'était assemblé à ce
spectacle, voyant les choses qui
étaient arrivées, s'en retournait en
se frappant la poitrine. »
(Luc XXIII, 48.) Ce sont ici les
signes avant-coureurs de la Pentecôte,
où l'on entendra, à Jérusalem
même, des juifs, « touchés
de componction, dire à Pierre et aux autres
apôtres : Hommes frères, que
ferons-nous ? »
(Act. Il, 37.) C'est le fruit de
l'intercession de Jésus :
« Père, pardonne-leur. »
Ce que le Seigneur n'avait pu obtenir par ses
miracles et ses enseignements, sa sainte mort
l'accomplit. À peine a-t-il rendu l'Esprit,
que les premiers signes de la vie nouvelle
éclatent au dehors. « C'est
pourquoi, dit saint Paul, je ne me suis pas
proposé de savoir autre chose parmi vous que
Jésus-Christ, et Jésus-Christ
crucifié. »
(I Cor. II, 2.)
Nous voici parvenus au terme de cette
étude, dans laquelle nous avons
cherché à méditer la grande et
importante histoire de la rédemption et
à contempler la glorieuse image du Sauveur.
Nous avons vu Celui devant lequel les meilleurs des
hommes ne sont que souillure et
péché ; nous l'avons vu humble,
plein de compassion pour les pauvres et les
affligés, obéissant à la
volonté de son Père en toute chose et
subissant le jugement à
la place des pécheurs, « Agneau de
Dieu qui ôte le péché du
monde. »
(Jean I, 29.) « Il s'est
assis à la droite de Dieu dans les lieux
célestes, au-dessus de toute
principauté, de toute puissance, de tout
pouvoir, de toute domination, et de tout nom qui se
puisse nommer. »
(Eph. I, 20, 21.) Sous Son sceptre
puissant et miséricordieux, nous pouvons
vivre en paix, plein de confiance en son amour.
N'oublions pas toutefois que le chemin par lequel
le Seigneur a passé, celui de la croix
à la gloire, est aussi celui que ses
disciples doivent suivre.
Puisse cette étude fortifier et
consoler les enfants de Dieu fatigués et
découragés sur le chemin du
ciel ! Que la grâce soit avec tous ceux
qui aiment notre Seigneur Jésus-Christ dans
l'incorruptibilité. Amen.
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