Du
Thabor à Golgotha
VI
GOLGOTHA
VI. LES DEUX BRIGANDS
Le récit, que nous avons sous les yeux,
resplendit de gloire, de grandeur, de
miséricorde divine. Deux malfaiteurs sont
crucifiés à la droite et à la
gauche du Seigneur. Tous deux ont vécu de la
même vie de péché ; tous
deux vont mourir de la même mort
ignominieuse. Mais, entre eux, quelle
différence ! le ciel et l'enfer, la
bénédiction et la
malédiction !
« Et l'un des malfaiteurs qui
étaient pendus, l'outrageait aussi, en
disant : Si tu es le Christ, sauve-toi
toi-même, et nous aussi. »
(Luc XXIII, 39.), Cette prière
n'est point mauvaise en elle-même. Un
père n'avait-il pas adressé, dans sa
détresse, cette requête à
Jésus : « Si tu y peux
quelque chose, aide-nous et aie compassion de
nous. »
(Marc IX, 22.) Mais le malfaiteur
n'est point sincère, sa prière est un
blasphème, ainsi que la suite le montre. On
a peine à comprendre qu'un homme,
la plus noble, la plus pure des
fleurs du jardin d'Israël. L'honneur est grand
pour elle, et il le sera dans tous les âges,
d'avoir été jugée digne
d'être la mère du Sauveur. Elle a
accompli sa tâche élevée comme
la meilleure des mères, d'une manière
digne d'admiration, mais non sans manquements.
La Parole de Dieu se tait sur le
développement progressif du saint enfant et
sur ses rapports avec sa mère. Le voile se
lève à sa douzième
année. Joseph et Marie, étant venus
à Jérusalem pour la fête de
Pâque, ne s'aperçoivent pas au premier
abord qu'ils ont perdu l'enfant Jésus ;
ce n'est qu'après trois jours de recherche
inquiète, qu'ils le trouvent dans le temple,
s'entretenant avec les docteurs et les surprenant
par ses questions. « Mon enfant, lui dit
Marie, pourquoi as-tu ainsi agi avec nous ?
voici ton père et moi, nous te cherchions,
étant fort en peine. Et il leur dit :
Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous
pas qu'il me faut être occupé aux
affaires de mon Père ? »
(Luc II, 48, 49.) À
l'autorité terrestre de ses parents,
Jésus oppose celle de son Père
céleste à laquelle il se sent
lié par un saint : Je dois.
Marie aurait dû s'y attendre,
d'après ce qu'elle savait de la nature
divine de son fils ; mais, au milieu des
distractions de la fête et de l'agitation du
voyage, elle l'avait oublié. Il lui faut
apprendre tout de nouveau que
son enfant est un enfant divin
et que ses droits sur lui ne viennent qu'à
l'arrière-plan.
Le silence se fait sur les dix-huit
années suivantes. Jésus sort enfin de
l'obscurité et commence son saint
ministère. Toutefois son apparition dans le
monde ne répond pas à l'attente
d'Israël. Ce n'est point avec puissance et
avec éclat, mais humblement et dans la
retraite que le Seigneur rassemble ses quelques
disciples.
Une noce à Cana réunit le
Seigneur et sa mère. « Le vin
venant à manquer, la mère de
Jésus lui dit : Ils n'ont plus de vin.
Jésus lui répondit : Femme, qu'y
a-t-il entre moi et toi ? Mon heure n'est pas
encore venue. »
(Jean II, 3, 4.) Cette réponse
sévère et presque dure, dans laquelle
le mot de femme remplace celui de mère,
devait faire comprendre à Marie sa position
vis-à-vis du Seigneur. Si jusqu'alors,
à Nazareth, « Jésus lui
avait été soumis »
(Luc II, 51), accomplissant le
cinquième commandement ainsi que tous les
autres, il se laissera dorénavant diriger
uniquement par son Père céleste.
Personne sur la terre, pas même sa
mère, ne devra intervenir pour presser ou
retarder sa marche.
Cette même pensée se
représente plus tard d'une manière
saisissante. « La mère et les
frères de Jésus sortent pour le
prendre, parce qu'on le disait hors de sens. Mais
il leur répondit : Qui est ma
mère, ou qui sont mes frères ?
Et jetant les yeux sur ceux qui
étaient autour de lui, il dit - Voici ma
mère et mes frères. Car quiconque
fera la volonté de Dieu, celui-là est
mon frère, et ma soeur et ma
mère. »
(Marc III, 31-35.) Les seuls rapports
qui doivent exister entre lui et sa famille sont
des rapports spirituels ; sa mère n'a
plus de droits sur lui.
Quand, du milieu de la foule, une femme,
pleine d'enthousiasme,
« élève sa voix et lui
dit : Heureux les flancs qui t'ont
porté et les mamelles qui t'ont
allaité », le Seigneur dirige son
attention sur un but plus
élevé : « Heureux,
dit-il, ceux qui écoutent la Parole de Dieu
et qui la mettent en pratique. »
(Luc XI, 27, 28.)
Après ce qui précède,
le mot de femme, adressé à Marie du
haut de la croix, ne doit plus nous surprendre.
C'est la conclusion de la sainte éducation
qui devait élever la mère du Sauveur,
de sa maternité humaine, à la
position de disciple, et établir un
éternel et nouveau rapport entre le Seigneur
et elle, comme entre lui et tous les croyants.
Cette oeuvre difficile, le Seigneur
l'accomplit avec amour, avec respect et patience.
Marie ne l'entendit jamais lui dire, comme aux fils
de Zébédée - « Vous
ne savez de quel esprit vous êtes
animés »
(Luc IX, 55), ou comme à
Pierre : « Arrière de moi,
Satan. »
(Marc VIII, 33.) Jésus
supporte sa faiblesse naturelle
et maternelle avec une sainte patience et il
travaille avec amour à la remettre dans le
droit chemin. Et Marie apprit à sacrifier
sur l'autel des holocaustes son plus intime
bonheur, son profond amour maternel. Elle est
entrée dans la joie du ciel, non comme la
mère du Sauveur, mais comme une enfant de
Dieu rachetée.
La parole du Seigneur a un sens
prophétique. Pour qui connaît la
doctrine romaine de l'idolâtrie de la vierge,
il paraît évident que Christ a voulu
condamner d'avance cette coupable et
grossière erreur. Il repousse avec
fermeté toute ingérence de Marie dans
son oeuvre, n'accordant de prérogative
à sa maternité ni sur la terre ni
dans le ciel.
VIII.
ABANDONNÉ DE
DIEU
« Or, depuis la sixième heure,
il y eut des ténèbres sur tout le
pays, jusqu'à la neuvième
heure. »
(Matth. XXVII, 45.) De même
qu'à Gethsémané, nous nous
trouvons ici en présence d'un insondable
mystère. Si, en méditant les
souffrances de Christ, au jardin des Oliviers,
notre science et notre intelligence nous ont paru
constamment vaines et incomplètes, en
présence de Golgotha,
elles deviennent parfaitement
inutiles. À Gethsémané,
Jésus avait eu comme l'avant-goût de
ses souffrances, ici elles fondent sur lui avec
violence. La coupe que le représentant de
l'humanité doit épuiser est remplie
d'une lie profondément amère.
Il y a trois heures que Jésus est sur
la croix. Son sang est presque entièrement
écoulé. Les blessures de ses mains et
de ses pieds enflés, la chaleur d'un soleil
brûlant, la fièvre, font frissonner
son corps. La torture corporelle augmente de moment
en moment et devient insupportable. Le plus
léger mouvement lui cause de cruelles
douleurs et l'immobilité, dans cette
épouvantable position, est impossible.
Cependant les souffrances physiques ne sont pas les
plus terribles.
Soudain, au milieu du jour, l'éclat
du soleil diminue et s'éteint.
(Matth. XXVII, 45.) De profondes
ténèbres s'étendent sur
Golgotha, sur Jérusalem, sur le pays tout
entier. La nature est ébranlée ;
les hommes se demandent avec angoisse ce que
présage ce signe redoutable. La grandeur de
l'événement correspond à la
grandeur de la cause. Le Médiateur entre
Dieu et l'humanité, Celui « par
qui toutes choses ont été
faites »
(Jean I, 3), est à l'agonie.
Dans le ciel et sur la terre, tout se tait et
mène deuil.
Cette profonde obscurité qui, au
milieu du jour et pendant trois
heures, règne sur la terre est comme la
manifestation de ce qui se passe dans l'âme
du Sauveur. Christ, « lumière du
monde »
(Jean VIII, 12), « soleil
de justice »
(Mal. IV, 2), va passer par la mort.
« Celui qui n'avait point connu le
péché, a été
traité en pécheur pour
nous. »
(2 Cor. V, 21.) La dette immense et
incalculable de l'humanité s'appesantit sur
le Seigneur et devient sienne. Les
ténèbres extérieures sont
l'image du péché, ou mieux encore,
elles sont le péché même rendu
visible et comparaissant pour être
jugé. La lumière est devenue
ténèbres. Le Saint a
été fait péché.
Jésus lutta silencieusement pendant
trois heures. Quand les eaux de l'angoisse eurent
atteint leur plus haute élévation,
quand la sainte victime se sentit près de
succomber, elle jeta vers le ciel ce cri
désespéré :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu
abandonné ? »
(Matth. XXVII, 46.) Abandonné
de Dieu ! Qu'est-ce à dire ?
Jésus souffre-t-il réellement la
condamnation des réprouvés ?
Est-il abandonné et repoussé par son
Père ?
Le Seigneur n'a pas prononcé une
seule parole qui ne fût l'expression exacte
de ses sentiments. Si, sur la croix, il
s'écrie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m'as-tu abandonné ? c'est qu'il se sent
réellement abandonné de Dieu. Durant
ces trois heures de
ténèbres, il supporte lui seul, le
jugement du monde entier, le désespoir de
millions de créatures, la colère de
la justice divine.
Il ne pouvait, du reste, en être
autrement. La grandeur du rachat devait être
proportionnée à la grandeur de
l'offense, sans cela nous ne serions pas
sauvés. Si les hommes créés
à l'image de Dieu, et destinés
à la gloire éternelle, ont
mérité, par leurs
péchés et par leur éloignement
de Dieu, d'être jugés et
condamnés à toujours, celui qui se
met à leur place, doit souffrir ce qu'ils
auraient dû souffrir. « Qui peut
comprendre, dit Luther, ce que signifie cette
parole : Abandonné de Dieu ? nous
ne faisons qu'à peine le pressentir. Nulle
créature, dans le ciel ou sur la terre,
n'aurait pu endurer un instant cet abandon de Dieu.
Seul, le Christ en a été capable.
Tous auraient succombé ou seraient
tombés dans le désespoir : sans
Dieu, sous le poids de la colère divine,
abandonné de tous, de Dieu
même ! »
Mais, comme Fils de Dieu, Jésus a la
promesse de la victoire. « Il a
été fait
malédiction »
(Gal. III, 13), et il prie.
« Il est traité en
pécheur »
(2. Cor. V, 21), et il soupire
après Dieu, il s'attache à lui par la
foi : Mon Dieu, mon Dieu !
Pour nous rendre compte de la profonde
amertume que renfermait pour Jésus ce fait
que Dieu l'avait abandonné, il nous faudrait
connaître son intime et
sainte union avec son Père. Notre sens
charnel, notre légèreté nous
en rendent incapables. Quand nous jouissons pour un
temps de la communion de Dieu, nous trouvons la
chose toute naturelle, mais, le plus souvent, cette
communion n'est que momentanée et sans
profondeur. Nous ne sentons ni le bonheur d'une
complète union avec Dieu, ni le malheur
d'être abandonné de lui. Christ, lui,
a éprouvé l'un et l'autre.
Par sa mort, Christ a levé la
malédiction qui pesait sur
l'humanité ; la justice est satisfaite,
le ciel ouvert ; l'amour de Dieu peut se
manifester librement et sans obstacle envers les
pauvres pécheurs. Le péché, la
mort, le diable sont vaincus.
Le Seigneur nous a délivrés du
péché. Il l'a pris sur lui afin de
nous préserver de la condamnation
éternelle. justifiés devant Dieu,
participants de sa gloire, « nous avons
la rédemption par son sang. »
(Eph. I. 7.) Par lui, nous sommes
rendus agréables à Dieu.
Ceux qui sont à Christ ne sont plus
soumis à la puissance du
péché. Le Seigneur leur communique la
force nécessaire pour le combattre et le
vaincre. « Que le péché ne
règne donc point dans votre corps mortel,
pour lui obéir en ses
convoitises. »
(Rom. VI, 12.) « Il n'y a
donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui
sont en Jésus-Christ.
(Rom. VIII, 1.)
« Le salaire du
péché, c'est la mort. »
(Rom. VI, 23.) La mort n'a plus de
pouvoir sur ceux qui sont en Jésus-Christ.
« 0 mort, où est ton
aiguillon ? O enfer, où est ta
victoire ? »
(I Cor. XV, 55 -) « Christ
est la vie. »
(Jean XIV, 6.) Il donne aux siens,
dès ici-bas, la vie éternelle. Pour
eux, la mort n'est plus la mort, mais
l'entrée dans la maison paternelle.
Le diable est la source de tous les maux de
l'humanité. Personne n'est à l'abri
de ses attaques. Ceux qui entrent en lutte avec lui
sont en butte à ses traits les plus
acérés. Le Fils de Dieu,
« a détruit celui qui avait
l'empire de la mort, c'est-à-dire le
diable. »
(Hébr, II, 14.) Durant les
sombres heures de Golgotha, il a supporté
les plus puissants assauts de l'adversaire et il
les a surmontés. Le fort a été
vaincu et lié ; la puissance lui est
enlevée. Il peut, à la
vérité, tourmenter et tenter encore
les enfants des hommes, mais il ne peut plus
dominer sur ceux qui sont en Jésus. Il y a
un port assuré pour tous ceux qui
désirent échapper au malin, une
armure divine, « par le moyen de laquelle
on peut éteindre tous ses traits
enflammés. »
(Eph. VI, 16.)
À Golgotha, Jésus-Christ a
acquis la rédemption éternelle et
parfaite pour tous les hommes. La grâce de
Dieu leur est offerte. « O vous tous qui
êtes altérés, venez aux
eaux ! »
(Esaïe LV, 1.) « Soyez
réconciliés avec Dieu. »
(2 Cor. V, 20.)
Quelle que grave que soit sa faute, nul
pécheur ne doit désespérer ou
se croire abandonné de Dieu. « Si
quelqu'un a péché, nous avons un
avocat auprès du Père,
Jésus-Christ le juste.
(I Jean, II, 1.) » Beaucoup
de personnes estiment que, pour être
chrétien, il suffit de lire la Bible, de
voir en Jésus un ami, peut-être le
meilleur, et de faire parfois quelque chose pour
lui, par exemple d'aller le dimanche à
l'église. La parole de Dieu tient un tout
autre langage. Ce n'est pas de l'apparence qu'il
s'agit, mais de la réalité de nos
rapports spirituels avec Christ. Il faut que nous
devenions des temples dans lesquels le Seigneur
puisse habiter. « Vous êtes le
temple de Dieu. »
(I Cor. III, 16.) « Si
quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle
créature. »
(2 Cor, V, 17) « Si
quelqu'un n'a point l'esprit de Christ,
celui-là n'est point à
lui. »
(Rom. VIII, 9.)
IX. J'AI SOIF
« Alors Jésus voyant que tout
était accompli, dit, afin que
l'Écriture fut accomplie : J'ai
soif. »
(Jean XIX, 28.) Le suprême
combat est près de finir. La puissance des
ténèbres est vaincue. Le Seigneur a
vidé jusqu'à la lie le calice de la
souffrance. Ses dernières paroles se
succèdent rapidement ; car la fin
approche. Mais l'obscurité
spirituelle s'est
dissipée ; tout est redevenu
lumière et paix. Maintenant il peut accorder
un faible et dernier soulagement à son corps
défaillant.
Si la parole qui précède
était l'expression de la souffrance morale
parvenue à son point extrême,
« J'ai soif », exprime
l'intensité de la souffrance physique sur
laquelle le Seigneur avait jusqu'alors gardé
le silence.
Jésus n'avait pris aucune nourriture
depuis le soir précédent, lors de
l'institution de la Cène. Ce qu'il a
souffert moralement et physiquement, est impossible
à réaliser : à
Gethsémané, devant Caïphe et
Pilate, puis entre les mains des soldats et enfin
sur la croix. Et tout cela, sans s'accorder le
moindre rafraîchissement, sans prendre
même une goutte d'eau !
Le malade qui, brûlant de
fièvre, soupire après un verre d'eau,
le blessé qui, sur le champ de bataille,
demande à boire en gémissant, ne
peuvent avoir qu'une bien faible idée de la
fournaise dans laquelle Jésus a passé
ces six heures d'agonie. Le Seigneur devait, et
voulait, supporter jusqu'à la fin, la
souffrance la plus épouvantable afin de
s'approprier toutes les conséquences du
péché. Dans là pensée
de Dieu, cette longue agonie faisait partie de
l'expiation. Le Seigneur aurait pu, comme les
autres suppliciés, réclamer parfois
un peu d'eau ; le capitaine de garde, au pied
de la croix, ne le lui aurait
sans doute pas refusé. Mais, de même
qu'il avait repoussé le breuvage
assoupissant, afin de conserver l'entière
possession de lui-même, Jésus tait sa
soif et sa défaillance jusqu'à ce que
tout soit accompli.
Si l'on se souvient de ce que le Seigneur
avait dit des souffrances des damnés,
particulièrement dans la parabole de l'homme
riche et du pauvre Lazare, on comprendra que le
supplice de la soif faisait aussi partie de
l'expiation. Mille ans auparavant, l'Esprit de Dieu
parlant, par la bouche de David, des souffrances du
Messie, avait prophétisé :
« Mon coeur est comme la cire, il se fond
dans mes entrailles. Ma vigueur est
desséchée comme la brique ; ma
langue est attachée à mon
palais. »
(Ps. XXII, 15, 16.) « Dans
ma soif ils m'abreuvent de vinaigre. »
(Ps. LXIX, 22.)
Le verre d'eau qui ne fait pas défaut
au malade le plus abandonné, le verre d'eau
que nul n'oserait refuser à son prochain de
peur de passer pour inhumain, Dieu ne l'a pas
accordé à son Fils bien-aimé,
tandis qu'il était sur la croix, à
l'agonie. Qu'est-ce qui nous paraît le plus
étonnant et le plus
incompréhensible ? L'amour de Dieu pour
les hommes qui, au lieu de frapper le coupable,
livre son propre Fils à de telles
souffrances, ou la sainte obéissance du
Sauveur qui, sans hésiter, se charge de tout
le poids de la condamnation ?
C'est pour notre pauvre humanité que
le Sauveur répand son sang et qu'il souffre
des douleurs surhumaines. C'est à elle qu'il
s'adresse pour obtenir un dernier et faible
soulagement afin que, avant de mourir, sa langue
desséchée puisse annoncer au monde,
par un grand cri - qui retentira jusqu'à la
fin des jours - que le salut est accompli. C'est
à ses bourreaux qu'il demande un
adoucissement à sa souffrance, leur
témoignant ainsi une fois de plus son amour
qui aime et qui pardonne. « Et
aussitôt un des soldats courut et prit une
éponge, et, l'ayant remplie de vinaigre, il
la mit au bout d'un roseau et lui en donna à
boire. »
(Matth. XXVII, 48.) Après tant
d'amertumes, c'était, il est vrai, encore du
vinaigre. Mais le saint martyr s'en contente et ce
léger service que lui rend le pauvre soldat
ne sera pas resté sans
récompense.
La soif du Seigneur a pour toujours
apaisé la soif de l'humanité. Les
glorieuses promesses peuvent désormais
s'accomplir : « Vous puiserez des
eaux avec joie aux sources du salut. »
(Esaïe, XII, 4.) « O
vous tous qui êtes altérés,
venez aux eaux. »
(Esaïe LV, I.) « Je
ferai jaillir des fleuves sur les hauteurs, et des
sources au milieu des vallées. »
(Esaïe XLI, 18.)
L'affligé, le malade, le voyageur
égaré au désert, sont
assurés de trouver soulagement et secours.
Celui qui a souffert sur la croix les plus
amères privations est le Maître ;
il accordera à ceux qui
viennent à lui tout ce dont ils ont
besoin.
Si ta conscience se réveille et que
tu frémisses de crainte à la
pensée du jugement, le bâton et la
houlette du divin Crucifié te consoleront
dans la sombre vallée.
(Ps. XXIII, 4, 5.) « Il
délivre tous ceux qui, par la crainte de la
mort, étaient toute leur vie assujettis
à la servitude. »
(Hébr. II, 15.) Si c'est le
deuil qui s'appesantit sur toi, il adoucira avec
une compassion ineffable les larmes amères
de ceux qui viennent pleurer à ses pieds.
« L'espérance des justes est la
joie. »
(Prov. X, 28.) « C'est moi,
c'est moi qui vous console. »
(Esaïe LI, 12.)
Si c'est la souffrance physique que Dieu
t'assigne en partage, la vue du grand Patient de
Golgotha sera pour toi un précieux
encouragement. Nous nous exagérons souvent
nos maux, nous nous impatientons, nous trouvons que
Dieu nous traite avec
sévérité.
« Regardons à Jésus qui,
méprisant l'ignominie, a souffert la
croix. »
(Hébr. XII, 2.) N'est-ce pas
une précieuse consolation de savoir que
notre miséricordieux « souverain
Sacrificateur a été
éprouvé en toutes choses comme
nous ?
(Hébr. IV, 15), et qu'il a
combattu afin de nous obtenir secours et
grâce ? » Demandez, et on vous
donnera. »
(Matth. VII, 7.) Le plus petit enfant
peut prier.
Si Dieu juge à propos de nous envoyer
des privations, souvenons-nous que Jésus les
a toutes connues. De souffrir à son service
et, pour l'amour de lui, élève le
chrétien et le scelle du sceau divin. Paul,
le fidèle serviteur de Dieu, n'a-t-il pas
souffert pour son Maître, non seulement des
persécutions, mais « dans les
peines, dans les travaux, dans de fréquentes
veilles, dans la faim, dans la soif, souvent dans
les jeûnes, dans le froid et dans la
nudité ? »
(2 Cor. XI, 27.) Les chrétiens
de nos jours n'aiment guère les privations.
Quand le Seigneur leur en impose, c'en est fait de
leur joie. Ils ne sont pas nombreux ceux qui
peuvent répéter avec saint
Paul : « J'ai appris à
être content de l'état où je me
trouve. J'ai appris à être
rassasié et à avoir faim ;
à être dans l'abondance et à
être dans la disette. je puis tout par
Christ, qui me fortifie. »
(Phil. IV, 11, 12.)
Durant sa vie terrestre, le Seigneur a
été l'homme à la fois le plus
riche et le plus dépourvu de biens. Il a
traversé la vie comme un pauvre et, en une
seule fois, il rassasie « environ cinq
mille hommes. » Après qu'ils
furent rassasiés, il dit à ses
disciples : « Ramassez les morceaux
qui sont restés, afin que rien ne se
perde. »
(Jean VI, 10-12.) Qu'aura-t-on fait
de ces douze corbeilles pleines de morceaux de pain
coupé et sec ? Je me
représente que le
Seigneur en aura vécu, lui et ses disciples,
pendant plusieurs jours.
Sur Golgotha, il est
dépouillé, dans la langueur, et il
ouvre le ciel au malfaiteur repentant. Son exemple
n'est-il pas propre à nous enseigner la
sobriété, le contentement d'esprit,
la patience dans la souffrance et la compassion
pour les déshérités de la
vie ? « J'ai eu faim, et vous m'avez
donné à manger ; j'ai eu soif,
et vous m'avez donné à boire ;
j'étais étranger, et vous m'avez
recueilli, j'étais nu, et vous m'avez
vêtu ; j'étais malade, et vous
m'avez visité ; j'étais en
prison, et vous m'êtes venu voir. Venez, vous
qui êtes bénis de mon Père,
possédez en héritage le
royaume. »
(Matth. XXV, 34-36.)
Pourquoi Jésus endure-t-il la
soif ? pourquoi défaille-t-il sur la
croix ? c'est pour sauver les pécheurs,
pour les ramener à la maison paternelle,
pour leur assurer un héritage éternel
et bienheureux. Durant toute sa vie, Jésus a
eu soif du salut des pécheurs. Lorsqu'un
jour, « fatigué du
chemin, » il s'assied sur la fontaine de
Jacob, et qu'il y rencontre une pauvre femme
tombée, il cherche à éveiller
en elle le désir du salut et, dans sa joie
de bon Berger, il néglige le manger et le
boire. « J'ai à manger une
nourriture que vous ne connaissez pas, »
dit-il à ses disciples surpris.
(Jean IV, 6-32.)
Ce qu'il a été durant sa vie
terrestre, il l'est maintenant encore, assis
à la droite du trône de Dieu.
Oh ! si tu pouvais lire dans son coeur, pauvre
pécheur ! Il t'a suivi, lorsque tu
t'égarais au désert loin de lui, et
maintenant il voit couler tes larmes de repentance.
Après tout ce qu'il a souffert, penses-tu
qu'il lui soit indifférent que tu acceptes
joyeusement son sacrifice ou que tu le repousses
avec dédain ? Il ne cesse de soupirer
pour ton salut, de rechercher ton amour, de
travailler à ta rédemption. Te voir
sauvé est la récompense qu'il demande
pour prix de ses douleurs. Si tu veux
réjouir son coeur, montre-lui ta
reconnaissance et ton amour. « Nous
l'aimons, parce qu'il nous a aimés le
premier. »
(I Jean IV, 19.)
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