Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Ton Dieu règne


Si nous avons demandé au pasteur ROLAND DE PURY l'autorisation de publier quelques-unes de ses prédications prononcées ces dernières années, c'est parce que nous voulions tout d'abord les reprendre pour notre propre usage et en tirer tout le profit possible, mais aussi les faire lire autour de nous à quelques amis qui sont prêts maintenant à les écouter.

Il y a un peu partout en France des hommes, d'ailleurs parfaitement semblables à tout le monde en ce sens qu'on ne peut pas les reconnaître du dehors mais qui portent cependant en eux, comme une irréductible distinction, un besoin de la Vérité tout à fait particulier, par où ils sont unis les uns aux autres à leur insu et semblent destinés sinon tout de suite à une action commune du moins dès à présent à une joyeuse et précise conviction.

Voilà pourquoi ces prédications sont éditées. Voilà à qui elles sont offertes. Car ces hommes quelles que soient leurs opinions morales ou religieuses ont déjà entendu, et certains avec beaucoup de force ce qu'on peut appeler la Parole de Dieu.

Ils reconnaîtront dans ces pages, même dans celles qui sont les plus originales, quelque chose qui ne leur est pas étranger, ils verront se confirmer et prendre corps ce qu'ils pressentaient déjà et ils auront la joie, comme nous, de se trouver tirés de leur isolement précisément par ce qui semblait le plus propre à les rendre solitaires.

À ces hommes-là, avec confiance et gratitude, nous adressons ici notre joyeux salut. (1)

André DE ROBERT.



Le Séducteur

Que dirons-nous donc ? La Loi est-elle une puissance de péché ? Non certes ! Mais je n'ai connu le péché que par la Loi ; car je n'aurais pas connu la convoitise, si la Loi N'eût dit : « Tu ne convoiteras point ! » C'est le péché qui, ayant saisi l'occasion, a produit en moi, par le commandement, toutes sortes de convoitises ; car, sans la Loi, le péché est mort. Autrefois, j'étais sans Loi, et je vivais, mais quand le commandement est venu, le péché a repris vie, et moi, je suis mort - de sorte qu'il s'est trouvé que le commandement, qui devait me donner la vie, m'a conduit à la mort. Car le péché, ayant saisi l'occasion, m'a séduit par le commandement même, et par lui m'a fait mourir. Ainsi, la Loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon...

Ce qui est bon, est-il donc devenu pour moi une cause de mort ? Non certes ! Mais le péché, pour bien prouver ce qu'il est, s'est servi d'une chose bonne en soi afin de me donner la mort. Ainsi, par le moyen du commandement, le péché est apparu dans toute sa gravité.

Nous savons, en effet, que la Loi est spirituelle ; mais moi je suis charnel, vendu et asservi au péché. Car je ne comprends pas ce que je fais : je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais. Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par là que la Loi est bonne. Et alors, ce n'est plus moi qui agis ainsi, mais c'est le péché qui habite en moi. En effet, je sais que ce qui est bon n'habite point en moi, c'est-à-dire dans ma chair, parce que j'ai la volonté de faire le bien, mais je n'ai pas le pouvoir de l'accomplir ; car je ne fais pas le bien que je veux mais je fais le mal que je ne veux pas. Si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui agis ainsi, mais c'est le péché qui habite en moi.

Je trouve donc en moi cette loi : Quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi. Car dans mon être intime, je prends plaisir à la Loi de Dieu ; mais je vois dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché, qui se trouve dans mes membres. Misérable que je suis ! Par qui serai-je délivré de ce corps qui m'entraîne à la mort ? Grâces soient rendues à Dieu, par Jésus-Christ, notre Seigneur !
Ainsi donc, je suis moi-même assujetti par l'entendement, à la loi de Dieu, mais, par la chair, à la loi du péché,

Romains 7. 7-25

« Quand tu seras invité à des noces va te mettre à la dernière place, et lorsque celui qui t'a invité viendra, il te dira : Mon ami, monte plus haut ! »
Luc 14. 10

Il nous faut tenter d'aborder de face ce fameux chapitre 7 des Romains, qui décrit jusqu'en ses dernières profondeurs l'état de l'homme sous la Loi de Dieu, l'état de l'homme esclave du péché, pour parvenir ainsi à dépister le Malin dans sa tentative primordiale la plus secrète.

Nous voyons bien ce qu'il fait du monde, ce Serpent un immense champ de malheur, de souffrance, de mensonge et de confusion ; mais nous oublions toujours de voir par où il commence, et quelles racines il jette dans notre coeur.

On a discuté sans fin pour savoir si ce chapitre décrivait l'état de l'homme avant ou après sa conversion. Je ne prétends pas trancher la question. Ce que je sais, c'est qu'il faut être converti, c'est qu'il faut la foi pour voir clair dans le drame qui nous est décrit là, et qu'un incroyant ne peut avoir aucune idée de la profondeur de cette lutte. À la lumière de la délivrance, de l'incroyable délivrance qui nous a été accordée en Christ, nous chercherons à descendre au coeur même de notre perdition.
« Le péché m'a séduit par le commandement même et par lui m'a fait mourir. La puissance du péché, c'est la Loi. » Qu'est-ce que cela veut dire ?

On a donné de tout ce chapitre une interprétation très superficielle en disant : cela signifie simplement que nous avons envie de ce qui est défendu. Lorsqu'on voit un écriteau avec « défense de passer », on a précisément envie de passer. L'enfant que l'on prive d'un jouet n'a plus qu'un désir, c'est ce jouet dont on le prive. Chacun de nous peut faire cette petite expérience, qui est en somme une loi psychologique. Est-ce que vraiment Romains 7 se réduit à cela ? est-ce tout le message de l'apôtre ? Était-il besoin de la connaissance de Jésus-Christ pour découvrir cette banalité ? Bien avant l'apôtre Paul, les écrivains et philosophes païens l'avaient déjà remarqué et exprimé : « Nitimur in vetitum. » Nous penchons vers ce qui est défendu, disait Cicéron. Et chacun de nous, sans avoir jamais vu la Bible, peut s'en rendre compte tout Seul. Oui vraiment, s'il ne s'agit que de cela, de cette banalité psychologique : l'envie de ce qu'on nous défend - quel besoin avons-nous de l'apôtre Paul, et quel besoin de cette prédication ?

Il n'en est pourtant pas ainsi. La lutte que décrit l'apôtre Paul, c'est précisément quelque chose dont nous ne saurions rien, dont nous ne nous serions jamais doutés si elle ne nous était pas décrite là. La servitude du péché est une révélation de Dieu et non pas une découverte de la psychologie. C'est en Jésus-Christ, c'est par la parole de Dieu, que tout cela nous est découvert, et c'est tout autre chose que ce que nous pensions. Car ce que nous montre ce chapitre n'est pas tout bonnement le fait que, devant le commandement, le péché se manifeste par notre refus d'obéissance, non ; ce que montre tout ce chapitre, d'une manière saisissante et terrible, c'est que le péché prend vie dans notre effort d'obéissance, et qu'il atteint son dernier degré de gravité dans notre tentative d'accomplir la Loi de Dieu. - C'est la Loi de Dieu non pas dans la mesure où j'ai envie de la transgresser, mais bien dans la mesure où je désire l'accomplir, qui est la puissance du péché. C'est dans la mesure où « je veux faire le bien » que « le mal s'attache à moi et me rend captif ». C'est quand je veux prendre au sérieux le commandement de Dieu et que « je le reconnais comme bon » et « que j'ai la volonté de l'accomplir », que le péché me séduit par le commandement même et par lui me fait mourir.

Nous avons quelque peine à comprendre, sans doute, et c'est pourquoi je veux prendre un exemple et le suivre jusqu'au bout.
L'apôtre dit : « Je n'aurais pas connu la convoitise si la Loi n'eût dit : Tu ne convoiteras point ! » Il n'y a pas que ce commandement dans la Loi, et je voudrais, pour rendre la question plus claire, le joindre à un autre commandement d'une portée encore plus générale, le commandement de l'humilité.
« Marche humblement devant ton Dieu », dit Michée ; et dans la parabole du festin des noces : « Va t'asseoir à la dernière place » (ce que l'on peut exprimer par : « tu ne convoiteras point la première place ! »). Voilà ce qui, peut-être, dans l'Écriture, nous est le plus demandé. Avec ce commandement, nous sommes donc devant une volonté essentielle de Dieu. Sois humble ! Telle est la Loi sainte, juste et bonne. Telle est la Loi hors laquelle il n'y a point de vie. Je le sais, je prends plaisir à cette loi et je veux l'accomplir. « Dans mon être intime je prends plaisir à la Loi de Dieu. » Et voyons maintenant ce qui va se passer :
Me voilà donc dans la salle du festin, toute retentissante de cette Loi divine : va t'asseoir à la dernière place. « Je veux faire le bien », je veux obéir, je me dirige tout droit vers le bas bout de la table et m'assieds sur la dernière chaise. À ce moment-là, un personnage invisible, un personnage que je n'avais pas remarqué, un singulier compagnon, me dit : « Bravo ! »

Je sursaute et me lève, furieux, car cet imbécile avec son « bravo » n'a fait qu'une bouchée de mon humilité, et tout est à recommencer. Il faut aller chercher un recoin plus modeste encore, dans cette salle toute vibrante du Commandement saint, juste et bon : « marche humblement devant ton Dieu ». Je trouve ce recoin, cette place plus dernière encore et m'y installe avec précaution. Au même instant la voix du compagnon crie : « Bravissimo ! »

Pour le coup, c'est un peu fort. Avec lui, je ne peux pas rester dans la salle du festin. Avec lui, je ne peux pas obéir, « je fais le mal que je ne veux pas », je tombe dans l'orgueil à l'instant précis où je cherche l'humilité. Il faut que j'échappe à cet infernal compagnon, il faut que je sorte, que j'aille n'importe où, loin de lui, chercher la dernière place, chercher l'humilité, talonné par la Loi. Je sors, je ne suis pas digne d'être dans la salle du festin. Je sors et me jette dans la poussière. Mais je n'ai pas eu le temps de dire : « Seigneur, aie pitié ! », que le compagnon éclate de rire : « De mieux en mieux ! » Alors, conscient de l'inutilité de mes efforts, je n'ose plus bouger, et je reste là, découragé. Mais le compagnon en profite pour s'approcher de moi plus encore : « C'est bien d'être découragé, tous les grands hommes de Dieu l'ont été ! »

Ah ! c'est intolérable, il faut lui échapper, et, dans un suprême effort je reprends ma course, une course folle, désespérée, pour gagner le Démon de vitesse. Il me semble que j'ai fait un chemin immense ; peut-être qu'à force de courir, j'aurai gagné enfin, sans lui, la dernière place où Dieu m'attend ; peut-être qu'à force de volonté, de rapidité et de ténacité, je parviendrai à l'accomplissement de la Loi : « sois humble ! »... Il y a tout de même un grand chemin parcouru : aurais-je semé l'infernal compagnon ? Il ne peut pas avoir couru si vite. J'étais en train de penser à cela quand levant les yeux, je le vois qui m'attend au prochain tournant du chemin, avec un fin sourire, la main cordialement tendue pour féliciter le coureur et tenant une superbe coupe en argent avec une inscription gravée : « premier prix au coureur de l'humilité » !

Alors n'en pouvant plus, et pour en finir avec le Maudit, je saisis la coupe, et comme Luther fit de son encrier, je la lui jette à la tête, en crachant sur lui. Mais le personnage ne perd pas contenance. Il s'essuie du revers de sa manche et s'écrie : « Formidable ! je suis confondu, jamais je ne t'aurais cru capable de me résister à ce point. Faire des taches à mon bel habit neuf, à mon bel habit d'Ange de lumière, tous les chrétiens n'en sont pas capables ; décidément tu es digne de la première place à mon festin. »

Puis, passant à l'offensive, et m'enlaçant de ses deux bras : « Mon trésor bien-aimé, inutile de te débattre, tu sais bien que tu m'appartiens, plus tu me résistes et plus tu es à moi. Viens donc avec moi dans le royaume des ténèbres. Tu y seras toujours admiré, et tu y occuperas toujours la première place. Ta convoitise y sera satisfaite. Je mets à ta disposition toute une compagnie de mes serviteurs qui te rendront gloire et qui célébreront ton nom aux siècles des siècles. Tu vois que je tiens ma promesse, tu seras comme Dieu ! »

Cette fois, ma résistance est à bout. Je suis paralysé, hypnotisé par le regard du Serpent ; son venin a décomposé toutes les forces vives de mon être, mon pouvoir de lui échapper, « je fais le mal que je ne veux pas ». Au moyen de la Loi de Dieu, le Malin m'a pris au piège. Je suis perdu.
La perdition, c'est que Satan nous admire, et que nous ne pouvons pas l'empêcher de nous admirer, et nous empêcher d'être sensibles à son admiration.
Misérable que je suis : qui me délivrera du corps de cette Mort ?

Il ne faudrait pas croire qu'il s'agisse là d'un cas spécial, d'un cas extrême, qui ne serait pas celui de tout chrétien. Saint Paul ne décrit pas là sa seule expérience particulière, mais l'état de tout homme devant Dieu. Et c'est ainsi, comme nous venons de le voir, que le Malin attaque et s'empare de quiconque cherche à accomplir lui-même la Loi de Dieu, de quiconque s'efforce de devenir par lui-même ce que Dieu lui commande d'être.

Si les choses vous paraissent être dramatisées, que signifie donc le cri de l'apôtre : « Qui me délivrera du corps de cette mort » ? et comment pouvons-nous prononcer sérieusement chaque jour la prière que le Seigneur lui-même nous enseigne : « Délivre-nous du Malin » ? Nous pensons que le Malin nous attend à la porte des Casinos, sur les trottoirs où passent les filles fardées, ou devant les guichets de la Finance ? Il est plus malin que cela, assurément. Le péché qu'il cultive en nous, c'est avec la Loi de Dieu qu'il l'arrose. Et c'est de cette Loi qu'il se servira pour construire notre orgueil.

Sa plus belle prise, son meilleur moyen de nous perdre, c'est de s'insinuer dans notre obéissance elle-même, de se délecter de nos efforts. Alors oui, par la Loi, le péché prend en nous une puissance épouvantable. Jamais je n'aurais connu la puissance de l'orgueil si la Loi n'eût dit : « sois humble » et si je n'avais pas cherché à la prendre au sérieux ; ni la convoitise si elle n'eût dit : « ne convoite pas la première place ». Sans la Loi, le péché est mort, dit l'apôtre, le péché sommeille : il n'est rien à côté de ce qu'il devient avec la Loi. À tel point que l'apôtre peut dire : « Autrefois j'étais sans Loi et je vivais ! » Oui, sans la Loi de Dieu, je vis, le païen vit dans une sorte d'inconscience. Il vit, parce qu'il est loin de savoir la puissance de la haine, la puissance de l'orgueil qui est en lui. Il vit parce que la vraie lutte contre le Malin n'a pas encore commencé pour lui. « Mais quand le commandement est venu, dit Paul, le péché a repris vie, et moi je suis mort. Le péché m'a fait mourir par le commandement même. » Au moment où je croyais me sauver par l'obéissance au commandement, il m'a pris au piège de cette obéissance et fait de moi un pharisien. Quoi que j'en fasse, il s'en sert pour me séduire.

Nous le voyons maintenant sous toutes ses faces, le Maudit, le Malin. Pour nous perdre, pour nous détruire (car il est le Destructeur), il se fait devant Dieu notre accusateur, et devant nous-mêmes notre admirateur, notre séducteur. Pour nous perdre, il est toujours à la fois l'Accusateur et le Séducteur. Et je ne puis pas échapper par moi-même à son accusation ni à sa séduction.
Misérable que je suis ! Qui me délivrera ? d'où me viendra le secours ?

Il est devenu clair, je pense, que la délivrance ne peut venir de nous, et que nous ne pouvons nous sauver par aucune de nos oeuvres, ni aucune de nos attitudes ou de nos pensées, et que rien au monde ne peut nous tirer des griffes de la Bête, sinon un Autre que nous, sinon un Sauveur sur lequel le Malin n'ait pas de prise, et qui puisse faire taire l'Accusateur et le Séducteur. « Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ, grâces soient rendues à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus-Christ ! » La victoire que nous ne pouvons pas remporter, Dieu nous la donne par Jésus-Christ, qui est venu, dit Jean, « pour détruire les oeuvres du Diable » et le contredire, et prendre notre défense devant Dieu et nous accuser devant nous-mêmes.

Il est venu pour s'asseoir à la dernière place, pour s'abaisser sans convoitise et sans arrière-pensée, absolument insensible aux félicitations du Serpent. Dieu nous donne la victoire par Jésus-Christ, cela veut dire : Dieu nous donne la victoire de Jésus-Christ, il nous donne l'humilité de Jésus-Christ, il nous donne l'obéissance de Jésus-Christ, la justice de Jésus-Christ. À ce compte-là seulement, nous sommes vainqueurs et pouvons tenir tête au Malin, car, cette victoire-là, il ne peut nous la prendre, puisqu'elle n'est pas à nous et n'est pas remportée par nous. Alors le Séducteur peut venir tourner autour de nous avec mille caresses et célébrer notre humilité, cela nous laisse insensibles dans la mesure où nous croyons en Jésus-Christ et où nous pouvons répondre au Malin : « Tu te trompes d'adresse ; je ne suis strictement, moi, qu'un orgueilleux, un pécheur, un vaurien. S'il y a de l'humilité, de l'amour, de la justice dans ma vie, je n'y suis pour rien. Ces choses ne sont pas de moi, ne m'appartiennent pas. Ce sont les choses du Seigneur, c'est son manteau dont il m'a recouvert, c'est sa vie qu'il m'a prêtée, et c'est à lui qu'il faut donner gloire. »

Oui, le Séducteur peut crier « bravos tant qu'il veut, cela ne peut plus rien sur le croyant, cela ne peut plus atteindre l'homme qui sait vraiment ceci : Jésus est ce que je suis, Jésus fait ce que je fais. Je n'ai pas d'autre vie que la sienne, je n'ai pas d'autres oeuvres que les siennes. Ainsi le Séducteur est vaincu et nous sommes délivrés du Malin dans la mesure où notre obéissance n'est pas de nous, mais de Christ, où la victoire n'est pas remportée par nous, mais nous est donnée et où nous pouvons rendre grâces à Dieu, purement et simplement, par notre Seigneur Jésus-Christ. Amen.

 



L'Accusateur

Et j'entendis dans le ciel une voix forte qui disait: Maintenant le salut est arrivé et la puissance, et le règne de notre Dieu, et l'autorité de son Christ, car il a été précipité, l'accusateur de nos frères, celui qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit. Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole de leur témoignage, et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort. C'est pourquoi, réjouissez-vous, cieux, et vous qui habitez dans les cieux.
Apoc. 12. 10-12

Il y avait, dans le pays d'Uts, un homme dont le nom était Job. Cet homme était intègre et droit ; il craignait Dieu et se détournait du mal...

Or, les fils de Dieu vinrent un jour se présenter devant l'Éternel, et Satan vint aussi au milieu d'eux. Et l'Éternel dit à Satan : D'où viens-tu ? Satan répondit à l'Éternel : je viens de parcourir la terre et de m'y promener. L'Éternel dit à Satan : As-tu remarqué mon serviteur Job ? Il n'y a pas d'homme comme lui sur la terre. Il est intègre et droit ; il craint Dieu et il se tient éloigné du mal. Satan répondit à l'Éternel : Est-ce donc pour rien que Job craint Dieu ? N'as-tu pas à comme une clôture tout autour de lui, autour de sa maison et de tout ce qui lui appartient ? Tu as béni l'oeuvre de ses mains, et ses troupeaux couvrent tout le pays. Mais étends ta main, touche à tout ce qui lui appartiens ; on verra s'il ne te maudit pas en face !... L'Éternel dit a Satan : Eh bien, tout ce qui lui appartient est en ton pouvoir ; seulement ne porte pas la main sur sa personne. Alors Satan se retira loin de la présence de l'Éternel.
Job 1. 1. 6-12

Par-delà les puissances du mensonge, les vociférations humaines, et la confusion du monde, par-delà toutes nos peurs, nos misères, nos hontes, une grande voix retentit, claire, souveraine et vraie. « Maintenant... » L'éternel maintenant de Dieu vient immobiliser notre déroute et les fugitives minutes que nous ramassons comme nos dernières pièces perdues. Maintenant ! Que chercher demain ou avant-hier, qu'attendre encore ou que regretter quand la grande voix céleste retentit et couvre tout : maintenant est venu le salut et le règne de notre Dieu. Mais cet avènement du Royaume de Dieu s'accompagne d'un fait auquel nous n'aurions jamais pensé. Cet avènement consiste en une victoire très précise « car il a été précipité, l'Accusateur de nos frères ». Nous avions donc devant la face de Dieu un accusateur, un procureur général qui s'acharnait à notre perte ? Le savions-nous ? Savions-nous qu'aussi longtemps qu'il avait notre cause en main, nous étions perdus et que la puissance de Dieu ne s'exerçait pas sur nous ? Qui est donc cet accusateur et quel est son plaidoyer ? De quoi Satan nous accuse-t-il jusqu'au jour où « il est précipité » ? Énumère-t-il nos mauvaises actions ? Il nous serait difficile de le savoir au juste, si nous n'avions, au premier chapitre de job, le texte même du plaidoyer satanique et si nous n'assistions, dans ce fameux prologue, à l'audience où se joue notre sort éternel. Pour perdre Job, pour compromettre irréparablement sa position devant Dieu (qui est solide, car Job est fidèle, il craint Dieu, il est intègre) l'accusateur vient poser au juge une question, une petite question qui n'a l'air de rien, mais insinuante et perfide : « Est-ce donc pour rien que Job craint Dieu ? Tu l'as béni, tu l'as comblé, tu lui as donné toutes les raisons de te servir. Mais essaye donc de l'éprouver et tu verras ce qui reste de son affection. »

C'est ainsi que l'accusateur s'attaque aux chrétiens les plus authentiques. Les ivrognes, les escrocs, les idolâtres, les assassins, petites causes sans intérêt ! Mais ceux qui servent Dieu, les vrais chrétiens, les frères de Jésus-Christ, ceux-là, il vaut la peine de les perdre et de déployer quelque éloquence dans ce but.

Pas un d'entre nous qui soit donc à l'abri des pointes de l'accusateur. « Il accuse nos frères jour et nuit devant Dieu. » En ce moment même, il se tient devant notre juge et parle de nous et demande : « Est-ce donc pour rien que tel ou tel craint Dieu ? » Et dans cette phrase, Satan condense toute sa haine contre Dieu et contre nous. Il est comme le personnage jaloux qui vient dire à un camarade au comble du bonheur parce qu'il a trouvé enfin la jeune fille qui répond à son amour : « Tu crois que cette jeune fille t'aime. - Elle n'en veut qu'à ton argent ! » Oui, c'est ce que Satan veut dire à Dieu. Tu crois qu'il t'aime celui-là ? Tu n'y vois goutte, mon pauvre Dieu ! Tu te fais des illusions. Il n'en veut qu'à ta richesse. Car ça rapporte d'être chrétien, voyons ! Excellente affaire où l'homme n'a rien à perdre. Juste quelques petits services pas bien gênants à te rendre, et pour cela des bénédictions de toutes sortes, des consolations en cas d'accrocs et la vie éternelle par-dessus le marché ! Qui ne voudrait conclure une affaire aussi avantageuse ? Mais essaye seulement de diminuer la participation au bénéfice pour qu'on voie ce que deviendra la fidélité de tes associés. Retire-leur tout avantage, tout profit à être chrétien, et l'on verra combien le resteront. »

Ainsi parle jour et nuit notre accusateur. Pas une seule de nos attitudes n'échappe à sa vigilance. À tout ce que nous faisons de meilleur, à nos gestes apparemment les plus désintéressés, il insinue : « Mais c'est son intérêt, c'est à lui que l'homme pense quand il obéit, c'est pour lui qu'il te sert. Il ne pense qu'à une chose, c'est à sauver sa vie, par tous les moyens dont le plus sûr est évidemment d'être en bons termes avec toi. » Jour et nuit l'accusation est portée.

Et j'imagine qu'en l'entendant, nous ne sommes pas tout à fait rassurés, et que le terrain se met à vaciller sous nos pas. L'accusateur aurait-il raison ? Satan dirait-il la vérité quand il parle de nous ? S'il dit vrai, il est à jamais impossible que nous soyons sauvés. Tant que cette accusation peut être portée contre nous, tant que Satan peut se tenir devant le trône du juge, tant que nous fournissons la matière de son réquisitoire, il n'y a pas de salut, il n'y a pas sur toute la terre un seul homme qui aime Dieu, un seul homme qui cherche la gloire et la justice de Dieu. Il n'y a partout que des hommes qui s'aiment eux-mêmes et qui cherchent à se sauver. Le christianisme est le meilleur des sauve-qui-peut. Si l'accusateur dit vrai, si nous ne souhaitons que ses bienfaits et non Dieu lui-même, Job est perdu, nous sommes tous perdus, nos fiançailles sont rompues, l'alliance avec Dieu n'existe plus. Savez-vous bien ce qui est la pire catastrophe ? c'est que Satan dise la vérité ? C'est que notre vie chrétienne ne soit qu'une bonne affaire, c'est que nous cherchions finalement dans l'Eglise notre avantage spirituel et non point la gloire de Dieu, l'enrichissement de notre personnalité et non pas la volonté de Dieu, un sérum contre la mort et non la royauté présente de Dieu - et qu'alors le jour où nous serions privés de tous ces avantages, le jour où l'épreuve nous réduirait comme Job à n'être plus qu'une voix pour nous lamenter, nous ne pensons secrètement : « Ce n'était pas la peine de croire en Dieu ; qu'en a-t-on de plus ? on vit tout aussi bien sans lui » et qu'ainsi nous n'apparaissions finalement comme des athées, des ennemis de Dieu, des enfants du diable.

Ah, certes ! on frémit de constater le nombre de bons chrétiens qui, au premier coup de l'adversité, à la première épreuve un peu douloureuse, donnent raison à l'accusateur, et se déclarent blasés d'un Dieu qui ne garantit plus leur bonheur, qui n'accomplit pas leur propre volonté, qui ne les sauve plus à la manière dont ils voudraient être sauvés. Et qui donc est capable d'agir sans que cela soit son avantage, capable de s'oublier soi-même, capable d'amour ? En un mot où est-il celui que Satan ne puisse accuser ? Qui nous délivrera du Malin ? Qui fera mentir l'accusateur ? Quel est l'homme, dans ce temple, qui ne veut que la justice de Dieu, dût-elle lui coûter la vie, dût-elle signifier sa propre condamnation ?

Pour confondre l'accusateur, pour faire mentir Satan, Dieu n'a qu'un moyen : relever son défi et l'autoriser à dépouiller Job entièrement de tout ce qu'il avait reçu. Comme le jeune homme, s'il veut s'assurer des sentiments de sa fiancée, devra couper court à ses largesses, changer ses rapports avec elle et attendre. C'est une épreuve. L'épreuve de Job, c'est la seule possibilité de prouver à l'accusateur la foi de Job, et ainsi de le confondre. Et c'est alors que nous assistons à cette suite de calamités qui s'abattent sur le patriarche, et à l'effroyable combat qui se livre dans le coeur du malheureux. Va-t-il blasphémer ou, malgré tout, rendre gloire à Dieu ?

Mais nous ne nous arrêterons pas à Job pour l'instant, car le dépouillement de Job, son épreuve, comme celle de tous les témoins de Dieu dans la Bible, n'est point là pour elle-même mais pour annoncer un autre dépouillement, l'épreuve unique et totale du Fils de Dieu, sur la croix. Dépouillement nécessaire, encore une fois ; il faut que Jésus soit rejeté, il n'y a pas d'autre moyen pour le Dieu tout-puissant de vaincre l'accusateur : car tant que tout n'est pas consommé, tant que Jésus n'a pas rendu le dernier soupir, Satan demeure à son poste pour prétendre : « Oh, tu ne l'as pas encore éprouvé jusqu'au bout, continue et tu verras s'il ne t'échappe pas pour finir. »
Tant que Jésus n'est pas mort, Satan peut espérer qu'il descendra de la Croix, qu'il se sauvera lui-même et il met tout en oeuvre pour cela (si tu es Fils de Dieu descends de la croix !). Oui, tant que Jésus respire, Satan respire ; il, peut maintenir la vérité de son réquisitoire, il peut affirmer que pas un homme ne préfère Dieu à sa propre vie. Tant que Jésus respire, Satan peut vaincre, peut avoir raison. Mais à l'instant où Jésus expire, où il s'anéantit lui-même, l'accusateur est précipité, car son réquisitoire est faux. « Maintenant est venu le règne de Dieu et le pouvoir de son Christ. » Cette grande voix que nous entendons dans l'Apocalypse n'est que l'écho dans l'éternité du cri que Jésus pousse en expirant. Satan est vaincu par le sang de l'Agneau. Par sa mort, Jésus a fait mentir l'accusateur. Il est venu pour cela, pour faire mentir Satan et pouvoir devenir ainsi, devant la face du Père, notre avocat. Car Jésus peut nous défendre (non pas que notre cause soit défendable, elle est perdue), mais parce que, de notre cause perdue, il fait sa propre cause, parce qu'il nous attribue sa mort, sa victoire sur Satan, son obéissance. Il parle en notre faveur. Il parle de nous comme de Lui. Il affirme que tout ce qu'il a fait, c'est nous qui l'avons fait. Il prétend que tout ce qu'il a été, c'est nous qui le sommes. « Je me sanctifie moi-même pour eux » (Jean 17. 19).
Voilà notre avocat. Voilà l'intercession de l'Agneau qui offre à Dieu sa propre vie pour la nôtre. Voilà notre unique espérance, notre seule chance d'échapper à l'accusateur. Sans la Croix, sans cette offrande perpétuelle que Jésus fait à Dieu de sa vie, Satan dit la vérité, le père du mensonge a raison : nous sommes vaincus et qui pis est Dieu est vaincu. Dieu ne peut pas se faire aimer quoi qu'il fasse. La création tout entière appartient à son adversaire.

C'est donc bien le sang de l'Agneau, c'est-à-dire la réalité de la mort de Jésus, qui est la victoire éternelle sur le diable. Et c'est elle qui nous donne la victoire. C'est par elle que nous sommes vainqueurs. « Ils ont vaincu l'accusateur par le sang de l'Agneau », dit notre texte. Ce n'est point par une vertu ou une piété particulière ou par une force de caractère spéciale que Job tient bon et glorifie Dieu, au travers d'indicibles souffrances, c'est par le sang de l'Agneau, par la foi en celui qui s'est dépouillé sur la croix. Si tous les témoins bibliques aiment Dieu alors même que tout devrait le leur faire détester, alors même qu'ils sont accablés outre mesure, c'est uniquement parce qu'un autre a fait mentir Satan une fois pour toutes. Jésus a convaincu l'accusateur d'être le père du mensonge et l'a précipité, c'est pourquoi nous pouvons nous aussi par la foi en son sang le convaincre de mensonge. Satan nous accuse mais il ne peut plus dire la vérité, si nous croyons en Jésus-Christ.

Et si nous témoignons : « Ils l'ont vaincu par la Parole de leur témoignage » ; si nous confessons que notre Dieu n'est pas un distributeur de médailles d'or ou de privilèges, mais qu'il est sur la croix, dépouillé de tout, au comble de la faiblesse, incapable de rien nous accorder, si notre Seigneur n'est vraiment qu'un agneau immolé, un condamné à mort, il n'est plus possible que ce soit à son argent, à sa puissance que nous en voulions. L'agneau immolé, Jésus sur la croix, ce n'est vraiment qu'à lui que nous allons. Il n'est plus là que lui-même sans rien d'autre. Et c'est pour rien, c'est-à-dire pour l'amour de lui que nous le servons, et non pour des avantages. Ceux qui rendent témoignage au crucifié, ceux qui affirment sincèrement appartenir à ce misérable, Satan ne peut pas prétendre qu'ils le font pour avoir une belle situation et recevoir des faveurs. - La belle affaire que de se compromettre avec celui qui meurt comme un criminel. Le bel avantage, en vérité ! C'est pourquoi l'accusateur est confondu par le témoignage que les hommes rendent à l'Agneau. Il ne peut plus rien dire. Il n'a plus aucun pouvoir sur eux. Ils ont vaincu Satan, non pas seulement par le sang de l'Agneau, en sachant que Jésus l'avait vaincu, mais ils l'ont vaincu doublement en quelque sorte, en osant témoigner que le Dieu de toute grâce et de toute bénédiction était pour eux dans cet homme agonisant et maudit. Partout où l'on témoigne que Jésus est l'Agneau de Dieu, la grande voix retentit.

Ainsi ce passage jette sur notre existence une lueur singulièrement dramatique ; la plus plate, la plus quelconque de nos vies prend une allure inaccoutumée et un retentissement qui laisse loin derrière lui celui « des grands procès de l'histoire ».

Nous avons tous, petits et grands, devant la face du Juge, un Accusateur et un Avocat, qui parlent de nous. Forcément l'un dit vrai et l'autre faux. Mais lequel ? Cela dépend, en ce moment et à tous les moments, de notre foi ou de notre incrédulité, de notre témoignage ou de notre silence. N'oubliez donc jamais l'actualité de ce procès. N'oubliez pas que Satan nous accuse jour et nuit, qu'il ne prend pas de vacances, qu'il ne se relâche pas, et qu'il s'agit donc de ne pas nous relâcher non plus, mais de le vaincre jour et nuit par le sang de l'Agneau. En cet instant c'est notre culte qu'il s'acharne à détruire : « Tu as un bel auditoire aujourd'hui. Trié sur le volet. 0 Dieu, félicitations ! Belle jeunesse ! Mais crois-tu que ces gens soient venus pour t'écouter et pour t'obéir ? Les uns sont là par pure habitude, et pour accomplir leur devoir religieux, les autres parce qu'ils ont un beau-frère ou une cousine à rencontrer, les autres parce que c'est une distraction ou la mode, les autres parce qu'ils ont peur de la guerre et qu'ils tremblent, les autres enfin parce qu'ils aiment à se laisser bercer par des paroles pieuses et pensent « qu'en tout cas cela ne fait pas de mal » - mais pour t'écouter, mais pour se mettre à tes ordres, mais pour que tu changes leur coeur ? Pas un, sois tranquille ! »

Eh bien, ces paroles n'ont plus de quoi nous effrayer. Toutes ces vérités (car ce sont des vérités), vous pouvez en ce moment en faire des mensonges, par le sang de l'Agneau. Oui, vous pouvez tous en ce moment, par la foi en Jésus-Christ, mais seulement par elle, vaincre l'accusation. Car Jésus notre défenseur prend la parole et déclare : « Non, ce sont mes frères, ceux pour qui je suis mort, ceux à qui j'ai donné ma vie. Ils sont venus pour t'écouter et pour t'obéir, ô Père, pour que ton règne vienne et que ta volonté soit faite sur la terre. Ils ne veulent que ta justice et ta gloire. » Et cela est vrai si nous croyons en lui ; tout ce qu'il dit de nous s'accomplit s'il est notre vie. Alors il est vrai, oui vrai, que nous aimons Dieu, que nous voulons premièrement son royaume. C'est bien de nous qu'il est dit aujourd'hui : « Ils ont vaincu l'accusateur. Ils n'ont point aimé leur vie. » Et c'est maintenant que vient le salut et le règne de notre Dieu et le pouvoir de son Christ. Il suffit que Satan mente, il suffit que par la mort de Jésus-Christ nous le fassions mentir, pour que le ciel soit plein de joie, pour que le Royaume des cieux s'approche, pour que nous soyons remplis de toute la plénitude de Dieu. Amen.


Table des matières


(1) La première édition de cet ouvrage a paru à Anduze en juin 1913.

 

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