Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



FRANK THOMAS
SA VIE - SON OEUVRE



CHAPITRE VI
INFLUENCE EXERCÉE PAR FRANK THOMAS.
SES VOYAGES. SES CATÉCHUMÈNES.

 Avec la fondation de l'Association Chrétienne Évangélique, Frank Thomas atteignait enfin la situation morale à laquelle il aspirait, c'est-à-dire une indépendance presque complète, qui lui permît de parler selon son coeur et sa conscience, et de réunir des auditeurs très variés, dont un certain nombre ne fréquentait aucun lieu de culte.

Pour être véritablement lui-même et faire valoir tous ses dons, il lui fallait cette liberté qui ne fût gênée par aucune entrave. L'action qu'il exerça ainsi fut immense, non seulement sur des gens de sa ville natale appartenant aux milieux les plus divers, depuis des personnes très modestes jusqu'à des intellectuels et à des artistes, mais aussi sur un certain nombre de catholiques et d'Israélites qui venaient régulièrement l'entendre et qui ne seraient pas entrés dans un temple. Des passants, hôtes occasionnels de Genève, venaient aussi se réchauffer à la chaleur de son coeur.

À ce propos il nous revient deux souvenirs. Le premier, est celui d'une dame étrangère qui, désespérée, courait au suicide, lorsque passant devant le Victoria Hall, elle eut l'idée d'y pénétrer. La parole de Frank Thomas la frappa à tel point, elle en fut si bouleversée, qu'elle renonça à son projet et qu'elle se décida à poursuivre son pèlerinage terrestre, comprenant que tout n'est pas fatalité dans la vie. On raconte même qu'elle alla jeter son revolver dans le Rhône.

L'autre est celui de la grande-duchesse Louise de Bade, qui parlait avec enthousiasme de la prédication de Frank Thomas et ne manquait pas l'occasion d'aller l'entendre lorsqu'elle passait un dimanche à Genève. Ses discours, si profondément évangéliques, étaient pour elle une vraie fête spirituelle et contrastaient avec le rationalisme de beaucoup d'églises allemandes. C'était émouvant de l'entendre parler de ses impressions à ce sujet.

À l'influence que Frank Thomas exerçait à Genève il faut ajouter celle de son ministère en Suisse et à l'étranger, car surtout à partir de la fondation de l'Association Chrétienne, il fit de nombreuses tournées de prédications et de conférences, soit dans son propre pays soit dans diverses contrées de l'Europe. Il consacrait généralement à ce travail une semaine, ou tout au moins un dimanche par mois, celui où il se faisait remplacer au Victoria Hall.

Les appels surgissent de toutes parts, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, l'Angleterre, la Suède, la Hollande le réclament. Il se rend presque régulièrement pendant vingt ans dans ce dernier pays. La famille royale vient l'entendre, l'invite au palais. La reine lui témoigne une bienveillance et un intérêt tout particuliers.

Partout où il passe, où il parle, des foules viennent l'écouter, des résultats se manifestent : Dieu le bénit visiblement. Quantité de villes de France, petites et grandes, en tout premier lieu Paris, ont ouï maintes fois ses appels et son souvenir est demeuré vivant au coeur de ses auditeurs.

Ces nombreux voyages le reposent de son labeur quotidien, le mettent en contact avec des gens de toutes nationalités, l'instruisent et le délassent en même temps. Ils sont pour lui un perpétuel renouvellement et il en rapporte des gerbes d'impressions et de souvenirs dont il fait souvent profiter ses auditoires du Victoria Hall.

Nous nous souvenons avec émotion d'un culte consacré au récit d'une tournée de prédications ou de conférences qu'il avait faites à la Côte d'Azur. Il brossa ce matin-là une fresque magistrale, dépeignant d'une part la beauté incomparable du paysage qu'il venait de parcourir et de l'autre la démoralisation des gens attirés là par l'appât du plaisir et s'adonnant aux jeux de hasard à Monte-Carlo. Tout à coup il fit surgir devant nous la vision d'un couvent de Cisterciens qu'il avait visité dans l'île Saint-Honorat. Il opposa l'action sainte de ces hommes consacrant leur temps à la prière, aux vies coupables de ceux qui ne songent qu'à s'amuser. C'était poignant.

Durant ces voyages il recevait bien des confidences, et il pouvait ainsi réconforter des âmes angoissées, encourager les timides, apporter des consolations spirituelles.
On s'ouvrait facilement à lui parce que son grand amour et sa profonde sympathie inspiraient une confiance illimitée. Lui-même disait, en 1923, dans la cathédrale de Lausanne :

Appelé à beaucoup voyager pour des tournées d'évangélisation, j'ai le privilège de rencontrer un grand nombre de collègues qui veulent bien me témoigner de la confiance et j'ai pu me rendre compte combien souvent il y a chez eux de la tristesse et même du découragement. L'amour nous rendra clairvoyants (1).

Ailleurs il s'écriait :

Quand on est pasteur et qu'il faut très souvent voir mourir ; quand la mort ayant triomphé, il faut consoler ceux qui restent, bander les plaies profondes qu'elle a faites, réparer les innombrables brèches qu'elle laisse derrière elle, elle paraît si cruelle, si stupide et si désespérément aveugle, qu'on est pris parfois de dégoût, qu'on recule souvent d'horreur (2).

À côté de ses voyages et des diverses activités dérivant de l'Association, il faut noter en toute première ligne ses cours de catéchumènes pour jeunes gens et jeunes filles, dont le nombre variait de 50 à 80. C'était pour lui un travail de prédilection, car il pouvait par ce moyen façonner l'âme de la jeunesse et amener des forces vives et enthousiastes aux pieds de son Maître. Sans doute ne réussissait-il pas toujours et il lui arrivait de parler avec douleur de ceux de ses catéchumènes qui s'étaient détournés du droit chemin, mais sur le nombre, il en est sans doute beaucoup qui peuvent faire remonter leur conversion à l'époque de leur instruction religieuse et à l'influence de Frank Thomas.

Une de ses anciennes catéchumènes actuellement mère de famille, a bien voulu réunir quelques impressions et souvenirs qu'elle nous permet de transcrire ici :

J'ai été la catéchumène de Frank Thomas de 1900 à 1901. Il y a trente ans, comme cela vieillit !...

C'était donc en 1900. Nos cours avaient lieu, dans un local de la rue de la Cité N° 20. Nous étions quelques jeunes filles autour d'une table, le pasteur au milieu de nous. Par l'étroite fenêtre de l'étroite rue montante, peu de jour entrait. Mais si le local était sombre, nous n'étions pas tristes. Notre pasteur savait éveiller en nous l'enthousiasme de la vie pour Dieu et à la chaleur de sa foi, à la force de son amour, à la droiture de ses convictions, nous nous sentions au seuil de ce Royaume magnifique où l'on n'entre qu'en donnant son coeur. Et la divine lumière du premier amour inondait nos âmes. Nous nous communiquions, du moins quelques-unes d'entre nous, nos désirs de suivre le Maître, et nous apprenions à prier ensemble, à intercéder les unes pour les autres. Il fallait, au début surtout, un effort de volonté pour traduire nos prières à haute voix ; mais notre pasteur savait rendre très proche la présence de Christ et notre peur était vaincue.

Il y avait aussi les entretiens particuliers qui nous ouvraient des échappées sur le paradis. Après notre réception dans la petite Salle du Port, vint l'aube de nos premières activités : l'École du dimanche, l'Activité chrétienne, les réunions d'anciens catéchumènes où naquirent nos premières initiatives altruistes.

Notre pasteur nous présentait le Christ comme un ami vivant, le plus cher qu'on puisse avoir en ce monde et surtout un ami tout-puissant. De ce don de soi-même au Christ que le pasteur Frank Thomas savait provoquer dans les âmes, est résulté pour plusieurs d'entre nous, et pour d'autres qui l'ont connu, une vie heureuse et bénie au travers des épreuves. Il communiquait surtout le courage d'être soi-même.

C'est étrange que dans un monde chrétien il faille du courage pour mettre sa vie d'accord avec ses principes. Cela par exemple, c'était son trait dominant : il était conséquent, il pouvait dire : « J'obéis à Dieu non aux hommes ». De là ce don de faire vivre les âmes qui l'approchaient : il excellait à épanouir un coeur. Je parle seulement des coeurs sincères, car chacun sait que les autres ne peuvent pas s'épanouir et que le Christ lui-même ne réussit pas à faire vivre celui de Judas qu'il aimait pourtant.

Frank Thomas aimait beaucoup. Peut-être est-ce le nom de pasteur de l'amour qui lui convient le mieux. Apôtre de l'amour ! Il a vraiment fait sien ce nom-là.

D'autres ont eu en commun avec lui une grande éloquence, un ardent patriotisme, de l'altruisme et de la vertu. Mais cet art de créer de la vie et de la joie, de faire fleurir et donner leur parfum à des âmes mi-écloses, il l'a eu, lui, à un degré merveilleux.

Il ne cherchait point sa gloire. Il cherchait celle de Dieu et ce faisant, se préoccupait des autres et de rendre justice à chacun. Il disait : « Vous êtes ouvriers avec Dieu ». Et chacun apportait qui son archet, qui sa plume, qui sa voix, qui sa science. Il ne disait pas « nous sommes débordés il n'y a plus de place » il disait : « Allons venez, on a besoin de vous ».

La joie, comme l'amour et la gaîté émanaient de lui... Qui parmi ses catéchumènes ne se souvient d'avoir joué avec lui à colin-maillard et au chat et à la souris sous les ombrages du château de Crans ? ou aux deux camps où nous cherchions les objets les plus difficiles à deviner, en général du genre abstrait.

Il disait dans une prédication en parlant de certains calvinistes : « ces pierres du Niton » (3) et nommait les coeurs des pharisiens genevois, « des sacristies qui sentent le moisi ». Ses conversations, comme ses sermons étaient émaillés de ces mots pittoresques.


Comme on l'a déjà dit, une des principales activités de Frank Thomas fut les visites aux membres de l'A. C. E. et à d'autres personnes aussi, particulièrement aux malades. Ses visites n'étaient jamais banales et ne se perdaient pas en conversations inutiles. Il abordait toujours les questions vitales et ne s'en allait pas sans avoir prié. Les gens qui recevaient ses visites avaient l'impression qu'il s'intéressait vraiment à eux et ils en gardaient un bienfaisant souvenir. Il avait en effet le don de concentrer son intérêt d'une façon intense sur tout ce qu'il entreprenait.

À noter aussi les services funèbres qu'il faisait, parfois même dans des églises où le public était convié. Tel celui de ses amis Guillaume Pictet à Saint-Gervais et Gustave Ador à Saint-Pierre.

À ses visites du dehors il faut aussi ajouter celles qu'il recevait à ses heures de réception. On le prenait volontiers comme confident et même comme confesseur et il portait souvent le poids bien lourd des chagrins et même des fautes des autres. C'était son inlassable sympathie qui lui attirait cette confiance de la part de ceux qui l'avaient entendu en public. Aussi ne nous étonnons-nous pas de ces paroles qu'il prononça devant nous quelques mois avant sa mort :

On croit généralement que je suis tombé malade pour avoir trop travaillé, ce n'est pas le cas, ma maladie vient de ce que j'ai trop vu souffrir.

En effet son coeur s'était usé au contact de la douleur humaine.


Table des matières


1 Le Ministère de l'Esprit, p. 3. - 74e Assemblée de la Société pastorale suisse.

2 Bonne Nouvelle, 15 avril 1906, p. 137-138.

3 Pierres affectées aux sacrifices païens, qui se trouvent dans le port de Genève.

 

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