Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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FRANK THOMAS
SA VIE - SON OEUVRE



CHAPITRE XI
DERNIÈRES ANNÉES ET MORT DE FRANK THOMAS.

 Tel un navire chargé de richesses qui s'approche paisiblement du port après avoir connu des saisons de radieuse navigation, avoir doublé des caps redoutables et essuyé de multiples tempêtes, tel peut-on se représenter Frank Thomas durant ses dernières années. Il vécut des jours de bonheur et de plein succès, il traversa de douloureuses épreuves, mais tout cela l'avait enrichi d'innombrables expériences et, plein de confiance, il avançait vers la Patrie « céleste dont il parlait si souvent.

En 1927, un premier départ s'impose à lui, qui fut comme un son de cloche. Ses enfants aînés étant mariés ou dispersés, ses deux filles cadettes fiancées, le moment approchait où le nid serait vide... la vaste demeure de Belmont allait donc devenir trop grande pour lui et sa femme. Il se décida, non sans peine, à la vendre et à se faire construire un chalet plus petit, à Frontenex, sur un terrain qu'il avait hérité de ses parents.

Qui dira le déchirement que causa à son coeur sensible ce changement de domicile, cet abandon d'une demeure aimée dont les murs étaient pleins des échos des jours d'autrefois ? Joyeux ou triste, tout ce passé était là cependant et le moment venait de s'en séparer ! Il faut avoir connu de, tels arrachements pour en comprendre toute la douleur.

En apparence et jusqu'au début de 1928, rien ne semblait altéré en lui. Il accomplissait toujours un travail considérable, sa réputation ne cessait de grandir, la confiance qu'il inspirait allait croissant. Ses auditoires étaient loin de diminuer. En Suisse et à l'étranger, on l'accueillait avec le même enthousiasme que par le passé.

Grâce à la T. S. F., installée en 1926 au Victoria Hall, les malades, les isolés pouvaient participer, et avec quelle joie et quel bénéfice, à ses cultes.
Le Dr Rollier écrivait à ce propos :

Leysin.

Le dimanche, loin du bruit de la ville, dans ce beau pays où brille un si doux soleil, il n'est pas de plus grand bienfait que d'écouter les paroles si touchantes du cher pasteur Frank Thomas. Quelle reconnaissance ne lui gardons-nous pas dans nos coeurs ! Que de bien n'a-t-il pas fait aux malades, aux découragés, à tous ceux qui étaient empêchés de suivre le culte public ! Combien d'autres qui jamais ne vont à l'église et qui ont été touchés par ses excellents sermons en passant une heure de recueillement avec les auditeurs du Victoria Hall ; jamais on ne saura assez le reconnaître et le dire. (1)

Frank Thomas avait une affection toute particulière pour les Israélites ; il souffrait de constater l'ostracisme qui pesait sur eux et il désira leur manifester publiquement sa sympathie. Aussi les convoqua-t-il à deux cultes au Victoria Hall, le 15 février et le 1er mars 1925, cultes qui leur étaient spécialement destinés. Ils accoururent en foule, touchés de ce geste fraternel. Au premier culte, après avoir lu quelques passages du prophète Esaïe et d'autres de l'Ancien Testament, il s'adressa au peuple d'Israël et lui dit tout le chagrin qu'il éprouvait des persécutions et de la malveillance dont il avait été souvent l'objet, puis il le remercia pour tout ce que la chrétienté lui devait, au point de vue religieux. Au second culte enfin, citant l'Évangile de Jean et le livre des Actes, il plaça son auditoire en face de Jésus de Nazareth, l'engageant à réviser son procès et à le reconnaître comme le Messie.

Dans une sorte d'invocation adressée au souvenir de Frank Thomas, une dame israélite, convertie par lui au christianisme, rappelle comme suit ces émouvantes manifestations :

Vous souvient-il des grandes séances préparées avec le concours de mon mari, la réunion de tous les Israélites de Genève à vos auditeurs du Victoria Hall, le dimanche matin. Comme il vous tenait à coeur ce peuple juif, si injustement traité, comme vous aimiez ses psaumes, ses prophètes. Je vous revois ouvrant votre vieille Bible, les pages de l'Ancien Testament en étaient aussi usées que celles des Évangiles.

Israël était pour vous le frère aîné de l'Écriture et parce qu'ils réalisaient que vous étiez leur ami sincère, ils vinrent tous, tous, les descendants des grands patriarches vous entendre parler de Celui que vous auriez tant voulu leur faire connaître. Vous auriez pu leur répéter, après Christ : Je ne suis point venu abolir la loi et les prophètes (Matthieu 5: 17), je suis venu vous montrer comme on aime quand on est au service du Dieu d'Amour.


On peut donc se rendre compte, d'après ce qui précède, à quel point l'automne de Frank Thomas réalisait les espérances qu'avait fait naître son printemps.

Cependant en 1925, sentant probablement que malgré les apparences il y avait chez lui une certaine diminution de forces, il consulta un médecin qui lui donna l'avis péremptoire, s'il ne voulait pas abréger ses jours, de restreindre son activité et en particulier de ne plus continuer ses tournées si fatigantes à l'étranger, mais telle était sa soif de travail et de dévouement qu'il n'eut pas le courage de suivre ce conseil et qu'il ne changea rien à son genre de vie.

Hélas ! malgré son activité et sa robuste apparence, le mal qui avait commencé à le miner poursuivait sournoisement son oeuvre, en dépit de tous les efforts qu'il faisait pour le dominer. Sa sensibilité, en particulier, devenait toujours plus aiguë, mais il allait de l'avant comme emporté par un courant qu'il ne pouvait maîtriser.

Cependant, au mois de janvier 1928, faisant une tournée de prédications dans l'Ardèche, au cours de laquelle sa femme l'accompagnait, il fut subitement saisi durant la nuit d'une crise d'angine de poitrine qui lui procura un violent étouffement. Rentré à Genève, il dut se soigner très sérieusement durant plusieurs semaines, ce qui fut pour lui un gros sacrifice, car rien n'était plus contraire à sa nature que le repos forcé, aussi dès que cela lui fut possible reprit-il ses prédications au Victoria Hall et ses visites, malgré la recommandation qui lui avait été faite d'éviter les étages. Mais en le voyant de nouveau au travail, le coeur de ceux qui l'aimaient se serra en constatant à quel point la maladie avait diminué ses forces. Il traversait des moments de tristesse lorsqu'il réalisait que le passé était le passé et qu'il marchait vers un avenir plein de points d'interrogation.

Le printemps de 1928 fut douloureux pour lui, mais pourtant illuminé par la réalisation d'un voeu qu'il avait toujours caressé : celui de visiter la Palestine. Quelques amis, en effet, lui offrirent de participer au pèlerinage protestant qui devait avoir lieu du 30 avril au 31 mai. Des avis médicaux lui firent considérer ce voyage avec un certain pessimisme, mais il passa outre tant était grand son désir de visiter le pays du Christ et il s'embarqua à Marseille avec sa femme le 30 avril, rejoignant ses soixante-dix-huit compagnons et compagnes de voyage. La traversée jusqu'à Beyrouth, qui dura quinze jours, fut merveilleuse et lui réussit pleinement. Il présida plusieurs fois le culte en commun qui avait lieu chaque jour entre les pèlerins. Il jouit intensément des escales à Naples, Athènes, Constantinople, Smyrne, Rhodes et jusqu'à Beyrouth tout sembla marcher à souhait. Hélas ! à partir de ce moment-là, c'est-à-dire dès qu'il eut quitté la mer pour la terre ferme, tout changea car le voyage devint très éprouvant pour lui. Les trajets en automobile, par la chaleur torride et la poussière, lui furent néfastes ; malgré cela telle était sa vitalité qu'il voulut continuer à tout visiter. De Beyrouth il se rendit à Balbeck et à Damas, puis ce fut l'exode vers Jérusalem, en passant par Sichem, Tibériade, le mont des Béatitudes, Nazareth. Il y trouva de la joie et de l'intérêt, malgré sa fatigue ; mais c'eût été bien autre chose encore si sa santé avait été bonne. La dernière étape en auto fut particulièrement pénible, il souffrit atrocement de la chaleur et de la soif et arriva à Jérusalem dans un état déplorable. Malgré cela il voulut, le lendemain, repartir pour Jéricho et la mer Morte. Ce fut le coup de grâce. À la suite de cette excursion, il eut, au milieu de la nuit, un terrible étouffement provoqué en partie par un début d'incendie dans l'hôtel. Il fallut appeler, par téléphone, un médecin qui lui fit une piqûre et une saignée. Ce fut une nuit dramatique où il frôla la mort de près.

Cependant il était résolu à visiter Jérusalem, mais la promenade à pied au travers de ces petites rues tortueuses lui étant impossible il loua une chaise à porteur au moyen de laquelle il parcourut la ville, se rendant ainsi au Saint-Sépulcre, au Mur des Lamentations, à la Fontaine de Siloé, à la Piscine de Béthesda, etc. Il reçut aussi la visite du directeur du camp sioniste de Tel-Aviv qui, apprenant sa présence à Jérusalem, vint passer une après-midi avec lui pour lui parler du travail intense des Juifs en Palestine. Cette visite lui fut très agréable et le captiva au plus haut point.

Puis ce fut le Caire où il passa une nuit affreuse, enfin cinq jours de mer qui furent un repos pour lui. Il rentra à Genève certainement affaibli par son voyage et, malgré tout l'intérêt qu'il y avait trouvé, déçu par la désolation de cette terre de Palestine, où il avait rencontré si peu de spiritualité et encore tant de superstition, heureux cependant d'avoir pu réaliser ce rêve longtemps caressé.

Durant le mois de juin, il prêcha trois fois au Victoria Hall et goûta de longues heures de repos dans son jardin. Il put participer encore à l'Assemblée mensuelle de l'A. C. E. qui eut lieu le 17 juin, à Frontenex, chez Mme Max van Berchem. Il semblait souffrant ce jour-là, mais il put encore parler de ses impressions de Palestine à son auditoire, si heureux de se retrouver auprès de lui.

Le 3 juillet, selon l'ordonnance du médecin, il partit avec sa femme pour les bains de Ragatz où il retrouva ses amis, M. et Mme Hoffer. Ceux qui eurent le privilège de l'approcher à ce moment-là furent frappés du changement physique qui s'était opéré en lui, bien que son bon sourire fût toujours le même et que sa bienveillance envers tous n'eût en rien diminué. Cependant, nous a dit une des personnes qui le rencontra souvent à cette époque, on avait le sentiment très net que, bien qu'il s'intéressât à tous ceux qui l'abordaient, les écoutant avec bonté, il voyait « au-delà » et que pour lui les choses d'ici-bas avaient perdu de leur valeur. Les membres de sa famille qui l'accompagnaient, c'est-à-dire sa femme, ainsi que le ménage de son fils William, ne le laissaient guère seul. Il se reposait souvent sur la galerie de l'hôtel et chacun respectait ces moments de solitude ; on le croisait aussi dans le parc qui relie les deux hôtels, surtout lorsqu'il y avait des concerts dont il jouissait, car il goûtait beaucoup la musique.

Le 11 août, il eut la joie de bénir le mariage de son fils Robert avec une jeune Française. Il put encore avoir avec celle-ci, en tête-à-tête, un entretien sérieux, dont elle garde un précieux souvenir.

Malgré sa lassitude, il continua à prêcher tous les dimanches, il se rendait en voiture au temple, bien que le trajet ne fut que de cinq minutes. Il montait lentement les escaliers de la chaire, mais lors de sa dernière prédication, c'est-à-dire le 12 août, il dut parler assis auprès de la table de communion.
Il lui arrivait parfois, durant la nuit, d'avoir de terribles angoisses et de se promener dans les corridors de l'hôtel pour tenter de trouver quelque soulagement à sa souffrance. Dans ces cas là, on appelait le médecin de l'établissement qui lui faisait une piqûre. Les personnes qui le voyaient chaque jour avaient l'impression qu'il déclinait rapidement.

Le 18 août au matin, il descendit comme d'habitude pour le déjeuner ; se sentant peu bien il désira remonter dans sa chambre. Là, peu d'instants après, il prononça le nom de sa femme comme un suprême appel et s'affaissa à côté d'elle. La mort l'avait cueilli avec douceur, il partit sans agonie ainsi qu'il l'avait souhaité.
Son corps fut ramené à Genève et provisoirement déposé dans la sacristie du temple de Cologny.

Le service funèbre eut lieu le 21 août, au Victoria Hall, au milieu d'un public très nombreux et recueilli, venu pour donner un dernier témoignage d'affection à celui qu'il avait si souvent entendu parler dans cette même salle.

La Semaine religieuse du 25 août rend ainsi compte de cette imposante cérémonie :

« M. Edouard Favre, président de l'A. C. E., a lu quelques belles paroles bibliques et exprimé à la famille la reconnaissance et la sympathie de ceux dont M. Frank Thomas a été plus particulièrement le pasteur. Le caractère du regretté prédicateur fut excellemment résumé en ces trois mots : zèle irrésistible, humilité foncière, affection profonde. Frank Thomas a été dans les mains de Dieu un instrument béni.

« M. le pasteur William Poulin, beau-frère de M. Frank Thomas, prend alors la parole : « Un chef est tombé en Israël », voilà ce que nous avons tous pensé en apprenant la mort de Frank Thomas, et nous avons éprouvé en même temps un sentiment de profonde tristesse, et aussi celui de la responsabilité qui incombait aux survivants. Il me semble que j'entends cette voix qui nous relève et qui nous dit : « Ne perdez pas courage, Dieu sera avec vous ».

« M. Poulin adresse aussi au nom de l'Eglise nationale de Genève, au nom du Comité directeur de Saint-Loup et au nom de la Mission romande un hommage de reconnaissance à celui qui nous a quittés.

» On entend ensuite M. le pasteur, Houriet qui, remplaçant M. Sauvin absent, rappelle en termes émus tout ce que l'Évangélisation populaire doit à Frank Thomas.

» M. Bauler rend témoignage à l'intérêt constant et qui jaillissait d'un coeur profondément aimant, que M. Thomas a toujours témoigné à la Croix-Bleue.

» Enfin, le pasteur Charles Dubois, dans une admirable allocution qui a saisi le coeur de tous, dégage le sens supérieur et grave de l'heure qui nous réunit. La cérémonie se termina par le chant du cantique préféré de Frank Thomas : « Plus près de toi, mon Dieu ».

» À la sortie une foule immense défila devant le char mortuaire, témoignant de son respect à celui dont la vie, toute consacrée, avait été, dans son milieu et dans son temps, une bénédiction. »

Sa dépouille fut conduite au cimetière de Cologny, au milieu de ceux qu'il avait aimés et qui l'avaient précédé dans le pays où « la mort ne sera plus et où il n'y aura plus ni deuil ni cri, ni douleur, car les premières choses auront disparu » (Apoc. 21: 4).

Sur sa tombe, un modeste rocher orné de fleurs alpestres, rappelle que la montagne lui procura quelques-unes de ses plus grandes joies en ce monde.

Lorsqu'on a étudié, comme nous l'avons fait, la vie si noble de Frank Thomas, l'enthousiasme vous gagne devant les merveilleuses possibilités d'une existence dont l'amour de Dieu et du prochain, l'oubli de soi-même et la fidélité à l'appel intérieur sont les mobiles essentiels et les seules raisons d'être. Et au moment de clore ces pages, un verset de la Parole de Dieu nous vient à l'esprit, verset qui semble spécialement se rapporter à l'ami qui nous a quittés : « Ceux qui auront enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles, à toujours et à perpétuité » (Daniel 12: 3).


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1 Extrait des Dernières méditations de Frank Thomas.

 

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