Sermons et
Méditations
Trois conseils.
Soyez joyeux dans
l'espérance, patients dans l'affliction,
persévérants dans la prière.
Rom.
XII, 12.
Chez l'auteur sacré qui s'est
exprimé de la sorte se sont
évidemment trouvées réunies
une connaissance parfaite des circonstances de la
vie humaine et la sagesse qui sait donner de bons
conseils. D'autres se sont mépris au sujet
de la nature et du caractère de la vie
chrétienne s'écoulant sur la terre.
Les uns l'ont rêvée trop facile ;
les autres n'en ont vu que les épreuves et
les combats. Saint Paul la voit telle qu'elle est,
difficile, sans doute, puisqu'elle suit le chemin
étroit et passe par la porte
resserrée, mais embellie aussi par les
promesses qui rayonnent sur elle et le secours qui
lui est offert. D'autres encore ont
été bien intentionnés en
parlant à leurs frères qu'ils
voyaient soutenir la lutte, porter la croix ;
mais ils n'ont pas su trouver le mot qu'il fallait,
et leurs encouragements, plus humains que divins,
sont restés sans effet. Tel n'est pas le cas
de l'apôtre. À lui, le Saint-Esprit a
donné la parole bonne, heureuse, que
réclament nos circonstances et nos coeurs et
dans laquelle, vraiment, il y a
une vertu de relèvement et de consolation
intime. Que de chrétiens auxquels elle a
déjà fait du bien ! Que
d'enfants de Dieu pour lesquels, aujourd'hui, elle
sera une bénédiction !
I
Soyez Joyeux dans l'espérance ! -
Joyeux ; saint Paul aurait-il écrit ce
mot, donné ce conseil, s'il n'avait pas su
qu'il arrive au chrétien d'être abattu
à la vue de la marche des
événements, de la tournure que
prennent les choses et des dispositions de son
propre coeur ? Il nous prend tels que nous
sommes, il nous suit dans les profondeurs de notre
découragement et il nous apporte le
remède qui guérit nos maux. Soyeux
joyeux dans l'espérance, dit-il.
Le conseil, de prime abord, pourrait ne
paraître ni bien nouveau, ni essentiellement
chrétien. Qu'est-ce qui soutient l'enfant du
siècle présent même, si ce
n'est l'espérance ? Peut-être
n'est-il personne qui n'ait jamais
espéré et auquel l'espérance
n'ait donné comme des ailes pour
s'élever au-dessus des
réalités d'une vie accablante et
dure. L'homme semble fait pour espérer. Il
espère la réalisation de ses
désirs et de ses ambitions. Il espère
je ne sais quoi de nouveau, de plus beau, de plus
heureux. Il espère, en créant, pour
l'édifice de ses espérances, des
appuis qui lui paraissent solides. Son ouvrage, que
d'autres ne contempleront pas
sans crainte lui plaît, l'encourage, le
réjouit, le porte, jusqu'à l'heure
où il comprendra son illusion et s'en ira
grossir les rangs des déçus.
Ah ! que de pauvres vies, soutenues pendant un
temps par les décevants mirages qu'une
espérance trompeuse faisait flotter devant
les regards de l'homme, et qui se brisent ensuite
sur quelque rocher prenant une voix pour lui
crier : « Ce ne sera pas pour
toi ! »
Malgré tout cependant, il faut en
convenir, il y a dans l'espérance quelque
chose de bienfaisant, un élément de
force et de joie qu'il serait difficile de
retrouver ailleurs. L'apôtre s'en souvient,
non point pour en rester là, mais pour
conduire ses frères plus loin et plus haut.
C'est qu'il connaît, lui, une
espérance meilleure que celle que fait
naître le monde, meilleure que celle du coeur
naturel, meilleure que celle qui est innée
à la créature humaine et qu'on peut
nommer la propriété universelle de
l'humanité. Il connaît, dis-je, une
espérance qui ne porte pas en
elle-même les germes de faiblesse et
d'inconstance propres à l'espérance
terrestre ; une espérance qui n'est pas
d'ici-bas, une espérance qui demeure et qui
ne confond pas ; une espérance vive,
échappant à n'importe quelle force de
destruction, la vraie espérance, en un mot,
l'espérance digne de ce nom parce qu'elle
est fidèle, et fidèle parce qu'elle
vient de Dieu, l'espérance
chrétienne, enfin. Est-il besoin de vous en
présenter les traits ! C'est elle qui
compte, non pas sur les choses
et les hommes, sur je ne sais quelle bonne fortune
et quelle chance, quelle réussite des
opérations et des calculs humains, quelle
réalisation des désirs du coeur
naturel, mais sur ce que Dieu a promis en
Jésus-Christ, lui dont la
fidélité est immuable et dont la
bonté égale la puissance. C'est elle
qui dit que ce Dieu Sauveur fera tout pour le
mieux, que toutes choses concourent ensemble au
bien de ceux qui l'aiment et qu'aucun bien ne
manquera à qui se confie en lui. C'est elle
qui, attendant avec assurance le bonheur qu'elle ne
voit pas, croit au soleil de grâce prêt
à percer les sombres nuages accumulés
sur la tête de l'homme. C'est elle qui ne
doute pas qu'il y a pour l'enfant de Dieu, quelle
que soit sa situation de l'heure présente,
un avenir et, dans cet avenir, des surprises
préparées à la foi et, dans
ces surprises, une révélation de
sollicitude et de tendresse paternelles, de sagesse
et de force divines dépassant tout ce que le
coeur de l'homme avait eu le courage d'attendre et
de demander.
Mes frères, telle est
l'espérance chrétienne. Au
delà des déserts brûlants, des
sombres et profondes vallées où
cheminent nos pieds, elle nous porte jusqu'à
ces montagnes aux cimes radieuses d'où nous
viendra un secours certain. Et parce que tels sont
sa nature, son ministère et sa patience,
c'est en elle aussi qu'apparaît,
purifiée, grande, parfaite, la vertu dont
les premiers vestiges se retrouvent jusque dans
l'espérance d'ici-bas. À elle, il est
donné de rendre le coeur
joyeux ; à elle, de bannir le
découragement ; à elle, de nous
faire lever la tête et de ramener un cantique
sur nos lèvres. Soyez joyeux dans ce que
Dieu donne en Jésus-Christ, le
Sauveur : Oui, nous comprenons l'appel, nous
nous en souviendrons à l'heure sombre, nous
laisserons cette espérance-là
illuminer notre route et notre coeur d'un grand
rayon de lumière céleste, et nous
bénirons Dieu de nous l'avoir fait
connaître !
II
J'en viens, mes frères, à la
seconde des paroles apostoliques. Soyez patients
dans l'affliction, dit saint Paul. Une chose me
frappe ici ; elle vous aura surpris
vous-mêmes. C'est que ce même
apôtre, qui vient d'ouvrir devant nous les
beaux et vastes horizons de l'espérance
chrétienne et qui nous appelle à la
joie, laisse cependant subsister l'épreuve
avec ses amertumes et ses souffrances. Ah ! je
vous disais bien que saint Paul a connu les
réalités humiliantes de la vie du
croyant ! Ses souvenirs personnels, les
expériences qu'il a vu faire à ses
compagnons de route, toutes ces larmes, toutes ces
douleurs, il les résume dans ce seul mot
trop bien connu dans les rangs des hommes !
C'est ainsi que le Maître, avant de quitter
ses disciples, avait parlé dans la chambre
haute. Vous aurez des afflictions,
avait-il dit. Son
serviteur,
docile à son enseignement, choisit le
même terme : Soyez patients dans
l'affliction écrit-il.
Cette parole, avant de nous mettre en
présence d'un devoir chrétien et
d'une des vertus les plus excellentes que
crée l'Évangile, est de celles qui
font du bien au coeur. L'apôtre,
évidemment, ne nous conteste pas nos peines
et nos chagrins, nos infirmités et nos
maladies. Non seulement il ne demande pas, comme
cela est venu à l'esprit de plusieurs, que
tout ce désordre disparaisse par un acte de
foi de notre part, et soit effacé du
programme de la vie de tout vrai disciple de
Jésus-Christ, mais il en admet aussi
silencieusement tout le poids pesant sur le corps,
l'âme et le coeur. Il semble comprendre
surtout qu'à mesure que l'épreuve se
prolonge et que les cris de détresse,
partant du coeur de l'affligé, restent plus
longtemps sans réponse, la situation faite
à l'homme se complique de plus d'un danger
et de plus d'une tentation. Ce n'est pas saint Paul
qui dira : « Vaut-il la peine de
s'arrêter à si peu de chose ?
Passez outre, oubliez, regardez au glorieux
héritage qui vous attend ! »
Non, l'écharde qu'il portait lui-même
en sa chair et au sujet de laquelle, à trois
reprises, mais en vain toujours, il avait
appelé une intervention du Seigneur ;
cette souffrance pleine d'humiliation qui
l'accompagnait de lieu en lieu et d'année en
année ; cette entrave d'un
ministère qui, sans elle je parle selon les
hommes - aurait pu être plus vigoureux
et plus imposant, toute
cette
affliction était pour l'apôtre une
épreuve voulue de Dieu, une école
nécessaire, mais pénible, difficile,
dure à accepter, un appel constant à
la soumission, une de ces réalités,
enfin, avec lesquelles la foi doit compter !
Et puisque telle était sa manière de
voir les choses, il ne vient pas admonester ses
frères qui souffrent, ni augmenter leur
affliction en la traitant avec indifférence
et légèreté. Il s'approche
plutôt, le coeur plein de compassion ;
il a l'air de comprendre et d'apporter le conseil
d'un ami qui a passé par où passent
les autres. Serait-il possible dès lors
qu'il ne fit pas de bien et ne fût pas
accueilli et écouté, lorsqu'il
dit : Soyez patients dans
l'affliction !
Patients ! De la part de ce conseiller
plein de sympathie qui vient de se pencher sur
nous, nous acceptons cette parole. Patients !
Nous permettons à ce mot de nous juger, nous
qui, si souvent, avons été pris
d'impatience, alors que l'affliction ne
s'arrêtait pas au terme que notre sagesse et
notre volonté auraient voulu lui fixer.
Ah ! que nous avons été loin
d'être cet homme accompli dont saint Jacques
trace le portrait en disant : Il faut que
l'ouvrage de la patience soit parfait, afin que
vous soyez parfaits et accomplis, en sorte qu'il ne
vous manque rien. Sachez donc que l'épreuve
de votre foi produit la patience. Patients !
ce sont ces quelques syllabes encore qui nous
dévoileront quelle est, pour notre avenir,
la volonté de Dieu. Quelle que soit
l'affliction qui nous ait atteints
ou qui nous attende, nous
avons
à nous exercer à une vertu, la
patience ; nous aurons à demander une
grâce, c'est de pouvoir être patients.
N'est-il pas dit que le Père des croyants,
ayant attendu avec patience obtint ce qui lui avait
été promis ? Et nous, apprenons
à tenir, à notre tour, ce
langage : J'ai patiemment attendu
l'Éternel. Nul doute alors que nous ne
voyions venir aussi le jour dans lequel,
exaucés, délivrés,
bénis, nous joindrons à cette
confession cette parole de victoire, cet hommage
rendu à la bonté de Dieu : Il
s'est tourné vers moi et il a entendu mon
cri.
III
Il nous reste, dans le message apostolique, un
dernier mot : Soyez persévérants
dans la prière, dit saint Paul.
Après les instructions reçues,
ne sentez-vous pas, mes frères, combien
l'appel à la prière est ici à
sa place ? La prière, c'est l'homme
pénétré du sentiment de son
insuffisance, mais cherchant en Dieu ce qui lui
fait défaut. C'est le pauvre à la
porte du riche, l'infirme à la porte du
fort, le pécheur à la porte du Saint.
Que ferai-je donc, lorsque je sens que je ne
réussis pas à entretenir dans mon
coeur l'élan joyeux de
l'espérance ? Que ferai-je pour qu'il y
ait en moi la patience qui tient bon dans
l'adversité ? Prier ; il n'y
a que ce seul moyen pour
faire
naître en moi ces dispositions
admirables ! Et tout n'est-il pas promis
à la prière ? Si vous, qui
êtes méchants, savez donner de bonnes
choses à vos enfants, combien plus votre
Père qui est aux cieux, donnera-t-il des
biens à ceux qui les lui demandent !
Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit
accomplie. En vérité, en
vérité, je vous dis que tout ce que
vous demanderez au Père en mon nom, il vous
le donnera. C'est ainsi que le ciel avec ses
trésors et ses grâces s'ouvre devant
celui qui prie, et que Jésus lui-même
nous invite à prendre ce qui, pour l'amour
de lui, doit être à tout pauvre
pécheur qui croit. À nous d'apporter
nos besoins afin qu'il y soit pourvu, à nous
de persévérer dans la
Prière.
Mais en y réfléchissant, mes
frères, ne sommes-nous pas contraints de
convenir d'une chose, c'est que la
persévérance dans la prière
nous est difficile ! Il faudrait avouer,
peut-être, à notre confusion, que
c'est à former des projets, à
chercher quelque issue, à nous agiter,
à nous tourmenter, à lutter que nous
nous entendons bien mieux qu'à prier. Alors
surtout que, pour une raison ou pour une autre, et
selon un dessein de Dieu, qui doit nous rester
caché, les difficultés tardent
à s'aplanir, nous nous lassons de demander,
de chercher et de heurter. Ah! les situations
pénibles qui se prolongent, qui ne changent
pas, auxquelles l'homme s'habitue en soupirant et
qu'il finit par accepter, non point avec l'humble
soumission de l'enfant qui
s'en
remet pour toutes choses à la sagesse et
à la puissance de son Père, mais en
se courbant sous un destin inexorable !
À combien de prières n'ont-elles pas
imposé un trop hâtif, un fatal et
coupable silence ! De combien de miracles de
délivrance n'ont-elles pas appauvri
l'expérience chrétienne !
Combien aussi nous avons été loin de
suivre l'exemple de la veuve assiégeant,
pour obtenir justice de sa partie adverse, le
tribunal du juge inique !
Ne faut-il pas faire encore un autre aveu,
c'est que nous renonçons quelquefois
étonnamment vite à telle grâce,
telle vertu que Dieu nous avait destinée,
à telle oeuvre qu'il aurait voulu accomplir
par notre main, au témoignage qui aurait
dû être rendu devant le monde, par
notre patience et notre foi ? Pour mûrir
spirituellement, pour glorifier Dieu, pour avancer
le règne de Jésus-Christ, il nous
aurait fallu persévérer dans la
prière. Mais nous nous sommes
relâchés et le succès nous a
échappé. Nous n'avons pas prié
sans cesse et Dieu n'a pu nous faire selon sa bonne
volonté à notre égard. Nous
avons perdu du temps, nous avons manqué les
occasions.
Persévérants dans la
prière. Mes frères. si nous ne
l'avons pas été jusqu'ici. il faut le
devenir. Ce ne sera qu'à cette
condition-là que notre vie chrétienne
sera prospère, que notre sentier
s'éclairera, que nous pourrons faire ce que
Dieu nous ordonne et être, dans notre
faiblesse, quelque chose à la louange de la
gloire de sa grâce. 0 Dieu, vivifie donc en
nous l'esprit de prière
et de supplication ! Seigneur Jésus,
enseigne-nous à prier, afin qu'on nous voit
joyeux dans l'espérance et patients dans
l'affliction ! Et lorsque nous ne saurons pas
ce que nous devons demander pour prier comme il
faut, soulage-nous dans nos faiblesses, Dieu
Saint-Esprit, et intercède toi-même
pour nous par des soupirs qui ne peuvent
s'exprimer. Amen.
Toujours
avec
nous.
Voici, je suis toujours avec vous
jusqu'à la fin du monde.
Matth.
XXVIII, 20.
Connaîtriez-vous quelque parole d'adieu
plus belle, plus consolante, plus surprenante que
celle-ci : Voici, je suis toujours avec vous
jusqu'à la fin du monde ? Plus belle et
plus consolante, parce qu'elle efface jusqu'au
dernier nuage de tristesse que la séparation
aurait voulu laisser dans les coeurs. Plus
surprenante, parce qu'elle fait de la
séparation même le moyen d'une
constante union. Arraché à ces
conditions humaines qu'il avait voulu accepter pour
un temps, élevé dans la gloire,
vivant de la vie des cieux, revêtu de la
toute-puissance, Jésus pourra se tenir et se
tiendra à côté de tous ceux qui
ont cru en son nom et qui l'aiment. Il sera pour
eux ce compagnon de route que réclament leur
inexpérience et leur faiblesse. Il guidera
lui-même leurs pas, il les conduira
sûrement au-devant de la maison du
Père qui les attend. Il sera présent
dans leurs demeures qui seront transformées
par là en autant de maisons de Dieu. En
toute occasion, ils pourront compter sur
lui et retrouver sa
puissante
main près de la leur.
Qu'il fait bon nous redire tout
cela ! Qu'il fait bon rencontrer une fois de
plus, sur les pages de la Bible, cette ligne mille
fois lue déjà et à laquelle
nous aimons cependant à revenir :
Voici, je suis toujours avec vous jusqu'à la
fin du monde ! Il est des messages que le
chrétien n'aura jamais entendus trop souvent
et qu'il ne se lassera jamais d'écouter.
Parmi eux, je compte le mot d'adieu du Sauveur. Je
sais que vos coeurs l'attendent. Je sais qu'ils
accueilleront avec joie et comme une bonne nouvelle
cet Évangile aussi ancien que le
christianisme lui-même qui leur parle de la
présence constante de Jésus
auprès des siens. Oh ! laissez-moi vous
le redire : Ce Sauveur qui vous est plus
indispensable que vos oeuvres, vos
dévouements, vos cultes, vos Bibles
même, ce Sauveur dont vous ne pourriez
absolument pas vous passer, puisqu'il est, lui, le
chemin, la vérité et la vie, et qu'en
dehors de lui, il n'y aurait que des impasses, des
erreurs et la mort, ce Sauveur est tout près
de vous qui l'avez choisi pour votre Maître.
Il n'attend, pour se donner à vous, aucun
effort qui vous élève dans le ciel
où il vit, où il règne,
où il est adoré et béni ;
les ailes de votre foi ne vous porteraient
peut-être pas si haut. Non. Il est
auprès de vous, aujourd'hui, et il le sera
demain, comme il l'a été hier. Je
suis avec vous jusqu'à la fin du monde,
voilà sa promesse, son engagement, son don.
Emparons-nous-en selon sa bonne volonté.
I
La pensée de la toute-présence de
Dieu n'est pas une révélation propre
au Nouveau Testament seulement. Dans un cantique
d'une haute élévation, David proclame
que Celui qu'il sert et qu'il révère
est partout. Où irai-je loin de ton Esprit,
s'écrie-t-il, où fuirai-je loin de la
face ? Si je monte aux cieux, tu y es si je me
couche dans le sépulcre, t'y
voilà ! Si je prends les ailes de
l'aube du jour et que j'aille demeurer à
l'extrémité de la mer, là
même ta main me conduira et la droite me
saisira. Et cependant, qui ne le saurait, qui ne le
sentirait, le pieux roi était loin de
pouvoir éprouver ce qu'éprouve le
croyant d'aujourd'hui, qui se dit que Jésus
est toujours à ses côtés. David
ne connaissait que ce Dieu dont la gloire
remplissait le tabernacle et le faisait trembler.
David s'écriait, tout aussi bien
qu'Esaïe : Malheur à moi, car je
suis un homme souillé de
lèvres ! David craignait la
présence de Dieu et il ne pouvait pas ne pas
la craindre. La crainte, pour un pauvre
pécheur, n'est changée en joie, en
confiance et en assurance que lorsque cet
Être divin qui s'approche de lui, qui demeure
avec lui, qui le suit de près, qui
l'environne de toutes parts, est le Sauveur, le
Rédempteur, Celui qui a fait la paix de
l'âme avec Dieu, en effaçant le
péché.
Ah ! si je
ne
pouvais voir en ce Jésus qui me dit qu'il
est avec moi tous les jours, que le Saint et le
Juste, issu de Dieu, l'image de Dieu, le
représentant de Dieu ; s'il n'y avait
en lui que le ciel s'abaissant vers ma souillure et
ma faiblesse, je tremblerais à mon tour et
j'attendrais avec angoisse le moment où,
lassé de contempler une vie telle que la
mienne, un coeur désespérément
malin comme le mien, un pauvre et misérable
pécheur comme moi, le Fils du Dieu vivant se
détournerait avec dégoût et
s'en irait chercher quelque autre créature
plus digne de son amour et de sa sollicitude. Mais
voici que Celui qui nous promet sa
toute-présence est non seulement le
Bien-aimé du Père, mais aussi le
Sauveur, le grand, le divin Ami des
pécheurs, l'Agneau de Dieu ayant
expié le péché du monde. Il
connaissait à fond toute l'imperfection
morale et spirituelle, le péché, la
misère de ce groupe de chrétiens
auxquels il promit de ne plus jamais les quitter.
Il avait vu de près leurs
défaillances ; il avait souffert de
leur manque de foi et de charité ; il
n'avait pas réussi à faire d'eux ce
qu'il aurait voulu ; il s'était
attristé de leur peu de docilité. Et
cependant, puisqu'il était venu pour
chercher et pour sauver ce qui était
perdu ; puisque Dieu, dans sa personne,
faisait grâce au pécheur, il n'y avait
pour lui dans ces pauvres disciples rien qui
l'empêchât d'associer sa vie sainte et
divine à celle de ces hommes qui avaient cru
en son nom.
Or, s'il en était ainsi, dans ce
jour où, sur la montagne de la
Galilée, Jésus
parlait aux siens accourus pour le voir une
dernière fois, il en est toujours de
même. Je ne dis pas que le
péché, à ses yeux, ne soit
rien, que le péché ne nous rende pas
coupables et indignes de ce Sauveur - oh ! que
Dieu me garde d'une telle erreur ! Le
péché, ce sera toujours ma honte, ma
perdition, ma ruine. Mais ce qu'au nom de
l'Évangile et de l'expérience
chrétienne je soutiens, c'est que ce n'est
pas ma souillure morale qui empêchera
Jésus de se donner à moi, ni
d'être avec moi. Pourvu qu'attristé
d'être tel que je suis, je lui dise :
« Sauve-moi, moi qui suis perdu sans
toi ! » il réalisera pour moi
aussi sa bonne parole. Il sera avec moi, lui, le
Fils du Dieu béni, le Puissant auquel ont
été remises les clefs de l'enfer et
de la mort, lui, le grand Intercesseur pour les
coupables. Il sera avec moi, lui, aussi juste que
je suis injuste, aussi bon que je suis mauvais. Il
sera avec moi, sans que je doive redouter la
présence de ce Saint ; avec moi, pour
recevoir journellement les aveux de ma
culpabilité et de ma misère ;
avec moi, pour écouter avec patience la
confession de mes fautes et pour me purifier de mon
péché ; avec moi, pour me dire
qu'il me sauvera, moi qui le lui demande avec
humilité.
II
J'ai envisagé la promesse de Jésus
au point de vue des personnes qu'elle met en
relation l'une avec l'autre : le Fils de Dieu
d'une part, l'homme pécheur de l'autre.
Laissez-moi ajouter qu'elle répand sur toute
l'existence de ce dernier des flots de
bénédictions. Vous connaissez la vie
des premiers disciples, la vie aussi de Saint Paul
qui ne tarda pas à se joindre à eux
en bénissant le nom de ce Jésus qu'il
avait persécuté. Ils ne sont qu'une
poignée d'hommes sujets à des
infirmités de toute sorte, dépourvus,
pour la plupart, de ce que le monde appelle moyens
et capacités, et dont la richesse ne
consiste qu'en trésors invisibles et
spirituels. Le nom de Jésus gravé
dans leurs coeurs, voilà leur bien ! Il
avait dit : Je serai avec vous, et se
souvenant de cette parole, se confiant en la
fidélité de Celui qui avait fait
cette promesse, ils travaillent, ils parcourent la
terre, ils prêchent l'Évangile et ils
rendent leur témoignage devant les rois et
les nations. Et les voilà qui non seulement
échappent à mille dangers, mais aussi
qui sont écoutés et frappent les
grands de la terre par leur sagesse. L'un de
ceux-ci, le roi Agrippa, s'écrie : Il
s'en faut peu que tu ne me persuades d'être
chrétien ! et le prisonnier qui se
tient devant ce puissant, lui fait cette
réponse pleine de
courage : Plût à Dieu qu'il n'en
fallût rien du tout que non seulement toi,
mais aussi tous ceux qui m'écoutent
aujourd'hui, ne devinssiez tels que je suis,
à la réserve de ces liens ! On
jette les apôtres en prison, et leur
geôlier, converti à Christ,
demande : Que faut-il que je fasse pour
être sauvé ? On les fait mourir
et ils confessent que c'est avec joie qu'ils
servent d'aspersion sur l'offrande et le sacrifice
de la foi des troupeaux chrétiens. Ils n'ont
rien, et ils en enrichissent plusieurs. Ils
succombent, et les voici qui chantent la victoire.
Où donc est le secret de ces miracles ?
Où donc est la force qui agit dans ces
quelques-uns qui se tiennent en face du monde
entier ? Ces péagers, ces
pêcheurs, ces faiseurs de tentes, ces hommes
sans culture d'esprit les uns, sans force physique
les autres, ces puissants, ces vainqueurs, ce sont
ceux auxquels Jésus a dit : Je suis
avec vous !
Un enfant de Dieu en
Jésus-Christ, un serviteur, une servante du
Sauveur, un disciple du Crucifié peut
manquer de tout ce que le monde déclare
être indispensable à la vie
présente : fortune, science, parents,
amis, et cependant être un homme heureux et
utile. S'il est vrai qu'il se soit approprié
par la foi cette promesse que Jésus a fait
rayonner sur la vie des premiers
chrétiens ; s'il est vrai qu'il croie
à la présence invisible de son
Maître et que, tous les jours, il saisisse la
bonne et fidèle main que Jésus lui
tend ; s'il est vrai que, chaque matin, il
ouvre la porte de sa maison et de son coeur au
divin Ami qui demande à y
être admis et qu'il l'accueille par ce mot
Entre, béni de l'Éternel, pourquoi te
tiens-tu dehors - s'il permet, de la sorte,
à Jésus de réaliser cette
parole : Je suis avec vous, il sera, lui qu'on
dit malheureux, pauvre et faible, un homme riche,
heureux et fort. Heureux, puisque le bonheur n'est
pas dans les biens de ce monde, ni même, en
dernier lieu, dans les liens de la famille et de
l'amitié, mais dans la possession de la paix
que Jésus seul peut donner et conserver au
coeur. Riche, parce que, auprès du bon
Maître, il trouvera en abondance ce qu'il
faut pour satisfaire les besoins de son âme.
Fort, parce que Jésus sera son appui, sa
force et sa sagesse. Supprimez, effacez pour le
chrétien ces quelques mots : Je suis
avec vous, et il sera livré au
découragement, à l'ennemi qui
l'assaille sous la forme de l'épreuve ou de
la tentation, à mille puissances toutes
prêtes à se jeter sur lui pour le
perdre !
Ôtez de ses côtés son
grand et divin allié, et il ne pourra plus
combattre le bon combat, il ne pourra plus, dans
son travail de tous les jours, faire l'oeuvre que
Dieu lui a confiée, il ne pourra plus
confesser, par son silence aujourd'hui, par son
courageux témoignage demain, le saint nom en
qui seul il y a du salut ; il ne saura plus
dompter sa langue ni son coeur, pardonner, aimer,
supporter, espérer, attendre la
délivrance, croire en l'amour invariable de
Dieu. Non, il ne pourra plus rien faire, il ne sera
plus rien, celui qui aura perdu Jésus. Mais
il sera quelque chose, il sera un homme soutenu,
béni et répandant
la bénédiction, il sera pour
plusieurs comme un miracle et il achèvera sa
course avec joie, celui qui possède cette
promesse et pour lequel elle s'accomplit :
Voici, je suis toujours avec vous jusqu'à la
fin du monde. Oui, mes frères, elle donne
tout, elle apporte tout à la faiblesse
humaine, elle est une source inépuisable de
consolation, de force et de bonheur intime, cette
parole d'adieu du Sauveur à l'adresse des
siens.
III
Il me reste à mettre le doigt sur un
dernier point : c'est que ce bon Maître
dont la présence sera la vie pour les siens,
s'engage à être avec eux toujours,
jusqu'à la fin du monde. Toujours, vous
l'avez entendu ! Toujours ! Dites-moi
l'heure, le moment qui ne seraient pas compris dans
ce toujours, prononcé par les lèvres
les plus autorisées. À moins que
notre petite foi ne crée je ne sais quelles
interruptions, quelles suspensions, toujours.
Dites-moi encore à quel croyant Jésus
n'aurait pas pensé en
s'écriant : Jusqu'à la fin, du
monde ! Sa parole n'embrasse-t-elle pas toutes
ces générations chrétiennes
qui se sont déjà
succédé et qui se succéderont
encore ici-bas ! N'a-t-elle pas
été dite pour toi et pour moi, tout
aussi bien que pour les
disciples de la première heure ?
À moins donc que nous ne nous
séparions nous-mêmes, par un acte de
volonté, d'avec tous ces heureux qui peuvent
se dire qu'elle leur appartient, elle est à
nous. Oh ! ne doutons donc plus, ne doutons
plus jamais de la présence de
Jésus-Christ,
Ne disons plus, dans telle circonstance
douloureuse, dans tel jour obscur, en face de telle
dispensation mystérieuse : Il n'est
plus là ! Ne l'accusons pas d'avoir
rompu son engagement. Il n'est pas homme pour
mentir, ni fils d'homme pour se repentir. Sa parole
ne souffre pas non plus plusieurs
interprétations. Elle est simple, elle est
claire, elle est vraie, et rien au monde ne la fera
disparaître du souvenir
chrétien.
Toujours avec vous jusqu'à la fin
du monde ! Mes frères, en possession de
ces promesses et de ces grâces, nous
continuerons notre course avec joie. Quoi qu'il
arrive, nous ne serons pas seuls. Et toi, divin
Sauveur, augmente et fortifie en nous la foi qui
sait compter sur toi, d'heure en heure et pour
toutes choses. Amen.
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