Sermons et
Méditations
L'Éternel est mon berger.
Lire le
psaume XXIII.
Qui n'aimerait le psaume 23 ?
C'est, parmi les cantiques de nos livres
sacrés, celui que nos enfants apprennent le
premier et dont les doux accents les touchent le
plus. C'est celui vers lequel le chrétien
mûri à l'école du Seigneur
retournera souvent, parce qu'il y respire la paix,
la confiance, la sainte assurance de l'enfant de
Dieu. C'est un de ceux sur lesquels, pour les
croyants de la nouvelle alliance, les paroles de
Jésus-Christ, le bon Berger,
répandent une grande et vive lumière
et dans lesquels ils rencontrent et la sollicitude
et la puissance de ce Sauveur qui a promis à
ses brebis la vie, et la vie avec abondance. Ne
dirait-on pas aussi que, dans nos temps remplis
d'agitation, à cette époque
d'activité fiévreuse où le
repos de l'âme et du coeur semblent de plus
en plus introuvables ici-bas, c'est ce cantique de
David qui s'offre à nous comme une terre de
refuge, une oasis où l'on renaît,
où l'on retrouve le calme et, avec lui, de
nouvelles forces pour la lutte de la vie ?
Écoutez : L'Éternel est mon
berger, je n'aurai point de disette. Il me fait
reposer dans de verts pâturages, il me dirige
vers des eaux paisibles. Il
restaure mon âme, il me
conduit dans les sentiers de la justice, à
cause de son nom. Quand je marche dans la
vallée de l'ombre de la mort, je ne crains
aucun mal car tu es avec moi. Ta houlette et ton
bâton me rassurent. Tu dresses devant moi une
table, en face de mes adversaires ; tu oins
d'huile ma fête et ma coupe déborde.
Oui, le bonheur et la grâce m'accompagneront
tous les jours de ma vie, et j'habiterai dans la
maison de l'Éternel jusqu'à la fin de
mes jours.
Ah ! qu'il fait bon entendre cela et
qu'heureux sont ceux dont le coeur, riche de plus
d'une expérience belle, salutaire,
précieuse, sait répéter ces
paroles avec conviction, au nom de
Jésus-Christ !
Ce sont quatre images que David emploie
successivement, pour décrire le bonheur dont
son Dieu l'avait fait jouir. Il nous dit avoir
trouvé dans l'Éternel un berger, un
conducteur, un gardien et un hôte. C'est
ainsi qu'il développe sa pensée et
que celle-ci, sans être modifiée quant
au fond. revêt des nuances toujours
nouvelles. Le sujet dont il s'occupe est si grand
et lui tient tant à coeur, qu'il aime
à y revenir, cherchant à se
compléter et n'arrivant cependant pas
à tout dire.
Et d'abord : l'Éternel est mon
Berger, s'écrie-t-il. Mon Berger hier,
aujourd'hui, toujours, dans n'importe quelle
situation de ma vie. Mon Berger ! Image
touchante qui rappelle tout à la fois la
faiblesse de l'homme, l'urgent besoin qu'il a d'un
appui, l'impossibilité dans laquelle il se
trouve de traverser seul la vie,
et toute la condescendance, toute la tendresse et
toute la sollicitude de Dieu à son
égard. Que deviendra la brebis qui n'a pas
de berger ? elle n'échappera pas aux
ennemis qui lui disputent la nourriture et la
vie ; égarée, elle ne retrouvera
pas le chemin du bercail ; fatiguée,
blessée, elle succombera dans le
désert. Il lui faut les soins entendus, la
sagesse et l'appui du berger. La condition de son
existence est là. Qui le savait mieux que
David, lui que l'Éternel avait fait chercher
du milieu des troupeaux qu'il paissait dans les
campagnes de Bethléem ? Ce furent les
souvenirs de sa jeunesse. ce fut le souvenir de ce
qu'un jour il avait été appelé
à être et à faire pour de
faibles créatures confiées à
ses soins et dont tout l'espoir reposait sur lui
seul, qui lui suggéra et qui lui rendit
chère à jamais l'image d'un berger
sous laquelle apparaissait à son âme
le Tout-Puissant auprès duquel il
était à l'abri. L'Éternel est
mon Berger, Je ne manquerai de rien ; il me
fait reposer dans de verts pâturages, il me
dirige près des eaux paisibles ; il
restaure mon âme. C'était dire :
moi, faible, dépourvu de tout, incapable de
me procurer ce qui m'est nécessaire, moi qui
ai faim et soif de bonheur et de vie et dont
l'âme ne saurait se contenter de ce que lui
offre la terre, je possède en mon Dieu Celui
qui pourvoit à tout. Pas d'heure où
il ne me suive du regard, où il ne s'occupe
de moi, où il n'ait pour moi une
pensée d'affection, où il ne soit
prêt à venir à mon secours. Pas
de besoin en moi auquel il ne
puisse répondre. Pas de grâce qui me
soit nécessaire et qu'il me refuse.
L'Éternel est mon Berger ! oh ! le
repos du coeur que doit avoir éprouvé
celui qui le disait ! - Et des lèvres
du roi de l'ancienne alliance, cette confession
doit passer sur celles des rachetés de
Jésus-Christ. C'est à eux que le
divin Berger de David se donne sous la forme du
Sauveur, descendu dans le désert de ce monde
afin d'en ramener et d'abriter sous sa houlette la
brebis égarée et perdue. À
vous et à moi, également
misérables sans lui, il vient journellement
offrir la vie, les frais pâturages et les
clairs ruisseaux. À vous et à moi, il
demande une seule chose, c'est que tournant le dos
à tous les mercenaires qui nous entourent,
réclamant nos coeurs, s'imposant avec leurs
promesses fallacieuses, nous le choisissions, lui,
pour notre Berger. Puissants sont les attraits
qu'exercent sur nous les choses d'ici-bas.
Nombreux sont les systèmes et les
maîtres qui se présentent avec la
prétention de satisfaire les besoins de
l'âme. Ici et là, des centaines et des
milliers d'hommes se laissent séduire,
cèdent, obéissent et attendent sur
cette voie le repos et la paix. Vaine
espérance ! Il n'y en a qu'un seul
auprès duquel on apprenne à
dire : Il me fait reposer dans des parcs
herbeux, il me dirige près des eaux
paisibles, il restaure mon âme. C'est ce
Jésus qui s'est écrié un
jour : Venez à moi, vous tous qui elles
travaillés et chargés, et je vous
soulagerai ; à moi, et vous
trouverez ; le repos de vos âmes,
à moi, qui suis le bon Berger. Et nous,
avons-nous écouté
ces appels, cru à cette parole ?
Confessons-nous : Il est mon
Berger ?
S'il en est ainsi, nous poursuivrons avec le
Psalmiste : Il me conduit dans les sentiers de
la justice, à cause de son nom. Le premier
devoir qui incombe au berger vis-à-vis de
son troupeau et de chaque brebis en particulier,
c'est de les guider. Le berger, c'est le conducteur
qui mène la brebis où il veut et dans
la conduite duquel la brebis a une pleine et
entière confiance. Qui ne connaîtrait
les chemins étranges par lesquels il a plu
à Dieu de faire passer David ?
Difficiles, compliqués, tortueux, souvent
inexplicables pour la raison humaine, ils font
traverser à l'élu de Dieu les
vallées profondes de l'humiliation, de la
douleur et de l'affliction. Il y a là ce que
David appelle la vallée de l'ombre de la
mort. Il y a là aussi des détours qui
paraissent inutiles ; il y a du temps qu'on
dirait perdu. Il y a des jours où le
serviteur de Dieu a été près
de perdre courage et dans lesquels on eût pu
lui adresser cette parole dite par Esaïe au
peuple d'Israël : Pourquoi dis-tu, Jacob,
pourquoi dis-tu, Israël : Ma
destinée est cachée devant
l'Éternel, mon droit passe inaperçu
devant mon Dieu ? Il y a eu ce que nous
nommerions des heures mauvaises, des
journées mauvaises, des années
mauvaises. Néanmoins, parce que
l'Éternel était son Berger, le pieux
roi en est toujours revenu à se dire :
Il me conduit dans les sentiers de la Justice
à cause de son nom. Je ne crains aucun
mal ; sa houlette et son bâton me
rassurent.
Comprenons-nous toute la portée de
ces paroles ? Elles formulent cette assurance
que les chemins de l'Éternel sont bons,
qu'il ne se trompe jamais, qu'il conduit
sûrement et droit au but ceux qui se sont
abandonnés à lui. Elles affirment que
c'est l'homme qui voit mal, qui ignore, qui
s'égare dans ses appréciations et
dans ses jugements. Elles sont, de la sorte,
l'expression de la foi qui ne voit rien, mais qui
suit, sans douter, d'étape en étape,
Celui qui, la houlette du Berger à la main,
ouvre la route et indique le bon chemin.
Elles nous font voir un homme qui, là
même où l'horizon est chargé de
nuages, où la lumière
s'éteint, où il ne sait plus
où il va ni comment il faut avancer, marche,
marche toujours, en se confiant aveuglément
au guide qui le précède. - Et
voilà pour nous un exemple à imiter.
Après tant de siècles, les
écoles de foi qui furent
réservées à David, se
renouvellent encore pour n'importe quel enfant de
Dieu. Plus les uns, moins les autres, ils sont tous
appelés à s'engager dans des sentiers
qu'ils n'auraient pas choisis, à attendre,
à patienter, à accepter ce qui
paraît difficile, désagréable,
fâcheux. Quelquefois, il leur faut descendre
tout en bas, perdre toute clarté,
tâtonner dans l'obscurité. Presque
toujours, avec les difficultés, se
présentera la tentation. S'il leur avait
été permis de se guider
eux-mêmes, n'auraient-ils pas mieux fait, su
éviter la complication et la douleur,
alléger le fardeau ? Ou bien, Dieu,
après tout, les aurait-il peut-être
oubliés, se serait-il
trompé de route à leur
égard ? Ou bien son oreille serait-elle
devenue trop pesante pour entendre ? Ou bien
sa main serait-elle trop courte pour
racheter ? C'est en face de ces pensées
de doute ou de subtile révolte, c'est en
présence des mystères qu'offre la vie
du croyant, que la foi se souviendra de cette
parole de David et qu'elle la
répétera : Il me conduit dans
les sentiers de la justice pour l'amour de son nom.
Oublier cela, c'est être emporté par
les flots, c'est sombrer, c'est périr,
c'est, de plus, couvrir d'opprobre le nom de Celui
qui s'appelle le bon Berger et auquel le coeur
accorde ce titre. Infidèle ou impuissant, le
berger qui laisse sa brebis sera
nécessairement l'un ou l'autre. Mais
Jésus est fidèle et puissant.
Toujours fidèle et revêtu de
toute-puissance, il conduit, malgré les
apparences contraires et pour l'amour de son nom,
chacun des siens dans les sentiers de la
justice.
Le berger encore, sera le gardien de sa
brebis. Elle est menacée, elle est en
danger, elle peut être exposée
à mille malheurs. Son séjour dans le
monde amène cela nécessairement. Qui
l'a su mieux que David ? Qui a connu plus
d'adversaires que lui ? Qu'on lise ses
cantiques composés pendant qu'il s'enfuyait
persécuté, proscrit. Quels cris de
détresse dans ces jours terribles où,
haï sans cesse, il eut l'insigne honneur
d'être le type du grand et divin martyr de la
nouvelle alliance ! Et cependant, c'est dans
cette extrémité même
qu'éclate pour lui toute la
grâce de son Dieu. La
houlette du Berger se transforme en bouclier qui le
couvre, en épée qui le défend.
Il y a plus. À l'heure où les
adversaires auraient voulu lui ravir son dernier
morceau de pain, il se sent bien gardé,
soutenu, nourri, rassasié de bonté
à tel point qu'il choisit, pour
dépeindre sa position, ces termes
frappants : Tu dresses devant moi une table,
en face de mes ennemis, tu oins ma tête
d'huile et ma coupe déborde. Oui, le bonheur
et la grâce m'accompagneront tous les jours
de ma vie. Les délices d'un festin, c'est
l'image de la parfaite sécurité et de
la joie dont Dieu remplit l'âme de son
serviteur opprimé, chassé et
spolié. Les biens et la miséricorde
s'attachant à ses pas, et prenant, pour le
suivre, la place de ses ennemis mortels, c'est
l'image du salut le plus complet que Dieu accorde
à celui qu'on avait voué à la
mort.
Que vous en semble ? Le Dieu qui s'est
montré si jaloux de sauver David et de
retirer de la fosse cet homme qui l'aimait,
n'agira-t-il pas de même à notre
égard ? Le bon Berger de la nouvelle
alliance n'a-t-il pas laissé aux siens cette
promesse : Ils ne périront jamais et
nul ne les ravira de ma main ? Ne s'est-il
s'est-il pas jeté au-devant du loup pour
sauver ses brebis ? Chacun de nous n'a-t-il
pas déjà vu son bras levé pour
la défense de son racheté ?
Ah ! mes frères, si Jésus-Christ
est notre Berger, nous possédons en lui un
gardien qui n'a jamais fait défaut et qui
sera toujours là. Quel que soit l'ennemi qui
vous effraie, votre cause est
entre de bonnes et fortes mains. Garder la foi,
compter sur Christ, tout est là. Les
miracles de délivrance se
préparent : La table dressée, la
coupe qui déborde, la tête ointe
d'huile. Y a-t-il une chose qui soit impossible
à Dieu, impossible à
Jésus-Christ qui a dit : les portes de
l'enfer ne prévaudront pas contre mon
Église ? Oh ! le bonheur de
marcher et de lutter sous la houlette d'un tel
Berger !
Et cependant, il est une grâce plus
grande encore. David la connaissait, l'entrevoyait.
J'habiterai, dit-il. dans la maison de
l'Éternel jusqu'à la fin, de mes
jours. C'est le repos après la marche et la
lutte. C'est l'homme accueilli dans la demeure de
Dieu, c'est le Berger devenu l'hôte de sa
brebis, après l'avoir guidée et
gardée dans les sentiers d'un long et
fatigant pèlerinage ! David n'a-t-il
pensé qu'au repos qu'après des
années de luttes et de troubles il
trouverait à Jérusalem, ou bien ses
pensées se sont-elles élevées
plus haut que la terre ? Qui le dira ?
Quoi qu'il en soit, les ailes de l'espérance
le transportent au delà de ce qu'il voit et
le placent en face de la plénitude de la
délivrance : Habiter dans la maison de
l'Éternel. - Et voilà où
doivent aboutir, pour nous aussi, ces chemins
parfois étranges où nous met, nous
précède et nous garde le divin
Berger. Habiter dans la maison de l'Éternel
pour longtemps, c'est le but au-devant duquel il
conduit les siens. C'est ce que prépare pour
nous sa grâce qui nous prévient, nous
accompagne et nous suit. Habiter dans la maison de
l'Éternel pourlongtemps,
être toujours avec le Seigneur, Dieu en
Jésus Christ nous a destinés à
cela et c'est par ces paroles qu'un apôtre
nous exhorte à nous consoler les uns les
autres.
Mes frères, est-ce assez beau ?
est-ce assez grand ? Ne vous semble-t-il pas
que ce cantique de David sur lequel se sont
arrêtés nos regards, est comme une
corne d'abondance d'où s'échappent
des grâces plus précieuses les unes
que les autres ? Quelles offres de la part de
Dieu ! Quelles promesses ! Quelles
perspectives ouvertes ! sachons nous en
souvenir, jusque dans ces heures difficiles
où le sentiment de la fidélité
de Dieu nous fait défaut et où sa
face se cache devant nous. Au milieu des hauts et
des bas qu'il y a dans notre esprit et dans notre
coeur, rappelons-nous que le céleste Berger
est plus près de nous que nous ne pensons.
Ramenons le regard sur cette page de notre Bible
qui nous parle de lui, de sa sollicitude et de sa
puissance. Disons nous que tout cela est
écrit pour nous aussi et que le Dieu de
David est aussi notre Dieu, en Jésus-Christ.
Amen.
La force
du
Seigneur.
C'est lui qui donne de la force
à celui qui est lassé, et qui
multiplie la vigueur de celui qui est affaibli. Les
jeunes gens se lassent et se travaillent ;
même les jeunes gens choisis tombent
lourdement. Mais ceux qui s'attendent à
l'Éternel reprennent de nouvelles forces.
Les ailes leur reviennent comme aux aigles ;
ils courront et ne se fatigueront point ; ils
marcheront et ne se lasseront point.
Es.
XL, 29-31.
Elle est humiliante, mais elle est surtout
souverainement consolante, la parole sur laquelle
se sont arrêtés nos regards.
Humiliante, parce qu'elle nous rappelle nos pauvres
conditions humaines, nos faiblesses, nos
défaillances, nos découragements, nos
chutes. Consolante, parce qu'elle ouvre devant nous
des trésors de force dans lesquels elle nous
invite à puiser ; consolante, parce
qu'elle promet la victoire à ceux qui
marchent de défaite en défaite ;
consolante, parce qu'elle nous montre le ver de
terre transformé en aigle, la puissance de
Dieu substituée à l'infirmité
de l'homme. Que tout soit pour nous, à cette
heure : l'humiliation et la consolation. Que
Dieu rende nouveaux, pour nous, ces appels qu'il a
fait retentir, il y a de longs siècles, par
la bouche de son saint prophète, à
l'adresse de son peuple, captif à Babylone.
Qu'il nous attire puissamment à lui,
nous apprenant à nous confier en son saint
et grand nom auquel, d'éternité en
éternité, appartiennent l'honneur, la
louange et la force. Amen.
I
Les jeunes gens se lassent et se travaillent,
même les jeunes gens choisis tombent
lourdement ; triste et humiliant aveu !
C'est dire que la fleur même de
l'humanité avec tout ce qu'elle a de forces
naturelles, succombe au combat de la vie. Qu'en
sera-ce donc des moins vigoureux et des plus
petits ?
Israël avait fait à cet
égard les expériences les plus
tristes. En possession du bon pays que Dieu lui
avait donné, enrichi, puissant, victorieux
de beaucoup d'ennemis, il avait fièrement
dressé la tête. Oubliant,
méprisant Dieu, estimant pouvoir se diriger
seul, il avait fait la guerre à ses voisins,
ambitionné de jouer un rôle dans la
politique de l'Orient, cherché une gloire
autre que celle d'être le peuple de Dieu et
l'instrument que l'Éternel s'était
choisi. Hélas ! sa conduite avait eu
les conséquences les plus graves et les plus
douloureuses ! Il était tombé,
tombé lourdement, pour en arriver, de chute
en chute, d'humiliation en humiliation, de
détresse en détresse, à cette
terre d'exil, sur les rives des
fleuves de Babylone, où il pleurait sa
liberté, sa patrie, son sanctuaire et
soupirait dans les chaînes de la
captivité.
Qu'ils ont été nombreux,
dès lors, ceux qui, remplis du sentiment de
leur force, de leur savoir-faire, de leur
excellence, ont été appelés
à des humiliations, à des
déceptions et à des douleurs !
Quelles sérieuses leçons que celles
que Dieu donne à ce sujet, année
après année, à la jeunesse qui
grandit à nos côtés !
Quelles leçons, plus sérieuses
encore, que celles qu'il nous prépare
à nous, qui, à l'école de son
Esprit, aurions dû dès longtemps
apprendre à nous méfier de
nous-mêmes et à compter sur lui
seul ! Qui n'aurait jamais arrêté
un regard effrayé sur Simon Pierre, si
sûr de lui-même, si prompt à
faire les plus belles promesses, si disposé
à suivre Jésus, si vaillant à
ses propres yeux et, quelques heures plus tard, si
coupable, si couvert de confusion, si indigne de
l'amour de son Sauveur et n'ayant plus rien
à lui offrir que les larmes du
repentir ? Mais le pauvre disciple n'a-t-il
pas eu des centaines et des milliers
d'imitateurs ? Son péché ne
s'est-il pas retrouvé chez chacun de nous,
sous la forme de la confiance en
nous-mêmes ? Et Dieu n'a-t-il pas
été obligé de nous montrer que
notre force n'est que faiblesse et notre sagesse
que folie ? Nous avons cru bien parler, bien
faire, et voici que nous nous sommes trompés
et que nous sommes arrivés à des fins
contraires à celles que nous avions
rêvées ! Nous avons voulu
glorifier Dieu, et voici que
nous avons été en opprobre à
son saint nom ! Nous nous sommes dits
maîtres de la situation, et voici que les
embarras et les complications se multiplient et ne
laissent plus d'issue ! Pourquoi ? C'est
parce que, sans nous l'avouer peut-être, nous
avons compté sur nous-mêmes ou bien
sur nos semblables, sur la faiblesse humaine, en un
mot, plutôt que sur le Seigneur !
Sur nous-mêmes ! Le dirait-on
possible après tout ce que Dieu nous a fait
voir de l'inconstance de nos pauvres coeurs, des
illusions dont nous nous berçons sur nos
qualités et nos mérites, des
misères qui nous remplissent et nous ont
déjà préparé tant de
salutaires humiliations ! - Sur
nous-mêmes, qui, si nous avions quelque peu
appris la vérité, dirions
journellement avec le sage et puissant
Salomon : Voici je ne suis qu'un jeune
garçon, qui ne sait point comment il faut se
conduire ; donne donc à ton serviteur
un coeur intelligent pour juger ton peuple et pour
discerner entre le bien et le mal. - Sur
nous-mêmes, si promptement à bout de
sagesse et de forces, si vite abattus, si
facilement entraînés et placés
dans des situations où nous en sommes
réduits à crier au secours.
Et sur les autres, nos semblables, nos
appuis terrestres, nos amis ! S'ils nous
aiment et nous veulent du bien, s'ils savent nous
entourer de conseils et d'affection, s'ils sont
prêts à faire pour nous des
sacrifices, ne sont-ce pas toujours cependant des
hommes, des créatures faibles et en
définitive impuissantes,
des roseaux comme nous ? Et tel allié,
sur lequel nous nous étions assurés,
ne nous a-t-il pas laissés, ne s'est-il pas
fatigué de nous, ne s'est-il pas
montré indifférent, sourd à
nos désirs ? Ah ! qu'il a dit
vrai, ce prophète qui s'est
écrié : Maudit soit l'homme qui
se confie en l'homme ! Et encore :
Malheur à ceux qui descendent en
Égypte pour avoir du secours, qui s'appuient
sur les chevaux et mettent leur confiance en leurs
chariots, quand ils sont en nombre, et dans leurs
gens de cheval quand ils sont forts, qui n'ont
point regardé au Saint d'Israël et qui
n'ont point recherché l'Éternel des
armées !
Jamais, non, jamais, elle ne cessera
d'être vraie, pour notre humiliation, cette
parole autour de laquelle nous nous groupons dans
ce jour : Les jeunes gens se lassent et se
travaillent, même les jeunes gens choisis
tombent lourdement. Souvenons-nous-en. Confessons
que quand nous sommes forts, forts de notre force,
c'est alors que nous sommes faibles. Apprenons
à regarder ailleurs qu'à
nous-mêmes, à chercher pour le combat
de la vie un allié meilleur que ceux de la
terre, à nous réfugier sur le rocher.
II
Le rocher, tout enfant saurait nous le dire,
c'est le Seigneur, notre Dieu en
Jésus-Christ, c'est le Sauveur,
notre divin Ami. Quand
Israël, aux eaux de Babylone, eut vu
s'évanouir ses rêves de grandeur et de
gloire humaines, quand la fille de Sion, appauvrie,
ne posséda plus que son sac et ses cendres,
le prophète la remit en présence de
ce Dieu puissant et fidèle, qu'elle avait
méprisé aux jours de son bonheur, et
lui cria : C'est lui qui donne de la force
à celui qui est lassé, et qui
multiplie la vigueur à celui qui est
affaibli. Ceux qui s'attendent à
l'Éternel reprennent de nouvelles forces,
les ailes leur reviennent comme aux aigles ;
ils courront et ne se fatigueront point ; ils
marcheront et ne se lasseront point. Puis,
déroulant devant le peuple, devenu
misérable, une suite de tableaux
prophétiques plus beaux les uns que les
autres, il lui montre, jusque dans les
détails, ce que pourra opérer en sa
faveur la main toute-puissante de Dieu. Elle
ramènera les captifs qu'elle soutiendra
pendant la marche si bien que, sans se fatiguer,
ils atteindront la patrie ; elle les
revêtira de force et de grâce, elle les
bénira, elle dirigera, avec sagesse et
amour, les destinées de tout le peuple de
Dieu à travers les siècles jusqu'au
moment où, sous son regard
étonné, naîtront de nouveaux
cieux et une nouvelle terre. Des eaux de Babylone
au fleuve de vie de la Jérusalem
céleste, voilà le vol que prendront
ceux auxquels l'Éternel aura donné sa
force.
Et Dieu, dès les temps anciens,
où furent prononcées ces choses,
jusqu'à aujourd'hui, n'a-t-il pas toujours
été Celui qui soutient, qui fortifie,
qui fait triompher les
siens ? Point de variation, ni aucune ombre de
changement dans ce Père des lumières
qui fait descendre sur ce pauvre monde les
grâces excellentes et les dons parfaits.
Aucune difficulté, aucune complication,
aucune détresse, où sa main se soit
trouvée trop courte pour pouvoir
délivrer et ou son oreille n'ait plus
entendu le soupir de sa créature. Admirable
en conseils, magnifique en moyens, c'est ainsi que
le caractérise Esaïe, et c'est ainsi
qu'aujourd'hui encore nous le connaissons. Aucune
bonne cause qu'il n'ait fait triompher, à
travers les afflictions, les défaites
même, au delà de tout ce qu'avait
osé espérer la foi. Aucun mal dont sa
sagesse n'ait su tirer le bien ! Pas un seul
membre de la grande famille des affaiblis auquel,
en retour d'un cri de grâce, il n'ait rendu
la force, autant de force qu'il fallait pour la
peine de chaque jour. L'Eglise, tout aussi bien que
ceux dont elle se compose, le plus petit des
croyants tout aussi bien que l'assemblée du
peuple de Dieu, n'ont jamais cessé de se
renouveler, de retrouver leur vigueur et leurs
ailes d'aigle au contact de Celui dont il est
dit : Tu as été la force du
pauvre, la force du misérable.
Et nous, mes frères, nous n'avons
point été exclus de ces
privilèges. Que de fois Dieu n'a-t-il pas su
nous rendre, à nous aussi, les forces
perdues sous le fardeau du jour et sous le faix,
plus lourd encore, de nos fautes et de nos
erreurs ! Aussi sûrement que nous avons
succombé toutes les fois que nous avons
voulu courir tout seuls,
aussi
sûrement notre Dieu nous a soutenus quand
nous avons regardé à lui. Le Seigneur
m'a aidé ! dans combien de
circonstances de nos vies n'avons-nous pas
été obligés de le dire !
Que de chemins, barrés hier, qui se sont
ouverts aujourd'hui ! Que de montagnes
infranchissables à vues humaines et qui sont
franchies maintenant ! Que de déserts
arides où de plus forts, de plus vaillants
que nous auraient succombé, et au travers
desquels nous avons été comme
portés, si bien que nous nous écrions
avec le patriarche : Qui suis-je, Seigneur
Éternel ! et quelle est ma maison que
tu m'aies fait parvenir jusqu'à ce point
où je suis ? Est-ce là la
manière d'agir des hommes, Seigneur
Éternel ? Voici, je suis trop petit
auprès de toutes tes faveurs et de la
vérité que tu as gardée dans
les promesses envers ton serviteur !
III
De tout cela se détache pour nous un
devoir, le grand devoir de notre vie : Nous
attendre à l'Éternel ;
voilà ce que nous avons à faire. Cela
aussi, on nous l'a dit plus d'une fois, mais jamais
on ne nous le dira assez.
Ceux qui s'attendent à
l'Éternel, s'écrie le
prophète, reprennent de nouvelles forces.
Par là, il presse le
peuple de regarder plus
haut que
la terre d'exil qui le portait, plus haut que le
passé qui l'accusait et qui semblait un
irréparable malheur, plus haut que le
tombeau qui avait englouti sa richesse et son
indépendance nationale, plus haut que la
puissance de Babylone qui le tenait
enchaîné. À
l'Éternel ! regardez ; à
l'Éternel, confiez-vous en
l'Éternel ! voilà le salut.
O leçon si douce, si facile et que
cependant nous sommes si lents à
apprendre ! C'est aux circonstances que nous
regardons, c'est avec les choses et les hommes que
nous comptons, c'est sur les vagues et le vent que
s'arrêtent nos yeux. Et comme les disciples
ballottés sur le lac de Tibériade,
comme Pierre allant au-devant du Seigneur, nous
poussons des cris de détresse, parce que
nous sentons le terrain céder sous nos pas.
Nous attendre à l'Éternel, nous
attendre à Jésus-Christ, nous confier
en cette puissance, cet amour divin qui ne se sont
jamais démentis, compter sur la sagesse du
Maître qui, à travers et contre tout,
a su amener ce que son conseil avait
déterminé, et ce qui était
pour nous la bonne part, le vrai bonheur :
voilà notre sécurité.
- Exposer tous nos besoins avec des
prières et des supplications et des actions
de grâce à Celui qui, avant que la
parole soit sur notre langue, sait
déjà tout, mais qui demande que nous
lui disions toute notre pensée ; croire
qu'il nous entend, qu'il s'occupe de nous, qu'il
dirige, qu'il aidera, qu'il sauvera, là se
résoudront les questions difficiles,
là disparaîtront les lassitudes et les
faiblesses, là les ailes
nous reviendront comme aux
aigles, là s'accomplira cette
promesse : Ta force durera autant que tes
jours ; là ce qui était
impossible ne le sera plus. L'exemple de tous les
hommes de Dieu ne nous le prouve-t-il pas ?
Pierre, fort de sa force, renie le
Maître ! Pierre, s'attendant à la
grâce de Dieu en Jésus-Christ, marche
victorieusement et sait glorifier le Seigneur dans
sa vie et dans sa mort. Paul s'égare et
tombe aussitôt qu'il croit être quelque
chose par lui-même, mais Paul prend son vol
d'aigle, quand il apprend à dire : Ta
grâce me suffit. Ah ! si nous savions
mieux les imiter, mieux espérer en Dieu seul
pour toutes choses, nous confier plus
complètement à la direction de son
amour, accepter notre faiblesse et sa force, notre
indignité et sa grâce, diminuer et
laisser toute la gloire au Seigneur, ne pensez-vous
pas que, comme eux, nous saurions marcher et courir
et vaincre, soutenus et portés par le
Seigneur ? Et si, dans ce jour, Dieu a fait
revivre devant nos yeux, une fois de plus, ces
paroles des temps anciens, la sagesse et la
consolation de l'exil : C'est lui qui donne la
force à celui qui est lassée et qui
multiplie la vigueur de celui qui est affaibli. Les
jeunes gens se lassent ; même les jeunes
gens choisis tombent lourdement. Ceux qui
s'attendent à l'Éternel reprennent de
nouvelles forces, - si nous savons ces choses,
soyons instruits à salut, comprenons enfin
et pratiquons la volonté de notre Dieu pour
notre bonheur. Amen.
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