Lettres de Direction spirituelle
inédites
À d'anciens
paroissiens. I. – A la veuve
Boniot.
FAIRE DES EXPÉRIENCES
CHRÉTIENNES "' BÉNÉFICIER DE
CELLES DES AUTRES. – ÊTRE LE SEL DE LA
TERRE. – NÉGLIGER LE SALUT DE SES
FRÈRES, C'EST EXPOSER SA PROPRE ÂMES.
Guillestre, le 25
août 1824.
BIEN-AIMÉE SOEUR EN JÉSUS-CHRIST,
... Considérons chaque jour combien l'amour
de Christ est grand envers nous, et combien nous en
sommes indignes. Croissons dans la connaissance de
notre Dieu : nous apprendrons par là le
bénir, à l'aimer pour toujours
davantage, et h le servir plus fidèlement.
On apprend à connaître une personne
quand on la fréquente beaucoup, et qu'on vit
avec elle ; de même, on n'apprend
à bien connaître le Sauveur, que quand
on est dans sa communion, quand on le prie, et que,
comme Hénoc, on marche avec Dieu. Ce n'est
pas dans les collèges et les
académies des sages de ce monde qu'on
apprend cela ; ce n'est pas non plus dans les
livres : c'est dans la méditation et la
prière ; c'est là la bonne et
sainte science, que Dieu a cachée aux
savants et aux intelligents, et qu'il a
révélée aux petits
enfants
(Luc X, 21). Mais on peut être
enfant à tout âge ; car un homme
qui a vieilli dans la mondanité et qui se
convertit à Dieu, est alors un petit enfant
en Jésus-Christ ; et même il ne
parviendra jamais, dans ce monde, à une
aussi grande connaissance que celui qui est
réveillé dans sa jeunesse.
Ainsi, chère soeur, vous ce qui vous
regarde, je suis sûr que vous avez encore
beaucoup à croître et à avancer
en expérience, pour apprendre à vous
connaître vous-même et à
connaître les autres, et aussi à
connaître le Seigneur. Il en est de la vie du
chrétien comme d'un voyage : à
mesure qu'on avance, on trouve tous les jours
quelque chose de nouveau, tantôt une
tentation, tantôt l'autre, tantôt de la
joie, tantôt de la tristesse, des craintes,
des doutes, des espérances, du courage, de
la faiblesse, de la ferveur, puis de la
tiédeur, une sécheresse où
l'on est sans pouvoir seulement prier, comme si on
passait par un désert ; et alors il n'y
a que de l'ennui ; tout cela s'appelle les
expériences chrétiennes. Le monde ne
connaît rien de tout cela, parce qu'il n'a
pas seulement commencé de se mettre en route
pour la cité céleste ; ce n'est
que quand on a beaucoup fait d'expériences
de ce genre, qu'on peut véritablement
édifiez, soutenir et consoler ses
frères
(II Cor. I, 4-6 ;
Héb. Il, 10).
Non seulement il faut faire soi-même de
telles expériences, mais il faut aussi
remarquer celles que font les autres ; car
tous ne passent pas par les mêmes combats,
les mêmes tentations. Mais il est bon de
remarquer ce qui arrive à autrui et de s'en
souvenir, parce qu'on en profite pour
soi-même, et que, quand on trouve d'autres
âmes dans cette même position, on les
console et on les instruit, en leur racontant
comment d'autres s'y sont trouvées et par
quel moyen elles en sont sorties.
Il faut donc tirer parti de tout ce qui se passe
dans notre coeur, bon ou mauvais. Nardin, qui
connaissait beaucoup le Seigneur, parle souvent de
ces expériences-là dans ses sermons.
Bunyan, celui qui a écrit le Voyage du
Chrétien, lorsqu'il fut en prison pour
l'Évangile, écrivait à son
troupeau et citait ses propres expériences.
Il avait passé par de grands combats, et il
disait : « Je vous envoie du miel
que j'ai tiré moi-même de la gueule du
lion ; car les tentations viennent d'abord
à nous comme le lion que Samson
rencontra ; il semble qu'elles vont nous
dévorer ; mais quand, par le secours du
Seigneur, nous les avons vaincues, nous y
trouvons un miel délicieux et fortifiant
dont nous pouvons faire part à nos
frères. Ainsi du fort procède la
douceur, et de celui qui dévorait est
procédée la nourriture
(Juges XIV, 14). C'est une
énigme, les Philistins ne comprennent pas
cela. »
Prenons donc courage, dans quelque position que
nous soyons. Tout tourne au bien de celui qui aime
Dieu, c'est-à-dire qui veut l'aimer et le
servir. Approchons-nous de lui avec
confiance ; soyons sûrs qu'il ne nous.
renverra pas à vide, mais que nous
retirerons toujours quelques
bénédictions, et qu'ensuite nous
pourrons les répandre sur ceux qui nous
écoutent. Celui qui croit en moi, dit
le Sauveur, des fleuves d'eau vive couleront de
lui. (Jean VII, 38). Si nous sommes en lui, sa
grâce habitera en nous, et nos discours
seront toujours assaisonnés de sel, avec
grâce, procurant l'édification
à ceux qui nous écoutent.
(Col. IV, 6).
Rappelons-nous aussi que nous sommes le sel de la
terre. Or, le sel, pour préserver les choses
de se corrompre, doit en être proche ;
si on le tenait dans un sac au coin de la maison,
la viande qui est dans un autre endroit se
pourrirait ; mais on le met parmi la viande
pour la conserver. Ainsi nous devons nous tenir
parmi ceux qui ont besoin d'entendre la bonne
Parole de vérité, et répandre
parmi eux cette Parole comme du sel, pour garder et
sauver leur âme de la corruption. qui
règne dans le monde. Le Seigneur nous a fait
passer des ténèbres à la
lumière, afin que vous annoncions ses
vertus.
Faisons donc valoir les talents que Dieu nous a
confiés ; et si quelques-uns de ceux
qui semblent en avoir reçu plus que nous ne
les font pas valoir, tant pis pour eux, nous savons
ce qui leur est réserve ; que cela ne
nous empêche pas de faire du nôtre le
plus d'usage que nous pouvons. Celui qui travaille
à édifier les autres s'édifie
soi-même ; et tout chrétien qui
néglige le salut de ses frères expose
aussi sa propre âme... ! ***
Il. À Mlle
Sophie.
S’ ATTACHER À JÉSUS,
NON À SES SERVITEURS. – AFFECTIONS
SPIRITUELLES ET AFFECTIONS CHARNELLES. – NE
PAS TOUJOURS SE PLAINDRE.
St-Laurent, le 25
février 1825.
MA CHÈRE SOPHIE,
Votre lettre du 5 courant m'a fait vraiment de la
peine, car vous croyez que. c'est par mépris
et oubli que je ne vous ai pas vue dans mon dernier
voyage en Trièves. Je suis très
éloigné d'en agir de la sorte avec
qui que ce soit, bien moins encore envers ceux qui
m'ont toujours témoigné de
l'affection et de la confiance, pour l'amour de
l'Évangile. Soyez donc persuadée,
chère soeur, que ce n'est pas ma faute si
vous n'avez pu me rencontrer, car je n'ai jamais su
qu'après coup quand vous êtes venue
à Mens, pendant que j'y étais.
Cependant, quelque mortifié que je fusse, de
revenir sans vous avoir parlé, je vois
maintenant que c'est une direction du Seigneur qui,
à n'en pas douter, veut détruire tous
nos faux appuis pour nous obliger à n'avoir
que lui seul pour rocher.
C'est toujours avec peine que je vois des
âmes bien disposées s'appuyer ainsi
sur le bras de la chair, et je leur dirais
volontiers comme l'apôtre : Paul
a-t-il été crucifié pour
vous ? ou avez-vous été
baptisée au nom de Paul ?... Qui est
Apollos ? Qui est Paul ? des ouvriers par
le moyen desquels vous avez cru.
(I Cor. I : 13...). Tandis que
Christ était encore totalement inconnu parmi
les Juifs, ceux qui attendaient la consolation
d'Israël s'attachaient à
Jean-Baptiste ; plusieurs même le
prenaient pour le Christ ; mais une fois que
ce fidèle précurseur leur eût
montré l'Agneau de. Dieu qui ôte le
péché du monde, ils se
hâtèrent de le suivre, et
quittèrent leur premier maître, et
bien loin qu'il s'en offensât, il eut l'air
de blâmer ceux qui continuaient de s'attacher
à lui, en leur déclarant qu'il
n'était que l'ami de l'époux,
qu'il ne pouvait parler que comme issu de la terre,
qu'enfin pendant que Jésus croissait, lui,
devait diminuer
(Jean I : 36, 37 ;
Jean III : 30).
Remarquez cette dernière parole : Il
faut qu'il croisse et que je diminue. Cela
était vrai en général de son
règne dans le monde, et cela aussi est vrai
de son règne dans nos coeurs. Il faut que
Jésus croisse en nous, c'est-à-dire
que nous l'aimions toujours davantage, que nous
soyons de jour en jour plus fermement
attachés à lui. Qu'il soit notre vie,
notre espérance, notre joie, notre tout. Or,
quand cela arrive, il est inévitable que
Jean-Baptiste diminue. Qu'on ne soit plus
tant attaché aux serviteurs par lesquels
on a cm, comme un lionceau déjà
fort quitte sa mère, pour chercher
lui-même sa subsistance, et comme un arbre
bien enraciné n'a plus besoin de la
mère souche !
Je ne puis donc vous dire que ce que saint Paul
disait aux Corinthiens à la même
occasion : N'êtes-vous pas charnels,
puisque vous vous attachez tant à.
l'ouvrier ? D'ailleurs, si vous avez besoin
d'appui, comme cela est toujours vrai, puisque
nous devons nous édifier les uns les autres,
en manque-t-il près de vous ? N'en
trouveriez-vous pas parmi nos frères et
soeurs de la contrée, qui sont maintenant
beaucoup plus avancés dans l'amour du
Sauveur que moi-même ? et certes ce
n'est pas beaucoup dire. Pourquoi donc n'ont-ils
pas votre confiance ? Pourquoi venez-vous
chercher si loin ce que vous avez si
près ? Prenez garde qu'il n'y ait
là dessous quelque séduction de
l'ennemi, et que ce ne soit quelque reste du vieil
homme. Si cela était, j'en serais
très fâché, et je ne pourrais
que vous exhorter vivement à crucifier de
telles dispositions, à les combattre comme
dangereuses, et de plus je vous conseillerais de ne
plus chercher auprès de moi d'instructions
et de consolations, et je me regarderais comme
obligé de vous en refuser et d'éviter
toute relation avec vous.
Je puis cependant me tromper, et si je vous
soupçonne à tort, je vous en demande
bien pardon ; mais votre conduite et vos
discours y donnent. lieu. Veillez donc sur
vous-même, et apprenez à chercher
véritablement le
« spirituel » où qu'il
se trouve ; c'est-à-dire qui que ce
soit qui vous donne de bons conseils,
écoutez-le. Ne cherchez pas l'apparence
des personnes, ni la vaine gloire. Apprenez
à vivre dans la communion du Sauveur, et
à cherchez en lui la force de combattre
votre orgueil et toutes les convoitises de votre
coeur. Vous savez bien toutes ces choses, et si
vous ne les faites pas, vous en serez d'autant plus
répréhensible. Voyez combien de
soeurs plus jeunes et moins instruites que vous, et
qui vous ont passé devant de cent
lieues ! Avec la connaissance, l'intelligence
et le caractère que vous avez, si vous
étiez vraiment en Jésus-Christ, vous
devriez, comme Deborah, être une
mère en Israël, et non pas un
faible rejeton qui ne peut se tenir debout sans
appui.
Si vraiment votre misère spirituelle vous
inquiète et vous fatigue, croyez-vous que
c'est en se plaignant toujours qu'on allège
ses maux ? Ceux à qui on les raconte ne
peuvent pas les porter, ni les guérir. C'est
à Celui qui ôte les
péchés, qui a porté nos
langueurs et chargé nos douleurs
qu'il faut aller. Dites comme le cantique 208
si connu :
Si comme autrefois,
Encore je me vois
Et pauvre et pécheur,
Je verse mes peines,
Jésus, dans ton coeur.
Au reste, je vous prie de prendre en bonne part
tout ce que je viens de vous dire ; croyez
qu'il m'en coûte pour repousser ainsi, en
quelque sorte, ceux qui mettent quelque confiance
en moi, et que ce n'est qu'avec peine que je me
suis décidé a vous parler aussi
franchement ; mais je l'ai cru
nécessaire pour votre bien, et c'est parce
que je le désire sincèrement, et que
l'affection que j'ai pour votre âme est
vraiment et uniquement chrétienne.
Croyez donc à la droiture de mes intentions,
et au véritable intérêt que je
prends à votre avancement spirituel en
Jésus-Christ.
Adieu, chère soeur, que le Seigneur daigne
se rendre maître de votre coeur et y demeurer
éternellement.
Votre dévoué frère en
J.-Christ (1).
III. – À Mlle Sophie Maillet
(2).
SOYEZ RASSURÉE, LES ANGES DE
L’ ÉTERNEL CAMPENT AUTOUR DE NOUS.
– LA FOI. – LES TENTATIONS.
Genève, fin
1827.
... Je pense souvent à vous et à
tout ce que vous m'avez raconté ; et je prie
Dieu de tout mon coeur qu'il vous fortifie, qu'il
soit votre bouclier, votre forteresse et votre
haute retraite, et qu'il ouvre vos yeux comme au
serviteur du prophète (II Rois VI, 11,
15), afin que vous soyez rassurée, en
voyant que les armées de l'Éternel
campent autour de nous jour et nuit...
Oh ! si nous avions de la foi comme un grain
de sénevé, de quoi avions-nous peur,
même dans la vallée d'ombre de
mort ? Car la foi est une
représentation des choses qu'on ne voit
point. C’est donc par la foi que nous
voyons les anges de l'Éternel qui campent
autour de nous. C’est par la foi que nous
voyons la houlette du bon Berger, qui nous conduit
et nous protège ; c'est par la foi que
nous voyons notre nom écrit sur la paume des
mains du Sauveur (Esaïe XLIX, 16) et que nous
sommes sûrs qu'II se souviendra de vous
lorsque les femmes oublieront leurs nourrissons.
Ayez donc bon courage ; et que les
ténèbres soient pour vous comme le
midi, selon la parole d'un prophète
(Esaïe LVIII, 10).
Du reste, nous ne sommes pas toujours assaillis par
la même tentation ; et c'est bien
possible qu'à l'heure qu'il est, vous ayez
un autre genre le combat ; mais, quoi qu'il en
soit, le Seigneur est notre Dieu ; il n'est
aucun ennemi dont il n'ait prévu les
attaques, et contre lequel il ne puisse et ne
veuille vous défendre. Le Sauveur nous a
rachetés à trop grand prix pour se
laisser enlever le salaire de ses
souffrances ; et si, quand nous étions
ses ennemis, il n'a pas redouté de mourir
pour nous, combien plus, à présent
qu'il a fait tous les frais de notre salut,
achèvera-t-il son ouvre en nous (Rom. V,
6-10) ?
Je languis beaucoup d'apprendre de vos nouvelles,
et de savoir si vous avez un peu plus de confiance
fraternelle, pour ouvrir votre coeur aux personnes
qui peuvent vous faire du bien, et qui sont
à votre portée. J'ai bien toujours
l'espérance de vous revoir au
printemps ; mais ma santé est encore si
peu assurée que je n'en puis pas
répondre ; dans tous les cas, que la
volonté du Seigneur soit faite ; et
qu'il nous donne de connaître qu'elle est
toujours bonne, agréable et parfaite
(Rom. XII, 2) ***
IV. – À Mlle Myette M.....
LA LÉGÈRETÉ. –
VOULEZ-VOUS DÉCHIRER LES PLAIES DU BON
BERGER ?
Arvieux, le 18 mai
1825.
MA CHÈRE MYETTE,
Quand je prends la plume pour écrire en
Trièves, c'est ordinairement avec joie et
une douce émotion de coeur. Aujourd'hui, en
vous traçant ces deux lignes, mon coeur est
bien ému, plus même qu'à
l'ordinaire, mais je ne puis pas dire qu'il soit
joyeux, oh ! non, ma chère Myette, il
n'est pas joyeux, et il ne peut pas l'être,
en voyant l'ennemi regagner si facilement, ce qui
a. tant coûté de sang et de larmes
à notre bon Sauveur !...
Je n'ai pas besoin de m'expliquer beaucoup ;
vous ne me comprenez que trop ; mais cependant
je ne dois pas m'en tenir la, car mon coeur est
plein, et j'ai tant de choses à vous dire
que je ne sais par où commencer ; mais
que pourrais-je vous dire que vous ne sachiez
déjà !
Si vous péchez, ce n'est pas par ignorance,
plût à Dieu ! vous seriez moins
coupable et il y aurait plus à
espérer. Voulez-vous donc, ma chère
amie, jouer avec l'éternité, et
éprouver la patience de Celui qui tient en
sa main le souffle de notre vie ? Avez-vous
fait accord avec la mort et êtes-vous
d'intelligence avec le sépulcre ?
(Esaïe XXVIII : 15).
N'avez-vous plus besoin de veiller et de
prier ? ou bien n'avez-vous plus une
âme à sauver et un juge à
attendre ? Suspendez un instant votre course
volage. Jetez les yeux sur l'abîme au bord
duquel vous êtes suspendue. Accordez quelques
instants à la réflexion, et dites-moi
si vous voudriez mourir dans l'état
où vous êtes ~ Prenez-y garde, ma
chère amie, on ne se moque pas de Dieu
impunément.
Malheur à celui qui abuse de sa bonté
et tourne sa grâce en dissolution !
Lisez la sentence de ceux qui crucifient de
nouveau le Fils de Dieu et qui l'exposent à
l'opprobre
(Héb. VI). Voulez-vous essayer
si Dieu tiendra sa parole ? Voyez combien
votre légèreté, expose
à l'opprobre, ce Sauveur que vous faisiez
profession de servir. Entendez le monde et son
prince infernal chanter victoire, et se glorifier
de votre retour dans son sein. Et cela n'est pas un
conte. Dans ma dernière tournée en
Champsaur, des gens qui ne vous ont jamais
vue ; m'ont parlé de votre conduite
légère ; ils tenaient. ces
détails de gens étrangers au
Trièves, mais mondains, et qui, voyant
là des âmes sérieuses,
pensaient, avec raison, leur faire de la peine en
leur racontant, d'un air de triomphe, que vous
aviez secoué le joug de Christ pour
reprendre les chaînes du monde. C'est
là que je l'ai appris, et, n'en voulant rien
croire, je m'en suis informé.
Pauvre Myette, faudra-t-il donc vous ajouter
à la liste funèbre de ceux qui sont
devenus la proie de la mort seconde, et pour
lesquels il n'y a plus de Sauveur ? Oh !
si vous pouviez sentir combien cela m'attriste et
m'oppresse le coeur ! Mais, qu'importe pour
moi, pécheur, incapable d'une sincère
affection pour les âmes ? Mais le bon
Berger, celui qui nous a chéris plus. que
sa vie, qui a tant fait et tant souffert pour
vous, voulez-vous le forcer à pleurer sur
vous comme sur l'ingrate Jérusalem ?
Voulez-vous déchirer ses plaies, et enfoncer
de nouveau le fer dans son coeur ?... Mais
j'ai bien peur de parler en vain. Il est si rare
qu'une âme retourne à Christ,
après l'avoir abandonné de
gaîté de coeur et si longtemps. Il est
rare que celui qui a tourné la tête
après avoir mis la main à la charrue,
soit encore bon pour le Royaume de Dieu. Quand
un prisonnier s'est échappé une fois,
et qu'il se laisse reprendre, comme on a soin
ensuite de le veiller de près, de redoubler
ses chaînes, et de renforcer ses liens pour
qu'il ne s'échappe plus. Ainsi en fait
Satan, à l'égard de ses esclaves qui
reviennent à lui une seconde fois. Aussi
est-il bien rare, bien rare, qu'ils
s'échappent ; c'est pour cela que je
n'ai qu'une bien faible espérance, en vous
écrivant ; mais je ne puis vous laisser
périr sans vous témoigner ma douleur,
et l'amour que j'ai pour votre âme.
D'ailleurs, c'est un devoir que je remplis ;
le Seigneur fera ce qui lui semblera bon,
La légèreté est votre ennemie,
on vous l'a dit tant de fois. C'est le poison de la
piété et une porte toujours ouverte
à l'ennemi. Je dois l'avouer, à ma
honte ; loin de vous en détourner, j'ai
eu la faiblesse de la partager souvent ;mais
je l'ai jamais fait sans amertume et sans de vifs
remords ; et si vous aviez su, de votre
côté, la détester et vous la
reprocher sérieusement, elle n'eût pas
pris le dessus, et vous eût fait moins de
mal. C'est chez vous un défaut naturel et
sur lequel vous deviez veiller plus que
personne ; au contraire, personne ne s'y
livrait plus volontiers que vous ; aussi ne
suis-je pas étonné de ce qui vous
arrive. Il eût même été
surprenant que cela n'eût pas lieu. Vous avez
jet. le fondement de votre tour avant d'avoir
calculé la dépense, et
aujourd'hui vous n'avez pas de quoi l'achever.
Allez donc, si toutefois il en est temps
encore, allez à Celui qui donne
gratuitement, et dont vous connaissez
déjà toute la miséricorde.
Allez vous jeter à ses pieds et les arroser
de vos larmes ; donnez-lui votre coeur, afin
qu'il le garde lui-même, puisque vous ne
savez pas le garder.
Adieu, ma chère Myette, donnez-moi la joie
d'avoir bientôt à vous adresser des
paroles plus consolantes. Puisse le bon Berger vous
faire encore entendre sa voix, vous ramener
à lui, et ne plus permettre que personne
vous ravisse de sa main. Amen
(3).
Votre dévoué serviteur en
J.-C.
V. – A Mlle Myon Robequien.
TRAVAILLER SANS RELÂCHE. –
AVOIR PATIENCE AVEC LE MONDE.
Guillestre, le 18
octobre. 1825.
... Je me plains souvent du peu de fruit de mes
travaux ; et pourtant quand je
considère combien le Seigneur, sans
égard à mon infidélité,
a daigné les bénir, je reconnais mon
ingratitude, et je rougis de honte, en voyant des
âmes nouvellement nées, me devancer
tellement dans la voie que je leur ai
montrée. Ainsi Dieu sait tirer le pur de
l'impur, et, avec rien, faire de grandes choses.
Que cela vous donne donc courage, bien-aimée
soeur, pour travailler sans relâche à
cette grande oeuvre, quelque faibles que vous
paraissent les résultats. Pensons que le
succès que Dieu nous accorde est toujours
plus grand que nous ne méritons ; et
quand nous serions sûrs, (ce qu'à Dieu
ne plaise), d'avoir travaillé en vain et
sans fruit, nous devons toujours nous
dire : mon oeuvre : est par devers
Dieu
(Esaïe XLIX, 4). N'oublions pas
que nous ne sommes faits ses enfants que pour le
glorifier, et reluire comme des flambeaux au
milieu du monde pervers
(Philip. Il, 15). Noé, en
bâtissant l'arche, ne put sauver personne
d'entre le monde ; mais il le condamna, et
accomplit ainsi les desseins de Dieu
(Hébr. XI, 7).
Persévérons donc dans cette bonne
oeuvre, qui ne sera pas sans récompense
auprès du Seigneur. Prenons garde de nous
laisser enlacer par les filets cachés de
Satan et du monde ; tenons la bride courte
à nos désirs, et mortifions le vieil
homme avec ses convoitises. N'oublions pas un seul
instant qu'une seule chose est
nécessaire ; cherchons-la
continuellement, et regardons tout le reste comme
un néant auprès de cette perle
inestimable.
Du reste, ayons patience avec le monde, comme le
Seigneur a patience avec nous ; que le
sentiment de notre propre misère ne nous,
fasse pas taire ; mais. qu'il nous fasse
parler avec humilité et charité.
Ayons pitié des pauvres aveugles,
plutôt que de nous irriter contre eux.
Rappelons-nous la charité avec laquelle
Jésus pleurait sur l'ingrate
Jérusalem ; il priait pour ses propres
bourreaux. Rappelons-nous que, si nous avons
l'inestimable avantage de connaître les
choses qui appartiennent à notre paix, c'est
un don gratuit du Seigneur, qui nous a aimés
le premier, et qui s'est fait trouver, quand nous
ne le cherchions point. Prions donc pour ceux qui
sont près, comme pour ceux qui sont loin,
afin que le Seigneur haie le temps glorieux de son
avènement dans les âmes, et que le
nombre de ses enfants augmente chaque jour, autour
de nous, comme dans d'autres contrées.
Adieu, chère bien-aimée soeur, que le
Seigneur vous fortifie et vous soutienne par sa
grâce toute-puissante ! ***
Vl. – À Salomon Bachasse, tisserand
au Bourg, à Mens. Aux frères
réunis pour leur édification chez
Salomon Bachasse.
NÉCESSITE ABSOLUE : DE L
ÉDIFICATION MUTUELLE. – PRINCIPES -
MÉTHODES, ORGANISATION. – POURQUOI NOUS
REDOUTONS LES MANIFESTATIONS ET LE
DÉVELOPPEMENT DE LA VIE INTÉRIEURE
DIFFÉRENTS INTERDITS. – LE ZÈLE.
EXTÉRIEUR PEUT MANQUER DE
SINCÉRITÉ. – LES DISTRACTIONS.
Grand Villard
(près Briançon), le 18 mars 1825.
CHERS ET BIEN - AIMÉS FRÈRES EN
JÉSUS-CHRIST NOTRE SEIGNEUR,
C'est avec bien de la joie que j'ai appris des
nouvelles de votre réunion d'exhortation. Je
craignais qu'elle n'eût de la peine à
prendre, parce que Satan trouve toujours quelque
empêchement aux choses qui vont directement
contre son règne. Or, il n'y a rien qui lui
fasse plus de mal que la vigilance des enfants de
Dieu, car il ne peut entrer dans Sion, tandis que
les sentinelles sont vaillantes, et surtout bien
Unies et bien disciplinées. – On me dit
que vous en retirez du fruit, je n'en suis point
étonné ; il n'est rien de tel
que de se réveiller et de s'exciter ainsi
mutuellement à la charité et aux
bonnes oeuvres. La tiédeur, le
relâchement, l'orgueil, en un mot tous les
membres du vieil homme n'y trouvent pas leur
compte ; et c'est pourquoi nous pouvons
quelquefois répugner à cette
manière de nous avouer, les uns aux autres,
le véritable état de nos
âmes.
Il faut nous défier beaucoup de notre propre
coeur, qui est
désespérément trompeur.
Je sais par moi-même, que souvent,
pendant qu'on paraît extérieurement
bien zélé, bien ardent pour l'oeuvre
de Dieu, pendant qu'on en parle avec science et
avec force, et qu'on déclame contre le
péché ; on le serre contre son
coeur, et on retient injustement la
vérité captive ; on cache
ses idoles comme Rachel
(Genèse XXXI : 19), et on
garde de l'interdit dans sa tente comme Achan.
(Josué VI). Cet interdit, c'est tantôt
de l'avarice, tantôt de l'impureté, ou
quelque autre volupté charnelle ; ou
bien un reste de propre justice et d'orgueil, qui
fait qu'on ne peut se soumettre
entièrement à la justice de Dieu.
(Rom. X : 3).
C'est quelquefois de la haine, de la
jalousie ; on ne peut se résoudre
à aimer son ennemi, on trouve trop dur de
lui pardonner si entièrement qu'on sache ne
plus dire du mal de lui, ne plus en faire un sujet
de médisance et de raillerie ; il
semble qu'on a besoin d'en parler et de le
blâmer ; et ceci est d'autant plus
difficile quand il s'agit d'ennemis de la
vérité ; on croit alors servir
Dieu en en disant du mal. Prenez bien garde
à chers amis, c'est un grand piège
pour nous tous ; souvent même, cette
inimitié a des parents selon la chair et
même des frères en Jésus-Christ
pour objet ; on croit avoir à s'en
plaindre, on ne peut se résoudre à
boire cette coupe amère, et à tout
supporter avec douceur et humilité.
La légèreté a aussi ses
racines malaisées à
détruire ; on ne peut se
résoudre à bannir de son coeur les
pensées vaines ; et, de ses
conversations, les paroles inutiles, les
plaisanteries, les bons mots, pour faire briller
notre esprit en compagnie. La vaine gloire nous
fait chercher les louanges, nous voudrions
être fort estimés, au moins parmi les
frères ; nous ne pouvons souffrir
d'être comptés pour ce que nous
sommes, c'est-à-dire pour rien, et nous
sommes blessés très grièvement
quand on a l'air de ne pas faire cas de nous. Tout
cela sont des choses secrètes, difficiles
à crucifier et qui tiennent tellement
à nous, que c'est comme nous arracher l'oeil
droit de nous les enlever, en sorte que, même
en priant, nous ne sommes pas sincères, et
nous avons quasi-peur, que Dieu nous exauce et nous
délivre entièrement de ces affections
mauvaises. Cette hypocrisie spirituelle nous domine
même dans le temps que nous portons
extérieurement à la croix de
Jésus, ou que nous travaillons à son
règne.
Il y a aussi en nous une secrète
inimitié pour la vie
intérieure ; nous cherchons à
vivre en dehors de nous-mêmes, dans une
espèce de dissipation, et d'oubli de notre
propre âme ; nous avons le malheureux
secret de nous plaire ainsi loin du Sauveur, quand
même nous paraissons en être vraiment
proches ; en sorte que le chant des cantiques,
la lecture des bons livres, même la Parole de
Dieu et les entretiens édifiants sont encore
pour nous une occasion de distraction. Il faut
être sans doute déjà
expérimenté pour comprendre cela, et
faire la différence entre la vie
vraiment divine dans la vraie humilité,
et cette vie apparente ou le vieil homme,
habillé en enfant de lumière, joue le
rôle du vrai fidèle, tellement que
celui en qui cela se passe s'y trompe
lui-même ; mais c'est une chose connue
de ceux qui sont avancés ; ils savent
combien le coeur est disposé à se
chercher soi-même, et à conserver sa
malheureuse liberté. Ce n'est pas là
renoncer à soi-même, mourir à
soi-même, tellement, que ce ne soit
plus que Christ qui vive en
nous. Le livre de l'Imitation de
Jésus-Christ doit contenir beaucoup de
choses sur cette vie vraiment spirituelle, et les
moyens d'y parvenir. Très grièvement
quand on a l'air de ne pas faire cas de nous. Tout
cela sont des choses secrètes, difficiles
à crucifier et qui tiennent tellement
à nous, que c'est comme nous arracher l'oeil
droit de nous les enlever, en sorte que,
même en priant, nous ne sommes pas
sincères, et nous avons quasi-peur, que Dieu
nous exauce et nous délivre
entièrement de ces affections mauvaises.
Cette hypocrisie spirituelle nous domine même
dans le temps que nous portons
extérieurement à la croix de
Jésus, ou que nous travaillons à son
règne.
Il y a aussi en nous une secrète
inimitié pour la vie
intérieure ; nous cherchons à
vivre en dehors de nous-mêmes, dans une
espèce de dissipation, et d'oubli de notre
propre âme ; nous avons le malheureux
secret de nous plaire ainsi loin du Sauveur, quand
même nous paraissons en être vraiment
proches ; en sorte que le chant des cantiques,
la lecture des bons livres, même la Parole de
Dieu et les entretiens édifiants sont encore
pour nous une occasion de distraction. Il faut
être sans doute déjà
expérimenté pour comprendre cela, et
faire la différence entre la vie
vraiment divine dans la vraie humilité,
et cette vie apparente ou le vieil homme,
habillé en enfant de lumière, joue le
rôle du vrai fidèle, tellement que
celui en qui cela se passe s'y trompe
lui-même ; mais c'est une chose connue
de ceux qui sont avancés ; ils savent
combien le coeur est disposé à se
chercher soi-même, et à conserver sa
malheureuse liberté.
Ce n'est pas là renoncer à
soi-même, mourir à soi-même,
tellement, que ce ne soit plus que Christ
qui vive en nous. Le
livre de l'Imitation de Jésus-Christ
doit contenir beaucoup de choses sur cette vie
vraiment spirituelle, et les moyens d'y parvenir
voila de l'ouvrage, chers amis, tant pour
travailler tous ensemble, qu'en votre particulier.
Gardons-nous bien de croire jamais que nous
avons atteint le but. Le grand apôtre
Paul, autrement plus avancé qu'aucun de
nous, ne se le persuadait pas, et s'avançait
comme un homme qui a encore beaucoup de chemin
à faire ; imitons-le, et plus nous
avancerons, plus nous nous verrons en
arrière. Il ne faut cependant pas que cette
vue nous décourage, elle doit nous rendre
humbles et vigilants, et nous faire de plus en plus
apprécier l'incompréhensible
charité de celui qui nous supporte
malgré tant de misères ; mais
jamais nous ne devons nous défier de son
amour.
Il savait bien tout cela mieux que nous, quand il a
formé le dessein de venir nous sauver, et
puisqu'il n'en a pas été
découragé, ne le soyons pas non plus.
Allons à lui tels que nous sommes,
confessons nos faiblesses et notre
infidélité, et combattons toujours
sous ses yeux, et comme à ses pieds ;
c'est le seul moyen de vaincre. Au reste, tout ceci
sont les combats qu'on a à soutenir
au-dedans du royaume de Dieu, et c'est
même une preuve que nous y sommes
déjà ; ceux qui sont encore
en dehors ne connaissent pas ces sortes
d'ennuis.
Je n'ai pas besoin de vous recommander l'ordre
dans vos réunions. Que tout se fasse
avec ordre, disait l'Apôtre, car notre
Dieu n'est pas un Dieu de confusion. Que l'un parle
et que les autres en jugent, et si un autre a une
meilleure révélation, que le premier
se taise, etc...
D'abord, il convient de proposer le sujet
bien clairement ; puis chacun à son
tour est appelé à dire ce qu'il pense
de la chose en elle-même, de son
utilité, de l'obligation où nous
sommes de la pratiquer, etc..., sans parler de
lui-même ;
2° chacun est appelé
à dire où il en est à cet
égard, sans autre observation ;
3° chacun dira à quoi il
attribue sa négligence sur l'objet en
question, quels obstacles il rencontre, quels
ennemis il a à combattre, quelles
circonstances lui sont défavorables,
etc... ;
4° enfin, chacun proposera ce qu'il
croit de meilleur pour remédier au mal, et
proposera surtout sa propre
expérience ; et l'on finira par
s'exhorter mutuellement, à y bien songer,
à être vigilants là-dessus, et
à s'avertir les uns les autres toutes les
fois qu'on se verra broncher. Puis, à
quelque temps de là, on en reparlera de
nouveau pour voir comment chacun l'a
observé. L'objet sur lequel il convient de
revenir souvent, c'est la prière, et le
recueillement, le sérieux, puisque la
légèreté est en
général, pour plusieurs, la plus
grande maladie.
Je finis en vous recommandant sur toute chose de ne
point négliger cette assemblée
mutuelle. Il vaudrait mieux manquer tous' les
autres services plutôt que celui-là,
quoique je pense que vous savez assez bien le
quatrième commandement, pour ne pas
négliger le jour du repos, qui, tout
entier, doit être consacré
à Dieu et à vos âmes.
Gardez-vous donc bien d'être
négligents là-dessus ; si
quelqu'un l'oublie, réveillez-le. Surtout,
n'y introduisez pas de faux frères ; si
quelqu'un de vous a un ami à amener, qu'il
commence par en obtenir la permission de ses
frères ; car, quand on est
gêné, cela ne vaut rien. Il n'y faut
pas même des gens encore dans les
ténèbres, quelques droits qu'ils
soient d'ailleurs.
Un sujet que vous ne devez pas oublier dans. votre
réunion, c'est celui de l'avancement du
règne de Dieu autour de vous, pour lequel
vous devez prier et parler aussi souvent que
cela se peut. Ne laissez pas rouiller vos talents
dans la terre. Que chacun emploie ce qu'il a
reçu au service des autres, comme bon
dispensateur des grâces de Dieu.
Adieu, chers amis, que le Seigneur vous
éclaire et vous fortifie de plus en plus en
Jésus-Christ. Amen (4)
VII. – Les relations de Neff avec la
famille Philippe, d'Arvieux.
Si, lors du ministère de Neff dans les
Hautes-Alpes, la. vallée de
Freyssinières avait « fleuri comme
la rose », le Queyras était
resté le « lieu aride ».
« Il n'y a que mon petit jardin qui
profite de mes soins, récompense bien
chétive pour un
évangéliste »,
écrivait Neff accablé de tant
d'endurcissement. Les Arviens avaient
peut-être été
froissés de voir Neff ne pas tenir compte
des prérogatives officielles du chef-lieu de
la paroisse, et se dépenser également
au service de tous.
Il y avait pourtant une famille, celle des
Philippe, ou, disait-il, « je trouve un
peu de vie, et qui sera, s'il plaît à
Dieu, le commencement de son oeuvre dans cette
pauvre commune ».
Nous avons rappelé, dans la biographie de
Neff (5) , avec quelle patience,
quel discernement, il s'occupa de Marie Philippe,
jusqu'à ce qu'elle fût
délivrée des obsessions qui
« l'épuisaient corps et âme
et qu'elle goûtât enfin la joie du
salut ».
À sa soeur Marguerite, « fort
catholique et assez
légère », Neff demanda un
jour si elle pensait n'avoir rien à
craindre, parce qu'elle était
catholique : « Croyez-vous lui
dit-il, que le prêtre ou le pape puisse vous
obtenir une dispense de conversion, comme ils vous
dispensent du maigre ?
Ne vous y trompez pas ; personne, s'il n'est
né de nouveau, ne peut entrer au royaume de
Dieu ! Elle ne répondit rien, mais elle
parut triste et pensive tout le
jour. »
Quelques semaines après, Neff trouvait
Marguerite et deux de ses cousines « bien
travaillées ». Deux ans plus tard,
en mai 1827, il s'exprime encore de
même :
« Marguerite est toujours
péniblement travaillée, ainsi que
deux filles de la Chalp. Elles sont toutes trois
dans un état très difficile,
connaissant leur misère, voyant leur
perdition, ayant en horreur le monde et sa joie,
mais ne pouvant s'appliquer aucune promesse, ni
prier, ni trouver nulle part aucune consolation,
déclarant même qu'elles ne peuvent et
ne veulent pas accepter les offres de la
miséricorde de Dieu ; du reste, ouvrant
très difficilement leurs coeurs à qui
que ce soit. Il y a longtemps qu'elles sont dans ce
combat ; deux d'entre elles y sont depuis plus
de deux ans. »
Neff pensait souvent à cette jeune fille
presque désespérée. Il lui
écrivit aussi. Nous possédons une
lettre qui montre à quel point il comprenait
les difficultés particulières des
âmes et ses propres lacunes.
Vlll. – A Mlle Marguerite Philippe.
INSUFFISANCE DE LA PRÉDICATION.
– IL FAUT PRIER POUR LE SALUT DE CEUX
AUXQUELS ON A PRÊCHE. – UN SIGNE DE
L’ OEUVRE DE DIEU DANS NOTRE COEUR.
Dormillouse, le 12
mai 1827.
MA CHÈRE MARGUERITE,
Bien qu'il n'y ait que peu de jours que je vous aie
quittée, et qu'il soit bien possible que je
vous revoie encore à la foire, je sens le
besoin de vous écrire quelques lignes
pendant que j'ai le temps, et que je n'ai pas
l'estomac chargé. J'ai toujours
présent à l'esprit le triste
état où je vous ai laissée.
Oh ! si j'avais pu prendre une partie de ce
lourd fardeau qui vous oppresse ! Si j'avais
pu voir votre délivrance, après avoir
vu votre travail ! Si j'avais pu voir couler
de vos yeux des larmes de joie et de
reconnaissance, après vous en avoir tant vu
verser de tristesse et d'angoisse ! Mais le
Seigneur m'a refusé cette consolation ;
son heure n'était pas encore venue ;
et il a voulu me convaincre de plus en plus que
celui qui plante n'est rien ni celui qui arrose,
mais lui seul qui donne l'accroissement. Il a
voulu me montrer que c'est peu de
prophétiser aux os secs, de leur dire :
vivez ; mais qu'il faut invoquer
L'ESPRIT, afin qu'il souffle sur les morts et
qu'ils vivent
(Ezéch. XXXVII).
Je sens. bien maintenant que, quelque soin que
j'aie pris de vous indiquer la voie que vous devez
suivre, de quelque patience dont j'ai usé
envers vous pour sonder le véritable
état de votre âme ; en un mot,
quelque ardente et fidèle qu'ait
été ma sollicitude pour votre salut,
j'ai néanmoins négligé le plus
efficace, c'est-à-dire de prier pour vous.
Oui, chère amie, c'est là ce que
j'aurais dû faire, et ce que, bien souvent,
j'ai négligé, comme tant d'autres
choses. Ce n'est pas cependant que je manque
d'affection pour vous, ou que votre souvenir
s'éloigne de moi ; non certes, et je
n'ai pas besoin de vous l'assurer ; mais c'est
parce que j'ai moi-même aussi mes
misères, ma tiédeur et mon
endurcissement.
Vous pensez que personne n'est comme vous ;
que personne n'a tant d'orgueil ni
d'incrédulité, qu'il n'est point de
coeur plus dur que le vôtre.
Hélas ! chaque âme
réveillée et éclairée
de Dieu porte sur elle un jugement semblable, et
avec raison ; car il est naturel que nos maux
nous frappent plus que ceux d'autrui. Mais n'est-ce
pas là même une marque frappante de
l'oeuvre de Dieu dans un coeur ? Tandis que
nous sommes dans les ténèbres,
sommes-nous portés à regarder les
autres comme plus excellents ou moins mauvais
que nous ? Pouvons-nous nous persuader
que nous sommes les premiers des
pécheurs ? Non, non, jamais ! Il
n'y a que la lumière du Saint-Esprit qui
puisse nous tirer de ce paisible et dangereux
sommeil où tout le monde est plongé,
et détruire ce songe flatteur qui trompe nos
coeurs orgueilleux.
Vous avez donc entendu cette voix du
Père, vous avez été
instruite par lui ; vous viendrez donc
à son Fils, car nul ne peut venir à
lui, si le Père ne l'attire ;
quiconque l'a entendu ne peut rester en
arrière. Pourquoi donc n'y êtes-vous
pas déjà venue ? Oui, ma
chère enfant, tout ce que vous
éprouvez, tout ce que vous voyez et sentez
en vous, et tout ce que je sais et j'entends de
vous, prouve de la manière la plus
évidente que le Père vous appelle
à son Fils, et qu'il vous a donnée
à lui. Or, si tout ce que le Père lui
donne vient à lui, encore une fois, pourquoi
n'allez-vous pas ? Ne peut-on pas vous dire
comme Ananias à Saul : Et
maintenant, que tardes-tu ? Lève-toi et
sois baptisée et lavée de tes
péchés, en invoquant le nom du
Seigneur
(Actes XXII: 16). Il n'y avait
pourtant que trois jours que Saul sentait les
angoisses qui vous déchirent depuis plus de
deux ans, et Ananias lui rapprochait de
tarder : Que tardes-tu ? Ne
peut-on pas mille fois mieux vous le dire à
vous ? Combien d'âmes n'ont passé
que quelques jours, et même quelques heures,
dans la sombre vallée où vous
demeurez depuis si longtemps ? Elles ne
valaient pas plus que vous ; mais elles ont
cru au témoignage de Dieu, elles ont
reçu la bonne nouvelle, et, aussitôt,
elles ont trouvé la paix. Et ne dites pas
encore une fois que personne n'est comme vous, et
que si nous connaissions bien votre coeur, nous ne
parlerions pas ainsi. C'est une singulière
espèce d'orgueil que de s'imaginer cela, et
d'y persister ; mais c'est ce qui arrive
à tous ceux qui s'approchent de la porte
étroite.
Allez, ma chère amie, quand même j'ai
toujours eu bien de la peine à vous faire
parler de votre coeur, je le connais aussi bien que
vous ; je sais ce qu'il peut y avoir ; et
quand même vous me le diriez tout au long, je
n'en serais pas plus surpris que de voir tomber de
la neige en hiver, ou de trouver des pépins
dans une pomme. Et puis, quand ce serait vrai que
personne ne serait comme vous, est-ce une preuve
que vous n'ayez point d'accès auprès
de Dieu ? Y a-t-il quelque pécheur
au-dessus du plus grand des
pécheurs ? Et quand il a tant fait
que d'entreprendre de nous sauver et de nous
racheter, n'aura-t-il pas connu d'avance ce qu'il
faut pour cela ; et n'aura-t-il pas fait en sorte
qu'aucun pécheur ne se trouve exclu, si ce
n'est pour ne pas vouloir de cette
grâce ? Eh bien ! encore une fois,
que tardez-vous ?
Je languis beaucoup d'apprendre que vous avez
donné lieu à cette bonne
parole ; mais j'ai cependant une ferme
espérance que cela arrivera, et même
bientôt. Oh ! puisse cette même
espérance vous soutenir aussi et vous
consoler d'avance ! Amen.
Adieu, ma chère Marguerite, que le
Seigneur vous console et vous fortifie.
Votre dévoué frère en
Jésus-Christ. **
En juillet de la même
année, Neff, qui avait définitivement
quitté les Hautes-alpes, reçut de
meilleures nouvelles, si bien qu'il put
écrire à Marie Philippe :
Vous me dites que votre soeur Marguerite, et votre
Cousine Simone de la Chalp, ont trouve
auprès du Sauveur quelque soulagement pour
leur âme fatiguée et chargée
depuis si longtemps. Que le Seigneur en soit
à jamais béni ! Et puisse-t-il
leur rendre, en gratuité et en
bénédiction, tout ce qu'elles ont
souffert en angoisses, en craintes et en
ténèbres !
Oh ! combien ces chères âmes
m'ont donné de souci ! Dans quel
travail j'ai été pour les enfanter
à Christ ! Et combien je prends part
à leur joie, si elles ont enfin
éprouvé qu'effectivement le Seigneur
ne met point dehors ceux qui vont à lui. Oh
! dites-leur bien, répétez-leur sans
cesse, que tout est possible à celui qui
croit... Exhortez-les à repousser tous les
dards enflammés du Malin... Dites-leur de
m'écrire elles-mêmes, mais non pas des
jérémiades. C'est une grande
ingratitude de ne parler que du mal, et jamais des
grâces que le Seigneur nous fait...
Neff ne rassurait jamais les
âmes troublées – et à plus
forte raison celles qui ne l'étaient pas,
– avant d'être sûr de leur franche
conversion. Il ne disait pas paix là
où il n'y a point de paix,
« quelque
soulagement », ce n'était pas encore le
salut. Mais après avoir reçu de
Marguerite elle-même une lettre qui ne
laissait plus aucun doute sur la
réalité de sa foi, c'est un chant de
triomphe qui s'écrit sous la main
déjà débile du
missionnaire.
IX. – À Mlle Marguerite Philippe.
APRÈS LE DÉSESPOIR LA
DÉLIVRANCE. – AVEC VOUS DANS LES
ANGOISSES ET DANS L’ ALLÉGRESSE, L'OEUVRE S'ACHÈVERA.
Plombières, le
14 septembre 1828.
Béni soit le Seigneur, ma chère
Marguerite, pour les grandes et précieuses
grâces qu'il a répandues sur
vous ! Quand je me rappelle pendant combien de
temps le père de l'incrédulité
vous a tenue comme renfermée dans une grotte
de fer, et courbée sous le poids de vos
péchés, sans vous permettre de jeter
un cri, ni de pousser un soupir, ni de frapper un
seul coup a la porte étroite qui
était prête à s'ouvrir devant
vous, ni même de lever un instant les yeux
vers les montagnes de notre secours, et de jeter un
coup d'oeil sur le serpent d'airain
élevé pour la guérison des
pécheurs ; quand je pense combien de
fois je vous ai vue accablée par la force de
l'angoisse et de la condamnation, sans pouvoir
ouvrir votre coeur à personne, ni à
Dieu, ni à vos amis ; quand je
pense combien d'heures j'ai passées
près de vous, sans pouvoir obtenir de vous
une seule parole, ou quelque mot déchirant
de désespoir ; quand je pense à
ces tristes temps, et que je vous ai laissée
dans cet état, j'ai peine à en croire
mes yeux quand je lis vos lettres.
Oh ! que n'aurais-je pas donné, pour
voir de mes yeux le premier rayon
d'espérance qui a brillé sur votre
visage, et pour entendre les premières
paroles d'action de grâce et de
bénédiction qui ont été
la suite de votre délivrance ! Oui, si
j'ai souffert avec vous, je me réjouis
maintenant avec vous ; si j'ai
été en angoisse dans vos angoisses,
je me joins actuellement avec allégresse
à vos cantiques de louange. Car,
malgré les nuages qui obscurcissent de temps
en temps votre foi, et qui vous dérobent
dans certains moments l'agréable vue du
soleil de justice, je ne suis plus en peine de
vous ; je ne doute nullement que Celui qui
a commencé cette bonne oeuvre en vous ne
veuille aussi accomplir. Non, certainement, ma
chère Marguerite, Celui qui a usé
avec vous de tant de patience et qui ne s'est point
lassé, malgré votre longue
incrédulité, de frapper à la
porte de votre coeur et de vous supplier d'accepter
sa grâce, ne veut pas maintenant vous la
retirer, Relisez souvent
Rom. V : 6, 8, 9, 10. Et quant
à vous, comment serait-il possible,
qu'après avoir reçu tant de
grâces de votre Sauveur, vous doutassiez de
son éternel amour, ou que vous vinssiez
à regretter un instant la dure servitude du
Pharaon infernal sous laquelle vous avez si
longtemps gémi ?...
J'ai appris avec joie que vous aviez
participé à la Cène, ainsi que
votre cousine. Je ne suis point surpris du trouble
et des tentations qui vous ont agitée
à l'approche de ce moment solennel. Chaque
nouveau lien qui nous unit à Christ
réveille la jalousie du Lion, qui redouble
ses rugissements. Mais nous savons qu'il n'a plus
de droit sur nous, et dans aucun temps, nous ne
devons craindre de nous approcher de Jésus,
tout pauvre et tout misérable que nous
soyons ; car il ne change point, il est
toujours l'ami des pécheurs, et comme
autrefois, il mange et boit avec eux plutôt
qu'avec les Pharisiens.
Adieu, ma chère et bien-aimée soeur,
que Dieu vous bénisse de plus en plus. Allez
rendre toujours quelques visites à nos
chères soeurs de La Chalp et de
Brunissart ; et ne négligez pas, par
fausse honte. eu par timidité, de rendre
témoignage à Jésus, que votre
langue soit maintenant déliée pour
louer Dieu.
Votre affectionné frère et
sincère ami en Jésus-Christ. *"
X. – À Jean Philippe.
LA MALADIE DE NEFF. – PATIENCE ET
RÉSIGNATION. – LES VRAIS MEMBRES DU
CORPS DE CHRIST. – LE SACERDOCE UNIVERSEL.
Genève, 28
décembre 1828.
BIEN-AIMÉ FRÈRE EN
JÉSUS-CHRIST,
Depuis longtemps, je languissais de vous
écrire, ma faiblesse étant
augmentée ; mais c'est en vain que
j'attends ; mes forces ne reviennent
pas ; je me résous à ne vous
envoyer qu'une petite lettre, plutôt que de
garder le silence.
En partant de Plombières, j'étais
beaucoup mieux, le voyage m'a fait du bien ;
et, à mon arrivée ici, j'ai de me
croire en chemin de guérison. Le Seigneur en
a décidé autrement. Je suis
actuellement si faible que je ne puis même
plus dicter mes lettres. Priez Dieu qu'Il me donne
la patience et la résignation qui me sont
nécessaires pour supporter le chagrin que me
cause mon inaction, c'est-à-dire mon
inutilité.
J'ai reçu vos dernières lettres qui
m'auraient réjoui comme à
l'ordinaire, sans les tristes nouvelles que vous me
donnez de la conduite de M. H..., tout à
fait conformes à celles que je reçois
des autres vallées, de Freyssinières
et d'ailleurs.
Mon Dieu m'humilie et m'éprouve de bien des
manières ; mais c'est afin que je mette
toute ma confiance en lui seul, soit pour
moi-même, soit pour son Église. O
chers amis, c'est le moment de vous rappeler, et de
mettre en pratique, ce que je vous ai dit tant de
fois ; qu'il ne faut pas faire son oeuvre
à la manière des hommes ; que,
comme il n'a point choisi autrefois les
sacrificateurs et les lévites (qui
étaient pourtant assis sur la chaire de
Moïse), pour annoncer l'Evangile et fonder son
Église ; et, comme il n'a pas choisi,
au XVI siècle, les cardinaux et les
évêques pour remettre la
lumière sur le chandelier, il ne choisit pas
toujours non plus, pour rassembler et paître
ses brebis, ceux auxquels le monde donne le nom de
pasteur, et qui, pour la plupart, ne sont que des
mercenaires que l'Eternel n'a point
envoyés.
Le Seigneur a retiré son esprit de presque
tous les collèges et académies,
où l'on élève les
prétendus ministres de Jésus-Christ.
Si donc il s'en trouve quelques-uns, animés
de l'Esprit de Dieu et qui. prêchent
l'Évangile en vérité, il faut
s'en réjouir et les écouter ;
mais il ne faut pas les prendre au titre ou
regarder à l'habit.
Car le Seigneur dit : Prenez garde à
ceux qui viennent a vous en habit de brebis, etc.
L'Écriture dit aussi : ne croyez pas
à tout esprit, mais discernez les esprits
(I Jean IV : 1). Les Brebis
de Christ ne connaissent point la voix des
étrangers, et bien loin de les suivre, elles
doivent les fuir
(Jean X : 5). Ainsi donc, vous
ne pouvez pas regarder pour votre pasteur,
quelqu'un qui n'est pas même une brebis du
troupeau ; et vous devez vous mettre bien dans
l'esprit que, si ceux qui ont dans le monde le
titre de pasteur, ne font pas l'oeuvre de Dieu,
elle doit cependant se faire sans eux, et
même malgré eux, par tous ceux
à qui Dieu s'est fait connaître, tant
chétifs qu'ils soient aux yeux de la
chair ; car vous savez que Dieu se
plaît à choisir les choses faibles,
viles, méprisées pour confondre les
choses fortes, sages et annoncées du monde
(I Cor. I : 27) ; vous
savez qu'il a mis sa liqueur précieuse dans
des vases de terre
(II Cor. IV : 7),
qu'il a révélé aux
petits enfants ce qu'il a caché aux savants
(Luc X : 21), et qu'il a tire
sa louange de la bouche des petits enfants
(Matth. XXI : 16).
Vous voyez comme Dieu a commencé, et comme
il fait son oeuvre dans les Vallées du
Piémont, par des gens sans lettres et du
commun peuple. C'est ainsi que le règne de
Dieu s'avance dans beaucoup d'endroits. C'est donc
à vous tous, qui avez le bonheur de recevoir
la Parole de Dieu, que l'oeuvre de Dieu est
confiée ; c'est à vous, qui
formez vraiment l'Eglise de Christ et le petit
troupeau du Seigneur, c'est à vous, qui
êtes les vrais membres du corps de Christ,
à avoir soin les uns des autres, à
vous édifier, à vous exhorter,
à vous encourager les uns les autres selon
la Parole de Dieu. Relisez sur ce sujet ce que je
dis à la fin de ma méditation sur
saint Jacques ; c'est aussi à vous
à étendre le règne de Dieu
autour de vous, selon qu'il est écrit :
si ceux-ci se taisent les pierres même
crieront. Au reste, je ne dis pas tout cela par
rapport a M. H..... ne pouvant pas encore bien
juger de sa manière de parler et
d'agir ; mais dans tous les cas, ce que je
vous dis là est véritable ; du
reste, vous devez toujours agir vis-à-vis de
M. H..... avec toute sorte de respect et de
charité, évitant de dire du mal de
lui sans nécessité, et surtout priant
ardemment le Seigneur pour lui, afin qu'il soit
rendu participant du Saint-Esprit, de cet esprit de
vie, afin qu'il remplisse fidèlement sa
charge.
Vous comprenez qu'il n'est pas nécessaire de
communiquer cette lettre à ceux qui ne
comprennent pas bien les choses de Dieu ; ils
pourraient en être scandalisés ;
je pense que vous en aurez soin, et que vous en
userez prudemment.
Adieu, mon cher ami, et vous tous, frères et
soeurs, que le Seigneur vous bénisse et vous
garde ; priez pour moi afin que le Seigneur
Dieu me donne patience et soumission dans mon
épreuve.
Votre bien affectionné frère en
Jésus-Christ. "
XI. – À une soeur du
Dauphiné.
À VOUS JE PUIS DIRE QUE
L'ÉVANGILE EST PAIX ET JOIE. – RETENIR
L'ESPÉRANCE JUSQU'À LA FIN. –
J'AI BESOIN DE VOS PRIÈRES ET DE VOS
EXHORTATIONS.
Plombières, le
24 septembre 1828.
... Je bénis le Seigneur avec vous des
grâces qu'il vous accorde au milieu de votre
épreuve ; et je le prie d'affermir de
plus en plus votre espérance, en sorte que
votre soleil ne se couche plus (Esaïe
LX : 20) et, qu'au jour le plus sombre, il y
ait encore de la clarté pour votre
âme ; que, dans les plus grandes
épreuves, vous ne perdiez jamais de vue la
certitude des promesses ; que vos pas soient
assurés ; et que l'ancre de votre foi
soit fixée d'une manière
inébranlable au-delà du voile
où elle a pénétré.
Sans doute, il est nécessaire que le
sentiment et la vue de nos insondables
misères nous tiennent abattus et
humiliés dans la poussière aux pieds
de Jésus ; il nous est même
utile, bien souvent, d'être nourris de pain
d'affliction, et de manger la Pâque avec des
herbes amères ; mais il est bien
essentiel aussi de retenir jusqu'à la fin
l'espérance qui nous soutenait au
commencement
(Hébreux III : 14), et
d'espérer parfaitement en la grâce
qui nous. a été faite
(I Pierre I : 10). Et même
il nous est bon de savoir nous réjouir en
notre Seigneur ; car cette joie est notre
force
(Néh. VIII : 10) :
c'est le vent qui enfle La voile de notre nacelle,
et qui nous pousse, au travers des tempêtes
de la vie, vers le port désiré du
salut. Ayez donc en tout temps bon courage, et ne
vous laissez pas ravir, par la jalousie de Satan,
les fruits de consolation que le Seigneur a
semés sur la route, au milieu de beaucoup
d'épines, pour le rafraîchissement de
nos âmes.
Je ne parle pas ainsi à tout le monde ;
il en est beaucoup, et je suis un des premiers, qui
ont besoin qu'on leur répète
continuellement : sentez vos misères
et pleurez ; mais il en est d'autres qui
ont besoin, au contraire, qu'on leur
répète les bonnes promesses de
l'Évangile, et qu'on leur dise que le
royaume de Dieu est justice, paix et joie par le
Saint-Esprit
(Rom. XIV : 17). Or, je sais que
vous êtes de ce nombre, bien-aimée
soeur ; et quand vous me diriez cent fois le
contraire, je vous connais trop bien pour penser
autrement...
Je tâche de prendre un moment la plume pour
vous remercier de ma propre main des voeux que vous
faites pour moi, surtout pour mon âme ;
j'ai bien besoin de vos prières, et
même de vos bonnes exhortations, car souvent
je trouve long le temps de ma
captivité ; j'oublie que j'ai
moi-même demandé au Père de me
châtier, comme il disait à David, de
verges d'hommes
(II Sam. VII : 14),
c'est-à-dire en mon corps plutôt qu'en
mon âme. Cependant je puis dire qu'en ces
derniers temps mon âme s'est raffermie, et
que je me trouve plus près de mon grand ami,
et même de mon seul ami ; car ici il n'y
a ni frère ni soeur qui puissent me parler
des choses de Dieu ; et quand il y aurait
quelqu'un pour m'écouter, je n'aurais pas
grande force pour parler. Priez donc, chère
soeur, pour que je profite du temps de
l'épreuve, et que si je ne peux pas
travailler pour les autres, je travaille pour moi,
ce que je n'ai encore guère fait...
Je parcours bien souvent en esprit toutes vos
vallées ; et je me trouverais bien
heureux de pouvoir encore y supporter le froid, la
neige et la fatigue, et de coucher dans les
étables ou sur le foin, (si mon corps le
pouvait supporter), pour prêcher encore la
bonne Parole de Dieu. Mais que sa bonne
volonté soit faite en toute chose.
Amen ! ***
XII. – À Alexandre Vallon.
LA PAIX DANS LES SOUFFRANCES ET DANS LA MORT.
– SATAN VEUT NOUS RENDRE LUGUBRE LA
PENSÉE DE LA MORT. – NOUS APPELONS LA
VIE UN DÉSERT... ET LA VUE DU PORT NOUS
EFFRAIERAIT
Plombières,
septembre 1828.
MON CHER VALLON (6).
Malgré la mauvaise nouvelle qu'on m'a
donnée de votre santé,
j'espère cependant que la présente
vous trouvera encore dans cette vallée de
misère. Je ne sais si je pourrai vous
édifier, et vous donner quelque
consolation ; mais j'ai besoin de vous
écrire ; j'ai besoin de vous exprimer
combien je suis attristé de votre
état de souffrance, et quelle vive part j'y
prends. O mon cher Vallon, c'est à
présent que je sens combien est grande
l'affection que j'ai pour vous ! Depuis le
jour où le bon Berger vous amena près
de nous à Dormillouse, je me rappelle
combien votre société m'était
douce et agréable, et combien de moments
heureux nous avons passés ensemble ;
j'admirais en vous la puissance de la grâce
de Dieu, qui vous a retiré d'Egypte
à main forte et à bras
étendu.. J'aimais en vous les dons
précieux que le Seigneur vous avait
départis ; le bon sens, le
discernement, l'affection, et surtout la
sincérité avec laquelle vous aviez
quelquefois la fidélité de me faire
de justes observations. C'était là
surtout ce qui avait gagné mon estime et mon
attachement ; car, grâces en soient
rendues à Dieu, j'aime véritablement
ceux qui me reprennent en véritables
frères ; je les aime plus que tous les
autres, et je prie Dieu de m'en faire rencontrer
partout.
O cher ami, qu'il m'est dur de penser que, s'il
m'est permis de revoir vos contrées, je n'y
retrouverai plus mon cher Alexandre ! ...
mais, frère bien-aimé, permettez-moi
de vous le dire, si je suis profondément
attristé de votre maladie et de votre
délogement, je dois l'être, et je le
suis en effet bien plus encore, d'apprendre qu'au
milieu de vos maux, vous paraissez manquer de cette
confiance, de cette soumission, de cette paix, qui
doivent glorifier Dieu dans les souffrances et dans
la mort de ses enfants.
Je sais, mon cher ami, combien il est facile de
crier du rivage à ceux qui luttent
péniblement contre les flots :
« Nagez ; ayez bon courage, ne vous
laissez pas entraîner ! ... »
Je sais combien il est facile, quand on est jeune
et en santé, d'exhorter à la patience
les affligés et les malades ; mais, mon
cher ami, ce n'est point là mon cas ;
ce n'est point ma position en regard de vous ;
c'est un pauvre malade qui, du fond de son lit,
encourage un autre malade ; c'est un malade
qui, plus qu'aucun autre, sait combien il est
difficile de conserver dans une longue
épreuve la patience et la soumission d'un
véritable chrétien ; un malade
qui peut se mettre à votre place, et qui a
toutes sortes de raisons de ne point être
sévère dans ses jugements, envers ses
compagnons d'infirmité.
Non, mon cher ami, je ne viens point vous reprendre
de votre faiblesse, et encore moins me proposer
comme modèle ; car je suis pour le
moins aussi blâmable que vous ; mais, si
je ne puis, à cause de mon peu de foi,
montrer, par mon exemple, combien sont riches les
consolations de l'Evangile ; combien l'Esprit
de Jésus-Christ donne de force, de courage
et même de joie à ceux qui le
possèdent, et comment il les fait triompher
dans tous les combats, en les rendant plus que
vainqueurs par Celui qui les a aimés ;
si je ne puis, dis-je, montrer en moi les fruits de
l'Esprit, je les ai vus chez beaucoup
d'autres ; j'ai vu de mes propres yeux des
chrétiens, souffrant beaucoup plus que moi,
et pendant de longues années, qui puisaient
dans le trésor de leur très- sainte
foi des consolations toujours nouvelles ; qui
bénissaient Dieu de leurs douleurs
même, et qui se réjouissaient de
participer aux souffrances de Christ.
Oui, j'ai vu cela, et je l'ai vu
souvent ; et j'en conclus bien naturellement
que si, vous et moi, sommes tristes et
ennuyés de souffrir, si nous perdons
courage, et si, au lieu de bénir Dieu et de
nous réjouir, nous sommes tentés de
murmurer et de nous plaindre, ce n'est pas la faute
de l'Évangile, mais c'est notre faute ;
c'est parce que la foi nous manque ; parce que
nous avons négligé la
prière ; parce que nous avons
oublié en quelque sorte la purification de
nos péchés passés,
c'est-à-dire perdu de vue les
premières grâces que nous avons
reçues de Dieu, ainsi que les grandes et
précieuses promesses qui sont devant
nous ; nous avons oublié aussi que
c'est par beaucoup d'afflictions qu'il nous faut
entrer dans le royaume de Dieu. Nous oublions
enfin que notre Chef fut couronné
d'épines ; que le Prince de notre salut
fut consacré par les souffrances ; et
qu'on ne peut le suivre qu'en renonçant
à soi-même, et en chargeant sa
croix ; et cette croix, ce n'est pas nous qui
la choisissons, mais c'est à nous de la
recevoir comme Dieu nous l'envoie.
Je ne sais, mon cher ami, si la pensée de la
mort. vous est pénible ; mais je sais
maintenant par expérience que Satan peut,
dans certains moments, nous la rendre bien
lugubre ; c'est alors que nous voyons combien
nous sommes encore charnels, et combien nous avons
peu de foi. Cependant, qu'est-ce pour nous, que
cette pauvre vie, que ce misérable
monde ? Nous l'avons appelé tant de
fois, dans le temps même de notre vigueur, un
désert, une vallée de larmes, un
enfer ; et maintenant que nos corps affaiblis
ne peuvent plus jouir du peu de bien qu'il offre,
l'esprit de séduction aurait l'art de nous
le faire regretter ! Dans les plus beaux jours
de notre pèlerinage, nous avons
soupiré après l'heure de
l'arrivée ; et, dans les sombres nuits
d'une orageuse et pénible navigation, la vue
du port nous effraierait ! O cher ami ;
chantons, chantons plutôt le cantique de la
délivrance : « Courage !
encore un pas, etc... » Vous avez peu de
chose, cher ami, qui doive vous attacher
ici-bas ; personne, ou à peu
près, que vous puissiez regretter selon la.
chair ; et si, selon l'Esprit, vous avez
quelques frères et soeurs dont la
séparation vous soit pénible, n'allez
vous pas aux milliers d'anges, a l'assemblée
des premiers-nés, à l'Eglise
d'En-haut qui vous tend les bras et qui chantera
à votre arrivée :
« Courage ! Entrez. dans ce palais
de gloire ; c'est ici le jour de la
félicité ! Entrez, bénis
de l'Éternel, entrez dans la joie de votre
Seigneur ! » Ne chanterez-vous donc
pas dès, à présent,
vous-même :
En esprit transporté
Dans la sainte cité,
Je crois entendre
Le cantique nouveau
Que l'on chante à l'agneau,
Et veux l'apprendre.
Ah ! que les veilles de cette triste nuit,
qui nous semble si longue, nous paraîtront
courtes au matin de l'éternité, quand
la brillante aurore du jour des Cieux
dissipera, comme un vain songe, le souvenir de nos
douleurs, quand l'Agneau nous paîtra, et
qu'Il essuiera toute larme de nos yeux !
Courage donc, cher frère ;
bientôt Celui qui doit venir viendra.
Rappelons-nous, en attendant, que nul de nous ne
doit vivre ni mourir pour soi-même ; et
prions Dieu qu'Il nous accorde la grâce de
pouvoir dire avec saint Paul : Va ferme
attente et mon espérance est que je ne serai
confus en rien ; mais qu'en toute assurance,
Christ sera maintenant, comme Il l'a toujours
été, glorifié en mon corps,
soit par la vie, soit par la
mort. Et ajoutons avec lui : Christ
m'est un gain, à vivre et à
mourir.
Il m'a été bien pénible de
ne recevoir aucune lettre de vous, depuis mon
départ ; mais ce n'est pas le moment de
vous en faire le reproche. Seulement, s'il est
encore possible, écrivez-moi ; et, si
vous ne le pouvez faire vous-même, faites
comme moi : dictez votre lettre à
quelqu'un qui écrive vos propres paroles
comme elles seront. Choisissez pour cela le plus
simple de vos frères ou soeurs ; car je
veux vos propres paroles, en toute franchise et
vérité ; bien ou mal
arrangées, elles me seront
précieuses ; et puissé-je y
trouver l'assurance que votre âme est
affermie et consolée en
Jésus-Christ !
Adieu, cher ami ! Nous ne franchirons
probablement plus ensemble les sommets des
Alpes ; mais bientôt, nous nous
rencontrerons sur les riantes collines de la
céleste Canaan, et cela pour toujours !
Oui certainement..... bientôt pour
toujours ! Adieu ***
(Cette lettre arriva trop tard ; le corps de
ce cher ami était bien encore dans la
maison, nais son âme était au ciel,
seulement depuis quelques heures ! Neff
lui-même mourut six mois après, en
mars 1829).
PENSÉES
C'est Golgotha, c'est le
Calvaire,
C'est le jardin des Oliviers,
Qui sont mes maisons de prières
Et mes rendez-vous journaliers.
Dans ce jardin, que vois-je en terre !
Le Fils du Grand Dieu prosterné,
Abattu, triste, consterné !
C'est pour moi qu'il est en
prière !
Grand Sacrificateur
Priant pour le pécheur,
Jésus, Jésus, ah !
souviens-toi
D'intercéder pour moi.
Quand on a sacrifié son repos et sa
liberté, pendant nombre d'années,
pour acquérir les fonds nécessaires
à bâtir une maison, qu'on a
déjà à grands frais
assemblé les matériaux, et que
l'édifice s'élève à une
certaine hauteur, il est bien dur de s'entendre
dire par un homme de l'art, que faute d'avoir
posé de bons fondements, tout l'ouvrage est
nul, que les vieux fondements ne valent rien, que
pas une pierre ne peut servir. C'est là
l'histoire de l'homme qui entend l'Évangile
pour la première fois. L'idolâtrie
chrétienne ou la religion du monde :
voilà ce dont l'homme se sert comme de lest,
pour voguer plus sûrement, et plus à
son aise, sur la mer de la mondanité ;
mais, dans le fait, il est aussi païen que les
hindous.
Dire, jouer, passer le temps avec les mondains,
c'est comme si, sachant qu'un homme est conduit par
un séducteur à la perdition, on l'y
accompagnait, en chantant pour l'étourdir et
le rassurer, se réservant de ne pas aller
soi-même jusqu'au précipice. C'est
encore boire avec des gens que le vin rend fou, et
qu'il fera tomber dans un piège, en prenant
en secret un préventif.
Voyez quel malheur ce serait, si beaucoup de gens
expliquaient la Bible au lieu de jouer, de boire,
Plusieurs chrétiens craignent de manifester
l'Évangile au monde, ont-ils peur qu'il
fasse du mal ? On dirait qu'ils manient du
poison.
Il est des chrétiens qui voudraient que
l'oeuvre de Dieu se fit à l'insu du
Diable.
Les assemblées religieuses sont souvent le
seul moyen de réveiller des âmes dans
un lieu, et toujours elles sont le résultat
de ce réveil. Donc, si l'on veut un
réveil, il faut vouloir les
assemblées, car qui veut la fin
vent les moyens, qui veut les moyens
veut la fin.
II Timothée II, 18.
Hyménée et Philète se sont
détournés de la vérité,
disant que la résurrection est
déjà arrivée, renversant la
foi de quelques-uns. Ils entendaient,
probablement, au spirituel, tout ce qui est dit de
la résurrection. Cette manie de faire sans
cesse disparaître le sens littéral est
celle de nos mystiques (7),
ils donnent par là dans
d'étranges erreurs et échappent
à tous les arguments les plus positifs tires
de l'Écriture.
Il Timothée II, 22.
Recherche la paix avec tous ceux qui invoquent
le Seigneur d'un coeur pur. L'apôtre
n'exige pas qu'on ait la paix à tout prix
avec le monde ou les hérétiques
manifestes, elle est même dangereuse alors,
mais avec tous les chrétiens, sans disputer
sur des mots.
Ce qu'ont fait les ministres de Genève avec
les incrédules, en cachant une partie des
doctrines revient à ceci : La mer
était agitée par la tempête, la
chaloupe faisait eau de toute part, le Seigneur
paraissait dormir ; ils n'ont pas même
eu la petite foi de
crier ; ils ont mieux aimé, dans leur
détresse, jeter la cargaison à l'eau
et même les agrès du bateau ;
cependant un mot du Seigneur réveillé
par leurs prières eût sauvé le
tout.
La vraie foi consiste à recevoir tout ce que
l'Évangile enseigne, et non à
s'attacher à une vérité, ou
à un certain nombre de
vérités, ou seulement à des
vérités.
Aller à Christ, a-t-on dit souvent, c'est
croire en lui. Sans doute qu'on ne peut aller
à Christ sans croire en lui, et que ces deux
choses doivent aller ensemble ; mais ne
pourrait-on pas, jusqu'à un certain point,
croire sans aller ? et n'est-ce pas là
justement la foi morte et stérile de tant de
prétendus chrétiens ? Croire
n'est pas s'approcher, croire n'est pas
allez. Ces expressions indiquent un
mouvement ; c'est le mouvement d'une âme
travaillée et chargée qui, poursuivie
par la frayeur du jugement, et « fuyant
la colère à venir », vient
chercher un refuge dans le sein de
Jésus.
La joie du salut n'est point
nécessairement inséparable de la
foi ; c'est une effusion de l'Esprit de Dieu
dont il faut savoir supporter la privation, quand
ce même Esprit juge a propos de nous conduire
par une autre voie... comme tous ne sont pas
appelés à beaucoup d'afflictions
pour la profession de la vérité,
qu'en outre plusieurs ont le malheureux talent de
les éviter, et que cependant c'est un
principe de la Bible que les souffrances sont
nécessaires pour l'accomplissement de
l'oeuvre de Dieu en nous, ne faudra-t-il pas que
les épreuves intérieures et
spirituelles suppléent aux temporelles, si
même elles ne les accompagnent pas ?
FIN
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