Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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Lettres de Direction spirituelle inédites




À quelques pasteurs et étudiants en théologie.

I. – A un ami.

COMMENT PRÉSENTER L'ÉVANGILE. – LA VIE CHRÉTIENNE. – VIE CONTEMPLATIVE ET VIE ACTIVE. –
LE CRITÈRE POUR JUGER LES OUVRAGES DES HOMMES.

Neuchâtel, 29 janvier 1820.

CHER FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST

Tu m'avertis charitablement quand tu me crois dans un mauvais chemin, mais, tout en reconnaissant ta bonne intention, je considère ton avis comme superflu. Je sais bien, et le Seigneur le sait aussi, que ce n'est pas pour sauver la vie du vieil homme que je mets de côté les oeuvres de Mme Guyon (1), mais parce que je n'y trouve pas l'évangile présenté dans sa simplicité primitive ; cela peut être la nourriture des Chérubins, mais à nous, méprisables transgresseurs, il nous faut le sang du Christ, il nous faut un Sauveur que nous puissions appelez « Jésus de Nazareth », « le Charpentier » ; ce nom de « Dieu tout pur » que vous employez sans cesse est trop grand pour nous.

Vous distillez l'Évangile en quelque jargon pour n'en prendre et n'en présenter que la quintessence ; nous, nous prenons la vérité telle que Dieu nous l'a donnée. C'est cette Parole à la main que je juge les ouvrages des hommes, et c'est pour que l'on s'en. tienne à cette Parole et aux ouvrages calqués sur elle, que je ne conseille pas ceux qui m'en paraissent s'éloigner en quelque sens que ce soit (2).

Autrefois, alors que l'Eglise du Seigneur était composée d'âmes ignorées – comme les sept mille d'Elie – et où rien, au dehors, ne contribuait à rendre visible et éclatant le témoignage de la Croix, il. est possible que cette vie contemplative et cette concentration intérieure fût le refuge et l'asile de la foi ; mais actuellement que l'oeuvre de Dieu se fait ouvertement, et où tout semble concourir à un réveil extraordinaire, je crois que la vie active est nécessaire, et que ce qu'il faut présenter aux hommes, c'est la malédiction de la loi, pour les convaincre de péché, et le sang de la croix de Christ, comme seul refuge contre la colère à venir. Il faut aussi que tous ceux qui ont éprouvé la puissance efficace de ce sang, travaillent à en étendre, de tout leur pouvoir, la connaissance parmi les hommes, remettant à l'Esprit Saint le soin d'ouvrir les coeurs et d'y faire germer la divine semence. Se crois que tout autre ouvrage est inutile, que c'est bâtir en l'air : il faut avant tout poser solidement le fondement qui est Christ. Pour trouver ce roc, il faut creuser bien profondément dans l'abîme de notre méchanceté. Voilà de la besogne taillée pour les prédicateurs de l'Évangile ; inutile de la prendre dans les nuages de la contemplation. Du reste, à Dieu ne plaise que je méprise ce qu'il peut y avoir de bon dans ces livres, j'en ai parfois tiré du profit pour mon âme, et parfois je me sers pour l'édification des âmes de ce que j'y ai puisé. Si ce que ces ouvrages disent est la vérité, on doit y parvenir par la prière et la lecture de la Bible, et quand même je ne crois pas à l'apostolat de Mme Guyon, j'espère arriver par Christ et sa Parole à la place qu'il m'a lui-même préparée et acquise.

Je n'ai qu'un maître qui est Christ, et je compte pour rien les paroles des hommes qui ne parlent pas l'Évangile à la main. « À la loi et au témoignage » : voilà ma proclamation ! « Christ et Christ crucifié » : voilà ma prédication !...

(la suite manque)



Il. – À Marc Fivaz, Suffragant à Orbe (Vaud)
(3)

L'OEUVRE DE DIEU NE PEUT PROSPÉRER SI ON Y ASSOCIE DES NON CHRÉTIENS. –
LE NOMBRE : N'EST PAS UNE FORCE. –
LES INSTITUTIONS AUXQUELLES LA CONSCIENCE DU CHRÉTIEN N EST POINT LIÉE. –
TRAVAILLONS À ÉDIFIER LA VÉRITABLE ÉGLISE.

Genève, 6 mai 1821.

CHER FRÈRE EN JÉSUS-CHRIST,

J'ai appris par M. Duplessis, de Nyon, que nous avons eu le plaisir de voir ici dimanche, que l'affaire des Missions a trouvé une vigoureuse opposition, et que probablement elle restera « au crochet » jusqu'à nouvel ordre. Je dois vous dire que je n'en ai été ni fort étonné, ni fort affligé. D'abord, il était facile de présumer qu'une oeuvre à laquelle on avait voulu donner un éclat mondain, en y invitant tant de gens qui, vu leur état de mort, ne pouvaient qu'y apportez un esprit peu chrétien, qu'une oeuvre qu'on avait cru devoir appuyer sur l'homme, ne devait pas être bénie d'en haut, et, par conséquent, devait rester exposée à toutes les attaques de l'ennemi. Vous savez d'ailleurs de quel oeil je considérais cette marche avant que le résultat fût évident ! Malheur à L'homme qui se confie en l'homme et qui fait de la chair son bras ; on a bien de la peine à comprendre que l'Éternel se plaise à confondre les choses fortes et honorables, celles qui sont, non par des choses plus fortes, mais par des plus faibles, plus méprisables, même qui ne sont point !

Il n'eût guère semblé raisonnable à nos spéculateurs de la foi, s'ils eussent été à la place de Gédéon, de renvoyer presque toute l'armée pour vaincre plus sûrement. Ce peuple est en trop grand nombre pour que je lui livre Madian. (Juges VII : 2). Comment le grand nombre qui fait la force peut-il être nuisible ? Pour venir à ses fins, l'Éternel doit employer les moyens qu'il a lui-même créés. De même, ils auraient trouvé bien insensé le conseil du prophète qui déclara à Amatsia, que s'il persistait à marcher contre l'ennemi avec les cent mille auxiliaires des dix tribus qu'il avait à sa solde, il serait certainement vaincu (II Chroniques XXV : 6-8). Et, quelque absurde que cela paraisse à notre incrédulité, l'expérience a prouvé que telle est la volonté de Dieu : il veut qu'on s'appuie sur lui et non sur des secours étrangers.

Le chrétien ne doit donc pas être surpris quand, pour ne s'être pas appuyé sur l'Éternel, il est désappointé. D'autre part, je garde l'espérance que cet événement sera une bonne leçon pour ceux qui ne savent pas encore discerner la vraie foi, et qui croient qu'il ne faut qu'être prudent et charitable pour se concilier l'estime et avoir l'approbation de tous les hommes religieux ; on voit maintenant, d'une façon claire, ce qu'est cette inimitié du monde contre Dieu et son règne ; on apprend à ne pas juger si favorablement des hommes et à comprendre ce qu'en disent les chrétiens ; on voit maintenant ce qu'est cette vaine science de théologie, même la plus orthodoxe, dont notre canton se glorifie tant. : elle est comme le Saint-Sépulcre, le corps du Christ y a bien été, mais maintenant je l'y cherche en vain, et. je suis obligé de dire comme Marie : On a enlevé, mon Seigneur et je ne sais ou on l'a mis. Et si même le corps du Christ y est, il n'y a que son corps ; son esprit n'y est point. Que les serviteurs de Jésus, ne se scandalisent pas de cette opposition à l'oeuvre de Dieu, et qu'ils se disent bien que, quelque apparence de vie qu'aient ceux de qui elle paraît procéder, ils n'ont pas la lumière de l'Évangile.

Cette lumière nous montre l'oeuvre de Dieu se glissant dans la boue de ce monde, sans apparence, sans honneur, foulée aux pieds ; ces hommes n'ont probablement jamais su ce que c'est d'être petit, humble, méprisé, rejeté des hommes, regardé comme la balayure du monde ; ils ont toujours considéré. Christ comme devant régner ici-bas avec un sceptre de fer, assujettissant les rois et les peuples à la piété ; ils ont voulu faire l'oeuvre de Dieu en grand, méthodiquement, d'une manière humainement légale ; ils ont cru. que le Christ qu'ils attendaient en esprit serait un roi de gloire, qu'il prendrait ses serviteurs dans la famille d'Aaron, qu'il ferait adorer le Père à Jérusalem, dans le temple fait de mains d'hommes, enrichi. par Hérode ; et maintenant qu'ils voient qu'il n'en est pas ainsi, ils s'opposent à lui, mais là encore le Diable s'est marché sur la queue ; la vérité y gagnera, on verra que de tout temps l'Evangile a été une chose méconnue, haïe, détestée, que de tout temps les vrais serviteurs de Dieu ont été séparés du monde, qu'on les a qualifiés de sectaires, qu'on leur a attribué mille mauvais desseins, et que la multitude si divisée sur d'autres choses s'est toujours admirablement accordée pour s'opposer à eux, que par conséquent ils ne doivent pas s'attendre à être secondés, approuvés, qu'ils doivent agir uniquement par droit divin, sans en appeler au droit humain, que jamais ils ne doivent se scandaliser quoi qu'on dise d'eux, quoi qu'on leur fasse. Jésus nous a prévenus. Enfin ils doivent renoncer absolument à tout, et n'ambitionner que d'être associés à la pauvreté, à la croix de leur maître.

Oh ! combien les préjugés dont on est imbu dès l'enfance, et qui sont généralement reçus, ont de la peine à tomber ! On ne peut se persuader que le règne de Jésus-Christ n'est pas de ce monde ; que tous les clergés réguliers, salariés par les gouvernements, toutes ces églises à la tête desquelles se placent les grands de la terre, toutes ces académies où l'on enseigne à ergoter impertinemment sur tout ce qu'il y a de plus sacré, toutes ces paroisses et ces temples, ces troupeaux et ces pasteurs ne sont que des choses du monde, des institutions purement humaines, auxquelles la conscience du chrétien ne doit pas être plus liée qu'à toutes les maximes et tous les usages que la vanité des hommes a consacrés. Le peuple de Dieu doit être un peuple de franche volonté ; donc toutes ces formes religieuses, où l'on encadre, avec plus ou moins de contrainte, mondains et chrétiens, ne constituent pas le peuple de Dieu.
Là-dessus, les Réformateurs n'ont pas vu plus clair que beaucoup d'autres : ils ont trop cherché à mettre l'Eglise sous la tutelle du pouvoir humain ; de là l'aigreur, le feu trop judaïque qui anime souvent leurs écrits, de même que les révolutions civiles qu'ils ont occasionnées et le sang qu'ils ont fait répandre. Dieu a permis ces imperfections ; il avait ses vues, et il ne nous appartient pas de détruire cet édifice, son église, d'en sortir ; seulement qu'on ne s'y laisse point lier ni de coeur ni d'action, et qu'usant de la glorieuse liberté des enfants de Dieu, on travaille, dans son sein, à édifier la vraie Église du Sauveur.

Bien que je m'exprime ici avec clarté, je ne crains point que vous le preniez en mal, car vous connaissez assez le sens spirituel de l'Évangile, pour ne pas mal interpréter mes expressions ; mais je ne parlerais pas ainsi à tout le monde... Nous avons des frères très bien intentionnés et capables de faire beaucoup de choses pour le Seigneur, qui ne comprendraient pas ce langage, et qu'il faut se garder de scandaliser...

Pour ce qui vous concerne particulièrement, je suppose que votre mariage aura lieu bientôt : c'est bien ici que vous devez redoubler de vigilance ; priez le Seigneur qu'il vous garde de la tentation d'entrer en rapport avec les choses du monde, et souvenez-vous qu'entre les péchés innocents dont s'excusaient les indifférents ne répondant pas à l'invitation du roi, il y avait le mariage. Gardez-vous de négliger, à cette occasion, soit la prière, soit vos fonctions, non seulement pastorales, mais évangéliques, en disant : « je les reprendrai bientôt ». Que vos propres noces ne vous fassent pas oublier celles de l'Épouse, que vous attendez. Que votre lampe ne manque point d'huile, et qu'elle ne cesse pas de répandre une lumière de vie. Nul qui va è la guerre ne s'embarrasse des choses de la vie, s'il veut plaire à celui qui l'a enrôlé. Que cette parole retentisse à nos oreilles. Que nous ayons sans cesse présent le travail que le Seigneur nous a donné, que l'accomplir soit notre nourriture ; en cela nous imiterons notre Maître. Prions Celui qui accomplit toutes choses en tous de nous rendre de plus en plus fidèles ; demandons-lui la patience, la persévérance, afin de ne point nous décourager au moindre obstacle, car la terre que nous cultivons est ingrate, c'est une matière inerte. Quoique nous devions désirer avec ardeur que le règne de Dieu avance rapidement, n'attendons cependant pas grand chose, et réjouissons-nous si, au bout de plusieurs années de travaux évangéliques, nous voyons quelques âmes attachées solidement à leur Sauveur.

J'ai vu, en venant d'Orbe, plusieurs frères ; il semble qu'une respiration de vie commence à en animer plusieurs ; mais l'ennemi ne dort pas, il ne se contentera pas d'une seule attaque ; tenez-vous sur vos gardes, communiquez autant que possible les uns avec les autres, surtout par lettres ; ne vous entravez pas en vous associant des morts ; méfiez-vous de tous ces conseils de prudence, de modération, de soi-disant charité, dictes par la pusillanimité ou la sagesse humaine. Que l'Évangile soit le seul guide auquel vous ajouterez foi ; et si l'on veut y ajouter autre chose, que l'on considère comment l'oeuvre de Dieu s'est faite, là où elle a existé ou existe d'une façon vivante,
évidente, et non à la manière des philanthropes qui regardent aux choses visibles.

Adieu, cher frère, donnez-moi de vos nouvelles si vous ne venez pas incessamment. Saluez affectueusement madame votre mère.
La grâce du Seigneur, sa lumière et sa paix soient avec vous (4).



III. – À. P. Baulme, J. Clavel, F. Martin-Dupont (5)

S'INSTRUIRE, FAIRE DES CONNAISSANCES UTILES. LA QUESTION D' ÉGLISE.

Arvieux, le 81 mai 1825.

... Mes chers amis, vous voilà donc à Paris ; c'est bien la vraie foire de la vanité 2. Je n'ai pas besoin de vous dire de prendre garde et de passer comme Chrétien et fidèle, en détournant les i~eux et en vous bouchant les oreilles ; car tout ce bruit, loin de vous distraire, doit vous affliger, en pensant au malheur de tant de milliers d'âmes qui semblent se précipiter à l'envie dans les pièges de Satan.

Vous vous affligez avec raison de ne pouvoir rien faire pour le règne de Dieu ; mais priez pour qu'il vous ouvre quelque porte. Gobat 3 avait bien trouvé le moyen
de travailler pour cette oeuvre, et ce serait fort étrange qu'au milieu de tant de gens on ne trouvât personne à qui parler. Ayez patience et cela viendra.

Du reste occupez-vous de vos études ; apprenez le plus de choses que vous pourrez. Paris est le pays de la science, et bien qu'elle ne soit pas l'essentiel, elle est toujours utile. D'ailleurs, il faut varier l'étude pour se fatiguer moins l'esprit. Une chose très utile à savoir et très longue à apprendre, c'est l'histoire, surtout ce qui tient à l'histoire ecclésiastique ancienne et moderne. Ne négligez rien pour acquérir cette connaissance. Tâchez d'apprendre aussi un peu d'histoire naturelle et de prendre quelques teintures de physique et de mathématiques. Tout cela élargit les vues, forme le jugement et vous rend capables de comprendre tout ce qu'on lit ou ce qu'On entend dire aux gens instruits. Il y a à Paris des cours publics sur toute sorte de sciences. Si vous pouvez y être admis, ne les négligez pas, surtout ne soyez pas timides mal à propos ; saisissez toutes les occasions de faire des connaissances avec les personnes éclairées. Il ne faut jamais que l'ambition nous guide ; mais quand notre but unique est d’étendre notre sphère d'activité dans l'oeuvre de Dieu, il nous est permis de mettre à profit tous les moyens honnêtes et légitimes. Prétendre que le Seigneur nous aide sans employer ces intermédiaires, c'est tenter Dieu... Parlez peu de vous, surtout pour vous plaindre, mais encouragez, fortifiez, exhortez. Il faut s'accoutumer à ne conter ses misères qu'au Sauveur, quand on est appelé à porter celles des autres. Un évangéliste doit apprendre à exister, comme s'il était destiné à ne voir jamais que des âmes plus faibles que lui.

Quant à la séparation, au baptême, etc., rappelez-vous que la première nécessité pour accomplir l'oeuvre de Dieu est de tenir le chemin libre à sa parole, et que tout ce qui peut faire naître des obstacles doit être rejeté sans autre examen, si on peut être sauvé sans cela. Il me suffit que les âmes viennent à Jésus-Christ, et trouvent en lui la paix et la sanctification. Se peux en conclure que la doctrine qui produit ces fruits est bonne et suffisante. Voyez les missionnaires de Sierra-Leone : ils sont anglicans ; cependant, de toutes les missions, la leur est la plus florissante, leurs colonies sont déjà de petits paradis terrestres ; Dieu bénit donc leurs travaux, quand même ils ne soient pas dans ce que les séparatistes appellent la volonté du Seigneur, comme si le Seigneur ne voulait autre chose de nous que l'observation de certaines règles de discipline. Cependant, c'est avec ces apôtres de l'Afrique que nos séparatistes et les baptistes ne voudraient pas prendre la Cène ! Cela offre quelque chose de si révoltant, qu'il n'en faudrait pas davantage pour faire haïr de tels systèmes (5b) .
Plaignez ceux qui sont enlacés par ces liens subtils du rusé serpent, et regardez comme un grand trésor cette précieuse liberté dont vous jouissez. Dites comme saint Paul : Je ne me rendrai esclave de rien ; conservez la faculté de vous faire tout à tous ; ne mettez pas votre conscience à la gêne comme les Galates et les Colossiens. Il existe un certain esprit qui s'attache à la lettre, aux observations légales, et on appelle tout cela être fidèle et faire la volonté du Seigneur ! Moi, j'appelle tout cela se mettre sous la loi et s'assujettir mal à propos pour donner du scandale aux Juifs, aux Grecs et à l'Eglise de Dieu ; c'est être enfant d'Agar et non de Sara. D'ailleurs, on finit par mettre plus d'importance à ces riens qu'à l'Évangile même ; et au lieu de retirer quelques tisons du feu, on croit bien servir Dieu en troublant ceux qui lui appartiennent déjà. On coule le moucheron et on avale le chameau ; on se glorifie de porter la croix de Christ et on ne porte que la sienne... Ayons des vues plus élevées ; repoussons cette gaine qui va toujours en se rétrécissant, où l'on se serre chaque jour davantage et où l'oh n'est jamais assez esclave (6).



IV. – A P. Baulme, 3. Clavel, F. Martin-Dupont, J.-L. Rostan (7).

LES ÉTUDES THÉOLOGIQUES. – UN PROGRAMME DE VIE D'ÉTUDIANT. –
EXERCER DÉJÀ LE MINISTÈRE A LA FACULTÉ.

... Je n'ai pas besoin de vous dire, mes chers amis, combien je suis réjoui de vos succès. Vous voilà. donc en théologie ; et, dans peu de temps, vous pourrez commencer à prêcher en qualité de proposant. Cependant, mes chers amis, dans mes actions de grâce à notre bon Dieu, je crois devoir le suppliez de vous préserver de l'orgueil ; je le prie surtout de vous garder au milieu des nombreuses tentations qui vous entourent.

Rappelez-vous que la plupart des choses qu'on vous enseignera sont d'une faible utilité dans l'oeuvre de Dieu, et qu'il en est même qui sont plus propres à enfler le coeur et à détruire la simplicité de la foi qu'à édifier. Il est à désirer que vous puissiez vous occuper de ces choses, comme un chimiste manie des poisons. Malheur à vous si vous y mettez votre coeur !

Votre position est d'autant plus dangereuse, que c'est d'une ignorance absolue que vous êtes immédiatement passés à la lumière de l'Évangile, et que les fausses lueurs dont on frappe vos yeux, peuvent avoir pour vous le charme de la nouveauté ; tandis qu'au contraire, ceux qui n'ont trouvé le repos aux pieds de Jésus qu'après avoir longtemps erré dans ces déserts arides et sans eau, ne peuvent plus être égarés par des guides trompeurs. Épargnez-vous cette triste expérience ; ne tentez pas le Seigneur, en vous plongeant avec témérité dans ces sables mouvants, dans cet obscur labyrinthe où son Esprit ne s'engage point à vous suivre et à vous garder. Ne soyez point présomptueux ; ne pensez pas qu'on. puisse essayer de tout impunément. Il en est de l'esprit comme du coeur : dès qu'il cesse de craindre, il est bien près d'aimer ; dès qu'il cesse de combattre ou de fuir, il est tout près d'être asservi.

Rappelez-vous ces temps heureux où vous reçûtes l'Évangile en simplicité de coeur ; que pourriez-vous désirer de plus ? Transportez-vous dans votre chère patrie, dans les chaumières des Hautes-Alpes, au milieu de nos frères et de nos soeurs qui ne savent que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié, qui ne lisent que la Bible et quelques ouvrages dictés par l'expérience du coeur. Que leur manque-t-il, et que pourraient-ils gagner dans la compagnie des sages et des dissertateurs de ce siècle, dont, peut-être, vous enviez le prétendu savoir ?... Ne répondriez-vous pas par un sourire de pitié à ceux qui vous demanderaient si les docteurs rationalistes que vous connaissez, pourraient tous ensemble amener une seule âme à la vie éternelle, et porter, dans l'oeuvre de Dieu, le fruit que portent un Aimé du Loix ou une Marie Carron ?

Je ne suis pas ignorantin, vous le savez ; et, en fait de sciences positives, bien qu'il ne faille pas y attacher trop de prix, mon avis est qu'on n'en saurait trop acquérir. Soyez donc savants dans les langues ; apprenez les mathématiques, l'histoire, les sciences naturelles, autant que vous le pourrez, et faites servir ces connaissances au règne de Dieu. Mais, en fait de métaphysique, et surtout de théologie proprement dite, vous avez bien peu à recevoir de vos semblables ; ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues, et qui ne sont jamais montées au coeur de l'homme, mais que l'Éternel a réservées à ceux qu'il aime ; et comme nul ne sait ce qui est dans l'homme, sinon son propre esprit, de même nul ne connaît ce qui est de Dieu, sinon l'Esprit de Dieu.
C'est donc à cet Esprit seul qu'il appartient de nous les faire connaître ; aussi, nous. n'avons pas reçu l'esprit de ce monde, mais l'esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses qui nous ont été données de Dieu, lesquelles, ajoute l'Apôtre, nous annonçons, non avec les discours qu'enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu'enseigne le Saint-Esprit.

N'employez donc que le moins de temps possible à ce qui ne rassasie point ; n'apprenez, en fait de théologie ainsi nommée et de toute science humaine relative aux choses spirituelles, que tout juste ce qui vous sera nécessaire pour subir vos examens. Ne permettez jamais qu'on vous fasse sortir sur ce sujet du champ des Escritures, et récusez constamment tout autre témoignage ; combattez avec charité et modestie, mais en même temps avec franchise, les principes erronés que l'on pourrait vous proposer.
Ne formez de liaison, avec les étudiants, que pour votre édification ou pour la leur ; que la conscience et le coeur aient toujours part dans vos conversations ; car l'esprit, quand on l'attaque seul, glisse et s'échappe comme un serpent.

Rappelez-vous que vous n'êtes pas. à Montauban seulement pour vous préparer au ministère, mais, en quelque sorte, pour l'y exercer déjà. Si vous vous êtes vraiment des disciples de Christ, ayez de l'huile dans vos lampes, ayez du sel en vous-mêmes. Tenez-vous près de Jésus, la source de toute lumière. Demeurez attachés au cep ; car, hors de lui, quoi qu'en pense le monde, vous ne pouvez rien faire. Aimez-vous les uns les autres. Édifiez-vous mutuellement ; écartez les questions oiseuses ; priez ensemble, et serrez les rangs comme un peloton de fantassins pressé par la cavalerie. Je vous le répète, n'employez pas votre temps à des choses vaines". *** (8).


Table des matières

1. Mme Guyon (1648-1713), malgré sa grande spiritualité, préconisa un faux mysticisme. Pour elle, la piété trouvait sa forme supérieure dans un amour pour Dieu s'exprimant en un acte de continuelle contemplation : « amour pur » ou l'on devient indifférent à tout, pour le corps et pour l'âme, et où la pratique des vertus chrétiennes n'a plus sa raison d'être.
2. Plutôt que de se servir des ouvrages du temps qui ne le satisfaisaient pas sous le rapport de la doctrine et de l’expérience chrétiennes, Neff ne fit guère lire autour de lui que le miel découlant du Rocher (écrit avant 1666) et les Sermons de Nardin (écrits avant 1728).
3. Neff exerça une profonde influence sur ce pasteur. Suffragant à Orbe depuis 1816, Fivaz jouissait de la considération et de l'affection générales ; il se convertit en 1820 et prêcha dès lors la conversion avec une grande force, et plusieurs de ses catéchumènes se convertirent h leur tour. Fivaz fut dès lors en hutte à de très violentes attaques, à des intrigues sans nombre et bientôt exclu du corps pastoral. Il avait cependant sur la question ecclésiastique des vues plus larges – il les devait à Neff – que certains de ses contemporains. Le travail spirituel de Marc Fivaz fut exceptionnellement fécond, son rôle fut aussi très important dans le mouvement religieux de cette époque troublée. (Voir J. CART : Histoire du mouvement religieux dans le Canton de Vaud, t. I et Il).
4. Lettre déposée par le pasteur J.-D. Benoît à la Société de l'histoire du protestantisme français.
5. Ces trois jeunes gens, originaires de Mens et du Champsaur, étaient allés à Paris acquérir à l'Institut Olivier les connaissances préliminaires indispensables aux études théologiques.

Cet Institut avait été fondé par Robert Haldane, pour préparer des évangélistes. Il fut dirigé de 1824 à 1832 par François Olivier, ancien pasteur du Canton de Vaud, démissionnaire, puis banni à cause de ses convictions évangéliques. Olivier était très lié avec Marc Fivaz.

2. Allusions au livre allégorique de Bunyan :
le Voyage du Pèlerin.

3. Samuel Gobat (1799-1871), une des plus marquantes personnalités missionnaires du siècle dernier ; son activité religieuse et sociale, fut d'une très grande portée, tant en Abyssinie, en Syrie, à Malte, où il travailla à la traduction et a l'impression de la Bible en arabe, qu'à Jérusalem, où il fut pendant trente-trois ans évêque de l'Eglise unie d'Angleterre et d'Irlande.

Neff fait allusion au séjour de Gobat à Paris en 1824. Venu dans la capitale pour étudier l'arabe, il se sentit perdu et très isolé au point de vue spirituel. Nais il trouva bientôt « à
qui parler ». Le pasteur anglais Marc Wilks confia au jeune étudiant la Réunion mensuelle des Missions, et une réunion d'études bibliques hebdomadaire (d'où devait sortir la chapelle Taitbout). Une loueuse de chambres meublées le pria de tenir chez elle des réunions pour des « gens de la classe ouvrière préoccupés de la recherche du salut ». À son départ, Gobat confia cette oeuvre à Fr. Olivier. Gobat travailla également avec beaucoup de zèle à l'évangélisation des Israélites de Paris.

Neff ne pouvait offrir un meilleur exemple à des étudiants désorientés dans la grande ville et désireux de travailler pour Dieu pendant leurs études.
5b. Neff stigmatise là une pratique particulière, non au baptisme, mais à des milieux très divers. Entendre affirmer que le baptême qui suit la conversion est le seul baptême chrétien, le seul qui symbolise « l'ensevelissement et la résurrection avec Christ » (Rom. VI, 4) et signifie « l'engagement d'une bonne conscience envers Dieu x (I Pierre III, 21) ne pouvait révolter Neff, qui a toujours parlé du baptême des enfants avec une rare liberté de jugement (voir Bost II, p. 169 et 397). Neff lui-même sortit de l'église nationale pour se rattacher à l'église dissidente de Genève et rappela souvent que « les âmes réveillées seules, à proprement parler, composent un troupeau ».

6. Extrait de :
Félix Neff missionnaire et prédicateur, par A. MARCHAND, pp. 51-52-53.
7. J.-L. Rostan alla directement à Montauban. Il y retrouva les trois destinataires de la précédente lettre. D'après les instructions d'André Blanc et de Neff, ils avaient dû quitter l'Institut Olivier, qui ne pouvait leur ouvrir les portes des Églises françaises.
8.Texte revu sur l'original déposé à la Société de l’histoire du protestantisme français.

 

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