Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



FÉLIX NEFF PORTEUR DE FEU



CHAPITRE X

QUAND NEFF PARLE

Le rébarbatif col d'Orcières, Neff le franchira une fois de plus, en novembre 1826, pour aller participer à la dédicace du temple de Mens. Dix robustes chasseurs de chamois l'accompagnent jusqu'à son sommet « recouvert par quatre ou cinq pieds de neige. fraîchement tombée ». Là, à Mens, « nous n'avons pas eu le crève-coeur d'entendre des prédicateurs à la mode comme cela serait sans doute arrive s'il avait fait beau temps ». Le messager de Freissinières parle sur ce texte : Vous-mêmes, comme des pierres vivantes, édifiez-vous pour former une maison spirituelle.

Comment Neff prêchait-il ? Quelle était la substance de son message ? Peu de ses sermons, malheureusement, ont été confiés à l'écriture. Mais ses lettres nous en donnent, fréquemment, le plan et même certains passages. Neff, en effet, est un improvisateur ne, domine par la fougue de son tempérament. Ses prédications, certes, il les « construit » sur les sentiers alpins, dans la neige, en diligence, mais n'entend pas dresser entre son ardeur et l'attention de l'auditoire, la rigidité de phrases tracées sur le papier. Il laisse parler son coeur, donné à l'émotion du moment. Comment, si l'on lit ou récite, établir un contact direct, passionné ? Neff improvise donc, presque toujours, guidé par des idées longuement méditées ; à la parole, cueillie en quelque sorte, sur le front des auditeurs, dont les préoccupations, acquiescements ou résistances sont surprises par ce regard de l'âme auquel rien n'échappe, de les traduire avec le maximum d'efficacité.
- Avant de s'adresser à nous, il nous regardait longuement. Soudain, ça partait ! Et le torrent emportait tout !
Torrent, certes, mais qu'une minutieuse préparation canalise pour mieux utiliser son élan.

« Nous avons eu le privilège, écrit A. Peloux, d'avoir entre les mains quelques manuscrits de méditations de Félix Neff, feuilles jaunies par le temps, remplies d'une écriture fine, irrégulière, tourmentée ; beaucoup de ratures, de surcharges ; des pages entières effacées, presque illisibles. Des expressions sont remplacées par d'autres plus heureuses ou plus fortes. Certaines phrases sont soulignées. »

Voici quelques fragments de l'un des rares sermons de Neff (dédicace du temple de Mens), dont l'essentiel est venu jusqu'à nous. Mais prêché, c'est-à-dire parlé, il fut sans doute assez différent.

« Quand on élevait le magnifique temple de Salomon, toutes les pierres, tous les bois qu'on y apportait étaient si bien taillés et préparés qu'on n'y entendait, dit l'historien sacré, ni marteau, ni hache, ni aucun instrument de fer, non plus qu'aux ardentes fournaises, entre Succoth et Tsarthan, où l'on fondait l'airain pour les vases sacrés... Ainsi, dans le ciel, le majestueux sanctuaire s'élève sans bruit, sans effort ; tout y arrive pur et parfait. »

Mais nous, les hommes, nous besognons encore dans les carrières.
« Que de pierres informes, de rebuts, de débris inutiles, que d'objets d'un usage passager !... Combien d'arrangements provisoires ! Que de mercenaires, d'étrangers, occupés dans ces carrières, comme les ouvriers d'Hiram et qui, comme eux, n'entreront jamais dans le sanctuaire ! Que de dissensions entre les travailleurs, même les plus fidèles ! que de conjectures, de discussions vaines au sujet du but final et du plan qui n'est connu que du grand architecte, de lui seul ! Chercherons-nous dans ce chaos la véritable Église, le Temple spirituel ? Voudrons-nous la composer de l'ensemble de tous ces blocs informes, ébauches, ou seulement de ceux qui nous paraîtront déjà préparés par le Maître ?... »

Et ces lignes où l'on saisit sur le vif la « manière » de Neff prédicateur :
« Si un homme chargé de dettes, prêt à être livré à ses créanciers entre les mains de la justice et plongé dans un cachot, recevait tout à coup la nouvelle qu'une riche succession vient de lui échoir et qu'il aura non seulement de quoi payer ses dettes mais encore de quoi établir richement sa famille et vivre dans l'opulence, quelle joie n'éprouverait-il pas ? Personne ne le blâmerait de ses transports. On dirait au contraire : - Il a bien raison de se réjouir... Avez-vous jamais éprouvé rien de semblable en entendant la nouvelle de votre salut par Jésus-Christ ?... Et si l'on venait vous dire à cette heure, en vous montrant une montagne escarpée : - Vous voyez ces rochers, ces précipices, ces cavernes ténébreuses ? Voilà bien des périls, mais il y a de l'or... Quel est celui d'entre vous qui ne tressaillerait pas, qui ne sentirait pas naître en lui une nouvelle vigueur, une nouvelle ardeur, qui ne mettrait tout en oeuvre pour parvenir à cette précieuse mine ?... Votre coeur a-t-il jamais tressailli de cette manière en pensant au trésor inépuisable de la grâce divine, à cette source vive qui jaillit jusqu'à la vie éternelle ?... »

Ardeur et simplicité. Comme il convient devant des auditoires inaptes à suivre le jeu des pensées abstraites : des images, des comparaisons.

« Comme les eaux de la mer baignent également la baleine et le plus petit coquillage, comme une pluie abondante arrose suffisamment le chêne et le gramen, ainsi l'amour de Dieu, embrasant tous les êtres qui vivent en lui, rassasie pleinement chacun d'eux comme s'il ne s'occupait que de lui.

« Le chrétien est citoyen du ciel ; s'il est souvent obligé de s'occuper des biens périssables, tel un plongeur qui vient respirer à la surface de l'eau, on le voit revenir aux choses divines, son élément naturel.


UN "RÉVEILLÉ" DE FÉLIX NEFF

« Ceux qui prétendent n'avoir pas le temps de travailler à leur salut savent bien trouver du temps pour toute autre chose ; quand ils ont un procès à suivre, une affaire importante à terminer, ils savent bien prendre le temps nécessaire pour s'en occuper ; ils y pensent beaucoup et en parlent à tout le monde, sans pour cela abandonner leurs travaux ordinaires. »

« Si toute une armée dévorée par la soif se porte vers une petite fontaine, on conçoit que le plus grand désordre y régnera parce que, craignant que l'eau ne manque, chacun voudra boire le premier ; tandis que s'ils vont boire au bord d'un grand fleuve - les Évangiles - tout se passera sans contestation.

« Quand on parle d'eau à quelqu'un qui se pâme de soif, de bon vin à un ivrogne, de mets exquis à un gourmand, de fortune à un avare... on voit que leur âme se dilate, que leur coeur palpite... ; mais, pour la parole de vie, la grâce et la gloire du royaume céleste, l'âme est tiède, le coeur mort.

« On prie comme si l'on faisait une commission pour quelqu'un d'autre ; on se contente de faire cette commission et l'on se met peu en peine de réussir.

« Si l'on voulait combler un lac, on y jetterait des pierres, longtemps, avant de rien connaître de ce travail. Ainsi en est-il de l'oeuvre de Dieu ; c'est un grand abîme que celui de l'incrédulité et de la corruption du monde ; on peut, pendant longtemps, y jeter force paroles, force livres, force prières et force supplications, sans que rien ne paraisse. Et pourtant rien n'est perdu. »

Direct, pressant, « l'âme en bataille, Neff rendait la parole de Dieu si claire qu'on était étonné de ne pas l'avoir comprise plus tôt. » (Blanc.)

C'est que, nous l'avons dit, de cette parole, Neff ne s'éloignait jamais. Il en tissait, littéralement, prédications et conversations « suant sang et eau » pour montrer que le message divin est valable dans toutes les circonstances de la vie, qu'il la domine, l'éclaire, lui donne ses points de direction.

« En dehors de l'Escriture, il n'y avait à ses yeux qu'incertitude ; il lui soumettait son intelligence, il « prêtait son oreille à son langage comme à celui d'un ami, d'un maître donnant des leçons. » (Martin Dupont.)

Biblique, totalement biblique. Mais sans étroitesse. jamais il ne s'égare dans de stériles discussions dogmatiques, dans la controverse qu'il a en horreur, dans les querelles d'église à église, d'église à secte. Ce fils du Réveil ne mène pas la guerre contre les Églises dites nationales. « Il vaut mieux se servir du filet de la parabole et le raccommoder que le déchirer et le détruire. » Avant tout, où que l'on milite, tenir sa conscience en éveil, la vouloir vigilante, car « elle est comme le chien de garde ; à force de voir passer et repasser quelqu'un, il s'accoutume et n'aboie plus, si ce n'est pour les étrangers ».

Toujours et partout du positif ! Attaquer moins les autres que soi-même, pour se transformer et vigoureusement. « On est trop théologien, trop savant, trop riche. L'Évangile est une plante des déserts et des montagnes qui dégénère par trop de culture et d'engrais: elle se répand alors en feuillage et porte peu de fruits... La vraie foi consiste à s'attacher à tout ce que l'Évangile enseigne et non, exclusivement, à une vérité, ou à un certain nombre de vérités, ou seulement à des vérités. »

« On finit par mettre plus d'importance à des riens qu'à l'Évangile même... On coule le moucheron et on avale le chameau. On se glorifie de porter la croix du Christ et l'on ne porte que la sienne... Ayons des vues plus élevées ; repoussons cette gaine qui va toujours en se rétrécissant, où l'on se serre chaque jour davantage et où l'on n'est jamais assez esclave... Avec la profession de foi la plus orthodoxe, dans l'église la plus pure, une âme, qui manque intérieurement de droiture d'intention, ne peut que végéter misérablement. Tout est provisoire, dans ce monde, l'Eglise comme le reste. Pour une nuit que nous y passons, pas n'est besoin d'y bâtir une forteresse ; une légère tente, un chariot couvert, comme chez les peuples nomades, sont plus que suffisants. Demain, s'il plaît au Seigneur, nous serons dans la liste de Dieu. »

« Combien le Seigneur doit être affligé en voyant ses enfants se chicaner sur des mots, s'enfermer dans d'étroits systèmes, réduire à une vaine science sa divine Révélation, employer leur temps et leurs forces à harceler leurs frères tandis qu'ils ont, au dehors, tant d'ennemis à combattre. »

« Je crois que nous devons annoncer Christ et Christ ressuscité sans entrer dans des discussions peu édifiantes sur des points de doctrine contestés entre les chrétiens, laissant à Dieu les choses cachées et nous attachant avec simplicité aux choses directement salutaires pour nos âmes, propres à nous rapprocher de Dieu et à nous unir à nos frères par le lien de la charité. »

À deux de ses catéchumènes, devenus étudiants en théologie, Neff écrit :
« Soyez savants dans les langues... Mais rappelez-vous le temps où vous reçûtes l'Évangile en simplicité de coeur... Ne soyez point présomptueux, ne pensez pas qu'on puisse essayer de tout impunément... Ayez de l'huile dans vos lampes, ayez du sel en vous-même, tenez-vous près de la source de toute lumière... Édifiez-vous mutuellement, écartez les questions oiseuses, priez ensemble et serrez les rangs comme peloton de fantassins serrés par la cavalerie. »

Nous lisons sous la plume de l'un de ces étudiants, devenu le pasteur Martin : « Neff était une espèce de Saint-Cyran réformé. Il parlait avec à propos et autorité, allait droit au but. La misère de l'homme et la grâce étaient le double levier qu'il maniait avec un art extraordinaire. Il était difficile de lui échapper. On sentait qu'il avait raison, qu'il avait plus d'une fois trop raison. Il fallait se soumettre ou se révolter. Aucune place pour les demi-mesures. »

La théologie de Félix Neff ? On vient de le voir, elle est simple, à l'emporte-pièce, comme l'homme.

À ceux qui l'écoutent, il dit et répète : l'homme naturel est tout faiblesse, contradictions, foncière hypocrisie ; cultivant ses péchés, le péché, il court à sa perte. Seul, le même éternellement, le Christ peut anéantir et sauver cet homme naturel. « Demeurez attachés au cep car, hors de lui, vous ne pouvez rien faire. » Alors, si nous avons entendu la grande voix, pas de « propre justice » : « Exhortons-nous les uns les autres, à la charité, à la miséricorde...

Soyons bons, même avec les plus grands ennemis. Haïssons leurs oeuvres, combattons leurs principes, empêchons-les autant que possible d'obscurcir le conseil de Dieu, mais aimons-les, prions pour eux.
Souvenons-nous que nous sommes de la même fange qu'eux. »

Fort de ces convictions, Neff ne connaît aucun obstacle, aucune considération qui puisse le retenir dans les voies de la prudence humaine, de la fausse sagesse humaine. Économiser ses forces serait une lâcheté. Il n'a qu'une passion et elle le dévore : à l'exemple de son Maître, sauver ce qui est perdu.

Combien Neff était opposé à une vaine phraséologie, aux redites dans le vide, à l'éloquence sacrée, ce qui va suivre nous le révèle.
Une veuve du Queyras lui demande comment il faut prier.
« Je le lui expliquai en patois. Elle fut très étonnée d'apprendre qu'un simple soupir, deux ou trois paroles montées d'un coeur sincère, humble, fussent une prière, la seule chose nécessaire ».

De cette seule chose nécessaire, Neff fait sa quotidienne nourriture. Il en est le prisonnier. Toute sa richesse, il la tient d'elle. Et il la proclame en temps et hors de temps. Malheur à moi si je n'évangélise ! « Prenez garde que vos mains ne deviennent lâches pour la prière ! »


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