Le
Mystère de l'Eglise
PRÉFACE
Le plus grand mystère, que
l'Écriture Sainte propose à notre
acceptation absolue et sans réserve, c'est
le Mystère du Christ, c'est-à-dire
l'Incarnation du Verbe éternel, Fils unique
de Dieu, notre rédemption accomplie par sa
mort expiatoire, sa résurrection corporelle,
son ascension triomphante, son retour prochain et
glorieux. Et le mystère le plus grand
après celui du Christ, c'est celui de
l'Eglise. Ils sont d'ailleurs inséparables.
Le Christ est la tête dont l'Eglise est le
corps ; Il est l'Époux dont l'Eglise
est l'épouse. Ces deux mystères n'en
sont qu'un ; on ne peut accepter pleinement
le, premier sans accepter pleinement le second
I
L'Eglise (ecclesia), c'est-à-dire
l'assemblée des rachetés du Christ,
séparés du monde et unis entre eux et
à leur Chef par l'amour et par la foi, -
l'Eglise a été créée
par Jésus-Christ Lui-même. Elle
existait dans la pensée de Dieu, de toute
éternité.
Les deux seuls passages où
Jésus parle de l'Eglise se trouvent dans
l'Évangile selon saint Matthieu. Voici le
premier : « Tu es heureux, Simon,
fils de Jonas, car ce ne sont pas
la chair et le sang qui t'ont
révélé cela (Simon venait de
déclarer à Jésus :
« Tu es le Christ, le fils du Dieu
vivant »), mais c'est mon Père qui
est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es
Pierre et que sur ce roc, Je bâtirai mon
Église, et que les portes du séjour
des morts ne prévaudront point contre elle.
Je te donnerai les clés du royaume des
cieux : ce que tu lieras sur la terre sera
lié dans les cieux, et ce que tu
délieras sur la terre sera
délié dans les cieux »
(Matthieu 16 : 18-19).
En laissant de côté, pour le
moment, la question si discutée de la
primauté de Pierre que l'Eglise romaine base
sur cet unique verset, constatons que Jésus
parle ici de son Église, par où Il
entend, à n'en pas douter, l'ensemble de
ceux qui devaient croire, en Lui, et se recruter
dans tous les pays du monde, jusqu'à la fin
des temps.
L'Eglise ainsi comprise est une
assemblée idéale qui n'a jamais
encore été réunie ; elle
forme le corps mystique dont le Christ est la
tête
(Ephés.
1 : 22-23). C'est
par elle que « les autorités et
les dominations dans les lieux
célestes » - mots par lesquels
sont désignées les phalanges
angéliques - « connaissent
aujourd'hui la sagesse infiniment variée de
Dieu, selon le dessein éternel qu'il a mis
à exécution par Jésus-Christ,
notre Seigneur »
(Eph.
3 : 10-11). C'est elle,
l'Eglise, qui est l'épouse de Christ.
« Il l'a aimée et s'est
livré Lui-même pour elle, afin de la
sanctifier par la Parole après l'avoir
purifiée, par le baptême d'eau, afin
de faire paraître devant lui cette
Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni
rien de semblable, mais sainte et
irrépréhensible »
(Eph.
5 : 22-27).
L'apôtre ajoute : « Ce
mystère est grand » et certes,
rien n'est plus grand, après l'incarnation
l'immolation et la résurrection du Fils de
Dieu, que la formation de cette humanité
nouvelle, habitation permanente du Saint-Esprit,
destinée à partager la gloire du
Christ, étant unie à Lui aussi
complètement que Lui-même, est uni au
Père
(Jean
17 : 20-26).
C'est à ce corps unique, à
cette mystique assemblée, que Paul fait
allusion : « Il
(Jésus-Christ) est la tête du corps de
l'Eglise, ». C'est en pensant à
elle que Paul déclare :
« J'achève de souffrir en ma chair
les souffrances du Christ, pour son corps qui est
l'Eglise ; c'est d'elle que j'ai
été fait ministre »
(Col.
1 : 24-25).
Il est encore question de l'Eglise, -
entendue dans ce sens-là -
c'est-à-dire comme étant le corps
unique et mystique du Christ, dans
l'épître aux Hébreux :
« J'annoncerai ton nom à mes
frères, je te célébrerai au
milieu de l'assemblée (ou
église) »
(Héb.
2 : 12). Ces
paroles, tirées du
Psaume 22, sont appliquées
par l'auteur de cette épître à
Jésus-Christ. Et encore :
« Vous vous êtes
approchés... de l'assemblée (ou
église), des premiers-nés inscrits
dans les cieux »
(Héb. 12 : 22-23).
Tous ces textes ne peuvent s'appliquer
qu'à l'assemblée universelle des
rachetés du Seigneur.
Enfin, dans l'Apocalypse, l'apôtre
Jean nous présente l'Eglise,
complétée et parfaite, comme
étant l'Épouse de l'Agneau :
« Réjouissons-nous et soyons dans
l'allégresse et donnons-lui gloire, car les
noces de l'Agneau sont venues, et son épouse
s'est préparée et il lui a
été donné de
se revêtir d'un fin lin éclatant et
pur... car le fin lin, ce sont les oeuvres justes
des saints »
(Apoc. 19 : 7-9). « Je
vis descendre du ciel d'auprès de Dieu, la
ville sainte, la nouvelle Jérusalem,
préparée comme une épouse qui
s'est parée pour son
Époux »
(Apoc. 21 : 2). Plus loin, elle
est appelée « la femme de
l'Agneau »
(Apoc. 21 : 9. Voir aussi
Apoc. 22 : 17) et
décrite sous l'aspect de « la
ville sainte, Jérusalem, qui descendait du
ciel, d'auprès de Dieu, ayant la gloire de
Dieu ». La description de cette
cité est donnée tout au long de ce
chapitre et du suivant, qui sont les deux derniers
du Nouveau Testament et, par conséquent, de
la Bible.
Par tous ces passages, il est abondamment
prouvé que, dans la pensée du
Seigneur, l'Eglise est un corps aux membres
multiples, qui grandit par l'action constante du
Saint-Esprit. Ce corps ne peut avoir que des
membres saints, tous croyants authentiques, tous
véritablement
régénérés ; leurs
noms, par la prescience de Dieu, ont
été de toute éternité
inscrits dans les cieux.
Cette Église est
édifiée sur le Roc,
c'est-à-dire sur la personne et sur l'oeuvre
du Christ ; sur ce Roc sont placés les
fondements qui portent les noms des
« douze apôtres de
l'Agneau »
(Apoc. 21 : 14). Pierre devait
être la première de ces pierres
fondamentales, et le fut, puisque, le premier, il
annonça l'Évangile aux Juifs et aux
païens ; mais lui-même,
déclare que la pierre angulaire, c'est
Christ
(1
Pierre 2 : 4-7). C'est
à Pierre, en premier lieu, par sa
prédication le jour de la Pentecôte,
mais c'est à tous les apôtres avec
lui, qu'il a été donné de
fonder l'Eglise. Tous les apôtres, mais
eux seulement, ont reçu le
pouvoir de lier et de délier,
c'est-à-dire de formuler la doctrine
chrétienne et de déterminer ce qu'il
est nécessaire de croire et de faire pour
devenir membre de l'Eglise. C'est à eux
tous, réunis dans la Chambre haute, au soir
de la résurrection, que le Maître a
dit : « La paix soit avec
vous ; comme le Père m'a envoyé,
moi aussi je vous envoie. Après ces paroles,
il souffla sur eux et leur dit : Recevez le
Saint-Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez
les péchés, ils leur seront
pardonnés, et ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront retenus »
(Jean
20 : 21-23).
Il s'agit bien là d'une investiture
spéciale, d'une mission unique et
fondamentale confiée aux apôtres,
à tous et non à un seul, et non
transmissible ; non le pouvoir exclusif de
condamner ou d'absoudre des pécheurs
individuels, mais le don surnaturel de formuler ne
varietur (1) la
doctrine et les lois de la nouvelle Alliance, comme
Moïse avait reçu la mission de,
formuler la doctrine et les lois de l'ancienne
Alliance. Et c'est ainsi que nous avons un livre
unique ; la Bible, en vertu d'un charisme
unique : l'inspiration plénière
des prophètes et des apôtres.
L'Eglise, dans son sens universel, n'est
donc, sous aucune, autre autorité que celle
du Christ et de ses apôtres. Elle n'a point
de gouvernement temporel ; ni pape, ni
évêques, ni conciles, ni synodes, ne
peuvent tenir la place des apôtres, dont les
écrits perpétuent l'autorité,
seule infaillible. L'Eglise n'a point de temples
visibles. Ses membres sont tous prêtres,
hommes et femmes, car en Christ, ces distinctions
n'existent pas ; tous « sont
assis, par la foi, dans les
lieux
célestes en Jésus-Christ »
(Eph.
2 : 6).
Il est vrai que l'Église n'est pas
encore toute formée le nombre de ses membres
s'accroît tous les jours par la propagation
de l'Évangile. Mais leurs noms sont
écrits d'avance au Livre de vie, et rien ne
peut les en effacer. Nul n'a fait ou ne fera partie
de l'Église sans en avoir le droit, en vertu
de l'élection divine : « Car
ceux que Dieu a connus d'avance, il les a aussi
prédestinés à être
semblables à l'image de son Fils ; et
ceux qu'il a prédestinés, il les a
aussi appelés, et ceux qu'il a
appelés, il les a aussi justifiés, et
ceux qu'il a justifiés, il les a aussi
glorifiés »
(Rom. 8: 28-30).
Cette élection divine a produit en
tous ceux qui en étaient les objets
« le vouloir et le
faire » : c'est librement et
volontairement que les pécheurs viennent
à Jésus pour être lavés
de leurs péchés par son sang ;
c'est librement qu'ils se repentent et croient...
Et cependant, en se donnant librement, ils ne font
qu'obéir simplement à l'attraction
souveraine de la grâce...
L'Eglise, avons-nous dit, n'est pas encore
au complet. Elle le sera lors de l'avènement
glorieux de notre Seigneur et Sauveur
Jésus-Christ. C'est alors qu'elle
paraîtra dans la perfection de sa divine
beauté : Les sépulcres de ceux
qui sont « morts en Christ »
s'ouvriront :
- Des profondeurs de l'abîme,
- De la tombe, noir séjour,
- De la plaine et de la cime,
- Tous se lèveront un
jour !
Il n'y aura aucune erreur. Seuls les
rachetés authentiques ressusciteront, ou,
s'ils sont encore sur la terre,
seront transmués. Le
« corps animal » fera place au
« corps spirituel ». Le Livre
de Dieu contiendra bien des noms qui ne sont pas
inscrits dans les registres paroissiaux, et
ceux-ci, hélas, en contiennent beaucoup qui
ne seront pas appelés au jour du grand
Recensement !
Serons-nous de l'Eglise, la seule, celle
hors de laquelle il n'y a pas de salut ?
Ah ! que le Saint-Esprit rende
témoignage à nos esprits, dès
maintenant, que nous sommes enfants de Dieu !
« Voyez quel amour le Père, nous a
témoigné pour que nous soyons
appelés enfants de Dieu ! Et nous le
sommes »
(1
Jean 3 : 1).
II
La seconde mention de l'Eglise faite par le
Sauveur pendant son ministère terrestre se
trouve, comme la première, dans
l'Évangile de Matthieu. La voici :
« Si ton frère a
péché, va et reprends-le entre toi et
lui seul ; s'il t'écoute, tu as
gagné ton frère. Mais s'il ne
t'écoute pas, prends avec toi une ou deux
personnes, afin que toute l'affaire se règle
sur la déclaration de deux ou trois
témoins ; s'il refuse de les
écouter, dis-le à l'Eglise, et s'il
refuse d'écouter l'Eglise, qu'il soit pour
toi comme un païen et un publicain. Je vous le
dis en vérité, tout ce que vous
lierez sur la terre, sera lié dans le ciel,
et tout ce que vous délierez sur la terre
sera délié dans le ciel
(Matth. 18 :
15-18) ».
Il est évident que Jésus ne
parle pas ici de l'Eglise dans le même sens
qu'en Matthieu 16, bien que ce soit le même
mot qui est employé. L'Eglise, en Matthieu
16, est l'Eglise idéale,
tandis que dans ce passage-ci l'Eglise est
envisagée comme étant une
assemblée temporelle et locale, ayant parmi
ses attributions le devoir de juger en dernier
ressort les différends qui peuvent surgir
entre ses membres.
Cette Église-tribunal ne peut
évidemment être composée que de
personnes unies par une foi commune et formant une
société régulière,
ayant une discipline conforme à la Parole de
Dieu dans sa lettre et dans son esprit. Les
décisions prises par une telle
assemblée jugeant un conflit entre deux de
ses membres, seront, dit le Seigneur,
homologuées dans le ciel.
Ce caractère d'infaillibilité
octroyé par Jésus-Christ au jugement
de l'assemblée chrétienne locale,
donne à celle-ci une très grande
importance. L'Eglise locale est, dans la
pensée du Christ, une institution divine,
tout aussi bien que l'Eglise invisible. Quels soins
ne doivent-ils pas être donnés
à la formation d'une telle
assemblée ! On n'imagine pas qu'il
puisse suffire d'être descendant de
chrétiens pour être soi-même, et
par droit de naissance investi de
responsabilités aussi
essentielles !
L'Eglise visible et locale a le même
Chef, Jésus-Christ, que l'Eglise
universelle, ce qui implique que tous ses membres
font profession d'être
régénérés.
Cependant, toujours d'après ce
passage, l'Eglise locale, à la
différence de l'Eglise invisible, peut avoir
parmi ses membres des
irrégénérés, soit
qu'ils se soient fait illusion en y entrant, soit
qu'ils aient voulu tromper, soit qu'ils y soient
entrés en vertu d'une erreur dans la
constitution même de l'Eglise, soit qu'on les
ait inscrits automatiquement, sans que leur
consentement ait été requis. Il peut
s'y trouver aussi des
chrétiens authentiques, mais qui sont en
état de chute. Dans ce dernier cas, le
devoir de l'Eglise locale sera de juger ses membres
infidèles, et s'ils persistent dans leur
péché, elle devra se séparer
d'eux, dans leur propre intérêt et
dans celui de l'Eglise elle-même.
Ces deux conceptions de l'Eglise :
l'Eglise universelle et l'Eglise locale, loin de
s'exclure, se complètent mutuellement.
L'Eglise locale sera l'école, où se
formeront, sous la direction du Saint-Esprit, les
membres de l'Eglise universelle. Tandis que
celle-ci nous est présentée comme un
corps parfait, un édifice achevé,
celle-là est le chantier dans lequel les
pierres que le missionnaire ou
l'évangéliste auront tirées de
la carrière seront devenues, par l'action de
la grâce, des pierres vivantes,
préparées en vue de leur glorieuse et
immortelle destinée, qui est d'être
partie intégrale de l'édifice
parfait : le corps du Christ.
Il est très remarquable que, dans le
Nouveau Testament, l'Eglise locale est
mentionnée beaucoup plus fréquemment
que l'Eglise universelle. Toutes les lettres de
Paul, excepté celles qui sont personnelles,
sont adressées à des Églises
locales : celles de Rome, de Corinthe, de
Galatie, d'Éphèse, de Philippes, de
Colosse, de Thessalonique, celles de Jean, et dans
l'Apocalypse, celles aux sept Églises
d'Asie-Mineure. La raison de ce fait est facile
à déduire : le recrutement et le
perfectionnement des Églises locales sont
nécessaires pour la formation de l'Eglise
universelle. Celle-ci n'a besoin ni de ministres,
ni de locaux, ni de finances ; elle est une
société spirituelle et invisible.
L'Eglise locale, au contraire, est une
société temporelle en même
temps que spirituelle elle doit avoir une
organisation, si simple qu'elle soit des
réunions régulières, des
serviteurs de Dieu pour la
recruter, l'instruire, l'édifier ; un
budget pour le soulagement de ses membres
âgés ou indigents, ainsi que pour le
salaire de ses ministres réguliers.
Elle a une discipline, formulée dans
les écrits du Nouveau Testament. Elle doit
pratiquer les deux symboles qui sont sa confession
de foi donnée par le Maître
Lui-même : le Baptême et la
Cène. Rien de tout cela n'est possible dans
l'Eglise invisible et ne lui est
imposé ; mais tout cela fait partie de
l'institution chrétienne, telle que l'a
voulue notre Seigneur et que l'ont formulée
et mise en oeuvre les apôtres. Pour eux,
certes, l'Eglise locale n'était pas une
institution sans importance. Son existence et sa
fidélité étaient
nécessaires au recrutement de l'Eglise
universelle ; on peut dire hardiment que sans
les Églises locales, il n'y aurait jamais eu
d'Eglise universelle. Aussi les apôtres et
les premiers propagateurs de l'Évangile,
ont-ils tenu essentiellement à ce que les
Églises locales fussent formées et
organisées dans tous les lieux où ils
portaient la Parole divine ; ils
considéraient leur oeuvre comme
n'étant qu'ébauchée, aussi
longtemps que l'Eglise locale n'avait pas
été fondée ; c'est elle,
en effet, qui devait servir de berceau aux
nouveau-nés de la grâce, de foyer aux
âmes sauvées qui se séparaient
du monde et des religions d'erreur et qui
n'auraient pu vivre dans l'isolement sans
péril pour leur vie spirituelle. Certes, les
premiers chrétiens auraient fortement
blâmé le propos de certains croyants
d'aujourd'hui : « Pourvu qu'on
appartienne à l'Eglise invisible, peu
importe qu'on appartienne ou non à une
église visible ! ».
Dans la pensée des apôtres et
de leurs collaborateurs, le fait d'être
nés de nouveau, bien loin de dispenser les
nouveaux convertis de se rattacher à une
Église, les y obligeait,
sauf cas de force majeure. L'Eglise locale
était le foyer où naissaient,
où étaient accueillis et
allaités, les nouveau-nés en Christ.
Elle était aussi l'école où
l'on devait entrer, non pour être
sauvé, mais parce qu'on l'était
déjà, afin d'être instruit et
sanctifié. Elle était la
communauté dans laquelle étaient mis
en commun les grâces spirituelles et les
charismes que les membres avaient reçus ou
devaient recevoir, tous devant se prêter un
mutuel appui, afin de montrer au monde ce que
serait la société humaine si elle
devenait la société divine. Enfin
l'Eglise locale devait être « la
ville sur la montagne », dont toutes les
lampes réunies doivent émettre une
lumière unique, brillant aux regards de tous
les hommes.
|