Le
Mystère de l'Eglise
III
On voit combien était importante la
formation de ces communautés dans toutes les
localités où la prédication
des apôtres et de leurs collaborateurs avait
amené des âmes à la foi.
D'ailleurs ces communautés n'avaient rien,
dans leur fonctionnement, de
stéréotypé ; une sainte
liberté y régnait, comme dans une
famille unie et vivante. On était heureux
d'assister aux assemblées, sans aucune
contrainte autre que l'amour. Ces réunions
étaient des banquets spirituels dont la
Parole de Dieu, lue et expliquée par des
frères dûment qualifiés,
faisait tous les frais. La Parole de Dieu,
c'étaient d'abord les livres sacrés
de l'Ancien Testament, si riches en promesses et en
prophéties relatives au Christ, à sa
mort, à sa résurrection, à son
règne éternel et glorieux, ces livres
où la foi des
ancêtres était
montrée, dans toute son ampleur, bien que
les patriarches et les prophètes de
l'ancienne Alliance n'eussent possédé
que l'ombre des richesses à venir, La Parole
de Dieu, c'étaient aussi les écrits
ou fragments d'écrits, émanés
des apôtres ou de leurs collaborateurs :
Matthieu, Marc, compagnon de Pierre ; Luc,
compagnon de Paul. Plus tard, l'Évangile de
Jean s'ajouta aux trois premiers.
La Parole de Dieu, c'étaient aussi
des lettres, plus ou moins courtes, écrites
à telle ou telle Église locale,
surtout par Paul, et aussi des lettres
adressées aux disciples dispersés,
par Pierre, Jacques, Jean, Jude, et qu'on faisait
passer d'une Église à l'autre. Tout
cela, il est vrai, ne pouvait être que
fragmentaire, car tout ne fut pas écrit
à la fois, et bien des années
s'écoulèrent entre la composition de
ces divers écrits et leur groupement
définitif. Aussi, pour suppléer
à l'insuffisance temporaire des
Écritures, le Saint-Esprit parlait-il
souvent par des prophètes locaux. On devait
les écouter, mais on devait aussi examiner
leurs paroles et n'en retenir que ce qui
était conforme au message apostolique, seule
norme de la foi (
1 Thess. 5 : 19-21). D'autres
dons, ou charismes, étaient accordés
à ces Églises, afin de
suppléer à l'absence des
apôtres qui les avaient fondées, mais
que leur ministère appelait à voyager
constamment.
Parmi ces dons, il en était de
transitoires et qui n'étaient pas
destinés à se produire toujours ni
partout : celui d'opérer des miracles,
celui de guérir les malades, celui de parler
diverses langues. (1:
note
de
"Regard")
Au début de l'Alliance nouvelle,
comme au début de l'ancienne, Dieu avait
voulu confirmer le témoignage de
ses messagers par des
interventions souveraines de sa puissance :
ainsi Moïse chez Pharaon, ou au bord de la Mer
Rouge, ou au pied du Sinaï... Ces miracles
n'étaient pas destinés à
être reproduits sans interruption ; ils
ne se produisirent que pour rendre possible la
libération du peuple de Dieu et son
établissement dans la Terre promise. De
même, les miracles de l'Eglise primitive
furent transitoires, et cessèrent à
peu près complètement dès que
l'Eglise eut acquis, par la formation
définitive du Canon du Nouveau Testament et
par des expériences spirituelles de plus en
plus profondes, la solidité qu'il lui
fallait pour se maintenir et pour se propager.
Certains dons, cependant, avaient un
caractère permanent ; ils sont
énumérés par
l'apôtre : « Il a donné
les uns comme apôtres, les autres comme
prophètes, les autres comme
évangélistes, les autres comme
pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des
saints en vue de l'oeuvre du ministère, et
de l'édification du corps de Christ,
jusqu'à ce que nous soyons tous parvenus
à l'unité de la foi et de la
connaissance du Fils de Dieu, à
l'état d'hommes faits, à la mesure de
la stature parfaite de Christ... C'est de Lui et
grâce à tous les liens de son
assistance que tout le corps, bien ordonné
et formant un solide assemblage, tire son
accroissement selon la force qui convient à
chacune de ses parties et s'édifie
lui-même dans la charité
(Eph.
4 :
11-16) ».
Ce passage a une importance capitale pour le
sujet qui nous occupe, et nous supplions nos
lecteurs de le relire et de le méditer. Ici
sont mentionnés les dons essentiels
à la vie permanente de
l'Eglise locale, et par elle, au recrutement de
l'Eglise universelle. Les apôtres et les
prophètes, c'est-à-dire la Parole
inspirée, donc la Parole de Dieu,
voilà le fondement. Puis, les
évangélistes, appelés à
bâtir sur ce fondement, c'est-à-dire
à recruter des membres et à fonder
des Églises. Ensuite, les pasteurs,
appelés aussi surveillants
(épiscopoï), et anciens
(presbyteroï), qui surveillent et nourrissent
les troupeaux assemblés par le
ministère des
évangélistes ; enfin, les
docteurs, chargés d'étudier plus
profondément les Écritures et
d'enseigner aux croyants les vérités
qu'elles renferment, en montrant leur parfaite
harmonie, en élucidant les points obscurs de
la doctrine, etc...
Tous ces dons sont essentiels à la
vie de la communauté chrétienne, au
fur et à mesure de son
développement ; les autres sont
transitoires, puisque, aux époques les plus
importantes de l'histoire du Christianisme, par
exemple à l'époque de la
Réformation du XVIe siècle et
à celle du Réveil du XVIIIe, les dons
spécifiquement miraculeux n'ont joué
aucun rôle. Le grand miracle de la
Réforme, ce fut la résurrection de la
Parole inspirée, par laquelle les
superstitions romaines, les faux miracles des
saints et l'ascétisme maladif des couvents
furent remplacés par des conversions
innombrables, par la propagation du Livre,
sacré, traduit et imprimé en
près de mille langues (n'est-ce pas
là le don des langues sur une vaste
échelle ?), par des milliers de
missionnaires portant l'Évangile dans le
monde entier et faisant naître des milliers
et des milliers d'Églises ; tels sont
les miracles qu'ont produit la Réformation
et le Réveil, miracles qui sont bien
l'accomplissement de la promesse du Christ :
« En vérité, en
vérité, je vous le
dis, celui qui croit en moi fera aussi les oeuvres
que je fais, et en fera même de plus grandes,
parce que je m'en vais au Père »
(Jean
14 : 12).
IV
Unis dans la même foi et dans l'amour
fraternel nés de l'expérience que
tous avaient faite du grand miracle de la
régénération, les membres des
Églises primitives n'éprouvaient pas
le besoin de se donner une organisation rigide,
soit à l'intérieur des
communautés, soit pour régler les
rapports des Églises entre elles. L'esprit
de l'Évangile est essentiellement l'Esprit
de vie ; or, la vie, quand elle est normale,
est toujours libre, mais toujours harmonieuse.
Tandis que, sous la dispensation mosaïque,
tous les détails du culte étaient
rigoureusement ordonnés, Jésus et ses
apôtres n'ont rien formulé qui
ressemble à un code sacerdotal ou à
un rituel liturgique.
Chaque Église, formait une
société autonome. Jamais les
Églises d'un même pays ne sont
mentionnées comme étant
nationales : il n'est pas question de l'Eglise
de Judée ou de l'Eglise de Galatie, etc...
Toutes sont des assemblées locales.
D'autre part, il ne semble pas qu'il
existât plusieurs Églises dans une
même localité ; les
fidèles de Jérusalem, pourtant si
nombreux, ne formaient qu'une seule Église (
Actes : 2 : 47 ;
4 : 31-35 ;
5 : 11 ;
6: 7 ;
8: 3). Toutefois, chaque
Église était le plus souvent
dirigée par plusieurs anciens ; s'il y
avait un président unique, sa
charge ne lui conférait
pas l'honneur d'être le destinataire exclusif
des lettres apostoliques. Par le discours si
émouvant de Paul aux anciens, ou
évêques, de l'Eglise
d'Éphèse, on voit que ceux-ci avaient
conjointement la charge de diriger leur
Église
(Actes 20 : 17-36). Les
Églises se réunissaient dans des
maisons particulières, chaque groupe
étant probablement sous la surveillance d'un
ancien (2).
Il faut distinguer dans la constitution de
ces Églises, ce qui était essentiel,
et devait, par conséquent, se retrouver dans
chacune d'elles, et ce qui n'était que
contingent et pouvait varier, suivant les lieux,
les temps et les circonstances. Ce qui était
essentiel alors l'est encore aujourd'hui ;
essayons donc, d'après les écrits
évangéliques, de le
définir :
A - Le fondement de l'Eglise.
« Vous avez été
édifiés sur le fondement des
apôtres et des prophètes,
Jésus-Christ lui-même étant la
pierre angulaire. »
(Eph.
2 : 20-22 ;
1 Pierre 2 : 4)
Ainsi, l'Eglise locale a le même
fondement que l'Eglise universelle : la Parole
des apôtres et des prophètes
inspirés.
B. - Les Membres de l'Eglise.
« Le Seigneur ajoutait chaque jour
à l'Eglise ceux qui étaient
sauvés... Le nombre de ceux qui croyaient au
Seigneur, hommes et femmes,
augmentait de plus en plus. »
(Actes
2 : 47 et
5 : 14)
C. - Les deux Symboles, ou
ordonnances, institués par
le Seigneur et pratiqués dans chaque
église.
1°) Le Baptême :
« Allez par tout le monde, faites des
disciples de toutes les nations, les baptisant au
nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit »
(Matt. 28 : 19 ;
Rom. 6 : 3-4, etc.)
2°) La Cène :
« J'ai reçu du Seigneur ce que je
vous ai aussi enseigné, c'est que le
Seigneur Jésus, la nuit où Il fut
livré, prit du pain, et après avoir
rendu grâces, Il le rompit et dit : Ceci
est mon corps, faites ceci en mémoire de
moi. De même, après avoir
soupé, Il prit la coupe et dit : Cette
coupe est la nouvelle alliance en mon sang faites
ceci en mémoire de moi, toutes les fois que
vous en boirez »
(1 Cor. 11 : 23-29).
« Ils persévéraient dans la
communion fraternelle, dans la fraction du pain et
dans les prières... »
(Actes
2 : 42-47 et
Actes 20 : 27).
La participation à ces deux symboles ou
ordonnances (auxquelles on donna plus tard,
à tort, le nom de
« sacrements » emprunté
à la langue latine) était obligatoire
pour tous les membres de l'Eglise, mais
n'était permise qu'à eux.
L'hérédité naturelle ne
conférait pas le droit d'être membre
de l'Eglise. Sans doute, c'était alors,
c'est encore aujourd'hui, une grande grâce
que d'être né de parents
chrétiens, mais cette grâce n'est pas
la Grâce : celle-ci, la Grâce qui
sauve, est accordée à quiconque
croit, mais à ceux-là seulement, et
c'est à eux seulement que les deux symboles
sont destinés.
D. - Les Ministères
réguliers.
Ceux-ci sont énumérés
dans l'épître aux
Éphésiens
(Eph.
4 : 11-18). Il a
donné les uns comme apôtres, les
autres comme prophètes, les autres comme
évangélistes, les autres comme
pasteurs et docteurs ».
Outre ces ministères, voués avant
tout à la parole, il y avait aussi le
diaconat, confié originairement à
« des hommes pleins du Saint-Esprit et de
sagesse »
(Actes
6 : 2-4), surtout en vue
de l'assistance aux pauvres. À cet office,
des femmes étaient admises :
« Je vous recommande Phébé
notre soeur, diaconesse de l'Eglise de
Cenchrées. »
(Rom. 16 : 1-2)
Ces ministères n'étaient pas
tellement distincts que la même personne n'en
pût exercer plusieurs, au moins
occasionnellement : Paul recommande à
Timothée, qui était pasteur, de faire
oeuvre d'évangéliste. Étienne,
diacre de Jérusalem, était aussi un
prédicateur puissant. Aquilas et sa femme
Priscille, sans que le titre de docteur leur
fût attribué, instruisirent Apollos -
« Ils le prirent avec eux et lui
exposèrent plus exactement la voie de
Dieu. »
(Actes 18 : 26)
Répétons-le : l'esprit de
la nouvelle alliance est un esprit de
liberté et de spontanéité, en
même temps que d'ordre, et d'harmonie,
Gouvernée par l'amour fraternel, la
société des
régénérés se forme,
travaille, progresse, sans rivalités ni
empiétements : c'est une famille dont
Dieu est le Père et dont chaque membre est
animé de l'Esprit du Père pour agir
dans l'intérêt commun.
E. - La vie de l'Eglise.
« La multitude de ceux qui avaient
cru n'étaient qu'un coeur et qu'une
âme. »
(Actes
4 : 32) Les
chrétiens de Jérusalem
allèrent jusqu'à mettre en commun
leurs biens, ce qui n'avait été
ordonné ni par le Maître, ni par ses
apôtres, et ne pouvait durer au sein d'un
ordre social et politique si différent de
cet idéal.
En permettant cette manifestation
extrême de l'amour fraternel, les
apôtres respectèrent la liberté
des fidèles dans les choses non
essentielles. Le Seigneur laissa cette
expérience se produire, pour qu'elle
mît en garde les Églises qui allaient
être fondées dans le monde entier
quant au danger de mêler le temporel au
spirituel. Il n'en est pas moins vrai que la
fraternité pratique est un principe
essentiel de toute Église digne de ce
nom.
Ce principe essentiel est rappelé par
l'apôtre Paul : « Quelqu'un de
vous, lorsqu'il a un différend avec un
autre, ose-t-il plaider devant les injustes, et non
devant les saints ? Ne savez-vous pas que les
saints jugeront le monde ? Et si c'est par
vous que le monde est jugé, êtes-vous
indignes de rendre les moindres jugements ? Ne
savez-vous pas que nous jugerons les
anges ?... Pourquoi ne vous laissez-vous pas
plutôt dépouiller ?
(1 Cor. 6 : 1 à 9) O
sublimité de la vie chrétienne !
O beauté de cette société de
loups changés en agneaux !
F. - Les Assemblées de
l'Eglise.
Elles étaient obligatoires pour tous
les fidèles : « N'abandonnons
pas notre rassemblement, comme c'est la coutume de
quelques-uns, mais exhortons-nous
réciproquement, et cela d'autant plus que
vous voyez approcher le jour »
(Héb. 10 : 25).
Cette obligation devait surtout venir de
l'intérieur c'est l'amour qui rassemblait la
famille. Quant à l'ordre à suivre
dans le service divin, nous ne trouvons aucune
règle absolue. Lorsque Paul est de passage
à Troas
(Actes
20 : 7 à 12), il
préside l'assemblée réunie,
« le premier jour de la semaine, pour
rompre le pain », et fait un discours qui
se prolonge jusqu'à minuit, puis,
après l'incident de la chute d'Eutyche et sa
résurrection, il parle encore jusqu'au
matin. Ses instructions aux Corinthiens
(1 Cor. 14 : 26-40) permettent
d'affirmer qu'il régnait une grande
liberté dans les assemblées,
liberté qui parfois confinait au
désordre. On ne pourrait aujourd'hui suivre
à la lettre ces indications, car elles sont
données pour une Église dans laquelle
abondaient des charismes miraculeux, lesquels
n'étaient pas destinés à
subsister sans interruption à travers les
siècles. « Lorsque vous vous
assemblez, les uns ou les autres parmi vous ont-ils
un cantique, une instruction, une
révélation, une langue, une
interprétation, que tout se fasse pour
l'édification... En est-il qui parlent en
langue, que deux ou trois au plus parlent chacun
à son tour, et que quelqu'un
interprète ; s'il n'y a point
d'interprètes, qu'on se taise dans l'Eglise,
et qu'on parle à soi-même, et à
Dieu. Pour ce qui est des prophètes, que
deux ou trois parlent, et que les autres jugent, et
si un autre qui est assis a une
révélation, que le premier se
taise, »
(1 Cor 14 : 26-30).
On remarquera, dans ces indications,
l'absence d'un élément du culte qui,
pour nous, est essentiel : la lecture de
l'Écriture sainte. Et cela, pour la raison
que nous avons indiquée plus haut : les
écrits de la nouvelle Alliance n'existaient
pas encore. Les Églises primitives vivaient
donc sous un régime exceptionnel ;
réduites à n'avoir
qu'occasionnellement la présence de l'un des
apôtres, - lesquels étaient les
organes permanents de l'inspiration divine - elles
ne pouvaient cependant vivre et prospérer en
l'absence de toute autorité
surnaturelle ; c'est pourquoi le Seigneur
daignait suppléer à cette lacune
temporaire par des inspirations et des
révélations occasionnelles non
écrites, et qui n'avaient pour objet que
l'édification de l'Eglise au sein de
laquelle elles se produisaient. L'absence de la
parole, apostolique explique la
nécessité de ces dons exceptionnels,
particulièrement dans des Églises
fondées et composées en
majorité de païens convertis. Ce qui
était essentiel et le sera toujours dans
toute Église chrétienne, c'est la
Parole inspirée, et c'est aussi la
présence réelle du Seigneur.
L'Écriture et le Saint-Esprit : c'est
tout ce qu'il faut à une Église pour
être véritablement le temple de Dieu.
Et il nous paraît dangereux de chercher
ailleurs que dans ces deux dons surnaturels :
la Parole écrite et le
Saint-Esprit - dûment
reconnus et mis à profit -
l'édification de l'assemblée
chrétienne (3).
G. - Les rapports de l'Eglise et du
Monde.
Les chrétiens primitifs
étaient séparés du monde tout
en étant mêlés à lui.
Ils respectaient les lois, les usages, les moeurs
de leur temps et de leur pays, pour tout ce qui,
dans ces lois et ces moeurs, n'était pas
nettement contraire à la Parole de
Dieu.
Membres du corps politique, et
bénéficiant des institutions sociales
par lesquelles la vie, la propriété
et la sécurité de chacun
étaient protégées, ils
montraient à leurs concitoyens l'exemple de
l'obéissance au prince, quel qu'il
fût ; ils étaient de leur
époque et marchaient en avant de leur
peuple, mais sans rompre avec lui. N'est-ce pas
là le principe même de
l'Incarnation ?
Sans combattre de front l'esclavage, ils
montraient pour la personne de l'esclave, un
respect qui préparait la voie à son
affranchissement. Voir sur ce sujet la si touchante
épître de Paul à
Philémon (4).
De même, la femme
chrétienne ne se libérait pas avec
éclat des contraintes que les lois de son
temps faisaient peser sur elle ; mais elle
occupait à son foyer une place
honorée, une dignité qui
l'égalait, même dans les plus humbles
conditions, à la grande matrone romaine.
Acceptant comme la volonté de Dieu le
rôle qui lui fut assigné dès la
Création et que la grâce n'a point
aboli, mais que le péché et la
méchanceté des hommes ont rendu bien
plus humiliant qu'il ne devait l'être dans
l'intention divine, elle jouissait de la place que
le Sauveur lui a désormais
assurée : « En Christ, il n'y
a plus ni homme ni femme »
(Gal.
3: 28).
De même, l'humble prolétaire
chrétien acceptait la destinée
assignée à l'homme après la
chute, et que la grâce n'a point abolie non
plus : « Tu mangeras ton pain
à la sueur de ton front »,
sentence douloureuse, que l'égoïsme des
riches et des puissants a mille fois
aggravée. Ni la femme chrétienne
opprimée par l'homme, ni l'homme
chrétien opprimé par la
société, ne prêchaient la
révolte contre d'injustes lois. Mais le
front du travailleur, penché tout le jour
vers le sol avare, se relevait souvent vers le
ciel, car cet homme savait qu'il était
« héritier de Dieu et
cohéritier de Christ », plus riche
qu'aucun de ses maîtres païens ; et
par leur soumission, leur patience, leur
charité, l'homme et la femme,
arrachés au monde par la grâce de
Dieu, étaient « la lumière
du monde et le sel de la terre » ;
par eux pénétraient peu à peu
dans la masse païenne les idées de
liberté, de noblesse et de beauté
morale, qui sont l'essence même de la
véritable civilisation.
La loi essentielle des Églises
apostoliques, celle qui doit aussi gouverner les
Églises actuelles, c'est l'amour. Cette loi
met au dernier rang ce qui n'est que forme ;
aucune forme n'est de droit divin si elle n'est, en
quelque sorte, une manifestation de l'amour qui
nous unit à Dieu en nous
unissant à nos frères. Pour les
rachetés de Christ, il n'y a de culte digne
de Dieu que celui qui lui est offert « en
esprit et en vérité », Le
temple de Dieu sur la terre, c'est d'abord notre
corps de chair, habité par le
Saint-Esprit ; c'est ensuite ce corps
collectif, l'Eglise locale, et c'est enfin ce corps
parfait : l'Eglise universelle.
Où que ce soit : chambre haute,
catacombes, salle d'hôpital,
chaumière, prison, aussi bien et mieux que
cathédrale ou palais, l'Eglise est chez
elle, parce que Dieu y est chez Lui, pourvu qu'Il y
soit adoré par de véritables
adorateurs. Hormis le Christ Lui-même, ou
plutôt parce qu'elle est une avec Lui,
l'Eglise est l'objet le plus magnifique offert
à l'admiration des anges ; et elle est
aussi la force la plus redoutable aux démons
(Cant.
6: 10) « Qui est
celle qui apparaît comme l'aurore, belle
comme la lune, pure comme le soleil, mais terrible
comme des troupes sous leurs
bannières ? »
L'importance attachée par le Seigneur
à l'Eglise locale apparaît dans le
dernier livre de la Bible, l'Apocalypse, par les
messages. adressés par le Seigneur aux sept
Églises d'Asie-Mineure
(Apoc. chap. 2 et 3). Dans la vision
décrite au chapitre premier, ces
Églises sont figurées par
« sept chandeliers d'or », au
milieu desquels se tient « Quelqu'un
ressemblant à un fils d'homme ».
Ainsi, les Églises locales sont distinctes
l'une de l'autre, comme les chandeliers qui les
représentent, et comme les sept
étoiles qui, probablement, figurent les
pasteurs de chacune de ces Églises. Ces
chandeliers ne sont pas éternels, ni
immuables ; ces Églises ne devaient pas
subsister toujours. Mais, si ces
chandeliers-là ne brillent
plus, le Seigneur en a, depuis, allumé
beaucoup d'autres : le nombre, des
Églises fidèles n'a jamais
été si élevé
qu'aujourd'hui, en dépit des apostasies et
des persécutions.
Qu'il existe, en ce monde, de multiples
sociétés locales qui ne recherchent
pas la puissance politique, et vivent sans
ressources assurées, sans organisations
nationales ou mondiales, sans édifices
somptueux, sans chefs visibles marquants ;
composées, chacune, d'un nombre restreint de
membres, - le nombre n'étant pour elles
qu'une considération secondaire -
sociétés qui se recrutent dans tous
les pays, d'hommes et de femmes de toutes les
races, de toutes les classes, professant et
pratiquant l'absolue égalité des
âmes devant Dieu, régies par une loi
écrite et immuable, dont le principe
fondamental est l'amour ; que ces
sociétés aient pu se former et
subsister à travers vingt siècles
d'ostracisme, de persécutions parfois
sanglantes, de dédain et de mépris de
la part des ennemis avérés du Christ,
et même, et surtout, de la part de
prétendues Églises qui, soutenues par
les pouvoirs politiques, se servaient de la force
publique pour écraser ces humbles
rassemblements ; que de telles
sociétés, dis-je, aient pu exister et
se multiplier, disparaissant ici pour
renaître ailleurs, et qu'il s'en crée
toujours de nouvelles, présentement en
Afrique, en Extrême-Orient, dans les
îles Océaniennes tout récemment
encore peuplées d'anthropophages ;
assemblées se recrutant uniquement par la
libre propagande, par la diffusion d'un Livre,
unique et miraculeux tout concentré dans
l'histoire de l'Homme unique :
Jésus-Christ, et se recrutant aussi par la
pureté, la charité et le zèle,
de ceux qui l'ont apporté ; que ces
sociétés exercent
une influence bienfaisante et moralisatrice sur un
monde qui les persécute, et même en
proportion, semble-t-il, de l'intensité de
cette persécution, voilà le, miracle
actuel, palpable, visible, fruit et
démonstration du plus grand de tous les
miracles : la résurrection du Fils de
Dieu !
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