UN
SIÈCLE DE MISSION A
MADAGASCAR
CHAPITRE VI
MADAGASCAR, COLONIE FRANÇAISE
Ce fut à l'occasion de la guerre de
1883-1886 que la Société des Missions
de Paris fut amenée pour la première
fois à se préoccuper de la Mission de
Madagascar. M. Félix Faure,
sous-secrétaire d'état à la
marine, puis M. de Freycinet, alors ministre des
affaires étrangères,
s'adressèrent à elle pour l'envoi
éventuel d'un pasteur à Madagascar.
M. Lauga, de Reims, s'offrit à partir. Mais,
au dernier moment, M. de Freycinet, tout en
exprimant sa reconnaissance de l'offre faite,
déclara que l'enquête projetée
n'avait plus sa raison d'être.
La question ne cessa guère,
malgré tout, de demeurer à l'ordre du
jour de la Société. En 1892 elle
s'imposa avec une force toute
particulière.
Voici un extrait de la circulaire
adressée en décembre 1892 aux
Comités auxiliaires de France :
« Notre rôle, tel que nous
le concevons actuellement, consisterait
essentiellement à placer à la
capitale un homme qui représenterait notre
protestantisme et serait l'intermédiaire
tout naturel entre le Résident
français et les Églises malgaches,
tout en présidant à son
oeuvre particulière,
oeuvre qui, dans nos vues, serait avant tout une
oeuvre scolaire supérieure. Il est à
peine besoin de dire à quel point il importe
de ne charger de ces délicates fonctions
qu'un homme bien qualifié et à la
hauteur de la situation, comme aussi de
n'intervenir que dans des circonstances propices.
C'est à rechercher un tel homme que notre
Comité s'est appliqué et continuera
de s'appliquer avec tout le soin dont il est
capable... »
Cette fois encore, on fut
arrêté par l'opposition du
résident français, M. Le Myre de
Vilers, qui déclara que l'envoi d'un pasteur
français à Madagascar serait mal vu
des Malgaches et peu agréable au
gouvernement de la France.
Les événements allaient
montrer l'erreur que renfermait une pareille
appréciation. Deux ans après, en
effet, la situation politique entre la France et
Madagascar s'aggrava à tel point qu'un
conflit armé parut inévitable.
Les hostilités commencèrent en
décembre 1894. Une expédition
conduite par le général Duchesne,
après bien des péripéties, des
luttes bien plus contre la fièvre et
l'absence de routes que contre l'ennemi, parvint
enfin, le 29 septembre 1895, devant Tananarive. Le
lendemain, les Malgaches se déclaraient
vaincus et Ranavalona III signait un traité
acceptant le protectorat français.
M. Laroche, le nouveau Résident
général, arrivé le 16 janvier
1896, se trouva devant une situation très
difficile. Toute conquête amène
avec elle des problèmes
délicats, une agitation dangereuse dans le
pays soumis, des remous inévitables. Mais la
question vint se compliquer encore par
l'entrée en jeu de deux facteurs
nouveaux : d'une part, la sourde
hostilité contre le nouveau résident
civil de tout le parti militaire, soutenu
secrètement par le parti clérical,
et, en second lieu, un soudain réveil du
paganisme ancestral qui, malgré les
succès indéniables des
représentants du Christianisme, avait encore
conservé, dans certaines régions, des
racines profondes.
Pour éclairer ce point et donner en
même temps un aperçu de ce que fut le
mouvement qui porte dans l'histoire le nom de
« fahavalisme » (du mot
malgache « fahavalo », ennemi
ou brigand) nous ne croyons pouvoir mieux faire que
de nous reporter au récit publié par
Krüger, en août 1896, récit
puisé aux meilleures sources
L'essai de révolte débuta par
le massacre, le 22 novembre 1895 à
Arivonimamo, à 60 kilomètres au
sud-ouest de Tananarive, du missionnaire quaker
Johnson et de toute sa famille, et la destruction
complète de toute la station missionnaire.
On crut d'abord à un simple incident
local.
« Subitement, dans la semaine du
15 au 20 mars, on entendit parler de troubles
graves, rayonnant autour d'Anjozorobé,
à une centaine de kilomètres environ
au nord-est de Tananarive. En même temps, un
autre foyer d'agitation
était signalé beaucoup plus
près de la capitale, à quelque 45
kilomètres vers le sud-est, près de
Nosibé.
« On inclinait à attribuer
tout cela à des bandes de brigands. De temps
immémorial, des bandits rançonnent
ici des villages ou des voyageurs isolés,
dès le commencement de la saison
sèche ; puis, ils disparaissent. Il
fallut reconnaître bientôt que le
mouvement actuel était d'autre nature, au
moins dans le nord. Les troupes envoyées
à Anjozorobé se heurtèrent en
route, dès Ambatomainty, à environ 40
kilomètres de Tananarive, contre des bandes
nombreuses, mal armées, mais qui attaquaient
vigoureusement la colonne, sans pouvoir
l'arrêter. Tandis qu'elle continuait sa
marche, ralentie par son grand nombre ainsi que par
les difficultés du ravitaillement, et
poussait jusqu'à Ambatondrazaka, dans le
pays des Sihanaka, à 200 kilomètres
de Tananarive, les bandes se reformaient
après le passage de l'expédition et
soulevaient toute la contrée le long de la
forêt qui borde le plateau de l'Imerina,
à l'orient. Dans la seconde moitié
d'avril, les environs d'Ankeramadinika, à
une Journée sur le chemin de la capitale
vers la côte, n'étaient plus
sûrs. Huit jours plus tard, dans la nuit du
30 avril au 1er mai, deux fonctionnaires du
gouvernement hova furent égorgés
à trois heures seulement de la capitale,
dans la même direction. Un mois après
cela, les environs d'Ambohimanga, à 20
kilomètres à peine au
nord de Tananarive,
commencèrent à s'agiter, et les
troubles se propagèrent comme une
traînée de poudre de là vers
l'ouest. Vers la même époque, le foyer
de Nosibé se ralluma dans le sud-est, et
Sirabé était attaqué dans le
sud-ouest. Quiconque connaît le pays, ou suit
cette marche des événements sur une
carte, s'aperçoit aisément qu'en
moins de trois mois, l'insurrection - car on ne
peut plus parler de simple brigandage - a
enveloppé Tananarive comme une ceinture
menaçante, se serrant sensiblement et assez
vite, ne laissant qu'une ouverture du
côté de l'ouest.
« Voilà les faits. Pour en
faire comprendre le caractère, il suffit de
raconter l'attaque de Sirabé (ou
Antsirabé).
« Le meneur des rebelles, au sud
de l'Ankaratra, était nommé
Rainibetsimisaraka, bandit redouté dans
toute cette région depuis pas mal
d'années. Sirabé est situé
à 130 kilomètres, à vol
d'oiseau, au sud de Tananarive. Dès 1869, la
mission norvégienne y fonda sa
deuxième station. Elle est devenue l'une des
plus importantes du district septentrional du
Betsiléo. La statistique du mois d'avril
1895 y comptait 4.068 membres, dont 766 enfants.
Les bâtiments comprenaient une très
jolie église, la maison du missionnaire
Rosaas avec ses dépendances, la maison
d'école, un sanatorium fort bien
aménagé, un hôpital ;
enfin, à quelque distance de là, dans
la direction de Betafo, la léproserie,
consistant en une soixantaine de
maisonnettes disposées
autour d'une église. Trois cents et quelques
lépreux y étaient soignés sous
la direction dévouée de la soeur
Maria Foreide.
« C'était l'époque
de la Conférence annuelle. La plupart des
missionnaires s'étaient rendus à
Fianarantsoa pour y assister. Seuls, MM. Vig, de
Masinandraina, et Engh, de Betafo, s'étaient
établis temporairement à
Sirabé avec 16 membres féminins de la
mission et 9 enfants.
« Le dimanche de Pentecôte,
24 mai dernier, après le culte du matin, la
rumeur se répandit que les rebelles
marchaient sur Loharano, une nouvelle station
norvégienne (1),
située à deux heures
et demie vers l'est. Dans l'après-midi, ce
bruit se confirma, et bientôt on apprit de
source, certaine que toute la station de Loharano
venait d'être pillée et
saccagée et était en flammes. Le
message ajoutait que les rebelles avançaient
dans la direction de Sirabé.
« Il y avait en séjour au
sanatorium l'interprète français de
la résidence de Betafo, M. Gerbinis, et sa
jeune femme. M. Gerbinis dépêcha
immédiatement un messager à Betafo,
à environ trois heures de marche de
Sirabé, afin d'obtenir des secours. Lundi,
à deux heures du matin, il arriva un sergent
et 16 miliciens. Le plan de défense fut vite
arrêté. Les forces dont on disposait
étaient insuffisantes pour défendre
le village ; on décida donc de se
retrancher dans la maison du
missionnaire Rosaas, la seule qui fût
couverte de tuiles et qui offrit quelque
résistance à l'arme la plus
dangereuse en pareil cas, l'incendie. Les femmes et
les enfants furent consignés sous les
combles.
« Vers dix heures du matin, des
hurlements sauvages et sinistres annonçaient
l'arrivée de l'ennemi. Bientôt, les
tuiles volèrent en éclats sous une
grêle de balles et, des combles, les femmes
furent obligées de descendre au second
étage. Une lutte acharnée s'engagea
alors jusque vers cinq heures du soir. Les
assaillants étaient au nombre de 1.500 au
moins : ils avaient un drapeau rouge ;
derrière eux se massait la foule
indécise, prête à prendre part
au pillage, si la victoire restait aux
insurgés. « En moins de temps
qu'il n'en faut pour le dire, écrit Mlle
Engh, nous vîmes le sanatorium et
l'hôpital investis, pillés,
dévastés, et presque aussitôt
les toits en roseaux de ces constructions furent
incendiés. » Puis, la maison du Dr
Ebbel fut attaquée. Comme le tir des
assiégés commandait la porte, les
forcenés perdirent pas mal d'hommes avant de
se décider à entrer par
derrière, après avoir brisé un
contrevent. Un panache de fumée couronnant
le chaume du toit fit connaître aux
assiégés cette manoeuvre. Cette
maison en feu était à une douzaine de
mètres de celle du missionnaire Rosaas.
De trois côtés il y avait donc
des flammes.
« De toutes parts, des masses
d'hommes, avides de notre sang, nous entouraient,
dit M. L. Vig. Ils se démenaient pire que
des bêtes féroces. Et dire que, dans
cet hôpital saccagé et s'en allant en
flammes, tant de Malgaches avaient retrouvé
la vie, tant d'autres avaient été
soulagés et soignés jusqu'à
leur dernier soupir par des mains
dévouées et
charitables ! »
« L'un des sergents,
l'héroïque Delalbre, tenta de faire une
diversion en s'élançant au milieu des
bandits. Ils étaient trop nombreux. De plus,
ils envahissaient la porte nord de l'enclos. Il
fallut rappeler le sergent, qui revint couvert de
sang, mais non dangereusement blessé.
« La porte de l'enclos fut
forcée, et les bandits se massèrent
derrière l'une des dépendances
contenant des provisions, à quelques pas
seulement de la maison. Une fois de plus, Delalbre
se dévoua et, avec quelques miliciens, il
alla chercher dans cette maisonnette, dont l'ennemi
perçait déjà le mur
opposé, six bidons de pétrole qui
eussent pu devenir une arme redoutable entre les
mains des brigands.
« Les hommes, excités par
l'intérêt de la lutte, s'oubliaient.
Mais qu'on se figure le sentiment des femmes et des
enfants, voyant ces hordes sauvages, farouches,
impitoyables, innombrables de tous
côtés, des flammes tout autour de la
maison, et sachant que le peu de munitions de leurs
défenseurs s'épuisaient
rapidement !
« Cependant l'attaque cessa vers
cinq heures, bien que la maison restât
cernée. Quand la nuit fut tombée, des
lueurs éclairèrent l'horizon sud et
ouest, ainsi que du côté de
Masinandraina. C'était les églises
des annexes incendiées par les rebelles.
Plus près, à l'horreur indicible de
tous, mais surtout de la soeur Maria Foreide, on
voyait brûler Ambohipiantrana, le village et
l'église des lépreux.
« Pauvres gens ! s'écria Mlle
Engh, faut-il qu'ils aient à souffrir du
fait d'avoir accepté les soins
chrétiens de quelques
Européens ! »
« Avec cela, l'attente d'un
secours énervait les assiégés.
Les quelques soldats et les deux sergents
restés à Betafo
viendraient-ils ? « Nous les
attendions lundi soir, dit un témoin ;
notre attente fiévreuse atteignit son comble
mardi, dans la matinée. Rien. Alors nous
comprîmes que c'était
fini. »
« Mardi, l'ennemi parut surtout
occupé à emporter du butin. Ce n'est
que vers midi qu'il se reforma en colonne pour
renouveler l'assaut. Mais alors ce fut une lutte
à mort qui dura jusqu'au soir. L'ancien
sanatorium, mitoyen de l'enclos, fut
incendié ; puis, une construction
basse, couvrant deux moulins. Le cercle de feu se
rétrécissait autour de la maison
Rosaas. Et il ne restait que quelques cartouches,
que se partagèrent les meilleurs
tireurs.
« Pendant quelque temps la
destruction de l'église absorba l'ennemi. Ce
n'était pas pour rassurer les
assiégés. « Je souhaite
à tout chrétien et
à tout homme civilisé de ne jamais
entendre des hurlements et des cris diaboliques
comme ceux qui nous glaçaient jusqu'à
la moelle des os, pendant que cette cohue de
sauvages brisaient tout ce qui avait
été consacré au
Seigneur », dit l'un des
missionnaires ; et Mlle Engh
écrit : « Tout fut
brisé en menus morceaux : les bancs, la
chaire, l'autel, les fonts baptismaux, l'harmonium,
les portes, les fenêtres. Les clameurs
sataniques qui accompagnaient cette
dévastation furent ce qui m'épouvanta
le plus. »
« La nuit du mardi au mercredi fut
relativement tranquille ; mais la
lumière du nouveau jour, - cela ne faisait
de doute pour personne, - devait éclairer la
fin du siège. « Nous étions
préparés à quitter cette vie,
dit M. Vig. Mais, tout prêts à mourir
que nous fussions, je dois avouer que la figure
sous laquelle la mort se présentait à
nous me faisait frémir d'horreur. Les cris
démoniaques de la veille emplissaient encore
nos oreilles. »
« Mercredi, les bandits
n'arrivèrent pas en masse et en rangs
serrés. Ils venaient par petits groupes. Ils
avaient renoncé à donner l'assaut.
Ils ignoraient qu'avec les quelques cartouches qui
restaient, il eût été
impossible de les tenir à distance. Ils
avaient changé de tactique. Ils ramassaient
maintenant du bois et d'autre combustible pour
enfumer les assiégés. En même
temps, ils réunissaient de grandes
quantités de poivre de Cayenne,
assaisonnement d'un grand usage
dans le peuple ; le poivre, lancé dans
le feu, dégage une fumée âcre,
intolérable. Ils apportèrent
même un baril de poudre. D'autres arrivaient
armés de bêches pour miner la maison
aux quatre coins.
« Les liens de la mort nous
enserraient, écrit M. Vig. Nous criions du
fond de nos coeurs au Dieu de notre salut, quoique,
à vues humaines, tout espoir fût vain.
M. Gerbinis, qui, jusque-là, s'était
évertué à relever notre moral,
déclara que maintenant il n'y avait plus de
secours à attendre, sauf de Dieu. Le
Seigneur nous livrera-t-il tous à une mort
affreuse ? Permettra-t-il que ces païens
hurlent de joie, pensant avoir vaincu le Dieu des
chrétiens ? Nous étions
là 27 Norvégiens, 16 femmes et jeunes
filles, 9 enfants et 2 hommes ; 5
Français, M. et Mme Gerbinis et les 3
sergents ; soit 32 Européens, plus 35
miliciens malgaches et quelques autres
indigènes qui s'étaient
réfugiés auprès de nous.
N'avions-nous pas le droit d'espérer que
Dieu aurait pitié des petits enfants ?
Tant que nous priions, nous le croyions ; mais
après cela, en face de la
réalité visible, les
ténèbres nous envahissaient
derechef. »
« Vers une heure de
l'après-midi, mercredi 27 mai, l'un de ces
malheureux crut apercevoir une troupe nombreuse sur
les collines, vers l'ouest. Tous les regards se
fixèrent sur ce point de l'horizon.
Était-ce le secours attendu vainement depuis
plus de deux jours ? ou était-ce un
nouveau renfort de l'ennemi allant hâter
le dénouement
final ? Comme les assiégeants
continuaient diligemment les préparatifs de
l'incendie, on inclinait vers la seconde
alternative. Mais voici qu'on aperçoit
clairement, au-dessus de la colonne qui approchait,
le drapeau blanc. Ce ne sont donc pas des rebelles.
Nul doute n'est plus possible. Notre Dieu est un
Dieu qui exauce les prières.
« Nous ne pouvions contenir notre joyeuse
émotion, raconte Mlle Engh : des cris
de joie éclatèrent parmi les
miliciens ; toute la maison en
retentissait ; l'un dansait, l'autre battait
des mains. Ceux-là seuls qui ont vu la mort
en face sur les grandes eaux, accrochés
à quelque épave,
désespérant de vivre, puis soudain
recueillis par une embarcation apparue
inopinément, miraculeusement ceux-là
seuls peuvent mesurer ce que nous avons
éprouvé à cette
heure. » M. Vig exprime la même
pensée : « jamais nous ne
pourrons oublier ce moment. Notre vie nous
était rendue comme par
miracle. »
Aussi bien c'est par une intervention
providentielle, dont les détails seraient
trop longs à exposer ici, que le
Résident de Betafo avait appris ce qui se
passait à Antsirabé.
« Les rebelles semblent ne pas les
avoir vu venir, ou bien ils les prenaient
effectivement pour des alliés. Ils furent
surpris et tués en grand nombre. On ramassa,
dans la soirée et le lendemain., plus de 500
cadavres.
« On poursuivait encore les
fuyards, que la soeur Maria Foreide avait
déjà couru au village
des lépreux, rassurant et
pansant les impotents qu'elle y trouvait en vie,
à l'abri de quelque pan de mur ou
cachés dans les broussailles.
« De douloureux soupirs se
mêlaient à notre joie, écrit M.
Vig vers la fin de sa lettre, quand nous
vîmes de près les traces de la
terrible dévastation tout autour de
nous. » Sans compter les pertes
personnelles des missionnaires, les
dégâts de la Société
norvégienne sont évalués
à plus de 200.000 francs dans tout le
district. « Mais, ajoute le missionnaire,
ces désastres matériels ne sont pas
les pires... Ce qui vient d'arriver retardera notre
oeuvre ici de beaucoup d'années. Je ne puis
même, par instants, me défaire de la
crainte que tout ne soit à
recommencer. »
Cette attaque de Sirabé fut l'un des
épisodes les plus dramatiques de la crise
alors traversée à Madagascar. Mais le
caractère de ce mouvement de
rébellion fut identique partout. Il y eut un
fonds premier de brigandage dans tout cela. Sur ce
« fahavalisme », qui a toujours
existé à Madagascar à
l'état sporadique, se greffa un
élément nouveau et qui devint
nettement prépondérant : une
réaction nationale et païenne contre
tout Européen et chrétien. Les
« fahavalo » en eurent à
tous les Européens, non pas seulement aux
Français ; ils incendièrent
partout les églises. Plus de 600 furent
détruites. Ces mêmes bandes
d'insurgés massacrèrent quand ils le
purent les évangélistes, les
pasteurs, les instituteurs, pour peu que ces hommes
fussent les représentants des coutumes des
vazaha ou « gens d'outre-mer » En
plusieurs endroits, ils détruisirent tous
les livres ou papiers qu'ils purent trouver. Tous
ces insurgés cherchèrent à
remettre en Vigueur les vieilles coutumes
païennes, promenant avec eux des idoles. Ils
imposèrent ces pratiques aux populations
paisibles dont ils envahissaient les villages. Ceux
qui refusaient de renoncer au christianisme,
étaient menacés de mort et
tués s'ils ne réussissaient pas
à s'échapper. Il y eut plusieurs
centaines de martyrs authentiques.
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