UN
SIÈCLE DE MISSION A
MADAGASCAR
CHAPITRE IX
LES « APÔTRES »
- LE RÉVEIL
Le travail d'organisation est important en
mission. Il n'est pas tout. Il ne peut être
qu'un moyen pour aider l'esprit à agir plus
efficacement et plus normalement. Aussi fut-ce avec
joie que les Missionnaires virent, en 1901, un
réveil se dessiner dans plusieurs de leurs
districts, en corrélation avec le mouvement
des « Disciples du Seigneur »,
qui avait débuté, en 1899, dans une
région travaillée par la mission
norvégienne. Le missionnaire d'Ambositra, M.
Jules Gaignaire, apprécie cet
événement de la façon
suivante :
« Ce mouvement nous réjouit
et nous inquiète tout à la fois. Il
paraît évident qu'il est produit par
un souffle de l'Esprit de Dieu ; mais un
certain nombre de chrétiens malgaches qui
sont à la tête ont sans doute plus
d'enthousiasme que de clairvoyance.
« Ils suivent, ou
prétendent suivre, plus exactement,
l'enseignement et les travaux des Apôtres. Et
le fait est que c'est sous le nom d'apôtres
qu'on les désigne maintenant. Ils vont de
lieu en lieu, annonçant la bonne nouvelle,
comme le ferait le meilleur des
évangélistes. Mais ils appuient plus
particulièrement sur
certains côtés de l'Évangile,
tels que l'amour fraternel. Beaucoup de
missionnaires qui les ont entendus, et je suis du
nombre, ont trouvé à la
prédication de ces hommes simples un
caractère singulièrement neuf,
impressif et original. Mais ils prétendent,
en général, que, comme au temps des
apôtres, les malades doivent être
guéris, et cela par la prière. Bref,
il y a dans leur activité un
côté étrange, je crois pouvoir
dire illuministe, qui fait craindre de voir ce beau
mouvement dévier et finalement
échouer.
« Un certain nombre de ces
chrétiens ont habité et
enseigné pendant plus d'un an dans l'ouest
de mon district. Là, comme partout, une
foule de gens de nos Églises les ont suivis
ou sont allés les entendre. Et je dois dire,
après m'en être assuré par
moi-même, qu'ils ont fait beaucoup de bien
à un grand nombre de personnes. Me trouvant
en séjour de ce côté, J'ai pu
les voir et essayer de les diriger. Mon instituteur
de la région est entré dans le
mouvement, et m'a profondément réjoui
par le changement qui s'est opéré en
lui et par le zèle de bon aloi qu'il
déploie sans se lasser.
« Quelques jours après,
j'ai cru pouvoir faire, dans l'un de nos grands
temples de la région, plusieurs
réunions d'évangélisation avec
eux. Il y avait foule et presque tous les
fidèles de nos Églises étaient
là. Ils ont pu parler librement avec moi, et
j'avoue n'avoir rien trouvé à
reprendre, mais, par contre, beaucoup à
louer. Avant mon départ,
50 personnes, parmi les gens qui avaient
assisté à nos réunions et
à bien d'autres avant mon arrivée,
ont demandé à être
baptisées. »
M. Péchin vit à l'oeuvre les
« Disciples du Seigneur » dans
l'ouest de l'Imérina et s'exprime sur leur
compte en ces termes.
« Dans les premiers jours de
février, un samedi soir, ils arrivaient
à Ambohibeloma : cinq hommes et une
femme. Outre le couple, un instituteur, un
évangéliste, un bourjane, un ancien
gouverneur. Celui-ci a une tête patriarcale.
Son visage digne est encadré d'une barbe
presque blanche ; une longue chemise tombe
jusque sur ses pieds nus. C'est un esprit
pondéré, calme ; il pèse
ses mots ; rien de la phraséologie
pieuse si coutumière aux prédicateurs
malgaches. Il possède à un haut
degré le don : du commandement, comme
tous les indigènes ayant exercé le
pouvoir. Autrefois inique lui aussi, comme la
plupart des juges et gouverneurs malgaches, il est
complètement changé à l'heure
actuelle. Il est le chef de la petite troupe. Un
seul a l'air un peu exalté,
l'instituteur ; c'est lui le plus fougueux
dans la prédication et les exorcismes.
L'évangéliste m'apparaît comme
le type du chrétien indigène
destiné un jour à remplacer le
missionnaire, quand l'Eglise malgache sera
autonome. Simple, modeste, mais d'une foi vivante,
connaissant bien les Écritures, ses sermons
sont des plus édifiants.
« Tous ont quitté village,
et, sauf un, femme, enfants, rizières,
pressés par la pensée qui faisait
dire à l'apôtre :
« Malheur à moi, si je
n'évangélise ! »
« Ils tiennent à loger
ensemble et s'installent dans une pièce
unique. Chaque matin, à leur réveil,
ils chantent des cantiques, ainsi qu'avant les
repas. Ne quittant jamais Bible et cantiques, ils
en usent constamment.
« Ils vont deux à deux pour
évangéliser. Durant les cinq jours
qu'ils ont passés chez moi, quelques-uns
allaient visiter les villages voisins, mais chaque
soir ils se retrouvaient ici et ne se livraient au
repos qu'après avoir exhorté ensemble
les habitants d'Ambohibeloma.
« Le dimanche après-midi,
j'entendis l'évangéliste faire une
prédication modèle. À propos
de la question trois fois
répétée de Jésus
à Pierre, il exposa la moelle de
l'Évangile. Les idées dogmatiques ne
sont pas soutenues à grands éclats de
voix comme chez tant d'autres ; elles sont
étayées chez lui sur une foi
réelle et sur l'expérience de l'amour
de Dieu. Rien d'exalté dans son attitude ni
dans ses paroles. Il n'engage pas ses auditeurs
à suivre sa vie errante, mais à
travailler là où ils sont. Bref,
c'est le pur Évangile enseigné avec
une conviction puissante qu'accroît encore le
témoignage de la vie.
« Viennent ensuite ses camarades,
rentrés de leur tournée aux villages
voisins. Exhortations allant
droit au but, citations appropriées, appels
à la repentance jetés entre deux
cantiques, remplissent la fin, de la
journée. Tout cela porte. Pendant des
heures, l'attention de l'assemblée ne
diminue pas.
« Le genre de réunions
qu'ils préfèrent, ce sont les grandes
assemblées durant plusieurs heures. Chacun
d'eux prend la parole, car, pour ces grandes
journées, ils sont tous ensemble. Autant
qu'ils peuvent, ils préparent ces
réunions par des visites personnelles, vont
de maison en maison, partout où on les
demande.
« La repentance, la foi sont les
thèmes favoris de leurs
prédications : ils insistent aussi sur
la fin du monde prochaine. Une telle
prédication ne peut être que des plus
salutaires. Mais il me restait à
connaître les apôtres comme
exorcistes.
« J'assistai, le mercredi
après-midi, à leur réunion.
Après une prédication et le chant
d'un cantique, les portes du temple, toujours
ouvertes ici, laissant l'entrée libre aux
poules et aux chiens, sont fermées. Quelque
chose se prépare.
« Une personne sort des rangs et
va s'asseoir dans le choeur, adossée au
mur ; une autre la suit. Le prédicateur
invite aussi à s'avancer un auditeur timide
avec qui il a conversé la veille.
Bientôt une douzaine de personnes environ,
des femmes en majorité, sont rangées
le long du mur.
« Dans l'église bien
fermée, les cantiques
résonnent. Quittant leurs
places, les apôtres se rendent en face des
fidèles accroupis dans le choeur. Ils
parlent avec force. Entre deux versets, leurs
paroles m'arrivent. S'adressant à chacun en
particulier, ils s'écrient :
« Va-t-en, Béelzébul, sors
de cet homme. » Parfois se produit un
phénomène étrange. Au moment
de l'exorcisme, une personne laisse échapper
un cri ; c'est le démon qui
s'échappe ; une autre paraît en
extase : c'est la joie d'être
délivrée. »
Le mouvement gagna le nord du
Betsiléo, se propagea au Vakinankaratra et,
de là, dans l'Imérina. L'année
1902 fut une année de calme et de
recueillement pour les apôtres. Quelles
conquêtes feraient-ils encore ?
N'ont-ils pas parcouru tous les
Hauts-Plateaux ? N'ont-ils pas visité
la plupart des églises ?
Pratiquant moins les exorcismes, se livrant
moins aux guérisons, ils sont moins
entourés. On parle moins d'eux. Les curieux
s'en vont.
En revanche, les chrétiens vraiment
pieux, secoués par la parole des
apôtres, continuent à progresser. Ils
assistent au culte public, mais ont, de plus, leurs
réunions de prière. À Betafo,
on passe des nuits entières en
prière. Des âmes
réveillées s'unissent pour prier, en
semaine, le dimanche ; commencée
souvent dans la soirée, la réunion se
prolonge assez avant dans la nuit.
Les apôtres circulent moins ;
même, plusieurs reprennent leurs postes
d'évangéliste ou d'instituteur.
Cependant, c'est moins la force d'expansion
que le champ d'action qui leur
manque. Ils se tournent vers le pays encore
complètement païen des Sakalava et
envoient des missionnaires dans le Betsiriry, sur
les bords de la Tsiribihina.
Le mouvement se transforme, il ne se
distingue plus trop des moyens auxquels tous les
chrétiens ont recours pour participer
à la vie divine et produire des fruits
convenables à la repentance. Les pratiques
bizarres sont peu à peu
délaissées, mais l'action sur
certaines âmes semble devenir profonde et
durable.
On voit par tout ce qui
précède que les encouragements
n'avaient pas manque aux missionnaires pendant les
années 1900-1901. Mais les efforts qu'ils
avaient dû faire avaient Plus ou moins
épuisé leurs forces. Plusieurs
d'ailleurs avaient dû partir. MM. de
Saint-Vidal et Lauriol en 1899, M. Vernier, puis M.
Martin qui avait eu la douleur de perdre sa jeune
femme et sa fille
De nouveau, la direction de la
Société envisagea l'envoi d'une
personnalité spécialement
qualifiée pour continuer l'oeuvre
d'organisation entreprise et redonner courage
à ses agents dont les forces
faiblissaient.
M. Bianquis qui, depuis décembre
1897, occupait le poste de Secrétaire
général de la Société
s'offrit à partir et s'embarqua avec Mme
Bianquis en août 1901. Il se mit
résolument au travail et redonna à la
Mission un élan nouveau.
Il put installer le culte français
dans un bâtiment digne de lui, en rachetant
au gouvernement, grâce à l'aide du
regretté pasteur Goulden, l'ancienne
église d'Andohalo transformée en
hôtel des postes depuis 1895. Et il aida
à régler deux questions
délicates qui vinrent assez brusquement se
poser devant la Mission française.
Le vent d'anti-christianisme qui souffla en
France, au début de 1904, bouleversa bien
des choses à Madagascar. Il commença,
en premier lieu, par renverser le régime
scolaire dont M. Boegner, en 1898, avait
demandé et obtenu l'essai à
Madagascar. Son application ne s'était pas
faite sans quelques tâtonnements et
frottements. Un mécanisme neuf
présente toujours des difficultés de
mise en train. On y avait apporté cependant
beaucoup de bonne volonté de part et
d'autre, en particulier de la part des Missions
protestantes. Un arrêté, le
troisième en moins de cinq ans, avait
réorganisé l'enseignement des
indigènes, le 15 juin 1903, et le chef de la
Colonie avait garanti de la manière la plus
autorisée que cet arrêté
était définitif, que les Missions
pouvaient se conformer à ses prescriptions
en comptant sur les secours qu'il promettait. Mais
le gouvernement métropolitain ne crut pas
devoir sanctionner ces assurances. Des instructions
très précises, venues de Paris,
enjoignirent la suppression, à l'avenir, de
toute subvention officielle accordée
à n'importe quelle école d'un
caractère confessionnel.
En conséquence, un nouvel
arrêté parut au journal Officiel,
daté du 25 janvier et renfermant, entre
autres, cet article :
« ART. 81. - L'enseignement
privé ne peut recevoir aucune subvention
d'aucune sorte, à partir du 1er janvier
1905. »
M. Bianquis écrivait
alors :
« L'année 1904 sera donc
une année de transition où nous
aurons encore et les subventions communes à
toutes les missions et la subvention globale
(grossie d'une indemnité exceptionnelle)
dont notre mission avait le privilège. Puis
commencera un nouveau régime, auquel il faut
nous préparer sans retard, régime
sous lequel l'État ne relâchera aucune
de ses exigences, mais cessera de nous accorder ses
encouragements. Les écoles des missions,
pour être autorisées, devront remplir
certaines conditions, les unes onéreuses,
d'autres limitant d'une manière
étroite les programmes d'enseignement. Si
elles ne répondent pas exactement au type
officiel, elle pourront être
fermées ; si elles s'y conforment,
elles seront tolérées : c'est le
mot qui ressort de l'arrêté, bien
qu'il ne figure pas dans le texte.
« Nous ne nous acheminerons pas
vers ce régime nouveau sans des regrets, des
appréhensions, et même, pour tout
dire, sans un certain découragement. Mais
toute récrimination serait
déplacée, surtout dans ce journal. Je
rends d'ailleurs toute justice à nos
autorités coloniales : ce n'est pas
d'elles, cette fois, qu'est
venue l'inspiration. Je puis
ajouter qu'à Paris, comme à
Tananarive, ce n'est pas nous, mission protestante
française, qu'on a visés directement.
Il y a toujours des circonstances où les
innocents doivent payer pour les
coupables. »
Peu après le général
Gallieni, s'inclinant devant les ordres du
ministre, avertit la Mission qu'il lui faudrait
laïciser le personnel de la léproserie
de Manankavaly qui, depuis 1900, avait compris
tantôt deux et, tantôt trois
diaconesses protestantes. Malgré des
démarches pressantes faites au
ministère, on ne put faire revenir les
autorités sur cette décision. Deux
des trois diaconesses alors au travail,
extrêmement attachées à leur
oeuvre qu'elles avaient presque créée
de toutes pièces,
préférèrent se laïciser
plutôt que d'abandonner leurs malades dont le
nombre atteignait le millier.
Ces mesures annonçaient les mauvais
jours par lesquels l'oeuvre entière allait
être amenée à passer.
Heureusement que, par ailleurs, d'autres faits
continuaient à réconforter les
serviteurs de Dieu.
Les églises avaient été
soulevées par l'Esprit d'en haut en 1901.
Les « Apôtres » n'avaient
pas cessé de travailler. Aussi, quand les
nouvelles de ce qui se passait au pays de Galles,
en 1904, parvinrent à Madagascar, de
nouvelles manifestations spirituelles apparurent,
tout d'abord dans le sud du Betsiléo, puis
à Fianarantsoa et à Ambositra. M.
Siegrist, missionnaire à Fianarantsoa, put
assister à la genèse
de ce nouveau mouvement qui prit
naissance à Ambohimandroso, sur la station
du missionnaire Rowlands.
« Dès que les quelques
chrétiens groupés autour de Mme
Rowlands, qui apparaît dès le
début comme l'âme du mouvement, eurent
la révélation intérieure que
le moment choisi par Dieu était
arrivé, ils se mirent au travail sans la
moindre hésitation, avec la certitude que
l'Esprit de Dieu était à l'oeuvre et
que beaucoup d'âmes seraient amenées
au salut. Un peu partout dans le district, des
réunions furent organisées, où
se produisirent aussitôt des résultats
surprenants. Il nous serait difficile de raconter
par le menu la marche du Réveil ; les
manifestations diverses par lesquelles l'Esprit
s'empare de l'âme pécheresse, lui
donne la vision immédiate de son état
de péché et de perdition et la jette
angoissée, au pied de la Croix, se sont
reproduites ici, comme partout et toujours, lorsque
le Réveil passe. Plus de quinze cents
personnes, m'a-t-on dit, ont fait jusqu'ici
profession d'avoir trouvé le Seigneur
Jésus et de s'être données
à lui.
« Un fait très
particulièrement encourageant donne, entre
autres, la caractéristique de ce mouvement.
Le nombre des mpisikidy (1)
est encore considérable
dans notre population malgache païenne ;
eh bien ! il y eut des réunions
à la campagne où plus de quatre-vingt
mpisikidy, la plupart vieillards
endurcis dans le paganisme, s'approchaient en
sanglotant de la table de communion, arrachaient
leurs amulettes, et les remettaient à Mme
Rowlands, en faisant profession de suivre
Jésus. Ce simple fait en dira très
long à ceux qui connaissent toute la force
des liens qui retiennent les vieux mpisikidy dans
leur paganisme. Si, malheureusement, il nous est
parfois permis de douter de la
sincérité des larmes de repentance de
nos pauvres frères malgaches, il nous
serait, par contre, difficile de nier la
présence de l'Esprit de Dieu dans la
conversion publique de ces vieux païens qui,
pendant tant d'années s'étaient
montrés réfractaires à tous
les appels. »
« Notre dernière
réunion au temple, dit de son
côté M. Gaignaire, d'Ambositra, fut
des plus émouvantes et se prolongea de cinq
heures à dix heures du soir. Quelques
anciens communiants reconnurent et
avouèrent, avec un accent de
sincérité inimitable, des fautes
graves qu'ils avaient toujours niées et pour
lesquelles ils avaient été exclus.
Puis, vers la fin, quand nous
annonçâmes que cette réunion au
temple serait, pour le moment, la dernière,
ce fut un jeune homme de vingt-cinq ans qui voulut
se libérer avant de sortir. Voici quelques
détails sur sa situation : il exerce
une fonction importante et parle très
couramment le français. Il appartient
certainement à l'élite intellectuelle
de nos Malgaches. Nous le connaissions tous
beaucoup ; il était membre communiant
de notre église et nous
le croyions fidèle. Sa présence
assidue à nos réunions et son
attitude m'avaient pourtant frappé.
Fidèle, hélas, il ne l'était
pas. Il s'était laissé
entraîner au mal par quelques jeunes gens,
ses collègues. Il se leva tout tremblant
pour prier, et sa prière s'acheva dans une
détresse inexprimable. Je n'oublierai jamais
ses dernières paroles :
« C'est moi qui t'ai trahi, ô
Christ ; c'est moi qui t'ai
crucifié ; c'est moi qui ai
enfoncé tes clous ; c'est moi qui t'ai
couronné d'épines ; c'est moi
qui t'ai insulté ; c'est moi qui t'ai
craché au visage : ô Christ, me
pardonneras-tu ? »
« En sortant de cette
réunion, l'un d'entre nous
s'écriait : « J'ai vu Dieu
face à face et mon âme a
été
sauvée ! »
« Ce n'est pas seulement dans
l'Eglise que se manifeste l'action de l'Esprit de
Dieu. Entre autres choses, quelques-uns de nos
chrétiens viennent de me dire qu'en ville,
entre deux hommes qui causent au marché ou
ailleurs, se passe souvent la scène
suivante : « Je t'ai fait du tort
dans telle ou telle occasion, dit l'un ; tu
n'en savais rien, mais je te le dis maintenant. Ce
tort, je veux le réparer, et, pour
commencer, je t'en demande pardon. » Puis
ils se serrent la main.
« Je voudrais encore pouvoir vous
raconter la réconciliation bien remarquable
de deux de nos hommes qui étaient en
procès depuis un an et cherchaient à
se tromper l'un l'autre. Mais je dois me borner.
« Je commence à croire
qu'à la campagne aussi, au moins dans les
églises les mieux préparées,
le Réveil sera bientôt à
l'oeuvre. Le second évangéliste
d'Ambositra, le brave Rakoto, que j'ai toujours
connu comme un homme de foi et de prière et
qui m' a si souvent fait du bien par la candeur de
sa piété, brûle maintenant du
zèle de la maison de Dieu. Il était
la semaine dernière dans une réunion
d'églises à la campagne, à
trois heures d'ici. Deux
élèves-maîtres de M. Galland,
originaires de la région, avaient voulu
l'accompagner. L'un d'entre eux surtout, qui a
toujours manifesté un excellent esprit, mais
que le Réveil a vivifié en le
poussant à l'oeuvre, exerça une
influence extraordinaire sur l'assemblée par
ses prières ou ses exhortations. À un
moment donné, il s'écria :
« Vous me connaissez tous, et vous me
regardez avec étonnement. Mais ceci est
l'oeuvre du Saint-Esprit qui nous a visités
et qui vous appelle maintenant. Je l'ai prié
toute la nuit pour qu'il vous sauve. Il est
ici ; c'est aujourd'hui le jour du salut, et
je vous déclare que, si vous ne vous
repentez pas, Vous
périrez ! » Toutes les
têtes qui jusque-là étaient
restées tournées vers lui se
courbèrent d'un seul mouvement, et le
Réveil commença. Mon excellent Rakoto
vint me raconter la chose, plein
d'allégresse, et ajouta. « C'est
un jeune prophète ! »
« Je viens de rencontrer un
chrétien de jadis, redevenu païen, et
tout ce qu'il y avait de pire.
Personne ne voulait croire au retour de
l'enfant prodigue. On disait
communément : « Si
Rainikalavao se convertit, il n'y aura plus de
pécheurs. » D'autres disent
aujourd'hui : « Il reviendra
à ses anciennes folies et nous amusera
encore. » Lui s'afflige beaucoup de ces
propos et dit en priant :
« Seigneur, quoi qu'en disent les hommes,
tu m'as saisi par la main droite et je te suivrai
jusqu'à la fin et pour toujours. »
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