UN
SIÈCLE DE MISSION A
MADAGASCAR
CHAPITRE XII
LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
CONCLUSION
L'année 1938 avait commencé pour
la Mission sous d'heureux auspices. La visite de
MM. Schloesing et Kaltenbach, l'année
précédente, avait été
pour tous les missionnaires un précieux
réconfort. Les nouveaux règlements
sortis des longues et sérieuses discussions
de la Conférence de 1937 entraient peu
à peu en vigueur et semblaient promettre un
affermissement réel des églises. On
entrevoyait l'ouverture prochaine des nouvelles
stations de Mananjary et de Moramanga, en attendant
le dédoublement de celle de Tamatave.
Mais tout à coup une catastrophe,
plus terrible que toutes celles qui avaient
secoué le monde auparavant, se
déchaîna d'abord en Europe, puis
s'étendit peu à peu jusqu'aux
extrémités de la terre.
Cette nouvelle tempête, dont nous ne
saurions encore mesurer les conséquences,
prouva pourtant la solidité de l'oeuvre
accomplie dans les pays de mission et la
réalité de l'Unité des
Églises évangéliques dans le
monde.
À Madagascar, la Mission
française fut la première
touchée. Son président, M. Henri
Peyrot, venait de partir en congé. M. Lods,
désigné pour l'intérim, fut
appelé sous les drapeaux. Un grand nombre de
missionnaires appelés également,
durent quitter leur poste. En même temps, la
mobilisation des indigènes jetait le trouble
dans la population des campagnes, toujours
craintive et prompte à s'alarmer.
Dès le 31 août, la Commission
exécutive prit des mesures d'urgence. Elle
décidait en particulier de faire
immédiatement appel à M. Mondain,
retiré à Antsirabé, pour
assurer l'intérim de la présidence.
La situation était délicate, la
charge à prendre bien lourde, les
circonstances plus que troublantes. Mais faisant
taire ses scrupules et ses appréhensions, et
se remettant avec toute l'oeuvre entre les mains de
Dieu, il partit avec Mme Mondain pour la
capitale.
Les problèmes à
résoudre étaient graves et à
vue humaine à peu près insolubles.
Comment assurer la marche d'une oeuvre aussi
étendue et complexe avec un personnel
européen presque réduit à
néant, et avec des ressources
financières elles-mêmes très
précaires, puisque l'on risquait
d'être coupé à bref
délai de la Métropole où
toutes les églises avaient elles-mêmes
à faire face à de terribles questions
pour leur propre existence.
Mais dès le début de cette
crise qui devait durer plusieurs années et
souvent se présenter sous
des aspects tragiques, la miséricorde de
Dieu envers ses serviteurs se manifesta avec
évidence.
Pendant la première quinzaine de
septembre, on était en pleines
ténèbres. On se demandait avec
anxiété ce qu'allaient devenir les
églises et les écoles privées
à un tel point de leurs directeurs et de
leurs conseillers religieux. Or, dès la fin
du même mois la situation commença
à s'éclaircir. Des démarches
pressantes auprès des autorités
militaires amenèrent la mise en congé
temporaire de deux missionnaires, pères de
cinq enfants : MM. Elie Vernier et Lods. Les
mois suivants, arrivèrent d'Europe M. Pilet,
accompagné de sa famille, ainsi que M. et
Mme Krüger.
M. Krüger monta à Tananarive
pour reprendre en mains une bonne partie du travail
scolaire dans la capitale et spécialement
l'École Paul Minault, secondant efficacement
MM. Mondain et Bourguet, jusque là seuls
à la tâche à Tananarive et dans
tout le district de l'Imérina.
M. Pilet prit, dès son
arrivée, la direction du vaste district de
Tamatave que M. H. Brunel avait quitté en
mai précédent.
Une lettre écrite par M. Pilet au
journal des Missions et parue en mai 1940, permet
de se rendre compte de la lourde tâche qui
incombait à ce missionnaire.
« Une des premières choses
qui frappent, lorsqu'on prend contact avec l'oeuvre
de Tamatave, -
écrivait-il, - c'est le travail formidable
fourni par notre prédécesseur,
pendant les huit ou neuf ans qu'il a passés
ici.
« Voici d'abord le grand et beau
temple en béton armé ; c'est une
oeuvre de foi à laquelle a participé
intensément, sans doute, toute la
communauté protestante de la ville et aussi,
un peu, presque toutes les églises de
l'île. Mais il fallait à sa tête
un animateur unique comme notre
collègue.
« Et puis, voilà le vaste
district d'environ 30.000 km2, donc six ou sept
départements de France ou les trois quarts
de la Suisse, que notre collègue menait de
front avec sa belle entreprise de Tamatave. Quand
il en a pris la direction, il y avait là
déjà 160 ou 170 églises et
annexes. Maintenant, à son départ, il
y en a 235. Chaque année donc, c'est huit ou
dix communautés évangéliques
qui, en moyenne, se sont fondées. Et quand
bien même, il semble qu'on ait atteint le
maximum, vu le nombre assez restreint
d'évangélistes, et le missionnaire
qui est tout seul pour ce grand travail, oui,
malgré cela et malgré la guerre, le
mouvement continue.
« Comme l'auto du district avait
besoin d'importantes réparations qu'on ne
pouvait me payer, j'ai dû, dès mon
arrivée, employer d'abord des moyens de
fortune pour visiter rapidement, avant les grosses
pluies, la plupart des centres
d'évangélisation.
« Partout, j'ai pu me rendre
compte que l'oeuvre, bien
organisée, était assez solide. Un
seul évangéliste est
mobilisé ; c'est celui qui était
à Vatomandry depuis huit mois ; frais
émoulu de l'École Pastorale, et
n'ayant pas encore une grande expérience, il
avait dû être placé,
malheureusement, dans un des postes les plus
difficiles. Aussi la situation n'était-elle
pas brillante ; mais avec le nouvel
évangéliste qu'on m'a accordé
en janvier, espère qu'on obtiendra
rapidement, avec l'aide de Dieu, le puissant
redressement qui s'impose. Cette région a
été travaillée autrefois par
le communisme et l'oeuvre religieuse en a souffert.
Je me hâte d'ajouter que cet état
d'esprit semble bien calmé, surtout depuis
la guerre. D'ailleurs, en général,
j'ai trouvé les malgaches peu
troublés par nos tristes
événements d'Europe. Ils aiment la
France, ils savent qu'elle défend une cause
juste et généreuse. Ils sont
prêts à remplir avec zèle tous
leurs devoirs. Il n'y a pas besoin de les exhorter
pour cela, car ils savent où est la
vérité.
« Se rend-on bien compte comment
marche un immense district missionnaire comme celui
de Tamatave ? Ce n'est pas, naturellement, le
missionnaire qui va prêcher chaque dimanche
dans les 235 temples ou réunions cultuelles
des annexes. Ces communautés sont
réparties en sous-districts, dirigés
chacun par un évangéliste. Comme cet
évangéliste a en moyenne 25
églises ou annexes sous sa direction, ce
sont en général des laïques qui
président le culte, et
prêchent dans toutes ces églises.
Comme vrais ouvriers de la Mission, pour seconder
le missionnaire dans ce grand district, il y a
exactement 14 hommes. Je ne parle pas, pour le
moment des instituteurs encore peu nombreux ici,
sauf à Tamatave même, et
consacrés essentiellement au travail
scolaire.
J'ai donc 14 évangélistes et
pasteurs : 2 pasteurs pour les deux grandes
églises de Tamatave, un troisième
pour une annexe importante à 3 km. de la
ville, et l'évangélistes à la
tête des onze sous-districts ou
« fitandremana » de la brousse.
Ce sont ces 14 hommes qui sont les vrais piliers de
l'oeuvre.
« Quand on songe au travail de
l'évangéliste des environs de
Tamatave qui dirige 36 églises et annexes
fondées en grande partie par lui ;
quand on songe à celui de
Fénérive, à 100 km. au nord,
qui, lui, a 27 communautés
créées aussi en grande partie par ses
soins, on ne peut que bénir Dieu du fond du
coeur, de nous avoir donné ces hommes
consacrés, zélés, ardents et
sages, qui ont accepté la situation
matérielle modeste qui est la leur, pour la
gloire de Dieu, et font l'essentiel de
l'oeuvre. »
Jusqu'en juin 1940, grâce aux
affectations spéciales accordées
à un certain nombre
d'ecclésiastiques, grâce aussi au
retour de plusieurs missionnaires en congé,
l'activité dans les districts put reprendre
presque normalement. Puis, hélas, ce fut
l'invasion de la France, suivie de la conclusion de
l'armistice ! Pendant ces
jours terribles, nos missionnaires firent pourtant
une expérience merveilleuse : Partout
ils furent soutenus et entourés de la
sympathie respectueuse et attristée des
Malgaches qui, eux aussi, se sentaient orphelins et
s'inquiétaient pour l'avenir de leur pays.
On pouvait supposer que le Comité de Paris
ne pourrait plus envoyer de fonds, d'une part,
parce que les chrétiens de France devaient
faire face à des difficultés
terriblement accrues et, d'autre part, parce que
les communications entre Paris et les champs de
missions allaient se voir pratiquement
coupées.
Mais à nouveau, l'infinie
miséricorde de Dieu se manifesta. De
véritables miracles s'accomplirent. Les
communautés malgaches comprirent
d'elles-mêmes, avant toute sollicitation,
leur devoir de venir en aide à leurs
conducteurs en difficulté. Elles
organisèrent spontanément des
collectes qui rapportèrent 125.000 francs,
en dehors de dons aux agents de la
Société se trouvant
momentanément dans l'embarras. Il y eut
à cet égard des actes touchants. Les
missionnaires d'Ambatomanga virent arriver dans
leur jardin une charrette remplie de
légumes : c'était un
présent envoyé aux
élèves de l'École Pastorale
par les lépreux de Manankavaly, émus
à la pensée que ceux qui
étaient venus souvent leur prêcher
l'Évangile, pouvaient ne plus avoir assez de
ressources.
Les autres sociétés
missionnaires, sans
s'arrêter à leurs
propres difficultés, envoyèrent des
dons ou consentirent des prêts.
Pourtant la Mission norvégienne, puis
les Missions anglaises, s'étaient
bientôt trouvées comme la nôtre,
privées de tout contact avec leurs
Comités directeurs et de toute aide
matérielle venant d'Europe. Le salut, pour
tous, vint d'Amérique, du Conseil
International des Missions, qui prit en mains de
secourir toutes les Sociétés de
Missions en difficulté, et envoya
d'importants subsides en dollars. On avait,
d'ailleurs, pris des mesures restrictives
très sévères, réduit
fortement les émoluments des missionnaires,
et supprimé à peu près toutes
les subventions à l'oeuvre locale.
Soudain surgirent des difficultés
d'un tout autre genre, non plus de
l'extérieur, mais à Madagascar
même.
Les éléments hostiles aux
églises évangéliques crurent
le moment propice pour esquisser une campagne de
calomnies contre les protestants. Au
Betsiléo, des pères catholiques
suscitèrent quelques incidents
significatifs. À Anivorano, des notables
protestants furent accusés de sentiments
subversifs ; à Majunga, un magistrat
reçut l'ordre d'enquêter sur la
Mission protestante française.
En même temps, à Tananarive,
les dirigeants de la trop fameuse église
d'Antranobiriky (refuge de tous les
ultra-nationalistes et aussi de beaucoup
d'excommuniés des églises
régulières) tentèrent,
à la faveur du trouble
consécutif aux
événements mondiaux,
d'ébranler l'autorité des synodes.
Ils s'attaquèrent d'abord à un groupe
d'églises de la banlieue ouest,
rattachées depuis leur fondation à la
Mission de Londres, cherchèrent à
provoquer des dissensions dans l'église
d'Anosipatrana, puis accusèrent le pasteur
d'avoir tenu des propos hostiles à la
France. Le chef de région fit aussitôt
fermer le temple et arrêter le pasteur. M.
Mondain, alerté, réagit avec vigueur,
réussit à mettre en lumière
les invraisemblances et les contradictions de
l'accusation et à faire acquitter le
pasteur. Enfin, le temple fut rouvert le 4 janvier
1941.
Cet échec ne découragea pas
les adversaires qui pendant plusieurs mois encore,
essayèrent de provoquer de nouveaux
troubles, heureusement sans succès.
Avant même la fin de cette
pénible affaire, un deuil douloureux
était venu assombrir les perspectives
d'avenir de l'oeuvre. Un des plus jeunes et des
plus actifs membres de la Mission, M. René
Robert, mourait prématurément, au
mois de novembre 1940, à la suite d'un
accident de motocyclette, alors que l'essence
devenait rare, interdisant aux missionnaires
l'usage de l'automobile.
L'année 1941 devait d'autre part
être marquée par un précieux
renforcement de l'équipe française.
Au mois d'avril, au moment même où se
réunissait la Conférence
générale que M. Mondain eut encore
à présider, débarquait
à Tamatave après
un long voyage, M. H. Peyrot, sa femme et sa
dernière fille. Il put dès son
arrivée à Tananarive, reprendre la
direction de la Mission, tandis que M. Mondain
continuait à s'occuper, du mieux qu'il
pouvait, du district d'Ambositra. Par le même
paquebot étaient revenus M. et Mme Foltz et
leurs cinq enfants.
Peu de temps après arrivaient
à leur tour M. et Mme Molet et Mme
Burgurieu, les premiers vrais renforts
envoyés de France depuis 1938, année
de l'arrivée de Mlle Barnaud.
À la fin de 1941, un des membres de
la Mission pouvait écrire en résumant
les expériences de tous :
« Malgré toutes les
difficultés, les fatigues, les privations
d'essence, la complication des transports,
l'insuffisance du personnel, la Mission continue.
Les missionnaires vont à pied, à
bicyclette, mais les églises sont
visitées, l'ÉvangiIe est
annoncé, les écoles sont ouvertes.
Les indigènes, par leur attitude, nous
consolent, nous réconfortent, nous
encouragent. C'est un témoignage qu'il faut
rendre aux Malgaches, à leur
fidélité et aussi à l'oeuvre
accomplie par la France dans leur
pays. »
L'année 1942 fut une des
années les plus agitées de l'histoire
de Madagascar. Le 5 mai, les Anglais
débarquaient à Diégo, puis le
8 septembre à Majunga ; et ce fut,
jusqu'au 5 novembre toute une période de
guerre, qu'un gouvernement plus sage aurait pu
éviter. Il n'y eut pas de grands
combats ; les pertes des deux
côtés furent
relativement légères ; mais les
conséquences psychologiques de cette lutte
dont l'issue pouvait être prévue
dès le premier jour, furent
désastreuses. La France ne put qu'y perdre
une partie de son prestige.
Ces événements n'eurent
heureusement que peu d'influence sur la marche des
églises, où les cultes purent
continuer à avoir lieu, et où les
fidèles purent être
éclairés sur leurs devoirs sociaux et
sagement dirigés, dans ces troublantes
conjonctures, par leurs missionnaires et leurs
pasteurs.
L'année 1943 fut d'ailleurs beaucoup
plus calme. Le travail se poursuivit normalement,
autant du moins que le permit le nombre
réduit des missionnaires et leur état
de fatigue. Dans certaines régions, et tout
spécialement sur la côte est, aussi
bien à Antalaha qu'à Tamatave et
Mananjary, des progrès très sensibles
dans le nombre des lieux de culte venaient
réjouir le coeur de ceux qui en avaient la
charge. D'autre part, les
évangélistes et les pasteurs
indigènes devenaient chaque année, de
par les difficultés à surmonter, plus
conscients de leurs lourdes
responsabilités.
L'année 1944 fut marquée par
la visite trop rapide, mais incontestablement
bienfaisante, de M. Jean Keller, au nom du
Comité de Paris. Toutes les missions
protestantes de Madagascar furent
réconfortées par le message vibrant
de foi et d'espérance qu'il apportait, avec
le salut de la Mère Patrie, à ceux
qui se sentaient si seuls. Il
repartit en avion, le 13 juin, juste une semaine
après le débarquement des
Alliés en Normandie, prélude de la
Libération de la France.
Cette année avait pourtant
débuté par une catastrophe,
l'écroulement en janvier du beau
bâtiment du Foyer des jeunes
d'Amparibé, ayant entraîné la
mort de cinq jeunes gens. Ce désastre, comme
ceux de la côte, loin d'abattre les courages,
ne fit que les stimuler. De tous les
côtés s'offrirent des concours, non
seulement pour réparer, mais pour
élever un édifice mieux adapté
que l'ancien aux oeuvres de jeunesse en plein
développement.
L'année 1945 fut celle de la
réunion du troisième synode de toutes
les églises relevant de la Mission
française. Destiné à
manifester l'unité profonde de toutes ces
communautés et à resserrer leurs
liens mutuels, ce nouvel organisme servira
puissamment la cause de l'Évangile, en
contribuant à abattre les barrières
de races qui divisent encore trop souvent les
chrétiens, et en aidant l'Eglise malgache
à prendre conscience d'elle-même.
Dans cette même année, la
Mission protestante française put enfin
être renforcée par quelques
éléments nouveaux dont les premiers,
MM. Rennes et Hatzfeld et Mlles Dalais, Fournier et
Guilhot, arrivèrent à Tananarive vers
la fin du mois de juin. D'autre part, M. Lucien
Peyrot était venu remplacer, à la
tête du Foyer chrétien, M. Bonzon qui
avait dirigé ce Foyer
pendant huit ans et demi avec un
zèle et une compétence remarquables,
au milieu des circonstances les plus
difficiles.
Pendant toute la durée de la guerre,
une oeuvre particulièrement urgente avait
été poursuivie en France même,
par MM. Jean Vernier et Alfred Peyrot,
auprès des Malgaches mobilisés.
Grâce au dévouement de ces deux
aumôniers, les camps de Malgaches en France
devinrent de véritables centres de districts
missionnaires ; la cohésion entre les
protestants fut assurée, le lien avec les
églises « du pays »
maintenu, et un grand nombre d'exilés
sauvés du désespoir. Cette
activité s'étendit d'autre part aux
nombreux Malgaches prisonniers, que les Allemands
avaient maintenus en France occupée, dans
les fronstalags. Un Secrétariat avec centre
de secours, correspondance, envoi de livres et
colis, fut organisé à la Maison des
Missions, sous la direction de Mlle Dorian,
(empêchée jusqu'en mai 1945 de
rejoindre son poste de missionnaire à
Madagascar), en liaison étroite avec les
aumôniers et avec l'aide d'un grand nombre de
pasteurs et laïques qui mirent tout leur
dévouement au service de ces frères
malgaches si éprouvés. Après
la Libération, ils furent accueillis
à la Maison des Missions et dans de
nombreuses familles chrétiennes
françaises.
Au cours de ces années, comme en
1914-18, les églises de France
reçurent avec émerveillement la
révélation concrète de
l'oeuvre de Dieu par les
Missions, à Madagascar et ailleurs ;
les nombreux témoignages qui furent rendus,
en particulier, aux soldats malgaches
chrétiens, tant par des officiers que par
des pasteurs ou des fidèles, furent pour les
missionnaires le plus précieux
réconfort.
En terminant cette revue, nécessairement
très brève et trop rapide et par
suite fort incomplète, des diverses
activités de la Mission protestante
française dans ces vingt dernières
années, il est nécessaire d'ajouter
que les Missions soeurs n'ont cessé, pendant
cette période, de travailler de leur
côté, dans un très réel
esprit de coopération fraternelle et avec
des succès très marqués, au
moins dans certaines régions. Quelques
chiffres le montreront avec évidence.
Voici par exemple l'état comparatif
fourni par la principale des Missions
luthériennes travaillant dans l'île,
celle dont l'activité se poursuit dans les
régions du centre (Vakin Ankaratra et
Betsileo) et dans le pays Bara. En 1924, des
statistiques faites avec soin indiquaient pour
cette partie de l'oeuvre : 823 églises
et 84.080 chrétiens baptisés. En 1944
on comptait 997 églises et 104.790
baptisés. Les progrès étaient
proportionnellement plus évidents encore
dans la Mission norvégienne de l'Ouest (chez
les Vezo et Sakalava), où
l'évangélisation a toujours
été difficile et s'est heurtée
le plus souvent à des obstacles presque
insurmontables. En 1924, on n'avait encore
réussi qu'à établir 102 lieux
de culte abritant 5.236 chrétiens
baptisés ; mais en 1944, les premiers
avaient plus que doublé, passant au nombre
de 223, et les chrétiens baptisés
ayant presque triplé (14.676).
Sans insister davantage, nous nous
contenterons de relever, afin de donner une
idée générale de
l'étendue actuelle de l'oeuvre protestante
de Madagascar, les derniers chiffres que nous avons
pu obtenir concernant les différentes
Sociétés travaillant à
l'évangélisation des Malgaches :
| Églises
|
Adhérentes
|
a) Mission Protestante
française
(chiffres de 1944) :
|
1.545
|
350.000
|
b) Mission L. M. S.
(1) de
l'irnerina
(chiffres de 1944) :
|
1.075
|
201.000
|
c) Mission de L. M. S. du
Betsileo
(chiffres approx.) :
|
450
|
90.000
|
d) Missions
Luthériennes
(chiffres de 1941) :
|
1.539
|
175.000
|
e) Missions des Friends
(chiffres approx.) :
|
349
|
55.000
|
f) Mission de l'Isan-Enim Bolana
(2)
(chiffres approx.) :
|
420
|
80.000
|
g) Mission Anglicane
(Chiffres approx.) :
|
325
|
26.000
|
- N'y -a-t-il pas dans tous ces faits, sans
compter bien d'autres qu'on pourrait ajouter,
un grand encouragement pour ceux
qui s'intéressent au développement de
la population de Madagascar, en même temps
qu'un appel à plus de zèle en faveur
de l'oeuvre ainsi poursuivie ? Malgré
les progrès accomplis, en effet, les
difficultés et les dangers ne manquent pas.
L'extension presque inespérée de
l'oeuvre constitue pour elle comme un nouveau
péril. Il faut trouver pour les
collectivités fondées des conducteurs
appropriés, faute desquels le mouvement vers
l'Évangile peut risquer de dévier ou
de s'éteindre. Il devrait y avoir plus de
missionnaires en même temps que plus
d'évangélistes. Personnel et
ressources sont très au-dessous de ce qu'ils
devraient être. D'ailleurs le paganisme n'est
pas encore réduit à merci. Il est
toujours prêt à relever la tête.
Enfin, les autres ennemis qu'au cours de cette
histoire rapidement tracée de l'Eglise
malgache nous avons vus à l'oeuvre, sont
toujours aussi désireux de s'opposer au
succès de l'Évangile, et toujours
aussi ardents à répandre leurs
négations ou leurs erreurs.
L'histoire de l'Eglise malgache n'est donc pas
encore terminée. Mais, quelles que soient
les surprises que l'avenir puisse réserver,
cette Église a dans son passé
suffisamment de traits lumineux pour qu'elle ne
puisse s'effacer du souvenir des hommes, et elle a
manifesté assez de vitalité pour
qu'on puisse envisager son avenir avec confiance.
|