COMMENT S'OCCUPER DES
ÂMES ?
INTRODUCTION
Ces lignes ont été écrites
et destinées primitivement à une
seule personne. Si nous les avons
développées et publiées, ce
n'est pas que nous ayons la prétention de
venir en aide à Dieu, ni de soumettre ses
voies à une méthode ; nous
savons qu'elles sont aussi variées dans
l'ordre spirituel que dans celui de la nature. Mais
Dieu nous ayant fait la grâce d'être
ses collaborateurs, nous entrons
nécessairement pour une part de
responsabilité dans son oeuvre, et nous
pouvons constater tous les jours, combien notre
service peut être fécond, salutaire et
béni, quand il est fait avec intelligence et
fidélité, et combien aussi il peut
être néfaste et même causer un
préjudice irréparable, quand nous
faisons des fautes.
Nous voudrions donc, en toute
humilité, faire part à nos
frères de quelques leçons apprises au
cours de notre expérience. Elles sont le
fruit de bien des angoisses, de bien des regrets,
de bien des observations et de bien des
études dans le plus sacré des
domaines.
Que Dieu, notre unique ressource, nous
enseigne et nous rende capables de toute bonne
oeuvre !
Bienne, Novembre 1911.
F. W.
Comment s'occuper des âmes
Au sens général,
l'expression « âme »
signifie, dans les Écritures, la partie
spirituelle de l'homme en contraste avec le corps
(1 Pierre 1, 9 ) ; dans un
sens plus spécial, l'âme se distingue de
l'esprit
(1 Thess. 5, 23). Dans beaucoup de
passages, l'âme est considérée
comme l'élément responsable de notre
être, et de là le plus important. Si
l'âme est perdue, tout est perdu. C'est
pourquoi Jésus dit : « Que
profitera-t-il à un homme s'il gagne le
monde entier, et qu'il fasse la perte de son
âme ? »
(Matth. 16, 26.)
Deux grandes puissances se disputent la
possession de ce bien. D'un côté,
Satan, le grand séducteur, et de l'autre,
Jésus-Christ, le Sauveur des hommes. Pour
l'une ou pour l'autre, il faut donc que les
âmes se décident. Le Prince de ce
monde n'a qu'un leurre à offrir ;
pourtant une fois, il a proposé tous les
royaumes de la terre et leur gloire. C'était
le plus grand prix qu'il pût
présenter. Jésus, lui, a donné
sa vie.
Le monde n'a pas le sens de la valeur d'une
âme, c'est pourquoi, souvent, le prince des
ténèbres les obtient à bon
marché. Esaü lui a vendu la sienne pour
un plat de lentilles ; Judas, la sienne pour
trente pièces d'argent. Les maîtres de
cette servante de Philippes, délivrée
par Paul d'un esprit de python, sont
préoccupés de leurs revenus, et les
Gadaréniens de leurs pourceaux. Quand
Jésus eut libéré, deux
démoniaques, et qu'à cette occasion
leurs pourceaux périrent
dans la mer, ils le prièrent tout simplement
de s'en aller de leur territoire. Deux âmes
délivrées d'une misère
inexprimable : cela ne leur disait rien !
Le matérialisme avait englouti le sens
qu'ils pouvaient avoir pour le bien de leurs
propres âmes et de celles des autres.
I
Comment s'occuper des âmes pendant la
conversion ?
Mort dans ses fautes et dans ses
péchés
(Eph. 2, 1) - telle est la condition
de l'homme naturel, et sans une intervention divine
il ne peut pas se convertir. Cette intervention lui
est assurée par la parole du Seigneur :
« Et moi, si je suis élevé
de la terre, j'attirerai tous les hommes à
moi-même »
(Jean 12, 32).
Le moment décisif dans l'histoire
d'une âme est celui où la
lumière divine brille sur son chemin.
Malgré son état de mort, elle peut
ouvrir les yeux pour recevoir cette lumière,
elle peut aussi les fermer. Si, comme fit le
gouverneur Félix, elle les ferme
(Actes 24, 25), il en
résultera l'endurcissement ; si elle
les ouvre, et se laisse conduire par cette
lumière au jugement d'elle-même et
à la foi, elle subira une
résurrection spirituelle :
« .... étant ensevelis avec lui
dans le baptême, dans lequel aussi vous avez
été ressuscités ensemble
par la foi en l'opération de Dieu qui l'a
ressuscité d'entre les morts »
(Col. 2, 12).
Notre tâche consiste donc à
amener les âmes à Christ. Ce n'est ni
une morale, ni une théorie, ni un dogme
seulement que nous leur apportons, si
nécessaires qu'ils soient, mais une
personne vivante. « Nous ne
conduisons pas les âmes à la
croix », comme l'a si bien dit quelqu'un,
« il n'y a personne à la
croix ; nous ne les conduisons pas au tombeau,
le tombeau est vide ; mais
nous les conduisons au Christ crucifié et
glorifié, assis à la droite de
Dieu. »
Le premier but à poursuivre dans une
âme, c'est son réveil. Le Saint-Esprit
définit ainsi ce ministère en
s'adressant à Paul : « ....
Je t'envoie pour ouvrir leurs yeux, pour qu'ils se
tournent des ténèbres à la
lumière, et du pouvoir de Satan à
Dieu »
(Actes 26, 18). Nous devons donc leur
ouvrir les yeux sur leur état de corruption
et sur le danger de la perdition éternelle
auquel elles sont exposées ; et ensuite
les conduire à la source de la grâce
et de la paix.
« Le sage gagne les
âmes »
(Prov. 11, 30). Non pas en les
attirant à lui d'une manière
charnelle ; car la sagesse divine unit dans
une sainte austérité la haine du
péché et l'amour du
pécheur : mais en leur
découvrant, sans ménagement, leur
plaie afin de la guérir.
Nous aurons à nous adresser tour
à tour à l'intelligence, à la
conscience et au coeur ; chaque cas
particulier demande une direction
particulière. Le Saint-Esprit qui sonde les
coeurs nous la donnera. Jésus, le parfait
Serviteur est notre modèle. Combien
différente était la manière
dont Il s'occupait des âmes !
Chez Nicodème
(Jean III), Il s'adresse d'abord
à la conscience. Dans un entretien sur la
nécessité et la nature de la nouvelle
naissance, Il opère le travail de
démolition indispensable à cette
dernière. Coup sur coup, l'orgueil du
pharisien est atteint.
v. 3 son orgueil naturel ;
v. 10 : son orgueil
spirituel ;
v. 11 son
incrédulité ; et ainsi le
terrain fut préparé au magnifique
message qui commence par le
verset 15.
Avec la Samaritaine
(Jean 4), Il procède
autrement, Il commence par le coeur. Il excite sa
curiosité en lui faisant comprendre qu'il y
a des biens qu'elle ignore, et cela dans un langage
comme les enfants le comprennent, comme cette
simple femme y était habituée :
« Si tu connaissais le don de
Dieu, et qui est celui qui te dit : donne-moi
à boire, toi, tu lui eusses
demandé, et il t'eût donné
de l'eau vive »
(v. 10). Il vante l'eau vive, afin
d'éveiller en elle des besoins spirituels et
de provoquer cette demande :
« Donne-moi de cette eau »
(v. 15). Ensuite Il s'adresse
à sa conscience, et lui dévoile,
d'une manière infiniment délicate,
même indirecte, son péché. Quel
exemple dans la souveraine Sagesse
s'occupant de l'âme d'une
femme pauvre et pécheresse, mais pourtant si
assoiffée, comme Elle l'épargne et la
conduit avec tendresse à la source des eaux
vives ! Qu'il fait bon suivre cet entretien
jusqu'au moment où il se
révèle à son âme comme
le Messie. Lui, le Seigneur de gloire arrivé
fatigué à la fontaine, est
rassasié d'avoir trouvé un adorateur
pour son Père, et elle, la pauvre femme est
si rafraîchie, qu'elle laisse sa cruche et
court à la ville pour rendre
témoignage de lui.
Chez Nathanaël, Jésus s'adresse
en premier lien à l'intelligence
(Jean 1, 48. 49). Il suffisait d'une
révélation de sa Toute-Science pour
écarter les derniers préjugés
de cet Israélite intègre et bien
préparé et le convaincre que
Jésus de Nazareth était le
Christ.
Au fond, toute conversion est le fruit d'une
révélation du Seigneur
(Matth. 11, 25-27). Prêchons
Christ aux âmes de manière à ce
qu'elles puissent le rencontrer dans notre
prédication.
En général, nous devrons
consacrer beaucoup de temps et de soins au
côté négatif de l'oeuvre.
« Nous sommes collaborateurs de
Dieu ; vous êtes le labourage de
Dieu », écrit Paul aux Corinthiens
(1 Cor. 3, 9).
Rappelons-nous que sur quatre sortes de
terrains, dans lesquels est tombée la
semence de la Parole divine (dans la parabole du
semeur), il n'y en a qu'un de bon
(Matth. 13, 1-9). C'est pourquoi la
parole sera toujours de saison :
« Défrichez pour vous un terrain
neuf et ne semez pas au milieu des
épines »
(Jér. 4, 3). Dans
Jérémie 1, 10,
Jéhovah emploie quatre expressions pour
décrire le côté négatif
dans le travail du prophète :
« Arracher »,
« démolir »,
« détruire » et
« renverser », et seulement
deux pour le côté positif :
« bâtir » et
« planter ».
Non seulement les âmes sont mortes
dans leurs fautes et dans leurs
péchés, mais souvent elles sont
ensevelies sous les décombres que la propre
justice et une fausse religion ont
accumulées sur elles pendant des
années, et il faut un travail
énergique et considérable pour les
amener au jour. Il ne s'agit de rien moins que de
la conquête d'une forteresse, et les remparts
de l'ennemi ne tombent que devant
les attaques
répétées de la foi. Nos armes
sont divinement puissantes
(2 Cor. 10, 4). Heureux celui qui,
dans ce travail, procède en connaissance de
cause et conscient du but qu'il veut
atteindre.
Le « coeur honnête et
bon » de la parabole
(Luc 8, 15) dans lequel la semence de
la parole divine peut produire du fruit à
maturité, c'est le « coeur
brisé »
(Ps. 51, 17). Dans ce coeur les
épines et les pierres n'entravent plus la
croissance ; la parole ayant été
reçue avec foi, une entière
soumission a triomphé des obstacles. Elle a
créé un terrain aplani sur lequel on
peut édifier un travail nouveau.
Mais que faire du coeur impénitent,
enlacé dans les voies de sa volonté
propre et de sa mondanité ? Une
connaissance profonde du coeur de l'homme et une
perception divine seront d'un grand secours
à un serviteur de Dieu. Il y a des cas
où la présentation trop exclusive de
la grâce, constitue tout simplement un
danger. « Si l'on use de grâce
envers le méchant, il n'apprend pas la
justice ; dans le pays de la droiture il fait
le mal et il ne voit pas la majesté de
l'Éternel »
(Es. 26, 10).
Alors il faut employer le marteau de la loi
pour briser le pécheur endurci et le rendre
accessible à la grâce :
« Ma parole n'est-elle pas... comme un
marteau qui brise le roc ? »
(Jérém. 23, 29). Sans
connaissance du péché, point de
conversion ; or, la connaissance du
péché vient par la loi
(Rom. 3, 20). Les hommes sont souvent
si ignorants au point de vue spirituel qu'on est
obligé de mettre le doigt sur la plaie et de
leur nommer leurs péchés par leurs
noms.
Il est vrai que toute conversion est
l'oeuvre de la grâce plus d'un coeur de
pierre a été remué par l'amour
et la grâce de Dieu. Mais la question se pose
toujours : où la loi et la grâce
doivent être appliquées ? Si nous
nous tenons dans le conseil secret de
l'Éternel
(Jérém. 23, 18-22) il
nous donnera la direction de son
Saint-Esprit ; car c'est Lui qui convaincra le
monde de péché, de justice et de
jugement (Jean 16, 8). Que de fois le Serviteur
parfait a placé des hommes sous la loi pour
mettre à nu l'état de leur coeur, les
convaincre de péché et leur prouver
l'absolue nécessité de la
grâce !
(Luc 10, 25-37 ;
18, 18-25.)
Nous pouvons avoir instruit une âme
sur le chemin du salut aussi clairement que
possible, avoir placé devant elle la vie et
la mort, avoir servi à la réveiller
même, ce n'est pas encore tout, il faut
qu'elle soit appelée, c'est-à-dire
amenée à une
décision.
Cela est si vrai que Jésus dit :
Je suis venu « appeler » des
pécheurs à la repentance
(Matth. 9, 13), et que parmi les
titres donnés aux saints, dans les
Écritures, est celui d'
« appelés »
(Rom. 1, 6). Comment auraient-ils pu
répondre s'ils n'avaient été
appelés ? L'âme peut voir le
chemin du salut ouvert devant elle ; mais
paresseuse de nature, elle a besoin d'un puissant
coup d'éperon pour y entrer. N'oublions pas
que mille liens l'attachent au monde et au
péché, qu'elle redoute l'opinion des
hommes ; elle craint la souffrance. À
ce moment suprême, le Dieu de ce
siècle lui présente le renoncement et
la gloire dans de fausses proportions. Faisons tout
ce qui est en notre pouvoir pour l'amener à
une décision. Les peines éternelles
et la félicité
éternelle ; l'horreur du
péché et la beauté de
Christ ; Son oeuvre parfaite, ses souffrances
et sa gloire ; la
sévérité de Dieu, son amour et
sa grâce ; tout doit nous servir pour
atteindre le but.
L'appel.
L'appel est lui-même quelque chose de
sacré. Puissions-nous ne jamais l'adresser
sans être l'organe du Saint-Esprit ! La
seule pensée qu'il pourrait provoquer un
refus et devenir fatal à une âme,
suffirait pour nous empêcher de nous servir
jamais de ce moyen. Et pourtant, nous ne devons pas
nous laisser arrêter, Dieu veut que tous les
hommes parviennent à la connaissance de la
vérité
(1 Tim. 2, 3-7) ; ils ne peuvent
être sauvés autrement et,
malgré la responsabilité qu'elle
entraîne, la vérité doit
être placée devant eux. Mais cette
considération doit au moins nous porter
à rechercher avant tout la direction du
Saint-Esprit et à nous occuper des
âmes avec une extrême prudence et
sagesse.
C'est une terrible déception pour une
âme quand elle a fait un pas qui ne se
légitime pas ; et cette
déception peut devenir
pour elle une cause de doutes et de tentations.
N'exerçons jamais de pression charnelle sur
elles, ne jouons pas avec leurs sentiments et leurs
nerfs, mais ayons toujours en vue la conscience et
le coeur. Je ne veux pas dire que ce soient les
seules, mais les meilleures conversions proviennent
d'une profonde conviction de péché.
Ces réserves faites, un appel direct,
adressé à une âme en temps
opportun peut lui être d'une grande
utilité. Que d'âmes qui attendent, et
ne savent que faire, jusqu'à ce qu'un
serviteur de Dieu décidé vienne et
leur dise comme Ananias à Saul -
« Et maintenant, que
tardes-tu ? »
(Actes 22, 16.)
Comme nous l'avons déjà dit,
la grâce de Dieu seule peut rendre l'homme
capable de se convertir. L'un vient comme l'enfant
prodigue et, sans cette grâce n'aurait pas le
courage de venir ; l'autre vient comme Saul de
Tarse, et la perspective de choses meilleures
seule, lui donne la force de renoncer à ses
prérogatives
(Phil. 3, 7-9).
L'homme légal qui ne voit en Dieu qu'
« un homme dur moissonnant où il
n'a pas semé et recueillant où il n'a
pas répandu »
(Matth. 25, 24), n'éprouve
aucun désir de le servir. Et dans ces
conditions, nous serions tous les mêmes. Mais
quand l'amour et la grâce ont fait leur
oeuvre, les âmes le servent de franche
volonté. La connaissance de Dieu est la
source de toute transformation.
Pour être utile aux âmes, il est
nécessaire d'entrer dans leurs
difficultés particulières. Si nous
avons affaire à des âmes liées
au ritualisme d'une Église romaine, grecque
ou autre, éclairons-les sur le sujet, mais
ne leur ôtons pas ce qu'elles ont, sans le
remplacer par quelque chose de meilleur. Si elles
nous font le reproche de ne pas avoir de
prêtre, annonçons-leur notre grand et
Souverain Sacrificateur, Jésus-Christ, et le
sacerdoce universel des croyants ; si elles
cherchent en vain parmi nous une onction,
instruisons-les sur l'onction que nous avons
reçue du Saint
(1 Jean 2, 20) ; si c'est
l'encens qui leur fait défaut, faisons-leur
comprendre que le seul encens agréable
à Dieu est « la bonne odeur de
Christ » dans une vie d'obéissance
et de prières
(2 Cor. 2, 14-16). Des âmes
droites préféreront
bienvite la réalité
divine aux ombres instituées par les hommes.
En tout cas il faut que tous les faux appuis leur
soient enlevés et qu'elles apprennent
à se confier en Dieu seul.
La conversion.
La manière dont l'Évangile est
annoncé peut beaucoup contribuer à ce
qu'une conversion soit foncière et que la
vie chrétienne qui en résulte soit
saine on non. Beaucoup d'âmes n'obtiennent
jamais de l'eau pure. L'Évangile qu'elles
entendent est un mélange de loi et de
grâce, si ce n'est trop souvent le maigre
repas de la morale humaine ou même les
cendres de la philosophie. Puissions-nous
être pour les âmes un
« messager, un interprète, un
entre mille », comme dit Élihu
(Job 33, 23), « pour
montrer à l'homme ce qui, pour lui, est la
droiture », c'est-à-dire pour lui
montrer le droit chemin. Et que fait-il ? Il
le mène à la repentance avec ce
précieux encouragement :
« J'ai trouvé une
propitiation »
(v. 24).
Le droit chemin ? D'après
l'Écriture sainte, toute la
prédication évangélique ne se
résume qu'en deux mots : repentance et
foi. Jean-Baptiste a prêché la
repentance et a annoncé celui qui devait
venir
(Matth. 3, 7-12) ; Jésus
(Marc 1, 15) et ses apôtres
(Actes 20, 21) ont
prêché « la repentance
envers Dieu et la foi en notre Seigneur
Jésus-Christ ». Il est de la
plus haute importance que nous communiquions aux
âmes, sur ces deux points, des notions
justes.
La repentance.
La repentance n'est pas, comme elle a souvent
été comprise, une expiation du
péché, ni seulement une affaire de
sentiments, bien qu'elle ait sa source dans une
profonde douleur, mais elle est, d'après
2 Cor. 7, 8-10, le fruit d'une
tristesse opérée par le Saint-Esprit
au sujet du péché ; elle
consiste à rompre avec le
péché et à venir à
Christ. Il est inutile qu'une âme repentante
cherche des mobiles nobles en
elle-même ; elle ne peut rien produire,
sinon juger son péché, s'humilier et
venir à Christ telle qu'elle est. L'enfant
prodigue est venu poussé
par la faim, mais l'important était qu'il
vînt. Un élément essentiel de
la repentance, c'est la confession des
péchés qui a de si grandes promesses.
« Je t'ai fait connaître mon
péché, et je n'ai pas couvert mon
iniquité ; et toi tu as pardonné
l'iniquité de mon
péché »
(Ps. 32, 5).
Exhortons les âmes à faire
table rase de leurs péchés, à
examiner leur vie à la lumière de
Dieu et à réparer les torts
causés éventuellement aux hommes.
Dieu est un Dieu saint et Il veut avoir des gens
propres. Une conversion qui ne règle pas
à fond le passé ne peut subsister.
C'est étonnant que les hommes prient
tellement pour le pardon de leurs
péchés, alors que l'Écriture
les y exhorte très peu, et qu'ils cachent en
même temps si soigneusement leurs
péchés ; tandis que
l'Écriture nous exhorte partout à les
confesser. C'est que la confession implique
la nécessité de les abandonner
(Prov. 28, 13).
Un des principaux indices d'une repentance
foncière, c'est qu'elle conduit à la
paix. Une préoccupation maladive de
soi-même, des plaintes incessantes sur ses
péchés et sur sa corruption
naturelle, surtout le refus des consolations
divines, proviennent d'un reste de propre justice
et d'orgueil mal déguisé. La
repentance de plus d'une âme trouverait dans
les paroles suivantes sa plus juste
expression : « Je déplore de
ne pas avoir l'honneur d'être meilleur et
d'avoir mieux vécu. » La vraie
repentance n'est pas de l'orgueil froissé,
mais de l'humilité ; elle juge le
« moi » et donne gloire
à Dieu en acceptant le conseil divin de sa
grâce.
Si sincère que soit la repentance,
elle ne peut, par elle-même, donner la paix
à l'âme. La foi seule le peut. Elle
est la condition inévitable de la foi, le
terrain dans lequel seul elle peut prendre racine
et se développer.
Qu'est-ce donc que
La foi ?
La foi est bien, comme beaucoup pensent, une
adhésion de l'intelligence à la
vérité de Dieu ; mais elle est
plus, elle est une adhésion du coeur. Nous
pouvons, de notre intelligence, reconnaître
une vérité et pourtant lui
rester étrangers ; le
coeur, au contraire, prend parti pour elle, et en
rapporte les conséquences à soi.
Dieu a parlé, et la foi le prend au
mot. La foi s'appuie sur les oracles de Dieu et,
par eux, nous met en rapport avec Dieu.
Un trait caractéristique de la foi,
c'est qu'elle a pour objet la Personne et l'oeuvre
de notre adorable Seigneur et Sauveur
Jésus-Christ. La valeur que cette oeuvre a
pour Dieu détermine la valeur qu'elle a pour
la foi. Et comme cette oeuvre est parfaite, la foi
mène toujours au repos. La même
bienveillance qui repose sur le Fils
bien-aimé de Dieu, repose aussi sur ceux
qui, par la foi, ont été rendus
parfaits en Lui. Dieu a donné, et la foi
prend ; c'est pourquoi la foi a souvent le
sens de propriété :
« Celui qui croit au Fils, a la vie
éternelle »
(Jean 3, 36).
Dieu a frayé une voie, et la foi y
entre et introduit le salut de Dieu dans
l'expérience de notre vie. La foi est donc
la main vide qui s'empare du don de Dieu, la
dernière ressource d'un homme indigne,
coupable et ruiné. C'est le dernier pas
qu'un homme, dans sa misère, puisse encore
faire et le premier dans le chemin de la
délivrance, parce que la foi ne cherche rien
dans l'homme, mais tout dans la grâce de
Dieu.
À cet égard, la foi est
facile, quand les difficultés de la propre
justice et de l'orgueil sont vaincues ; mais
à un autre égard - combien elle peut
paraître difficile à certaines
âmes ! C'est bien comme Sauveur que la
foi accepte Jésus, en premier lieu, et n'y
trouve que gain, mais elle voit aussi en lui le
Seigneur établi de Dieu. Or, il s'agit de
renoncer à tous les droits sur sa propre
personne et sa propre vie et de faire acte de
reddition devant Lui. Et l'homme se
défend ; c'est pourquoi mainte
conversion est si hésitante. Le roi
déchu éprouve comme une chose
difficile de céder ses prétendus
droits en faveur d'un autre. Mais si cet autre est
Celui qui « nous a aimés et s'est
livré lui-même pour nous »
(Eph. 5, 2), "par la meurtrissure
meurtrissure nous avons été
guéris »
(1 Pier. 2, 24), alors ce n'est plus
difficile : c'est un besoin du coeur, un acte
de reconnaissance. La foi ne consiste donc pas
seulement à accepter Christ, elle
consiste aussi à se donner à
Lui.
On s'est demandé si l'appel
divin : « Mon fils, donne-moi ton
coeur »
(Prov. 23, 26) se rapporte à
la conversion. Ce qui est certain, c'est que le don
de nous-mêmes à Dieu en est une partie
essentielle. Les saints de la Macédoine
« se sont premièrement
donnés eux-mêmes au Seigneur, puis
à nous, par la volonté de
Dieu », écrit l'apôtre Paul
(2 Cor. 8, 5). Jésus-Christ
« qui nous a été fait de la
part de Dieu justice », nous a aussi
été fait
« sainteté »
(1 Cor. 1, 30). Le même
précieux sang qui me donne droit au pardon,
constitue pour Dieu le droit de me posséder
tout entier.
Ce sont des choses qu'il importe
d'enseigner, car une conversion qui n'est pas en
même temps un acte de consécration est
plus que douteuse, seulement la grâce doit
être présentée en premier lieu,
car il faut une grande confiance pour se donner au
Seigneur, et sa connaissance seule peut en rendre
l'âme capable.
Nous comprenons dès lors combien
grande est la révolution que la foi provoque
dans une âme, elle met la grâce divine
en rapport avec la culpabilité et la
misère humaines et ramène l'homme
à Dieu. C'est ce qui explique aussi que la
repentance et la foi sont inséparablement
liées. La repentance est le motif de la foi.
La foi compte avec le grand fait de la croix
où le péché est jugé et
avec la résurrection, source d'une vie
nouvelle. La foi est la chose la plus grande que
Dieu puisse réclamer de l'homme, celle qui
contient toutes les autres, et la seule que l'homme
puisse lui donner.
Courte a été la période
de l'indépendance relative dont l'homme
jouissait dans le jardin d'Eden. Il n'appartenait
pas alors au royaume des ténèbres, ni
à Dieu, de la même manière que
maintenant. Par sa chute, il a perdu cette
indépendance, et il ne la retrouvera jamais.
Il sera ou l'esclave de Satan, ou l'esclave de
Jésus-Christ. Et quoiqu'il ne puisse pas se
dégager des griffes de l'ennemi, il lui
reste le privilège glorieux, digne d'un
être créé libre, de pouvoir
se décider pour l'un ou pour l'autre.
Oh ! puissent les âmes s'en montrer
toujours dignes et en faire un bon usage ! Se
décident-elles pour Christ, alors Il rompt
leurs liens, et elles deviennent participantes de
la plus glorieuse des libertés, celle de la
Rédemption.
C'est là la conversion. Elle consiste
dans un acte de volonté, que l'homme
est appelé à faire, et par lequel il
se décide pour Dieu (comp.
Jean 5, 40 et
Apoc. 22, 17). Le mot lui-même
fait supposer que le coeur humain a toujours besoin
d'un objet : les ténèbres ou la
lumière, les idoles ou Dieu. Des idoles, il
doit se convertir au Dieu vivant et vrai
(1 Thess. 1, 9).
La grandeur de la responsabilité qui
incombe à l'homme rend nécessaire
qu'il soit instruit exactement sur le plan divin du
salut. Comment fera-t-il un pas de cette importance
s'il ne connaît pas le terrain sur lequel il
entre ? Aussi nous semble-t-il que c'est un
tort de pousser un homme à une
décision sans lui avoir préalablement
fait connaître les bases de la
Rédemption. Mais ces bases une fois
posées, c'est-à-dire la propitiation
par le sang de Christ, le jugement du vieil homme
à la croix, la justification dans la
résurrection de Christ, alors nous n'avons
pas seulement le devoir, mais le droit de
l'engager à prendre la position que Dieu lui
a faite en Christ, en rompant avec le
péché et en croyant en Lui. Il a
été mis dans le cas de le faire.
Puissions-nous tellement lui révéler
la beauté de Christ que son coeur soit
captivé et gagné par lui !
En quoi consiste, à proprement
parler, « l'obéissance de la
foi »
(Rom. 1, 5 ;
16, 26) et, dans quel rapport se
trouve-t-elle avec notre impuissance ?
Cette question est capitale dans l'oeuvre de
l'évangélisation ; car elle nous
servira à placer sur son vrai terrain la
responsabilité de l'homme. Or, nous pouvons
en quelque mesure, baser cette
responsabilité sur la nature, la conscience,
la loi ; mais en dernier ressort, c'est la
croix qui décide dans cette question.
L'homme qui aura entendu l'Évangile ne sera
pas perdu parce qu'il est né pécheur
(il faut qu'il le sache), ni parce qu'il n'aura pas
accompli la loi (il ne le peut pas), mais
uniquement parce qu'il aura rejeté
Christ. C'est là le péché
volontaire pour lequel il ne reste plus de
sacrifice
(Hébr. 10, 26 ).
Dieu ne réclame pas que nous expiions
nos péchés. Il y a pourvu par le sang
de son propre Fils. Il ne demande pas davantage que
nous nous rendions meilleurs, c'est
impossible, mais il veut qu'avec
nos péchés, nous venions à
Christ pour être pardonnés ; -
qu'avec notre vieil homme, nous venions à
Christ pour le dépouiller dans sa mort et
que nous reconnaissions dans le Ressuscité
notre vie. C'est ce que nous pouvons.
L'obéissance de la foi s'appui pour
chaque pas sur le Seigneur.
Dieu n'attend plus rien de la chair, elle a
été pleinement manifestée et
jugée à la croix. Elle ne saurait le
contenter dans ses efforts, ni le surprendre dans
ses chutes. Il en a fini avec elle. Nous aussi,
nous devons en avoir fini avec elle.
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