Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SALUT DE DIEU
FEUILLE CONSACRÉE À L'ÉVANGÉLISATION


VOL. V
CINQUIÈME ANNÉE 1878

LA LUMIÈRE ET L'AMOUR DIVINS

« Au commencement était la Parole ; et la Parole était auprès de Dieu ; et la Parole était Dieu. Elle était au commencement auprès de Dieu. Toutes choses furent faites par elle, et sans elle pas une seule chose ne fut faite de ce qui a été fait. En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas comprise » (Jean I, 1-5).

Telles sont les profondes et merveilleuses paroles par lesquelles Jean commence son Évangile. Arrêtons un moment notre attention sur celles que renferme le verset 4 : « En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. »
On voit sans peine quel est le caractère du monde où cette lumière agit, - ce sont des ténèbres morales. « Guerre à Dieu, » voilà le terrible principe qui gît à la base de tout son système ! La pensée de l'homme naturel est inimitié contre Dieu (Rom. VIII, 7 ; Ps. XXXVI, 1 ; X, 4).
Entrez dans les salons du riche de ce siècle, dans le bureau du négociant, dans le cabinetde l'homme de lettres, dans l'atelier, dans l'humble chambre du pauvre, partout vous trouverez que les choses de Dieu sont hors de saison. Si l'on y entend le nom de Dieu, ce sera le plus souvent sur des lèvres qui le nomment en vain ou qui le blasphèment. À part le changement que peut seul produire l'Esprit de Dieu, n'est-il pas vrai que, depuis le palais jusque dans la chaumière, hommes, femmes et enfants, tous, ainsi que le gouverneur Félix, attendent, pour s'occuper de Dieu et des besoins de leur âme, « un moment convenable » qui ne se trouve jamais, ou bien confient ce soin à d'autres hommes qui sont établis pour s'en occuper, et qui sont tenus de débiter de la religion comme le boulanger débite du pain ?

On veut bien un peu de religion pour tranquilliser sa conscience, quant à la responsabilité où l'on est comme créature vis-à-vis de Dieu ; mais on n'en veut pas assez pour gêner le coeur dans la poursuite de ses désirs. Tel est le caractère du monde civilisé et respectable ; mais que dirons-nous des vices et des crimes dans lesquels se plongent et vivent tant d'êtres humains ? On aime à jeter un voile sur les horreurs sous lesquelles tremble et gémit la terre.

Voilà les ténèbres morales dans lesquelles Satan, le chef de ce monde, garde l'humanité, aveuglant les pensées des incrédules. C'est là qu'est descendu en grâce Celui qui se nomme LA PAROLE, et qui est l'auteur de toutes choses.
En contemplant la scène du monde, il aurait semblé que Dieu n'avait plus qu'à mettre fin à tant d'iniquités en exterminant de dessus la terre, comme à l'époque du déluge, les hommes qui ne cessaient de transgresser toutes ses lois ; mais non : le dessein de Dieu n'était pas de juger, II voulait sauver. En même temps, la manifestation de sa grâce parfaite dans le monde devait mettre en évidence jusqu'où allait la haine de l'homme contre Lui.

La transgression continuelle de la loi de Moïse avait démontré que l'homme est un être foncièrement désobéissant. En rejetant le Fils de Dieu, il se montrait totalement dépravé, corrompu, incapable d'apprécier le bien, animé d'une haine diabolique contre tout ce qui procède de Dieu. À ses yeux, aucune mort n'était trop ignominieuse pour Celui dont le seul crime avait été de manifester dans ce monde les richesses de la grâce de Dieu !

Mais la lumière devait resplendir, encore que les hommes dans leurs ténèbres ne la comprissent pas. Celui qui a fait toutes choses, - qui a tout arrangé, la terre et les sphères célestes, pour l'utilité des hommes, - est descendu ici-bas pour communiquer aux hommes la VIE, la vie de la part de Dieu, LA VIE ÉTERNELLE. « II était dans le monde et le monde fut fait par Lui ; et le monde ne l'a pas connu. Il vint chez soi, et les siens ne l'ont pas reçu » (Jean I, 10, 11). Il n'a trouvé qu'opposition et haine même de la part de ceux qui auraient dû Lui être spécialement attachés ; malgré cela, bien que les siens ne voulussent pas le recevoir, II ne voulait ni ne pouvait cesser son oeuvre divine. En dépit de tout, « la lumière des hommes » devait briller, cette lumière qui était « la VIE. »

Certes « la lumière » ne pouvait manquer de faire ressortir les profondeurs ténébreuses 'de l'état moral des hommes au milieu desquels elle brillait : sa nature est de manifester tout. Mais son oeuvre par excellence était de mettre en évidence la lacune, le besoin' moral, que l'amour divin venait combler. Sa tâche toute divine était de produire, dans le coeur endurci et insensible des hommes, le sentiment de leur misère, et les forcer ainsi à recourir au Dieu de toute grâce, au Dieu qu'ils avaient haï, - pour être sauvés de leur ruine, être pardonnes et justifiés. Voilà l'oeuvre merveilleuse que le Fils de Dieu a accomplie dans ce monde, et qu'il accomplit encore par sa parole divine et par son Esprit. Pour mieux faire comprendre la manière dont II agit, nous prendrons les deux exemples que nous fournissent les chap. III et IV de l'Évangile de Jean. Les deux personnes qui nous y sont présentées, Nicodème et la femme samaritaine, occupent les deux positions extrêmes dans la société ; en eux nous voyons l'humanité sous son meilleur et sous son pire aspect.

Nicodème, homme instruit dans les Écritures, intègre, reconnaissant les droits de Dieu sur lui et la puissance divine que déployait le Seigneur Jésus, se rend de nuit auprès de Lui pour être davantage instruit dans la vérité. Le fait qu'ilvient de nuit montre clairement que ce n'était pas une curiosité oiseuse qui le poussait vers Jésus ; encore moins avait-il la pensée de tenter le Seigneur ou de le mettre à l'épreuve, comme les pharisiens en général aimaient à le faire pour invalider son autorité et la puissance morale de ses actes. Un tel désir de sa part lui aurait attiré des partisans parmi la foule incrédule, et aurait pu être accompli en plein jour ; mais non, Nicodème avait un autre but. En présence de la vérité qu'il entrevoyait sans la connaître encore, sa conscience avait été atteinte, et, ne sachant pas ce que la connaissance qu'il désirait pouvait lui coûter, il se rend de nuit auprès de celui qui était méprisé par les chefs de la nation juive, craignant l'opprobre qu'une telle démarche lui vaudrait si elle venait à être connue.

Le docteur d'Israël se trouve donc en présence de la lumière du monde, et aussitôt son état véritable est mis à découvert. Les choses qu'il entend lui sont toutes nouvelles : il doit reconnaître qu'il ne comprenait pas même les Écritures qu'il enseignait à d'autres, et qu'il ignorait les premiers éléments de la vérité. Toute son intelligence, tout son savoir, toute sa religion tombent d'un seul coup, et Nicodème, dépouillé de son brillant extérieur, est là devant Jésus comme tout autre homme, un pécheur perdu, totalement incapable de s'approcher de Dieu ou de Le trouver par lui-même. « II faut être né « DE NOUVEAU, » lui dit Jésus, et le docteur d'Israël se voit confondu devant l'impossibilité de sortir desa situation, car comment se faire renaître ? L'homme n'y peut rien, Dieu seul est capable d'agir en pareille matière ; le fera-t-Il ?

Il y avait, chez Nicodème, un désir sincère d'être éclairé par la vérité, et ce n'est pas en vain qu'il s'est adressé à Jésus. La grâce ne repousse pas plus celui qui vient de nuit, que celui qui ose se présenter de jour. La parole divine ne présente aucune condition quant à la manière de rechercher Dieu. Il faut aller personnellement, voilà tout ; il faut se rendre à l'invitation qui dit : « VIENS » ; et l'on a la certitude d'être reçu : « Celui qui vient à moi, dit Jésus, je ne le mettrai point dehors » (Jean VI, 37). C'est là précisément ce dont Nicodème fait l'expérience. La lumière avait dévoilé son état et manifesté ses besoins réels ; elle avait mis en évidence le vide que laissaient subsister au fond de son coeur toute la forme religieuse et toute la science qui' paraissaient au dehors et que les hommes admiraient. Mais ce n'était certes pas pour le plaisir d'étaler au grand jour la misère humaine que le Fils de Dieu était descendu ici-bas. Qui l'a connue mieux que Lui qui, sans péché, en a pris sur Lui tout le poids ? Il n'était pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver. Si la lumière faisait voir ce qui manquait, l'amour était là aussi, prêt à y subvenir. Le même Jésus qui avait dit : « II FAUT être né de nouveau, » ajoute : « II FAUT que le Fils de l'homme soit élevé afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle. » II s'offrait lui-même pour subir les conséquences du péché de l'homme, pour en porter le jugement dans son propre corps sur le bois, afin que Dieu pût, avec justice, sauver dans sa grâce des pécheurs qui s'étaient perdus eux-mêmes.

Voilà la délivrance parfaite annoncée à Nicodème, délivrance actuelle pour lui, comme pour tous ceux qui périssent. Tel qu'avait été le serpent d'airain, dans le désert, pour les enfants d'Israël qui mouraient sous les morsures des serpents brûlants, tel était le Fils de l'homme élevé sur la croix pour le docteur d'Israël, moralement mort dans ses péchés. Par la foi en cette oeuvre expiatoire, Nicodème devient un humble disciple de Jésus, étant entré comme un petit enfant dans le royaume de Dieu. Il était sauvé, non pas par sa religion, ni par sa science, mais par sa foi simple en l'oeuvre de Christ, oeuvre que sans doute il ne comprenait pas encore dans son étendue, mais à laquelle il se confiait pleinement, sachant que son salut ne venait pas de lui, mais uniquement de Dieu.

Quelle puissance de grâce et d'amour ! L'homme instruit et honorable est amené à comprendre que l'oeuvre du salut est toute à faire pour lui ; mais en même temps il apprend que Dieu' est intervenu pour le tirer de son état de ruine et de perdition. C'est en présence de son Sauveur qu'il voit l'état désespéré de son âme. Où aurait-il pu mieux en juger ? mais aussi, où, autre part, aurait-il osé regarder en face sa ruine et en sonder les profondeurs ? Lalumière et l'amour divins ont accompli leur oeuvre de salut pour le docteur d'Israël.
Cher lecteur, êtes-vous tel que Nicodème ? Vous confiez-vous aussi à ce que vous avez appris dès l'enfance des choses de Dieu, sans être pour cela plus avancé que lui dans la connaissance de la vérité divine, je veux dire dans la connaissance qui sauve ? Ne voulez-vous pas, comme lui, venir au Seigneur Jésus, et recevoir gratuitement de sa part tout ce qu'il est venu apporter ?

« C'EST EFFRAYANT »

Je prenais, il y a peu de temps, quelques jours de repos dans une localité du midi de la France. Un jour, après avoir déjeuné avec le médecin de l'endroit, nous nous séparâmes en nous disant : « Au revoir ! à bientôt ! »
Deux heures ne s'étaient pas écoulées que j'étais appelé auprès de celui que je venais de quitter bien portant si peu d'instants auparavant, et qui maintenant était frappé d'une attaque d'apoplexie foudroyante.

Quelques minutes après, ce n'était plus qu'un cadavre, et, le lendemain, la terre s'ouvrait pour recevoir un cercueil de plus.
« C'est effrayant, » répétait-on autour de moi. « Oui, » disais-je aussi, « c'est effrayant de penser qu'un homme puisse être emporté si vite ! » Et chacun de rappeler des faits semblables.
La veille, l'un des plus grands hommes dont la France gardera le souvenir, mourait d'une manière analogue. Il n'y avait que quelques jours qu'une mort aussi brusque avait frappé une personne d'une ville voisine. Et combien de cas pareils à celui-là chacun ne pourrait-il pas citer ?
Je me souviens qu'il y a bientôt une année, faisant mon service dans un hôpital de Paris, j'accompagnais, dans sa visite du matin, le médecin en chef. Celui-ci interrogea un malade sur son état ; puis, voulant se rendre bien compte de la marche de la maladie, il appliqua son oreille sur le coeur du patient. Après avoir écouté attentivement durant quelques secondes, il releva tout d'un coup la tête avec étonnement : le malade était immobile ; ses paupières étaient fermées ; son coeur avait cessé de battre... Il était mort !

N'est-ce pas effrayant, lecteur peut-être inconverti ? N'est-ce pas très-effrayant de penser qu'il ne faut qu'un si court moment pour passer de la vie à la mort ?
Oui, direz-vous, mais cet homme était sans doute très-malade ?

Eh bien, vous surtout, jeunes lecteurs, écoutez encore le fait suivant ; il s'agit d'un jeune homme bien portant. C'était un de mes camarades d'études qui, de temps en temps, se dispensait de venir aux leçons pour faire une partie de plaisir, comme l'on dit. Un jour, entre autres, il manqua à l'appel ; ce n'était pas chose nouvelle, et le professeur se contenta, dans l'intérêt de l'élève, de déplorer cette absence. Mais le lendemain sa placeétait encore vide, et nous apprîmes que notre pauvre camarade avait été piqué par un insecte venimeux et que son état était des plus graves. Quelques heures après, il était mort.

N'y a-t-il pas quelque chose de terrible, chers lecteurs, dans cette mort qui frappe l'homme si brusquement, qui vient l'enlever au sein de la prospérité, aussi bien que dans la pauvreté ou l'infortune ; qui le moissonne jeune ou vieux, au milieu des plaisirs comme dans les occupations de la vie ?
Combien n'y a-t-il pas de personnes qui forment des projets pour un avenir lointain, et qui sont loin de se douter qu'elles sont sur le point de comparaître devant Dieu !

Écoutez sur ce sujet la parabole que prononce le Seigneur Jésus : « Les champs d'un homme riche avaient beaucoup rapporté ; et il raisonnait en lui-même, disant : Que ferai-je, car je n'ai pas où je puisse assembler mes fruits ? Et il dit : Voici ce que je ferai : j'abattrai mes greniers et j'en bâtirai de plus grands, et j'y assemblerai tous mes produits et mes biens ; et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as beaucoup de biens assemblés pour beaucoup d'années ; repose-toi, mange, bois, fais grande chère. Mais Dieu lui dit : Insensé ! cette nuit même ton âme te sera redemandée » (Luc XII, 16-20). Voilà ce que « deviennent les projets de cet homme qui exclut Dieu de ses pensées, et qui agit sans tenir compte de Lui. Un instant suffit pour jeter dans l'éternité, le plus fort, le plus riche, le plus puissant. Mais le même Dieu qui possède cette puissance de frapper de mort un homme plein de vie, peut faire une chose plus merveilleuse.

Il fait passer de la mort à la vie, et la vie qu'il donne alors est LA VIE ÉTERNELLE.
Est-ce bien possible ? - Oui, c'est la vérité de Dieu même. Jésus a dit : « Celui qui entend ma parole, et qui croit celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle et ne vient pas en jugement ; mais il est passé de la mort à la vie » (Jean V, 24).

N'est-ce pas une parole étonnante ! Si donc « aujourd'hui vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos coeurs ; » mais tournez-vous vers Celui « qui a annulé la mort et a fait luire la vie et l'incorruptibilité par l'Évangile » (2 Timothée I, 10). Alors, au lieu de regarder la mort comme « le roi des frayeurs, » vous pourrez>répéter avec confiance et bonheur :

O mort, tu m'es un gain ;
Christ a payé ma dette ;
Dans ses bras je me jette,
À l'abri pour jamais, en son amour divin.

« ZACHÉE, DESCENDS PROMPTEMENT »
Luc XIX.

« Si quelqu'un veut faire la volonté de Celui qui m'a envoyé, il connaîtra de la doctrine si elle est de Dieu, ou si je parle de par moi-même » (Jean VII, 17).

Luc, après avoir raconté la guérison d'un aveugle, nous montre le Seigneur traversant la ville pour venir à l'octroi trouver Zachée, l'appeler et le sauver. Ce récit nous présente la grâce que rien ne rebute lorsqu'elle veut amener un pauvre pécheur, par le jugement de lui-même, à la communion du Seigneur et à une pleine jouissance de la paix.

Zachée « était riche. » Les versets 18 à 30 du chapitre précédent nous enseignent clairement que cette position est l'un des plus puissants liens qui attachent les hommes à ce monde et les empêchent ainsi de suivre Jésus en qualité d'étrangers et de voyageurs, de vrais héritiers du royaume des cieux ; un lien dont la toute-puissante grâce de Dieu peut seule délivrer ceux que Jésus appelle ; un piège que la vigilance et la communion avec Dieu font éviter à l'affranchi du Seigneur.

Zachée cherchait à voir Jésus, quel il était. Son mobile n'était point la curiosité haineuse d'un Hérode (Luc IX, 7-9 ; XIII, 31-32 ; XXIII, 8), mais plutôt un désir semblable à celui de la foule qui cachait Jésus à sa vue, « car il était petit de taille. » II voulait simplement voir « quel était » celui dont on racontait tant et de si grandes choses. On n'aperçoit point en lui la foi ou l'espérance qu'excitaient des infirmités, le plus souvent incurables, pour amener directement à Jésus des aveugles comme celui du chapitre XVIII de notre Évangile, des lépreux, des paralytiques, une Cananéenne et tant d'autres, en dépit de tous les obstacles et de tous les empêchements. Dans tous ces cas divers la grâce répondait à la foi. Ici elle vient chercher et appeler l'homme, là oùl'avaient amené des circonstances selon la nature. La grâce voulait, et il fallait donc que Zachée fût mis en relation immédiate avec le Seigneur ; en vue de ceci, la première chose à obtenir était que Zachée abandonnât sa position : « Zachée, descends promptement. »

N'est-il pas merveilleux de voir la grâce se glorifier, soit en des impotents incurables que la foi attirait vers Jésus à cause de leurs souffrances ; soit en un malfaiteur mourant cloué par ses crimes au bois infâme ; soit en un homme riche, juché dans les branches d'un sycomore pour subvenir à l'exiguïté de sa taille. C'est d'en bas que Jésus, la grâce en personne, vient atteindre l'homme qui s'est élevé. C'est le Dieu qui connaît toutes choses, venant appeler l'homme par ? son nom, disant : « Zachée, descends promptement. » Pourquoi ? Parce que ce premier pas dans l'obéissance, cet abandon de la position où la grâce le rencontre, était indispensable pour l'accomplissement de l'oeuvre : « Car, ajoute le Seigneur, IL FAUT que je demeure aujourd'hui dans ta maison. » L'amour a ses nécessités et il agit en conséquence. Zachée devait descendre, « et il descendit promptement et reçut Jésus avec joie. » Tel est le résultat béni de la simple obéissance à la voix de Celui qui a dit : « Ainsi donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il a (selon la nature), ne peut être mon disciple » (Luc XIV, 33). Puisque LE SALUT devait venir en ce jour-là - à la maison du publicain, il fallait que Zachée descendît de son sycomore,pour se rencontrer personnellement avec Jésus qui devait demeurer chez lui.
L'inimitié de la propre justice peut murmurer parce que le Seigneur entre chez un pécheur pour y loger. L'homme du monde peut rire de la position "d'un riche niché dans les feuilles d'un sycomore ; mais la grâce poursuit et achève son oeuvre de patience et d'amour, en saisissant l'homme, là où sa propre volonté et sa prétendue sagesse l'avaient placé.

Au verset 8, la scène est complètement changée : Zachée, ayant promptement abandonné sa position, en est aussitôt récompensé. Il se trouve chez lui, plein de joie, en la présence du Dieu de toute grâce. Là, tout est bénédiction dans la lumière : le Seigneur n'avait adressé aucun reproche à l'homme appelé, ni sur sa profession si méprisée, ni sur les richesses qu'il y avait amassées. Pourquoi donc Zachée dit-il à Jésus : « Voici, Seigneur ! Je donne la moitié de mes biens aux pauvres ; et si j'ai fait tort à quelqu'un par une fausse accusation, je lui rends le quadruple ? » C'est l'effet de sa présence devant Dieu, en grâce sûrement, mais devant le Dieu qui est lumière ; or la lumière manifeste tout. Alors, la conscience du chef des publicains le force, pour la première fois peut-être, à reconnaître et à confesser comment ses propres pensées s'accusaient entre elles, ou aussi cherchaient à s'excuser au sujet de sa profession de chef de publicains.

Si Zachée devait jouir pleinement d'une parfaite communion avec son hôte divin, il fallaitque tout fût auparavant réglé et mis au clair. Le Seigneur ne peut qu'approuver ce travail d'une conscience exercée par sa présence ; aussi la manière dont il s'y prend pour délivrer Zachée est-elle pour nous une précieuse leçon : Jésus n'entre point en discussion avec Zachée ; satisfait du travail de cette conscience, il se présente simplement lui-même comme satisfaisant à tous les besoins. « Aujourd'hui, dit-il, le salut est venu à cette maison. » Rien de tout ce que le publicain avait pu imaginer ou faire jusqu'à ce jour, ni ses aumônes, ni ses restitutions, ni aucun de ses efforts, n'avait pu lui procurer la paix. Dès qu'il a obéi à l'appel, il trouve en Jésus le Fils de l'homme venu pour chercher et sauver ce qui était perdu ; il le trouve comme un libérateur suffisant pour le délivrer de tout lien, pour débarrasser de toute difficulté celui qui l'a reçu avec joie ; celui qui était désireux de lui plaire et cherchait à connaître sa pensée pour lui obéir.

Dès lors, il ne s'agit plus des choses passées, mais d'une chose toute nouvelle. « Aujourd'hui, » dès ce moment, tout devient clarté et intimité. Tu peux m'avoir mal cherché, mal abordé ; de quoi te sert désormais ce que tu as fait ou ce que tu n'as pas fait ? Moi, je suis venu, je t'ai cherché, je t'ai trouvé ; je t'ai fait descendre de ton sycomore et je suis entré dans ta demeure pour y loger : « aujourd'hui, » ce qu'il fallait à l'amour est accompli ; « le salut est venu à cette maison. » Curiosité, sycomore, exiguïté de taille, métier peu honoré, tout cela, ainsi que toute autre difficulté,doit être remis à Jésus ; c'est lui qui se charge de tout ; et, puisque le coeur du nouveau disciple lui est ouvert, que sa conscience est exercée, puisque surtout il cherche à connaître la pensée du Seigneur afin de s'y conformer, ce disciple n'a plus qu'à se tenir près de son Sauveur et à jouir du salut qui est venu à sa maison. Jésus est puissant pour le sauver jusqu'au bout ; non pas, certainement, sans exercer sa conscience, mais, bien au contraire, en le maintenant dans sa dépendance, dans son intimité, avec un coeur vrai, en pleine assurance de foi ; ayant, par la grâce, le coeur purifié d'une mauvaise conscience.

Un disciple ainsi disposé est affranchi et rendu capable de jouir de la présence, de la communion et des instructions du Seigneur. Il peut réaliser la grâce qui lui a été donnée ; il recevra donc encore plus, un entier affranchissement pour suivre Jésus en lui rendant, au milieu du monde, un témoignage sincère et dévoué, dans une paix intérieure, sans laquelle nul ne peut jouir habituellement du salut, ni dans la vie de tous les jours, ni dans la communion des saints : « La lumière est faite pour le juste, et la joie pour ceux qui sont droits de coeur » (Ps. XCVII, 11).

« DANS TROIS HEURES »

Dans une des parties les plus pittoresques de l'Angleterre, s'élevait une riche habitation embellie par toutes les ressources de l'art et de la nature. Tout y respirait le calme de la vie de campagne ; mais ce qui frappait surtout ceux qui y pénétraient, c'était je ne sais quelle influence silencieuse et invisible dont bien peu savaient se rendre compte. On y voyait régner la paix, le bien-être et l'ordre ; chacun y avait son cercle d'activité, sans que personne y fût accablé. La maîtresse de la maison, d'une santé très-délicate, semblait n'avoir de force que pour aimer, et l'expression de profonde paix et de contentement toujours répandue sur ses traits, était comme un baume qui calmait tout coeur agité qui approchait d'elle. Son mari était tout ce qu'elle pouvait désirer, et trois aimables enfants complétaient son heureux cercle de famille.
Le lecteur s'écriera sans doute : « Comment n'eût-elle pas été heureuse ! Qui ne le serait dans une semblable position ? »

« Oui, cher lecteur, » et vous le seriez aussi, mais à une condition, c'est que vous possédiez en effet tout ce qu'elle avait. Or, je ne vous ai pas encore révélé le secret du bonheur dont jouissait cette dame.

Depuis quelque temps elle s'était sentie souffrante ; son mari ne s'était pas aperçu d'abord du changement qui s'opérait en elle ; d'ailleurs pendant longtemps elle avait refusé que l'on consultât un médecin. Le printemps l'éprouvait, disait-elle ; plus tard, c'étaient les fortes chaleurs de l'été ; mais la maladie faisait des progrès, et un jour vint où il fallut enfin avoir recours au médecin.
Il vint _et fut frappé d'étonnement et de douleur en voyant l'état de la malade. Après avoir quitté la chambre, il dit au mari avec vivacité et un accent de reproche :
- À quoi bon m'appeler maintenant ? Il y a six mois que vous auriez dû le faire.
- C'était mon désir, répondit le mari, mais elle ne l'a pas voulu, affirmant qu'elle n'était pas réellement malade. Mais y a-t-il donc du danger ?
- Du danger ! s'écria le docteur, elle n'a pas trois heures à vivre. Ne le lui dites pas au moins, vous la tueriez sur le coup.
Après quelques instants de silence, d'une voix altérée par l'émotion, le mari reprit :
- Vous ne la connaissez pas, docteur, sans cela vous ne parleriez pas ainsi. C'est un coup bien douloureux pour moi, mais vous ne pourriez lui apporter de meilleures nouvelles, à elle. Rentrez avec moi dans sa chambre.

Le docteur, stupéfait, le suivit sans rien dire. Il connaissait cette dame depuis son enfance et l'avait admirée dans toutes les relations de la vie. Elle avait été une fille aimante et soumise, une amie sûre et fidèle, l'épouse et la mère la plus dévouée qu'il eût connue. De plus, tout ce que peut donner la richesse l'entourait. Et elle serait heureuse de tout quitter ? Il avait senti quelque chose de mystérieux dans cette maison, si différente de toutes Celles qu'il voyait. Mais qu'était-ce ? Serait-il possible que dans cette famille modèle il y eût un ver rongeur caché sous tout ce bonheur ?

Ces pensées roulaient dans son esprit, lorsqu'il se retrouva près de la malade, à laquelle son mari répéta ce que le docteur avait dit.
- Quoi, s'écria-t-elle, dans trois heures je verrai mon précieux Sauveur !
C'était pour elle comme une agréable surprise, et son accent de tendresse, l'expression ineffable de paix et de joie de son visage en disaient plus que ses paroles.

Elle ajouta tranquillement en s'adressant à son mari :
- Je désire passer la première heure à mettre en ordre mes affaires temporelles ; la seconde avec toi et mes enfants chéris ; durant la troisième j'attendrai que mon Seigneur m'appelle auprès de Lui.

Le docteur était un sceptique avéré, pour qui plus d'une prière avait été adressée à Dieu dans cette même chambre. Bien des fois, on s'était efforcé de présenter Christ à son coeur et à sa conscience, mais en vain. Dès que l'on abordait ce sujet, il détournait la conversation ou trouvait un prétexte pour s'éloigner. Mais, cette fois, il n'avait pu éviter d'entendre ce puissant témoignage rendu à la réalité des choses invisibles, et il sortit bouleversé par ce fait étrange, incompréhensible pour lui, que cette dame, aimée et entourée de tout ce qui constitue le bonheur ici-bas, pût quitter avec joie ses biens, et son mari, et ses enfants bien-aimés, pour aller vers une Personne qu'elle savait vivante dans le ciel et qui occupait dans son coeur la première place.

Le secret de la joie qu'elle éprouvait en partant,c'était d'être avec Jésus-Christ, qu'elle connaissait comme son Sauveur mort et ressuscité, comme Celui qui l'aimait et s'était donné pour elle, qui avait ôté à la mort ses terreurs, - qui l'avait annulée, - et qui lui avait préparé une place auprès du Père pour qu'elle fût toujours avec Lui.

CHERCHÉ ET SAUVÉ

Je m'égarais, Seigneur, loin de toi dans ce monde,
Ignorant ton amour et n'aimant pas le bien ;
Mais ton bras me chercha dans cette nuit profonde,
Et mon coeur fut brisé quand je compris le tien.

Tu montras à mes yeux cette grâce infinie
Qui peut rendre un pécheur juste et saint devant Dieu ;
Ce salut éternel, et ton oeuvre accomplie
Pour me donner accès aux gloires du saint lieu.

Tu portas mes péchés, tu bus l'amer calice ;
Tu m'amenas à Dieu, Seigneur, en t'abaissant.
Tes souffrances, ta mort, ton sanglant sacrifice,
T'ont pour toujours acquis mon coeur reconnaissant.

Ta gloire, ô mon Sauveur, me déprend de la terre ;
Ton amour, loin du monde, entraîne mon essor ;
Je marche en voyageur vers la maison du Père ;
Mon coeur est dans le ciel ; c'est là qu'est mon trésor :

Le grand Consolateur, cet ineffable gage
Du bonheur qu'avec toi je goûterai bientôt,
En attendant ce jour, me forme à ton image,
M'apprend à dire « Abba, » les yeux levés en haut.

Cherché, trouvé, sauvé, par ta seule puissance,
Je suis à Toi, Seigneur, oui, pour toujours à Toi !
Joyeux, je vois venir le jour où ta présence
En éternelle vue absorbera ma foi !

LA LUMIÈRE ET L'AMOUR DIVINS
(Suite et fin.)

L'autre scène, à laquelle nous avons fait allusion, l'entrevue du Seigneur Jésus avec la femme samaritaine, présente sous tous les rapports le contraste le plus frappant avec celle que nous avons considérée précédemment. Mais la même lumière qui a dépouillé le docteur d'Israël de son appareil de science et de propre justice, pénètre jusqu'au fond du coeur de cette pauvre femme, méprisée à juste titre par ses semblables, et éclaire tous les recoins de sa vie de péché. Puis l'amour qui n'avait pas repoussé celui qui venait de nuit pour être instruit, sait attirer et gagner celle qui, si elle s'était d'abord connue, aurait fui loin de son Sauveur et se serait cachée, si possible, à ses regards pénétrants.

Combien il est vrai que les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, et que ses voies ne sont pas les nôtres (Esaïe LV, 8). « L'homme a égard à ce qui est devant les yeux, l'Éternel a égard au coeur » (1 Samuel XVI, 7). Il le sonde, II en découvre les pensées cachées, mais c'est dans un but de miséricorde, afin que le pécheur soit attiré au Sauveur et se confie en Lui.

La propre justice, la bonté, la bienveillance et autres qualités personnelles, naturelles ou acquises, dont on tire avantage (Proverbes XX, 6), sont un des plus grands empêchements pour celui qui cherche Dieu. Ce n'est pas sans lutte que l'on consent à abandonner ce qui vous distingue du reste des hommes, et que l'on arrive à l'estimerà sa juste valeur devant Dieu. Aimer et tenir fortement à ce que nous voyons de bon en nous, est le résultat naturel d'une éducation qui a développé ces principes de vertu et d'honneur humains. À quel prix, en effet, ne devient-on pas sage ? C'est le fruit de nos meilleures pensées, de nos plus héroïques efforts. Ce n'est donc pas sans peine que l'on en vient à reconnaître que toute cette justice ne sert en rien pour obtenir le salut dont l'âme a besoin. Elle a certes sa valeur entre les hommes, mais lorsque Dieu agit, il veut agir seul, et II fait une oeuvre qui, de toute manière, est digne de Lui. Il donne et ne vend pas ; et, en donnant dans sa grâce ce que les efforts de l'homme ne peuvent jamais acquérir, II dépasse infiniment, par l'excellence de son don, la plus haute idée que l'homme pourrait s'en faire, et lui imprime à tous égards le cachet de sa grandeur. De là vient que lorsqu'un pharisien irréprochable, comme Saul de Tarse, est saisi par la grâce, il est heureux de faire le sacrifice même des choses qu'il avait auparavant estimées excellentes, afin de laisser dans son coeur toute la place à Christ seul.

Dans ses circonstances spéciales, Nicodème a pu apprendre cette précieuse leçon. Parmi les hommes, chacun lui aurait décerné une place d'honneur que lui-même n'aurait guère osé prendre. Mais en présence de la « Lumière du monde, » il lui faut faire l'abandon de tout ce qui lui était un gain et l'estimer comme une perte à cause de Christ. C'est à ce prix seulement qu'il pouvaits'instruire dans les voies de Dieu. Peut-être ne s'en rendait-il pas bien compte lorsqu'il vint trouver Jésus, et son coeur éprouvait-il quelques craintes, qu'il semble avoir voulu cacher dans l'ombre de la nuit. Mais lorsqu'il eut réellement compris ce qu'était Christ, le sacrifice ne devait plus lui paraître grand ; le trésor divin qu'il avait trouvé ne laissant plus place dans son coeur aux choses anciennes, celles-ci ne pouvaient plus avoir d'attrait pour son âme.

Tout autre était la position de la femme de Samarie. Sa vie, ses connaissances, son caractère, étaient d'un ordre entièrement différent. Prise à l'autre extrémité de l'échelle sociale, elle ne peut être placée à côté de Nicodème, si ce n'est comme contraste. Si le docteur d'Israël partageait les vues des autres pharisiens, il n'aurait pas même daigné la toucher, non-seulement à cause de son état moral, mais parce qu'elle était d'une race méprisée, - une Samaritaine. Autant l'un était honorable, savant, intègre et respecté, autant l'autre était dégradée, ignorante et avilie.

Habituée au péché où elle s'était plongée, elle avait perdu tout sentiment de pudeur ; pour elle, la fidélité n'avait aucune existence réelle et semblait n'être qu'un mot sans valeur ; « la vérité » lui apparaissait vaguement, dans les nuages d'un lointain avenir, quand viendrait « le Messie, » dont elle avait entendu parler, mais duquel personne ne savait dire quand II arriverait, aussi ne s'en inquiétait-elle pas davantage. N'ayant pas joui des avantages que possédait Nicodème,jamais, dans le monde qui l'entourait, elle n'aurait eu la pensée de chercher la vérité ; en fait de religion, elle ne connaissait que le mensonge, et sa vie intérieure et extérieure en portait l'empreinte. Sa préoccupation était de passer ses jours avec le moins d'ennui possible ; aussi, pour éviter l'expression du mépris des personnes plus honnêtes qu'elle, elle s'en va à la fontaine, puiser de l'eau à midi, heure inaccoutumée aux autres.
C'est là qu'elle rencontre cet étranger inconnu qui allait bientôt opérer un changement radical dans sa vie entière.

La réponse de la femme à la première parole que Jésus lui adresse : « Donne-moi à boire, » montre la difficulté immense, ou plutôt impossible pour l'homme, d'atteindre un tel coeur ; un coeur qui, endurci dans son avilissement, était, en même temps, orgueilleux au point de refuser le plus léger service à un étranger, parce qu'il était Juif. « Comment toi, qui es Juif, dit-elle, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme samaritaine ? » La femme partageait toute la haine de sa nation contre les Juifs, et leur rendait mépris pour mépris. Sa position morale, si triste fût-elle, ne l'empêchait nullement de manifester cette inimitié.

Comment faire naître, dans une âme animée de semblables sentiments, le désir de connaître la grâce, chose dont elle ignorait la valeur et dont elle ne sentait pas le besoin ? Tel est le problème que nous voyons résolu, dans cette touchante histoire, par l'amour divin du Sauveur. Les paroles de la femme auraient repoussé tout autre, mais elles ne peuvent ni froisser Jésus, ni le détourner de son but. Il voulait gagner ce coeur, et, avec une délicatesse exquise, II sait y trouver et y toucher la corde qui pouvait vibrer.

Sa seconde parole fait ressortir la divine beauté de la première. En ne dédaignant pas de prendre, vis-à-vis de la Samaritaine, l'humble attitude de quelqu'un qui demande, le Seigneur lui enseigne quelle est la vraie, la seule manière de recevoir de la part de Dieu, - savoir, de demander. Pour cela, il fallait que son orgueil fût humilié. Il la place donc dans la présence de Dieu, non pas en jugement, mais en grâce. Il voile, pour ainsi dire, la tendre répréhension que renferment ses paroles derrière la parfaite bonté du caractère de Dieu, qu'il lui fait entrevoir : « Si tu connaissais, » lui dit-Il, « le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, toi, tu lui eusses demandé, et il t'eût donné de l'eau vive. »

Quelle profondeur ne trouverons-nous pas dans ces paroles, si nous arrêtons notre pensée sur Celui qui les prononça ! C'était le Fils du Dieu vivant, descendu ici-bas pour nous faire connaître Dieu et nous révéler l'étendue infinie de l'amour dont II jouissait de toute éternité, Lui, « le Fils unique dans le sein du Père. » C'est Lui qui, pour gagner une âme à Dieu son Père, condescend jusqu'à s'humilier devant une misérable pécheresse telle qu'était la Samaritaine. Le caractère du Dieu qui « est amour » trouveainsi sa parfaite expression dans la manière dont Jésus agit.

Cet appel produit son effet ; mais, quelles ne sont pas les contradictions étranges du coeur humain ! Plus la misère est grande, plus on voit trop souvent comme une sorte de désespoir qui ôte à l'âme le désir d'en sortir.
La femme se sent mal à l'aise en la présence de Dieu ; elle n'aime pas à entendre parler d'un don gratuit qui exclut les efforts de l'homme, et elle se hâte de changer de terrain pour tranquilliser sa conscience.
Ce qui concerne les besoins matériels est plus simple et a pour elle plus d'attraits que ce qui tient à Dieu, et elle s'efforce, si possible, de ramener l'entretien à ce niveau des choses tangibles et pratiques : « Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond ; d'où as-tu donc cette eau vive ? Es-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné le puits ; et lui-même en a bu, et ses fils, et son bétail ? »
« Jésus répondit et lui dit : Quiconque boit de cette eau-ci aura de nouveau soif, mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai, moi, n'aura plus soif à jamais ; mais l'eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine d'eau jaillissante en vie éternelle. La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie pas soif, et que je ne vienne pas ici pour puiser. » La réponse du Seigneur dissipe entièrement la défiance du coeur de la Samaritaine ; elle l'amène à se placer elle-même dans la position qu'il avait d'abordprise pour l'instruire. À son tour, elle demande. Sans doute, elle ne comprend pas encore ce qui est l'objet de sa requête, mais son coeur est gagné à Jésus, et maintenant la sonde divine pourra pénétrer dans sa conscience.

Les dernières paroles de la pauvre femme décèlent son état véritable ; la tristesse cachée qui remplissait son âme se fait jour, et montre combien elle avait besoin de l'eau vive qu'elle demandait. Être Obligée de sortir pour puiser de l'eau, exposer sa honte, combien cela devait être pénible, en effet, pour celle qui n'osait affronter les regards et les mépris des autres. Pour la première fois, elle rencontre quelqu'un qui veut bien sympathiser avec sa misère, et son coeur, altéré d'un bonheur qu'elle a vainement cherché dans un monde qui ne le possède pas, trouve un asile dans le coeur de Christ. Elle peut verser sa tristesse dans le sein de cet étranger inconnu, et, bien qu'elle ignore encore qu'il était descendu de la gloire du ciel pour chercher des misérables comme elle, son âme se sent attirée vers Lui.

L'instant était venu de toucher sa conscience. « Jésus lui dit : Va, appelle ton mari, et viens ici. » Elle veut parer le coup et dit : « Je n'ai point de mari. » Elle ne savait pas être en la présence de Celui qui est « la lumière du monde. » Jésus lui dit : « Tu as bien dit : Je n'ai pas de mari ; car tu as eu cinq maris, et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari ; en cela tu as dit vrai. »
La conscience de la femme est atteinte et réveillée, et, par là, une certaine intelligence pénètre dans son âme : « Seigneur, dit-elle à Jésus, je vois que tu es un prophète ; » elle comprend que les circonstances de sa vie lui sont connues ; ce qui fait sa honte est dévoilé par Celui qui lui a parlé avec une si parfaite bonté ; elle ne peut le quitter ; mais, se sentant serrée de trop près, elle cherche à détourner la question personnelle en s'engageant dans une polémique religieuse.

Que d'âmes, ainsi remuées dans leur conscience, s'efforcent d'échapper de la même manière ! Une forme religieuse en vaut une autre, dit-on, et, pour quelques différences secondaires, on n'est pas dans une pire position que ceux qui se vantent d'une religion meilleure et plus vraie ; c'est une affaire de convenance, de naissance, d'habitude ou bien d'école où les docteurs doivent décider, et, si ceux-ci diffèrent entre eux, qui osera affirmer que l'un a raison plutôt que l'autre ? Voilà ce que disent tant de gens de nos jours, et c'est ainsi que pensait la femme samaritaine : « Nos pères, dit-elle, ont adoré sur cette montagne-ci, et vous (vous autres Juifs), vous dites qu'à Jérusalem est le lieu où il faut adorer. »

Mais le Seigneur ne se laisse point écarter du but qu'il poursuit. Il fait entendre à la femme des choses nouvelles et glorieuses, dans les profondeurs desquelles elle ne pouvait entrer alors, et qui ne devaient lui être pleinement révélées que plus tard. Mais ces choses étaient une partie des bénédictions que Dieu donnait gratuitement et que son Fils était venu faire connaître dansce monde. « Jésus lui dit : Femme, crois-moi, l'heure vient que vous n'adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Vous, vous adorez vous ne savez quoi ; nous, nous savons ce que nous adorons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car aussi le Père en cherche de tels qui l'adorent. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. » Connaître Dieu, le Dieu vivant ; le connaître comme Père ; être rendu capable de l'adorer en esprit et en vérité : telles étaient les grandes et merveilleuses choses que Jésus annonçait à la femme de Sichar.

Elle semblait presque en possession de ces grâces. Le Seigneur de gloire la sollicitait de croire. Mais cela paraissait trop grand, trop excellent pour être vrai ; en tout cas, il semblait que ce fût impossible à réaliser sur l'heure. Comme le roi Agrippa et tant d'autres depuis, elle voulait renvoyer à un autre temps le moment de se rendre et de se soumettre pleinement à la vérité. Ce serait à la venue du Messie, pensait-elle, et jusque-là elle pouvait bien attendre. Voilà son dernier effort contre la grâce, alors qu'elle se trouvait presque entre les bras de son Sauveur. « Je sais, dit-elle, que le Messie, qui est appelé le Christ, vient ; quand celui-là sera venu, il nous fera connaître toutes choses. Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle. » Telle est la parole suprême de Jésus, et la Samaritaine,forcée dans son dernier retranchement, devient la captive du Seigneur.

L'arrivée des disciples interrompt l'entretien, mais l'oeuvre de la grâce était accomplie ; ce pauvre coeur, naguère si vide, était rempli et débordait. Le puits, la cruche, tout est oublié. Elle retourne à la ville et dit aux hommes : « Venez, voyez un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ; celui-ci n'est-il point le Christ ? »

Elle n'a plus rien à cacher maintenant ; elle peut parler hardiment de sa vie passée, car Celui qui connaît tout, qui pénètre au fond des coeurs, lui a révélé les richesses de la grâce de Dieu. Elle ne dit rien des choses nouvelles que le Seigneur lui avait annoncées, et qui auraient été de nature à exciter la curiosité des hommes de Sichar. C'est la personne même de Christ qui remplit sa pensée ; c'est à Lui qu'elle veut les amener. Sa conscience avait été atteinte, sa vie de péché avait été mise à nu ; par là, elle avait connu le Sauveur ; c'est de la même manière qu'elle veut agir sur les autres. L'amour qu'elle avait trouvé en Christ était un trésor trop grand pour qu'elle le gardât pour elle seule, il fallait qu'elle en fît part à d'autres, et la pauvre pécheresse est transformée en un messager de la bonne nouvelle.

La lumière et l'amour divins avaient accompli leur oeuvre bénie. Un vase de louanges à Dieu le Père avait été cherché et trouvé parmi les plus vils d'une race méprisée.
Le docteur d'Israël et la femme de Sichar reçoivent tous deux de Jésus la vie éternelle, et ilsseront dans la gloire des témoins de ce que l'amour de Dieu a pu opérer sur la terre.

Bien-aimé lecteur, la même grâce vous est présentée, car « c'est maintenant le jour du salut. » Ne voulez-vous pas entrer aussi dans la jouissance de cet amour qui a atteint une des plus viles aussi bien que l'un des plus honorables parmi les hommes, tout en montrant que l'une et l'autre étaient des pécheurs perdus ?
Une remarque en terminant. De même que nous trouvons deux « il faut » dans le chapitre III de l'évangile de Jean, on trouve aussi, dans le chapitre IV, une double nécessité, qui sert à mettre en évidence le caractère de l'oeuvre de la grâce. « Dieu est Esprit, dit le Seigneur Jésus, et il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité. » Mais où trouver ces adorateurs réels ? Pour cela, il fallait (vers. 4) que Jésus traversât la Samarie et qu'il rencontrât personnellement la femme de Sichar. Il connaissait la nécessité divine de l'amour qui voulait absolument trouver le chemin du coeur du pécheur même le plus endurci. Il poursuit son but et l'atteint. Quel bonheur pour nous, de savoir que cette nécessité divine est la raison suprême de notre salut, et qu'elle est la cause qui fait que Dieu cherche et trouve actuellement sur la terre de vrais adorateurs.

Puissions-nous, cher lecteur, être du nombre de ceux qui adorent Dieu en esprit et en vérité, et être toujours plus pénétrés du caractère qui appartient au véritable culte que demande le Père.


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