LE
SALUT DE DIEU
FEUILLE CONSACRÉE À
L'ÉVANGÉLISATION
VOL. V
CINQUIÈME
ANNÉE 1878
LA LUMIÈRE ET L'AMOUR
DIVINS
« Au commencement était la
Parole ; et la Parole était
auprès de Dieu ; et la Parole
était Dieu. Elle était au
commencement auprès de Dieu. Toutes choses
furent faites par elle, et sans elle pas une seule
chose ne fut faite de ce qui a été
fait. En elle était la vie, et la vie
était la lumière des hommes. Et la
lumière luit dans les
ténèbres, et les
ténèbres ne l'ont pas
comprise »
(Jean I, 1-5).
Telles sont les profondes et merveilleuses paroles
par lesquelles Jean commence son Évangile.
Arrêtons un moment notre attention sur celles
que renferme le
verset 4 : « En elle
était la vie, et la vie était la
lumière des hommes. »
On voit sans peine quel est le caractère du
monde où cette lumière agit, - ce
sont des ténèbres morales.
« Guerre à Dieu, »
voilà le terrible principe qui gît
à la base de tout son système !
La pensée de l'homme naturel est
inimitié contre Dieu
(Rom. VIII, 7 ;
Ps. XXXVI, 1 ;
X, 4).
Entrez dans les salons du riche de ce
siècle, dans le bureau du négociant,
dans le cabinetde l'homme de
lettres, dans l'atelier, dans l'humble chambre du
pauvre, partout vous trouverez que les choses de
Dieu sont hors de saison. Si l'on y entend le nom
de Dieu, ce sera le plus souvent sur des
lèvres qui le nomment en vain ou qui le
blasphèment. À part le changement que
peut seul produire l'Esprit de Dieu, n'est-il pas
vrai que, depuis le palais jusque dans la
chaumière, hommes, femmes et enfants, tous,
ainsi que le gouverneur Félix, attendent,
pour s'occuper de Dieu et des besoins de leur
âme, « un moment
convenable » qui ne se trouve jamais, ou
bien confient ce soin à d'autres hommes qui
sont établis pour s'en occuper, et qui sont
tenus de débiter de la religion comme le
boulanger débite du pain ?
On veut bien un peu de religion pour tranquilliser
sa conscience, quant à la
responsabilité où l'on est comme
créature vis-à-vis de Dieu ;
mais on n'en veut pas assez pour gêner le
coeur dans la poursuite de ses désirs. Tel
est le caractère du monde civilisé et
respectable ; mais que dirons-nous des vices
et des crimes dans lesquels se plongent et vivent
tant d'êtres humains ? On aime à
jeter un voile sur les horreurs sous lesquelles
tremble et gémit la terre.
Voilà les ténèbres morales
dans lesquelles Satan, le chef de ce monde, garde
l'humanité, aveuglant les pensées des
incrédules. C'est là qu'est descendu
en grâce Celui qui se nomme LA PAROLE, et qui
est l'auteur de toutes choses.
En contemplant la scène du monde, il aurait
semblé que Dieu n'avait
plus qu'à mettre fin à tant
d'iniquités en exterminant de dessus la
terre, comme à l'époque du
déluge, les hommes qui ne cessaient de
transgresser toutes ses lois ; mais non :
le dessein de Dieu n'était pas de juger, II
voulait sauver. En même temps, la
manifestation de sa grâce parfaite dans le
monde devait mettre en évidence
jusqu'où allait la haine de l'homme contre
Lui.
La transgression continuelle de la loi de
Moïse avait démontré que l'homme
est un être foncièrement
désobéissant. En rejetant le Fils de
Dieu, il se montrait totalement
dépravé, corrompu, incapable
d'apprécier le bien, animé d'une
haine diabolique contre tout ce qui procède
de Dieu. À ses yeux, aucune mort
n'était trop ignominieuse pour Celui dont le
seul crime avait été de manifester
dans ce monde les richesses de la grâce de
Dieu !
Mais la lumière devait resplendir, encore
que les hommes dans leurs ténèbres ne
la comprissent pas. Celui qui a fait toutes
choses, - qui a tout arrangé, la terre
et les sphères célestes, pour
l'utilité des hommes, - est descendu ici-bas
pour communiquer aux hommes la VIE, la vie de la
part de Dieu, LA VIE ÉTERNELLE.
« II était dans le monde et le
monde fut fait par Lui ; et le monde ne l'a
pas connu. Il vint chez soi, et les siens ne l'ont
pas reçu »
(Jean I, 10, 11). Il n'a
trouvé qu'opposition et haine même de
la part de ceux qui auraient dû Lui
être spécialement
attachés ; malgré cela, bien que
les siens ne voulussent pas le
recevoir, II ne voulait ni ne pouvait cesser son
oeuvre divine. En dépit de tout,
« la lumière des
hommes » devait briller, cette
lumière qui était « la
VIE. »
Certes « la lumière » ne
pouvait manquer de faire ressortir les profondeurs
ténébreuses 'de l'état moral
des hommes au milieu desquels elle brillait :
sa nature est de manifester tout. Mais son oeuvre
par excellence était de mettre en
évidence la lacune, le besoin' moral, que
l'amour divin venait combler. Sa tâche toute
divine était de produire, dans le coeur
endurci et insensible des hommes, le sentiment de
leur misère, et les forcer ainsi à
recourir au Dieu de toute grâce, au Dieu
qu'ils avaient haï, - pour être
sauvés de leur ruine, être pardonnes
et justifiés. Voilà l'oeuvre
merveilleuse que le Fils de Dieu a accomplie dans
ce monde, et qu'il accomplit encore par sa parole
divine et par son Esprit. Pour mieux faire
comprendre la manière dont II agit, nous
prendrons les deux exemples que nous fournissent
les chap. III et IV de l'Évangile de Jean.
Les deux personnes qui nous y sont
présentées, Nicodème et la
femme samaritaine, occupent les deux positions
extrêmes dans la société ;
en eux nous voyons l'humanité sous son
meilleur et sous son pire aspect.
Nicodème, homme instruit dans les
Écritures, intègre, reconnaissant les
droits de Dieu sur lui et la puissance divine que
déployait le Seigneur Jésus, se rend
de nuit auprès de Lui pour être
davantage instruit dans la vérité. Le
fait qu'ilvient de nuit montre
clairement que ce n'était pas une
curiosité oiseuse qui le poussait vers
Jésus ; encore moins avait-il la
pensée de tenter le Seigneur ou de le mettre
à l'épreuve, comme les pharisiens en
général aimaient à le faire
pour invalider son autorité et la puissance
morale de ses actes. Un tel désir de sa part
lui aurait attiré des partisans parmi la
foule incrédule, et aurait pu être
accompli en plein jour ; mais non,
Nicodème avait un autre but. En
présence de la vérité qu'il
entrevoyait sans la connaître encore, sa
conscience avait été atteinte, et, ne
sachant pas ce que la connaissance qu'il
désirait pouvait lui coûter, il se
rend de nuit auprès de celui qui
était méprisé par les chefs de
la nation juive, craignant l'opprobre qu'une telle
démarche lui vaudrait si elle venait
à être connue.
Le docteur d'Israël se trouve donc en
présence de la lumière du monde, et
aussitôt son état véritable est
mis à découvert. Les choses qu'il
entend lui sont toutes nouvelles : il doit
reconnaître qu'il ne comprenait pas
même les Écritures qu'il enseignait
à d'autres, et qu'il ignorait les premiers
éléments de la vérité.
Toute son intelligence, tout son savoir, toute sa
religion tombent d'un seul coup, et
Nicodème, dépouillé de son
brillant extérieur, est là devant
Jésus comme tout autre homme, un
pécheur perdu, totalement incapable de
s'approcher de Dieu ou de Le trouver par
lui-même. « II faut être
né « DE NOUVEAU, » lui
dit Jésus, et le docteur d'Israël se
voit confondu devant l'impossibilité de
sortir desa situation, car comment
se faire renaître ? L'homme n'y peut
rien, Dieu seul est capable d'agir en pareille
matière ; le fera-t-Il ?
Il y avait, chez Nicodème, un désir
sincère d'être éclairé
par la vérité, et ce n'est pas en
vain qu'il s'est adressé à
Jésus. La grâce ne repousse pas plus
celui qui vient de nuit, que celui qui ose se
présenter de jour. La parole divine ne
présente aucune condition quant à la
manière de rechercher Dieu. Il faut
aller personnellement, voilà tout ; il
faut se rendre à l'invitation qui dit :
« VIENS » ; et l'on a la
certitude d'être reçu :
« Celui qui vient à moi, dit
Jésus, je ne le mettrai point
dehors »
(Jean VI, 37). C'est là
précisément ce dont Nicodème
fait l'expérience. La lumière avait
dévoilé son état et
manifesté ses besoins réels ;
elle avait mis en évidence le vide que
laissaient subsister au fond de son coeur toute la
forme religieuse et toute la science qui'
paraissaient au dehors et que les hommes
admiraient. Mais ce n'était certes pas pour
le plaisir d'étaler au grand jour la
misère humaine que le Fils de Dieu
était descendu ici-bas. Qui l'a connue mieux
que Lui qui, sans péché, en a pris
sur Lui tout le poids ? Il n'était pas
venu pour juger le monde, mais pour le sauver.
Si la lumière faisait voir ce qui
manquait, l'amour était là aussi,
prêt à y subvenir. Le même
Jésus qui avait dit : « II
FAUT être né de nouveau, »
ajoute : « II FAUT que le Fils de
l'homme soit élevé afin que quiconque
croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie
éternelle. » II s'offrait
lui-même pour subir les
conséquences du péché de
l'homme, pour en porter le jugement dans son propre
corps sur le bois, afin que Dieu pût, avec
justice, sauver dans sa grâce des
pécheurs qui s'étaient perdus
eux-mêmes.
Voilà la délivrance parfaite
annoncée à Nicodème,
délivrance actuelle pour lui, comme pour
tous ceux qui périssent. Tel qu'avait
été le serpent d'airain, dans le
désert, pour les enfants d'Israël qui
mouraient sous les morsures des serpents
brûlants, tel était le Fils de l'homme
élevé sur la croix pour le docteur
d'Israël, moralement mort dans ses
péchés. Par la foi en cette oeuvre
expiatoire, Nicodème devient un humble
disciple de Jésus, étant entré
comme un petit enfant dans le royaume de Dieu. Il
était sauvé, non pas par sa religion,
ni par sa science, mais par sa foi simple en
l'oeuvre de Christ, oeuvre que sans doute il ne
comprenait pas encore dans son étendue, mais
à laquelle il se confiait pleinement,
sachant que son salut ne venait pas de lui, mais
uniquement de Dieu.
Quelle puissance de grâce et d'amour !
L'homme instruit et honorable est amené
à comprendre que l'oeuvre du salut est toute
à faire pour lui ; mais en même
temps il apprend que Dieu' est intervenu pour le
tirer de son état de ruine et de perdition.
C'est en présence de son Sauveur qu'il voit
l'état désespéré de son
âme. Où aurait-il pu mieux en
juger ? mais aussi, où, autre part,
aurait-il osé regarder en face sa ruine et
en sonder les profondeurs ?
Lalumière et l'amour divins
ont accompli leur oeuvre de salut pour le docteur
d'Israël.
Cher lecteur, êtes-vous tel que
Nicodème ? Vous confiez-vous aussi
à ce que vous avez appris dès
l'enfance des choses de Dieu, sans être pour
cela plus avancé que lui dans la
connaissance de la vérité divine, je
veux dire dans la connaissance qui sauve ?
Ne voulez-vous pas, comme lui, venir au
Seigneur Jésus, et recevoir gratuitement de
sa part tout ce qu'il est venu apporter ?
« C'EST
EFFRAYANT »
Je prenais, il y a peu de temps, quelques jours
de repos dans une localité du midi de la
France. Un jour, après avoir
déjeuné avec le médecin de
l'endroit, nous nous séparâmes en nous
disant : « Au revoir ! à
bientôt ! »
Deux heures ne s'étaient pas
écoulées que j'étais
appelé auprès de celui que je venais
de quitter bien portant si peu d'instants
auparavant, et qui maintenant était
frappé d'une attaque d'apoplexie
foudroyante.
Quelques minutes après, ce n'était
plus qu'un cadavre, et, le lendemain, la terre
s'ouvrait pour recevoir un cercueil de plus.
« C'est effrayant, »
répétait-on autour de moi.
« Oui, » disais-je aussi,
« c'est effrayant de penser qu'un homme
puisse être emporté si
vite ! » Et chacun de rappeler des
faits semblables.
La veille, l'un des plus grands hommes dont
la France gardera le souvenir,
mourait d'une manière analogue. Il n'y avait
que quelques jours qu'une mort aussi brusque avait
frappé une personne d'une ville voisine. Et
combien de cas pareils à celui-là
chacun ne pourrait-il pas citer ?
Je me souviens qu'il y a bientôt une
année, faisant mon service dans un
hôpital de Paris, j'accompagnais, dans sa
visite du matin, le médecin en chef.
Celui-ci interrogea un malade sur son
état ; puis, voulant se rendre bien
compte de la marche de la maladie, il appliqua son
oreille sur le coeur du patient. Après avoir
écouté attentivement durant quelques
secondes, il releva tout d'un coup la tête
avec étonnement : le malade
était immobile ; ses paupières
étaient fermées ; son coeur
avait cessé de battre... Il était
mort !
N'est-ce pas effrayant, lecteur peut-être
inconverti ? N'est-ce pas
très-effrayant de penser qu'il ne faut qu'un
si court moment pour passer de la vie à la
mort ?
Oui, direz-vous, mais cet homme était sans
doute très-malade ?
Eh bien, vous surtout, jeunes lecteurs,
écoutez encore le fait suivant ; il
s'agit d'un jeune homme bien portant.
C'était un de mes camarades d'études
qui, de temps en temps, se dispensait de venir aux
leçons pour faire une partie de plaisir,
comme l'on dit. Un jour, entre autres, il manqua
à l'appel ; ce n'était pas chose
nouvelle, et le professeur se contenta, dans
l'intérêt de l'élève, de
déplorer cette absence. Mais le lendemain sa
placeétait encore vide, et
nous apprîmes que notre pauvre camarade avait
été piqué par un insecte
venimeux et que son état était des
plus graves. Quelques heures après, il
était mort.
N'y a-t-il pas quelque chose de terrible, chers
lecteurs, dans cette mort qui frappe l'homme si
brusquement, qui vient l'enlever au sein de la
prospérité, aussi bien que dans la
pauvreté ou l'infortune ; qui le
moissonne jeune ou vieux, au milieu des plaisirs
comme dans les occupations de la vie ?
Combien n'y a-t-il pas de personnes qui forment des
projets pour un avenir lointain, et qui sont loin
de se douter qu'elles sont sur le point de
comparaître devant Dieu !
Écoutez sur ce sujet la parabole que
prononce le Seigneur Jésus :
« Les champs d'un homme riche avaient
beaucoup rapporté ; et il raisonnait en
lui-même, disant : Que ferai-je, car je
n'ai pas où je puisse assembler mes
fruits ? Et il dit : Voici ce que je
ferai : j'abattrai mes greniers et j'en
bâtirai de plus grands, et j'y assemblerai
tous mes produits et mes biens ; et je dirai
à mon âme : Mon âme, tu as
beaucoup de biens assemblés pour beaucoup
d'années ; repose-toi, mange, bois,
fais grande chère. Mais Dieu lui dit :
Insensé ! cette nuit même ton
âme te sera redemandée »
(Luc XII, 16-20). Voilà ce que
« deviennent les projets de cet homme qui
exclut Dieu de ses pensées, et qui agit sans
tenir compte de Lui. Un instant suffit pour jeter
dans l'éternité, le plus fort, le
plus riche, le plus puissant. Mais le même
Dieu qui possède cette puissance de frapper
de mort un homme plein de vie, peut faire une chose
plus merveilleuse.
Il fait passer de la mort à la vie, et la
vie qu'il donne alors est LA VIE
ÉTERNELLE.
Est-ce bien possible ? - Oui, c'est la
vérité de Dieu même.
Jésus a dit : « Celui qui
entend ma parole, et qui croit celui qui m'a
envoyé, a la vie éternelle et ne
vient pas en jugement ; mais il est
passé de la mort à la vie »
(Jean V, 24).
N'est-ce pas une parole étonnante ! Si
donc « aujourd'hui vous entendez sa voix,
n'endurcissez pas vos coeurs ; »
mais tournez-vous vers Celui « qui a
annulé la mort et a fait luire la vie et
l'incorruptibilité par
l'Évangile » (2 Timothée I,
10). Alors, au lieu de regarder la mort comme
« le roi des frayeurs, » vous
pourrez>répéter avec confiance et
bonheur :
O mort, tu m'es un gain ;
Christ a payé ma dette ;
Dans ses bras je me jette,
À l'abri pour jamais, en son amour divin.
« ZACHÉE, DESCENDS
PROMPTEMENT »
Luc XIX.
« Si quelqu'un veut faire la
volonté de Celui qui m'a
envoyé, il connaîtra de la doctrine si
elle est de Dieu, ou si je parle de par
moi-même »
(Jean VII, 17).
Luc, après avoir raconté la
guérison d'un aveugle, nous montre le
Seigneur traversant la ville pour venir à
l'octroi trouver Zachée,
l'appeler et le sauver. Ce
récit nous présente la grâce
que rien ne rebute lorsqu'elle veut amener un
pauvre pécheur, par le jugement de
lui-même, à la communion du Seigneur
et à une pleine jouissance de la paix.
Zachée « était
riche. » Les versets 18 à 30 du
chapitre précédent nous enseignent
clairement que cette position est l'un des plus
puissants liens qui attachent les hommes à
ce monde et les empêchent ainsi de suivre
Jésus en qualité d'étrangers
et de voyageurs, de vrais héritiers du
royaume des cieux ; un lien dont la
toute-puissante grâce de Dieu peut seule
délivrer ceux que Jésus
appelle ; un piège que la vigilance et
la communion avec Dieu font éviter à
l'affranchi du Seigneur.
Zachée cherchait à voir Jésus,
quel il était. Son mobile n'était
point la curiosité haineuse d'un
Hérode
(Luc IX, 7-9 ;
XIII, 31-32 ;
XXIII, 8), mais plutôt un
désir semblable à celui de la foule
qui cachait Jésus à sa vue,
« car il était petit de
taille. » II voulait simplement voir
« quel était » celui
dont on racontait tant et de si grandes choses. On
n'aperçoit point en lui la foi ou
l'espérance qu'excitaient des
infirmités, le plus souvent incurables, pour
amener directement à Jésus des
aveugles comme celui du chapitre
XVIII de notre Évangile, des
lépreux, des paralytiques, une
Cananéenne et tant d'autres, en dépit
de tous les obstacles et de tous les
empêchements. Dans tous ces cas divers la
grâce répondait à la foi. Ici
elle vient chercher et appeler l'homme, là
oùl'avaient amené
des circonstances selon la nature. La grâce
voulait, et il fallait donc que
Zachée fût mis en relation
immédiate avec le Seigneur ; en vue de
ceci, la première chose à obtenir
était que Zachée abandonnât sa
position : « Zachée, descends
promptement. »
N'est-il pas merveilleux de voir la grâce se
glorifier, soit en des impotents incurables que la
foi attirait vers Jésus à cause de
leurs souffrances ; soit en un malfaiteur
mourant cloué par ses crimes au bois
infâme ; soit en un homme riche,
juché dans les branches d'un sycomore pour
subvenir à l'exiguïté de sa
taille. C'est d'en bas que Jésus, la
grâce en personne, vient atteindre l'homme
qui s'est élevé. C'est le Dieu qui
connaît toutes choses, venant appeler l'homme
par ? son nom, disant :
« Zachée, descends
promptement. » Pourquoi ? Parce que
ce premier pas dans l'obéissance, cet
abandon de la position où la grâce le
rencontre, était indispensable pour
l'accomplissement de l'oeuvre :
« Car, ajoute le Seigneur, IL FAUT que je
demeure aujourd'hui dans ta maison. »
L'amour a ses nécessités et il agit
en conséquence. Zachée devait
descendre, « et il descendit promptement
et reçut Jésus avec
joie. » Tel est le résultat
béni de la simple obéissance à
la voix de Celui qui a dit : « Ainsi
donc, quiconque d'entre vous ne renonce pas
à tout ce qu'il a (selon la nature),
ne peut être mon disciple »
(Luc XIV, 33). Puisque LE SALUT
devait venir en ce jour-là - à la
maison du publicain, il fallait que
Zachée descendît de son
sycomore,pour se rencontrer
personnellement avec Jésus qui devait
demeurer chez lui.
L'inimitié de la propre justice peut
murmurer parce que le Seigneur entre chez un
pécheur pour y loger. L'homme du monde peut
rire de la position "d'un riche niché dans
les feuilles d'un sycomore ; mais la
grâce poursuit et achève son oeuvre de
patience et d'amour, en saisissant l'homme,
là où sa propre volonté et sa
prétendue sagesse l'avaient
placé.
Au verset 8, la scène est
complètement changée :
Zachée, ayant promptement abandonné
sa position, en est aussitôt
récompensé. Il se trouve chez lui,
plein de joie, en la présence du Dieu de
toute grâce. Là, tout est
bénédiction dans la
lumière : le Seigneur n'avait
adressé aucun reproche à l'homme
appelé, ni sur sa profession si
méprisée, ni sur les richesses qu'il
y avait amassées. Pourquoi donc
Zachée dit-il à Jésus :
« Voici, Seigneur ! Je donne la
moitié de mes biens aux pauvres ; et si
j'ai fait tort à quelqu'un par une fausse
accusation, je lui rends le
quadruple ? » C'est l'effet de sa
présence devant Dieu, en grâce
sûrement, mais devant le Dieu qui est
lumière ; or la lumière
manifeste tout. Alors, la conscience du chef des
publicains le force, pour la première fois
peut-être, à reconnaître et
à confesser comment ses propres
pensées s'accusaient entre elles, ou aussi
cherchaient à s'excuser au sujet de sa
profession de chef de publicains.
Si Zachée devait jouir pleinement d'une
parfaite communion avec son hôte divin, il
fallaitque tout fût
auparavant réglé et mis au clair. Le
Seigneur ne peut qu'approuver ce travail d'une
conscience exercée par sa
présence ; aussi la manière dont
il s'y prend pour délivrer Zachée
est-elle pour nous une précieuse
leçon : Jésus n'entre point en
discussion avec Zachée ; satisfait du
travail de cette conscience, il se présente
simplement lui-même comme satisfaisant
à tous les besoins. « Aujourd'hui,
dit-il, le salut est venu à cette
maison. » Rien de tout ce que le
publicain avait pu imaginer ou faire jusqu'à
ce jour, ni ses aumônes, ni ses restitutions,
ni aucun de ses efforts, n'avait pu lui procurer la
paix. Dès qu'il a obéi à
l'appel, il trouve en Jésus le Fils de
l'homme venu pour chercher et sauver ce qui
était perdu ; il le trouve comme un
libérateur suffisant pour le délivrer
de tout lien, pour débarrasser de toute
difficulté celui qui l'a reçu avec
joie ; celui qui était désireux
de lui plaire et cherchait à connaître
sa pensée pour lui obéir.
Dès lors, il ne s'agit plus des choses
passées, mais d'une chose toute nouvelle.
« Aujourd'hui, » dès ce
moment, tout devient clarté et
intimité. Tu peux m'avoir mal
cherché, mal abordé ; de quoi te
sert désormais ce que tu as fait ou ce que
tu n'as pas fait ? Moi, je suis venu, je t'ai
cherché, je t'ai trouvé ; je
t'ai fait descendre de ton sycomore et je suis
entré dans ta demeure pour y loger :
« aujourd'hui, » ce qu'il
fallait à l'amour est accompli ;
« le salut est venu à cette
maison. » Curiosité, sycomore,
exiguïté de taille, métier peu
honoré, tout cela, ainsi que toute autre
difficulté,doit
être remis à Jésus ;
c'est lui qui se charge de tout ; et, puisque
le coeur du nouveau disciple lui est ouvert, que sa
conscience est exercée, puisque surtout il
cherche à connaître la pensée
du Seigneur afin de s'y conformer, ce disciple n'a
plus qu'à se tenir près de son
Sauveur et à jouir du salut qui est venu
à sa maison. Jésus est puissant pour
le sauver jusqu'au bout ; non pas,
certainement, sans exercer sa conscience, mais,
bien au contraire, en le maintenant dans sa
dépendance, dans son intimité,
avec un coeur vrai, en pleine assurance de
foi ; ayant, par la grâce, le coeur
purifié d'une mauvaise conscience.
Un disciple ainsi disposé est affranchi et
rendu capable de jouir de la présence, de la
communion et des instructions du Seigneur. Il peut
réaliser la grâce qui lui a
été donnée ; il recevra
donc encore plus, un entier affranchissement pour
suivre Jésus en lui rendant, au milieu du
monde, un témoignage sincère et
dévoué, dans une paix
intérieure, sans laquelle nul ne peut jouir
habituellement du salut, ni dans la vie de tous les
jours, ni dans la communion des saints :
« La lumière est faite pour le
juste, et la joie pour ceux qui sont droits de
coeur »
(Ps. XCVII, 11).
« DANS TROIS
HEURES »
Dans une des parties les plus pittoresques de
l'Angleterre, s'élevait une riche habitation
embellie par toutes les ressources de l'art et de
la nature. Tout y respirait le calme de la vie de
campagne ; mais ce qui
frappait surtout ceux qui y
pénétraient, c'était je ne
sais quelle influence silencieuse et invisible dont
bien peu savaient se rendre compte. On y voyait
régner la paix, le bien-être et
l'ordre ; chacun y avait son cercle
d'activité, sans que personne y fût
accablé. La maîtresse de la maison,
d'une santé très-délicate,
semblait n'avoir de force que pour aimer, et
l'expression de profonde paix et de contentement
toujours répandue sur ses traits,
était comme un baume qui calmait tout coeur
agité qui approchait d'elle. Son mari
était tout ce qu'elle pouvait
désirer, et trois aimables enfants
complétaient son heureux cercle de
famille.
Le lecteur s'écriera sans doute :
« Comment n'eût-elle pas
été heureuse ! Qui ne le serait
dans une semblable
position ? »
« Oui, cher lecteur, » et vous
le seriez aussi, mais à une condition, c'est
que vous possédiez en effet tout ce
qu'elle avait. Or, je ne vous ai pas encore
révélé le secret du bonheur
dont jouissait cette dame.
Depuis quelque temps elle s'était sentie
souffrante ; son mari ne s'était pas
aperçu d'abord du changement qui
s'opérait en elle ; d'ailleurs pendant
longtemps elle avait refusé que l'on
consultât un médecin. Le printemps
l'éprouvait, disait-elle ; plus tard,
c'étaient les fortes chaleurs de
l'été ; mais la maladie faisait
des progrès, et un jour vint où il
fallut enfin avoir recours au médecin.
Il vint _et fut frappé d'étonnement
et de douleur en voyant
l'état de la malade. Après avoir
quitté la chambre, il dit au mari avec
vivacité et un accent de reproche :
- À quoi bon m'appeler maintenant ? Il
y a six mois que vous auriez dû le faire.
- C'était mon désir, répondit
le mari, mais elle ne l'a pas voulu, affirmant
qu'elle n'était pas réellement
malade. Mais y a-t-il donc du danger ?
- Du danger ! s'écria le docteur, elle
n'a pas trois heures à vivre. Ne le lui
dites pas au moins, vous la tueriez sur le
coup.
Après quelques instants de silence, d'une
voix altérée par l'émotion, le
mari reprit :
- Vous ne la connaissez pas, docteur, sans cela
vous ne parleriez pas ainsi. C'est un coup bien
douloureux pour moi, mais vous ne pourriez
lui apporter de meilleures nouvelles, à
elle. Rentrez avec moi dans sa chambre.
Le docteur, stupéfait, le suivit sans rien
dire. Il connaissait cette dame depuis son enfance
et l'avait admirée dans toutes les relations
de la vie. Elle avait été une fille
aimante et soumise, une amie sûre et
fidèle, l'épouse et la mère la
plus dévouée qu'il eût connue.
De plus, tout ce que peut donner la richesse
l'entourait. Et elle serait heureuse de tout
quitter ? Il avait senti quelque chose de
mystérieux dans cette maison, si
différente de toutes Celles qu'il voyait.
Mais qu'était-ce ? Serait-il possible
que dans cette famille modèle il y eût
un ver rongeur caché sous tout ce
bonheur ?
Ces pensées roulaient dans son esprit,
lorsqu'il se retrouva près
de la malade, à laquelle son mari
répéta ce que le docteur avait
dit.
- Quoi, s'écria-t-elle, dans trois heures je
verrai mon précieux Sauveur !
C'était pour elle comme une agréable
surprise, et son accent de tendresse, l'expression
ineffable de paix et de joie de son visage en
disaient plus que ses paroles.
Elle ajouta tranquillement en s'adressant à
son mari :
- Je désire passer la première heure
à mettre en ordre mes affaires
temporelles ; la seconde avec toi et mes
enfants chéris ; durant la
troisième j'attendrai que mon Seigneur
m'appelle auprès de Lui.
Le docteur était un sceptique
avéré, pour qui plus d'une
prière avait été
adressée à Dieu dans cette même
chambre. Bien des fois, on s'était
efforcé de présenter Christ à
son coeur et à sa conscience, mais en vain.
Dès que l'on abordait ce sujet, il
détournait la conversation ou trouvait un
prétexte pour s'éloigner. Mais, cette
fois, il n'avait pu éviter d'entendre ce
puissant témoignage rendu à la
réalité des choses invisibles, et il
sortit bouleversé par ce fait
étrange, incompréhensible pour lui,
que cette dame, aimée et entourée de
tout ce qui constitue le bonheur ici-bas, pût
quitter avec joie ses biens, et son mari, et ses
enfants bien-aimés, pour aller vers une
Personne qu'elle savait vivante dans le ciel et qui
occupait dans son coeur la première
place.
Le secret de la joie qu'elle éprouvait en
partant,c'était
d'être avec Jésus-Christ, qu'elle
connaissait comme son Sauveur mort et
ressuscité, comme Celui qui l'aimait et
s'était donné pour elle, qui avait
ôté à la mort ses terreurs, -
qui l'avait annulée, - et qui lui avait
préparé une place auprès du
Père pour qu'elle fût toujours avec
Lui.
CHERCHÉ ET SAUVÉ
Je m'égarais, Seigneur,
loin de toi dans ce monde,
Ignorant ton amour et n'aimant pas le
bien ;
Mais ton bras me chercha dans cette nuit
profonde,
Et mon coeur fut brisé quand je compris le
tien.
Tu montras à mes yeux cette grâce
infinie
Qui peut rendre un pécheur juste et saint
devant Dieu ;
Ce salut éternel, et ton oeuvre
accomplie
Pour me donner accès aux gloires du saint
lieu.
Tu portas mes péchés, tu bus l'amer
calice ;
Tu m'amenas à Dieu, Seigneur, en
t'abaissant.
Tes souffrances, ta mort, ton sanglant
sacrifice,
T'ont pour toujours acquis mon coeur
reconnaissant.
Ta gloire, ô mon Sauveur, me déprend
de la terre ;
Ton amour, loin du monde, entraîne mon
essor ;
Je marche en voyageur vers la maison du
Père ;
Mon coeur est dans le ciel ; c'est là
qu'est mon trésor :
Le grand Consolateur, cet ineffable gage
Du bonheur qu'avec toi je goûterai
bientôt,
En attendant ce jour, me forme à ton
image,
M'apprend à dire
« Abba, » les yeux levés
en haut.
Cherché, trouvé, sauvé, par ta
seule puissance,
Je suis à Toi, Seigneur, oui, pour toujours
à Toi !
Joyeux, je vois venir le jour où ta
présence
En éternelle vue absorbera ma foi !
LA LUMIÈRE ET L'AMOUR
DIVINS
(Suite et fin.)
L'autre scène, à laquelle nous
avons fait allusion, l'entrevue du Seigneur
Jésus avec la femme samaritaine,
présente sous tous les rapports le contraste
le plus frappant avec celle que nous avons
considérée
précédemment. Mais la même
lumière qui a dépouillé le
docteur d'Israël de son appareil de science et
de propre justice, pénètre jusqu'au
fond du coeur de cette pauvre femme,
méprisée à juste titre par ses
semblables, et éclaire tous les recoins de
sa vie de péché. Puis l'amour qui
n'avait pas repoussé celui qui venait de
nuit pour être instruit, sait attirer et
gagner celle qui, si elle s'était d'abord
connue, aurait fui loin de son Sauveur et se serait
cachée, si possible, à ses regards
pénétrants.
Combien il est vrai que les pensées de Dieu
ne sont pas nos pensées, et que ses voies ne
sont pas les nôtres
(Esaïe LV, 8).
« L'homme a égard à ce qui
est devant les yeux, l'Éternel a
égard au coeur »
(1 Samuel XVI, 7). Il le sonde, II en
découvre les pensées cachées,
mais c'est dans un but de miséricorde, afin
que le pécheur soit attiré au Sauveur
et se confie en Lui.
La propre justice, la bonté, la
bienveillance et autres qualités
personnelles, naturelles ou acquises, dont on tire
avantage
(Proverbes XX, 6), sont un des plus
grands empêchements pour celui qui cherche
Dieu. Ce n'est pas sans lutte que l'on consent
à abandonner ce qui vous distingue du reste
des hommes, et que l'on arrive à
l'estimerà sa juste valeur
devant Dieu. Aimer et tenir fortement à ce
que nous voyons de bon en nous, est le
résultat naturel d'une éducation qui
a développé ces principes de vertu et
d'honneur humains. À quel prix, en effet, ne
devient-on pas sage ? C'est le fruit de nos
meilleures pensées, de nos plus
héroïques efforts. Ce n'est donc pas
sans peine que l'on en vient à
reconnaître que toute cette justice ne sert
en rien pour obtenir le salut dont l'âme a
besoin. Elle a certes sa valeur entre les hommes,
mais lorsque Dieu agit, il veut agir seul, et II
fait une oeuvre qui, de toute manière, est
digne de Lui. Il donne et ne vend pas ; et, en
donnant dans sa grâce ce que les efforts de
l'homme ne peuvent jamais acquérir, II
dépasse infiniment, par l'excellence de son
don, la plus haute idée que l'homme pourrait
s'en faire, et lui imprime à tous
égards le cachet de sa grandeur. De
là vient que lorsqu'un pharisien
irréprochable, comme Saul de Tarse, est
saisi par la grâce, il est heureux de faire
le sacrifice même des choses qu'il avait
auparavant estimées excellentes, afin de
laisser dans son coeur toute la place à
Christ seul.
Dans ses circonstances spéciales,
Nicodème a pu apprendre cette
précieuse leçon. Parmi les hommes,
chacun lui aurait décerné une place
d'honneur que lui-même n'aurait guère
osé prendre. Mais en présence de la
« Lumière du monde, » il
lui faut faire l'abandon de tout ce qui lui
était un gain et l'estimer comme une perte
à cause de Christ. C'est à ce prix
seulement qu'il
pouvaits'instruire dans les voies
de Dieu. Peut-être ne s'en rendait-il pas
bien compte lorsqu'il vint trouver Jésus, et
son coeur éprouvait-il quelques craintes,
qu'il semble avoir voulu cacher dans l'ombre de la
nuit. Mais lorsqu'il eut réellement compris
ce qu'était Christ, le sacrifice ne devait
plus lui paraître grand ; le
trésor divin qu'il avait trouvé ne
laissant plus place dans son coeur aux choses
anciennes, celles-ci ne pouvaient plus avoir
d'attrait pour son âme.
Tout autre était la position de la femme de
Samarie. Sa vie, ses connaissances, son
caractère, étaient d'un ordre
entièrement différent. Prise à
l'autre extrémité de l'échelle
sociale, elle ne peut être placée
à côté de Nicodème, si
ce n'est comme contraste. Si le docteur
d'Israël partageait les vues des autres
pharisiens, il n'aurait pas même
daigné la toucher, non-seulement à
cause de son état moral, mais parce qu'elle
était d'une race méprisée, -
une Samaritaine. Autant l'un était
honorable, savant, intègre et
respecté, autant l'autre était
dégradée, ignorante et avilie.
Habituée au péché où
elle s'était plongée, elle avait
perdu tout sentiment de pudeur ; pour elle, la
fidélité n'avait aucune existence
réelle et semblait n'être qu'un mot
sans valeur ; « la
vérité » lui apparaissait
vaguement, dans les nuages d'un lointain avenir,
quand viendrait « le
Messie, » dont elle avait entendu
parler, mais duquel personne ne savait dire quand
II arriverait, aussi ne s'en inquiétait-elle
pas davantage. N'ayant pas joui des avantages que
possédait
Nicodème,jamais, dans le
monde qui l'entourait, elle n'aurait eu la
pensée de chercher la
vérité ; en fait de religion,
elle ne connaissait que le mensonge, et sa vie
intérieure et extérieure en portait
l'empreinte. Sa préoccupation était
de passer ses jours avec le moins d'ennui
possible ; aussi, pour éviter
l'expression du mépris des personnes plus
honnêtes qu'elle, elle s'en va à la
fontaine, puiser de l'eau à midi, heure
inaccoutumée aux autres.
C'est là qu'elle rencontre cet
étranger inconnu qui allait bientôt
opérer un changement radical dans sa vie
entière.
La réponse de la femme à la
première parole que Jésus lui
adresse : « Donne-moi à
boire, » montre la difficulté
immense, ou plutôt impossible pour l'homme,
d'atteindre un tel coeur ; un coeur qui,
endurci dans son avilissement, était, en
même temps, orgueilleux au point de refuser
le plus léger service à un
étranger, parce qu'il était Juif.
« Comment toi, qui es Juif, dit-elle, me
demandes-tu à boire, à moi qui suis
une femme samaritaine ? » La femme
partageait toute la haine de sa nation contre les
Juifs, et leur rendait mépris pour
mépris. Sa position morale, si triste
fût-elle, ne l'empêchait nullement de
manifester cette inimitié.
Comment faire naître, dans une âme
animée de semblables sentiments, le
désir de connaître la grâce,
chose dont elle ignorait la valeur et dont elle ne
sentait pas le besoin ? Tel est le
problème que nous voyons résolu, dans
cette touchante histoire, par l'amour divin du
Sauveur. Les paroles de la femme
auraient repoussé tout autre, mais elles ne
peuvent ni froisser Jésus, ni le
détourner de son but. Il voulait gagner ce
coeur, et, avec une délicatesse exquise, II
sait y trouver et y toucher la corde qui pouvait
vibrer.
Sa seconde parole fait ressortir la divine
beauté de la première. En ne
dédaignant pas de prendre, vis-à-vis
de la Samaritaine, l'humble attitude de quelqu'un
qui demande, le Seigneur lui enseigne quelle est la
vraie, la seule manière de recevoir de la
part de Dieu, - savoir, de demander. Pour
cela, il fallait que son orgueil fût
humilié. Il la place donc dans la
présence de Dieu, non pas en jugement, mais
en grâce. Il voile, pour ainsi dire, la
tendre répréhension que renferment
ses paroles derrière la parfaite
bonté du caractère de Dieu, qu'il lui
fait entrevoir : « Si tu
connaissais, » lui dit-Il, « le
don de Dieu et qui est celui qui te dit :
Donne-moi à boire, toi, tu lui eusses
demandé, et il t'eût donné de
l'eau vive. »
Quelle profondeur ne trouverons-nous pas dans ces
paroles, si nous arrêtons notre pensée
sur Celui qui les prononça !
C'était le Fils du Dieu vivant, descendu
ici-bas pour nous faire connaître Dieu et
nous révéler l'étendue infinie
de l'amour dont II jouissait de toute
éternité, Lui, « le Fils
unique dans le sein du Père. »
C'est Lui qui, pour gagner une âme à
Dieu son Père, condescend jusqu'à
s'humilier devant une misérable
pécheresse telle qu'était la
Samaritaine. Le caractère du Dieu qui
« est amour »
trouveainsi sa parfaite
expression dans la manière dont Jésus
agit.
Cet appel produit son effet ; mais, quelles ne
sont pas les contradictions étranges du
coeur humain ! Plus la misère est
grande, plus on voit trop souvent comme une sorte
de désespoir qui ôte à
l'âme le désir d'en sortir.
La femme se sent mal à l'aise en la
présence de Dieu ; elle n'aime pas
à entendre parler d'un don gratuit qui
exclut les efforts de l'homme, et elle se
hâte de changer de terrain pour tranquilliser
sa conscience.
Ce qui concerne les besoins matériels est
plus simple et a pour elle plus d'attraits que ce
qui tient à Dieu, et elle s'efforce, si
possible, de ramener l'entretien à ce niveau
des choses tangibles et pratiques :
« Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et
le puits est profond ; d'où as-tu donc
cette eau vive ? Es-tu plus grand que notre
père Jacob qui nous a donné le
puits ; et lui-même en a bu, et ses
fils, et son bétail ? »
« Jésus répondit et lui
dit : Quiconque boit de cette eau-ci aura de
nouveau soif, mais celui qui boira de l'eau que je
lui donnerai, moi, n'aura plus soif à
jamais ; mais l'eau que je lui donnerai sera
en lui une fontaine d'eau jaillissante en vie
éternelle. La femme lui dit : Seigneur,
donne-moi cette eau, afin que je n'aie pas soif, et
que je ne vienne pas ici pour puiser. »
La réponse du Seigneur dissipe
entièrement la défiance du coeur de
la Samaritaine ; elle l'amène à
se placer elle-même dans la position qu'il
avait d'abordprise pour
l'instruire. À son tour, elle demande.
Sans doute, elle ne comprend pas encore ce qui
est l'objet de sa requête, mais son coeur est
gagné à Jésus, et maintenant
la sonde divine pourra pénétrer dans
sa conscience.
Les dernières paroles de la pauvre femme
décèlent son état
véritable ; la tristesse cachée
qui remplissait son âme se fait jour, et
montre combien elle avait besoin de l'eau vive
qu'elle demandait. Être Obligée de
sortir pour puiser de l'eau, exposer sa honte,
combien cela devait être pénible, en
effet, pour celle qui n'osait affronter les regards
et les mépris des autres. Pour la
première fois, elle rencontre quelqu'un qui
veut bien sympathiser avec sa misère, et son
coeur, altéré d'un bonheur qu'elle a
vainement cherché dans un monde qui ne le
possède pas, trouve un asile dans le coeur
de Christ. Elle peut verser sa tristesse dans le
sein de cet étranger inconnu, et, bien
qu'elle ignore encore qu'il était descendu
de la gloire du ciel pour chercher des
misérables comme elle, son âme se sent
attirée vers Lui.
L'instant était venu de toucher sa
conscience. « Jésus lui dit :
Va, appelle ton mari, et viens ici. »
Elle veut parer le coup et dit :
« Je n'ai point de mari. » Elle
ne savait pas être en la présence de
Celui qui est « la lumière du
monde. » Jésus lui dit :
« Tu as bien dit : Je n'ai pas de
mari ; car tu as eu cinq maris, et celui que
tu as maintenant n'est pas ton mari ; en cela
tu as dit vrai. »
La conscience de la femme est atteinte et
réveillée, et, par
là, une certaine intelligence
pénètre dans son âme :
« Seigneur, dit-elle à
Jésus, je vois que tu es un
prophète ; » elle comprend
que les circonstances de sa vie lui sont
connues ; ce qui fait sa honte est
dévoilé par Celui qui lui a
parlé avec une si parfaite
bonté ; elle ne peut le quitter ;
mais, se sentant serrée de trop près,
elle cherche à détourner la question
personnelle en s'engageant dans une
polémique religieuse.
Que d'âmes, ainsi remuées dans leur
conscience, s'efforcent d'échapper de la
même manière ! Une forme
religieuse en vaut une autre, dit-on, et, pour
quelques différences secondaires, on n'est
pas dans une pire position que ceux qui se vantent
d'une religion meilleure et plus vraie ; c'est
une affaire de convenance, de naissance, d'habitude
ou bien d'école où les docteurs
doivent décider, et, si ceux-ci
diffèrent entre eux, qui osera affirmer que
l'un a raison plutôt que l'autre ?
Voilà ce que disent tant de gens de nos
jours, et c'est ainsi que pensait la femme
samaritaine : « Nos pères,
dit-elle, ont adoré sur cette montagne-ci,
et vous (vous autres Juifs), vous dites qu'à
Jérusalem est le lieu où il faut
adorer. »
Mais le Seigneur ne se laisse point écarter
du but qu'il poursuit. Il fait entendre à la
femme des choses nouvelles et glorieuses, dans les
profondeurs desquelles elle ne pouvait entrer
alors, et qui ne devaient lui être pleinement
révélées que plus tard. Mais
ces choses étaient une partie des
bénédictions que Dieu donnait
gratuitement et que son Fils était venu
faire connaître dansce
monde. « Jésus lui dit :
Femme, crois-moi, l'heure vient que vous n'adorerez
le Père, ni sur cette montagne, ni à
Jérusalem. Vous, vous adorez vous ne savez
quoi ; nous, nous savons ce que nous adorons,
car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient,
et elle est maintenant, que les vrais adorateurs
adoreront le Père en esprit et en
vérité, car aussi le Père en
cherche de tels qui l'adorent. Dieu est Esprit, et
il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit
et en vérité. »
Connaître Dieu, le Dieu vivant ; le
connaître comme Père ; être
rendu capable de l'adorer en esprit et en
vérité : telles étaient
les grandes et merveilleuses choses que
Jésus annonçait à la femme de
Sichar.
Elle semblait presque en possession de ces
grâces. Le Seigneur de gloire la sollicitait
de croire. Mais cela paraissait trop grand,
trop excellent pour être vrai ; en tout
cas, il semblait que ce fût impossible
à réaliser sur l'heure. Comme le roi
Agrippa et tant d'autres depuis, elle voulait
renvoyer à un autre temps le moment de se
rendre et de se soumettre pleinement à la
vérité. Ce serait à la venue
du Messie, pensait-elle, et jusque-là elle
pouvait bien attendre. Voilà son dernier
effort contre la grâce, alors qu'elle se
trouvait presque entre les bras de son Sauveur.
« Je sais, dit-elle, que le Messie, qui
est appelé le Christ, vient ; quand
celui-là sera venu, il nous fera
connaître toutes choses. Jésus lui
dit : Je le suis, moi qui te
parle. » Telle est la parole
suprême de Jésus, et la
Samaritaine,forcée dans
son dernier retranchement, devient la captive du
Seigneur.
L'arrivée des disciples interrompt
l'entretien, mais l'oeuvre de la grâce
était accomplie ; ce pauvre coeur,
naguère si vide, était rempli et
débordait. Le puits, la cruche, tout est
oublié. Elle retourne à la ville et
dit aux hommes : « Venez, voyez un
homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait ;
celui-ci n'est-il point le
Christ ? »
Elle n'a plus rien à cacher
maintenant ; elle peut parler hardiment de sa
vie passée, car Celui qui connaît
tout, qui pénètre au fond des coeurs,
lui a révélé les richesses de
la grâce de Dieu. Elle ne dit rien des choses
nouvelles que le Seigneur lui avait
annoncées, et qui auraient été
de nature à exciter la curiosité des
hommes de Sichar. C'est la personne même de
Christ qui remplit sa pensée ; c'est
à Lui qu'elle veut les amener. Sa conscience
avait été atteinte, sa vie de
péché avait été mise
à nu ; par là, elle avait connu
le Sauveur ; c'est de la même
manière qu'elle veut agir sur les autres.
L'amour qu'elle avait trouvé en Christ
était un trésor trop grand pour
qu'elle le gardât pour elle seule, il fallait
qu'elle en fît part à d'autres, et la
pauvre pécheresse est transformée en
un messager de la bonne nouvelle.
La lumière et l'amour divins avaient
accompli leur oeuvre bénie. Un vase de
louanges à Dieu le Père avait
été cherché et trouvé
parmi les plus vils d'une race
méprisée.
Le docteur d'Israël et la femme de Sichar
reçoivent tous deux de Jésus la vie
éternelle, et ilsseront
dans la gloire des témoins de ce que l'amour
de Dieu a pu opérer sur la terre.
Bien-aimé lecteur, la même grâce
vous est présentée, car
« c'est maintenant le jour du
salut. » Ne voulez-vous pas entrer aussi
dans la jouissance de cet amour qui a atteint une
des plus viles aussi bien que l'un des plus
honorables parmi les hommes, tout en montrant que
l'une et l'autre étaient des pécheurs
perdus ?
Une remarque en terminant. De même que nous
trouvons deux « il faut » dans
le chapitre III de l'évangile de
Jean, on trouve aussi, dans le
chapitre IV, une double
nécessité, qui sert à mettre
en évidence le caractère de l'oeuvre
de la grâce. « Dieu est Esprit, dit
le Seigneur Jésus, et il faut que
ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en
vérité. » Mais où
trouver ces adorateurs réels ? Pour
cela, il fallait
(vers. 4) que Jésus
traversât la Samarie et qu'il
rencontrât personnellement la femme de
Sichar. Il connaissait la nécessité
divine de l'amour qui voulait absolument trouver le
chemin du coeur du pécheur même le
plus endurci. Il poursuit son but et l'atteint.
Quel bonheur pour nous, de savoir que cette
nécessité divine est la raison
suprême de notre salut, et qu'elle est la
cause qui fait que Dieu cherche et trouve
actuellement sur la terre de vrais adorateurs.
Puissions-nous, cher lecteur, être du nombre
de ceux qui adorent Dieu en esprit et en
vérité, et être toujours plus
pénétrés du caractère
qui appartient au véritable culte que
demande le Père.
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