Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
REGARD
Bibliothèque chrétienne online
EXAMINEZ toutes choses... RETENEZ CE QUI EST BON
- 1Thess. 5: 21 -
(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE SALUT DE DIEU
FEUILLE CONSACRÉE À L'ÉVANGÉLISATION


VOL. V
CINQUIÈME ANNÉE 1878

TOUT EST SI CLAIR MAINTENANT

« J'ai été bien troublée à cause de mes péchés ces douze derniers mois, disait une femme âgée ; mais maintenant tout est devenu si clair !
- Comment cela est-il arrivé ? lui demanda-t-on.
- Oh ! ce précieux sang de Christ, répliqua-t-elle, ce précieux sang qui a lavé tous mes péchés ! Maintenant, je puis me coucher et m'endormir en paix, car je sais que, s'il plaisait à Dieu que je mourusse cette nuit, je me réveillerais dans le ciel.
Je ne pouvais plus dormir, tant étaient grandes ma frayeur et mon anxiété, mais maintenant tout est paix. Oh ! quel amour que celui de Jésus, qui est venu ici-bas et qui est mort pour une pauvre pécheresse telle que moi, indigne d'aucune grâce et incapable d'aucun bien. »
Lecteur, jouissez-vous de cette paisible assurance en Christ ?

UN MANCHOT DANS LA VIE

Jean Menut était né de parents chrétiens. Une tumeur au genou l'avait laissé boiteux dès son bas âge. Sa mère, restée veuve avec huit enfants, s'efforçait d'accomplir soigneusement la tâche que Dieu lui avait confiée. Elle élevait ses enfants dans la connaissance des « saintes lettres » qui peuvent rendre « sage à salut » (2 Timothée III, 15), et dans la discipline et sous les avertissements du Seigneur (Éphésiens VI, 4).

Aussi Jean, ainsi que ses frères et soeurs, était soumis, laborieux et assidu aux réunions religieuses. À cela, il joignait d'aimables qualités comme fils et comme frère.
Mais ni sa connaissance intellectuelle des doctrines de l'Évangile, ni l'amabilité de son caractère naturel, ne lui donnaient ce qui est indispensable pour entrer dans le royaume de Dieu. Il n'était pas né de nouveau (voyez Jean III, 1-7) ; il ne possédait pas cette vie nouvelle qui trouve ses plaisirs en Dieu. Au contraire, le monde et ses vanités semblaient prendre de l'ascendant sur son coeur, et, arrivé à sa dix-neuvième année, il aurait eu besoin d'écouter et de suivre l'exhortation de l'Apôtre à son cher fils Timothée : « Fuis les convoitises de la jeunesse » (2 Timothée II, 23).

Mais comment échapper aux séductions du péché, si l'on est livré à ses propres forces ? À l'âge où était Jean Menut, le monde se présente sous un aspect si séduisant ; « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie » (1 Jean II, 16), sont là pour enlacer le coeur. Le nombre est grand, hélas ! de ceux qui les poursuivent en marchant comme leur coeur les mène (Ecclésiaste. XII, 1), et qui croient y trouver un bonheur qui les fuit. Dieu eut compassion du jeune homme, et l'arrêta dans la voie large qui aboutit à la perdition.
Vers la fin de juillet 1876, comme il vaquait aux affaires de la maison, il se fit à un doigt de la main gauche une blessure qui causa la rupture d'une artère. Une violente hémorragie eut lieu ; pendant plusieurs jours, on s'efforça en vain de l'arrêter ; Jean souffrait cruellement ; enfin la gangrène succéda à l'hémorragie, et, après une consultation, les médecins décidèrent que l'amputation du doigt à la seconde phalange était nécessaire.

Ce fut le 15 août qu'eut lieu cette douloureuse opération. Au dehors, la foule célébrait bruyamment la fête de ce jour. Sous l'humble toit de la pieuse famille, on pleurait en souffrant de l'épreuve qui frappait l'un de ses membres.
Mais le mal n'était pas à son terme. La gangrène apparut de nouveau, et, six jours après, une nouvelle amputation fut jugée indispensable ; il fallut sacrifier la main tout entière.

Le malade était trop épuisé par ses souffrances précédentes et par des saignements de nez très-fréquents, pour qu'on osât le chloroformer. Sa pauvre mère lui exposa la triste nécessité où en étaient les médecins ; il écouta avec calme et résignation. Alors les amis chrétiens qui l'entouraient implorèrent le secours du Seigneur. Jean supporta avec courage l'opération, et, lorsqu'elle fut terminée, il dit simplement : « Dieu m'a bien soutenu. »
En effet, Dieu l'avait soutenu, et, en même temps, s'était servi de cette épreuve pour le réveiller quant à l'état de son âme.
La crainte avait saisi son coeur. Il voyait se dresser devant lui le compte qu'il aurait à rendre à cause de sa conduite et de sa négligence du« si grand salut » (Hébreux II, 3) ; la mort lui apparaissait prête à le saisir, et il n'avait pas la paix avec Dieu. Il éprouvait maintenant que ce monde n'a rien et ne peut, donner rien qui, en de tels moments, satisfasse aux besoins de l'âme. Oh ! combien il aurait voulu goûter ce que l'Évangile proclame, ce qu'il avait si souvent entendu dans les réunions religieuses et dans les instructions de sa mère ; combien il aurait voulu saisir la grâce apportée par un Dieu Sauveur. Être privé d'une main ne lui semblait plus rien devant la terrible perspective de la géhenne du feu (Marc IX, 43).

O lecteur, qui aimez le monde et les choses de ce monde, voyez leur néant et la réalité de ce qui seul est nécessaire, la connaissance personnelle du Sauveur pour avoir la vie éternelle !

Dieu regarde à celui qui est affligé, qui a l'esprit brisé, et qui tremble à sa parole (Ésaïe LXVI, 2), et II ne voulait pas laisser Jean Menut dans cette angoisse d'âme. Tant que Jean regardait à lui-même, au lieu de contempler l'oeuvre parfaite que Christ a accomplie sur la croix, il ne pouvait trouver la paix ; mais, après trois jours d'un travail profond de sa conscience devant Dieu, il lui fut donné de s'appuyer pleinement et simplement sur Jésus et le sang de sa croix, et au trouble dont son âme était remplie, succéda un calme parfait. En ce jour, il y eut de la joie pour le Seigneur (Luc XV, 6) ; - de la joie dans le ciel devant les anges de Dieu, joie sur la terre dans le coeur de la mère et des amis chrétiens de JeanMenut, joie profonde et indicible aussi dans le coeur du pauvre infirme. (Lisez 1 Pierre I, 8.)

Les souffrances qu'il éprouvait au bras durèrent encore assez longtemps ; mais « le coeur joyeux vaut une médecine » (Proverbes XVII, 22), et si son corps paraissait défaillir, l'homme intérieur se renouvelait de jour en jour (voyez 2 Corinthiens IV, 16), de sorte qu'il pouvait se réjouir dans la certitude que, si la mort venait pour lui, elle lui serait un gain, parce qu'elle l'introduirait auprès de son Sauveur (voyez Philippiens I, 21-23).

Quoiqu'il semblât d'abord qu'il n'y avait pour le jeune homme aucun espoir de relèvement, le Seigneur, cependant, voulait qu'il restât encore un peu de temps ici-bas, comme témoin de sa puissance et de sa grâce. Quelques semaines s'écoulèrent et l'on put constater un mieux sensible dans sa santé. Bientôt même il put se rendre aux réunions des chrétiens de la ville qu'il habitait, et rendre publiquement témoignage qu'il était entré dans le chemin étroit qui conduit à la vie.

Boiteux et manchot, il était difficile à Jean Menut de trouver une occupation. Pensant qu'un travail de bureau était désormais le seul qui lui fût possible, il se mit à étudier pour acquérir les connaissances indispensables, et il était sur le point d'entrer dans un emploi, lorsqu'il plut au Seigneur de l'appeler dans le repos du ciel.

Au commencement de mai 1877, Jean prit un rhume opiniâtre qui fut suivi d'une phtisiegalopante, et au bout de trois semaines il était aux portes du tombeau.
Parfois les amis qui le visitaient lui exprimaient l'espoir de son rétablissement ; mais lui répondait : « Si le choix m'était laissé, j'aimerais mieux déloger pour être avec le Seigneur. » II savait qu'il avait « un édifice de la part de Dieu, une maison qui n'est pas faite de main, éternelle, dans les cieux » (voyez 2 Corinthiens, V, 1).

Une de ses soeurs ne connaissait pas le Seigneur ; l'ardent désir de Jean était de lui voir choisir la bonne part. Peu avant sa dernière heure, comme elle était près de son lit, avec l'un de ses frères récemment converti, il lui dit : « Je m'en vais, chère Julie, ne veux-tu pas venir aussi près du Seigneur ? » Et tournant ses regards vers son frère, il ajouta : « Pour toi, Eugène, tiens ferme ce que tu as. » Et c'est ainsi que, par plusieurs paroles, il exhortait et consolait ceux qui l'entouraient.
À mesure que le mal poursuivait sa course rapide, la foi du jeune malade s'affermissait. La sombre vallée de la mort s'ouvrait devant lui, mais Celui qui est la lumière de la vie le soutenait et, de sa clarté radieuse, illuminait son sentier.
À ses derniers moments, il fut en proie aux plus vives souffrances. Dans la nuit du samedi au dimanche, vers une heure du matin, il quitta sa demeure terrestre, qui n'est qu'une tente, pour entrer dans le paradis de Dieu.
Le lendemain, ses dépouilles mortelles furent déposées dans la terre jusqu'au jour de la première résurrection, où ce corps corruptible revêtira l'incorruptibilité, et ce mortel l'immortalité.

Non, ce n'est pas mourir que d'aller vers son Dieu,
Que de quitter le lieu
De cette sombre terre,
Pour entrer au séjour de la pure lumière.

Lecteur, voulez-vous aussi entrer dans la vie ?
Il y a une porte large, un chemin spacieux que beaucoup suivent, mais qui mène à la perdition ; oh ! détournez-vous-en.
Mais il y a aussi une porte étroite et un chemin resserré ; peu nombreux sont ceux qui le trouvent, et cependant c'est celui qui seul conduit à la vie. Dans ce chemin se trouvent, il est vrai, des difficultés et l'opprobre de Christ ; il faut, en le suivant, renoncer à soi-même et fuir les délices du péché ; aussi Jésus dit-il : « Luttez pour entrer par la porte étroite » (Luc XIII, 24), mais au terme de ce chemin il y a une couronne de gloire et des plaisirs à jamais en la présence de Dieu. Luttez donc pour entrer.

Peut-être êtes-vous jeune, plein de force et de santé, et vous pensez que vous avez bien le temps de vous occuper de choses aussi sérieuses. Mais que dit la parole de Dieu : « Toute chair est comme l'herbe, et toute sa gloire comme la fleur de l'herbe. » « Qu'est-ce que votre vie ? Car elle n'est qu'une vapeur paraissant pour un peu de temps et puis disparaissant » (1 Pierre I, 24 ; Jacques IV, 14). La jeunesse n'est qu'un songetrompeur, la santé une ombre fugitive. La mort tient à notre nature ; quelques instants encore, et pour vous le temps aura fini son cours, l'éternité aura commencé. Que deviendra votre âme immortelle, si vous êtes dehors quand la porte du salut sera fermée ? (Lisez Luc XIII, 25-28). « Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne croit pas au Fils ne verra pas la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui » (Jean III, 36).

Aux yeux du monde, la vie et le sort de Jean Menut furent bien tristes ; devant Dieu et pour l'éternité, en peut-il être de plus heureux ? Combien, avec tous les avantages dont peut-être vous jouissez ici-bas, votre sort ne serait-il pas terrible, si vous alliez souffrir éternellement !
Il vaut mieux pour toi, nous dit le Seigneur, d'entrer dans la vie boiteux ou estropié, que d'avoir deux mains ou deux pieds et d'être jeté dans le feu éternel ! (Matthieu XVIII, 8.)

CORRESPONDANCE

Question sur 1 Cor. XV, 52. Comment doit-on comprendre le mot « dernière » dans cette expression : « La dernière trompette » ? On objecte que si la trompette de 1 Cor. XV, 52, est la dernière en fait de temps, il ne peut pas y en avoir d'autre qui sonnerait après, comme Matth. XXIV, 31, semble pourtant l'indiquer.

- Pour répondre à cette question, nous empruntons à une brochure, qui vient de paraître, les remarques suivantes :
« Une étude biblique sur les trompettes montrerait typiquement, j'en suis persuadé, qu'il est question, dans ce passage, d'un rassemblement paisible pour le départ du peuple de Dieu ; comparez Nombres X, 3-7.

« Je crois que la trompette de 1 Cor. XV, 52, n'est point la dernière de deux ou de sept, ni d'aucune série quelconque mentionnée dans la Parole de Dieu. Elle est de Dieu, nullement confiée à aucune créature, mais identique à celle de 1 Thess. IV, 16, ce dont ne doute, que je sache, personne qui possède quelque intelligence de ce sujet. Elle est donc suprême dans sa dignité intrinsèque ; quant à son but, elle est tout spécialement distincte, puisque, dans les deux passages qui en parlent, son objet, unique comme son résultat, sera la première résurrection, celle d'entre les morts, selon qu'il est écrit : « Les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous « serons changés. » Et dans le second passage : « Et les morts « en Christ ressusciteront premièrement ; ensuite nous les « vivants, les surrestants, nous serons enlevés ensemble avec « eux dans les nuées, à la rencontre du Seigneur, en l'air... » Voilà notre rassemblement paisible pour le départ vers le but final.

« Je dis donc que cette trompette est indépendante ou plutôt isolée ; qu'elle est suprême parce qu'elle est « de Dieu, » non confiée à aucune créature ; suprême, en outre, par son seul et incomparable résultat qui sera la « meilleure résurrection, » celle des justes, c'est-à-dire l'accomplissement des merveilleuses voies de Dieu en rédemption, pour introduire les saints dans le ciel.

« L'apôtre Paul parle, dans chacun de nos deux passages, d'une seule trompette ; il la mentionne comme introduisant un événement subit, instantané, sans degrés de développements antérieurs ou successifs, tout comme sans aucune liaison directe avec d'autres trompettes précédentes ou suivantes, surtout pas avec les trompettes de l'Apocalypse, puisque ce livre n'existait point au temps où Paul écrivait. Il parle d'elle comme d'une trompette isolée et décisive pour le rassemblement et le départ des saints ; or, ce sont là des traits frappants de relation avec « le cri de commandement » de I Thess. IV, 16.
« II n'y a donc qu'un seul événement indispensable et suprême, signalé ici par une seule trompette suprême, qui est celle de Dieu. »

Jésus a dit : «Dans la maison de mon Père, il y a plusieurs demeures ;... je vais vous préparer une place je reviendrai et je vous prendrai auprès de moi afin que là où moi je suis, vous, vous soyez aussi.» (Jean XIV, 2-3.)

« SUIS-MOI »

« Après cela Jésus sortit ; et il vit un publicain nommé Lévi, assis au bureau de recette, et il lui dit : Suis-moi. Et quittant tout, il se leva et le suivit » (Luc V, 27-28).
Lecteur, cette injonction était adressée à un homme qui, de même que vous en ce moment, était engagé dans les affaires et les occupations de la vie. Celui qui la faisait avait-il le droit d'intervenir ainsi dans la vie du péager Lévi, pour lui faire rompre tout autre lien et l'attacher à sa personne ?
Oui, tout le droit possible, non-seulement sur Lévi, mais sur vous.

C'est le Fils de Dieu, descendu tout exprès de la gloire du ciel, venu sur la terre sous la forme de serviteur, pour chercher et sauver ce qui était perdu. Celui qui a fait les mondes, qui est le resplendissement de la gloire de Dieu, qui soutient toutes choses par la parole de sa puissance, et qui, par amour, est venu souffrir et mourir ici-bas, n'a-t-il pas tout droit d'adresser à votre coeur cette parole : « Suis-moi, » et d'attendre que vous obéissiez à son invitation ? Puissiez-vous écouter la voix du Fils de Dieu !

Lévi quitte tout : l'appel que Jésus vous adresse doit avoir pour premier effet de vous faire sortir du chemin que vous avez suivi jusqu'ici. C'est le chemin du péché et des convoitises ; celui de la propre volonté ; celui où vous poursuivez la satisfaction des désirs et des pensées de votre coeur ; en même temps, c'est un sentier d'obscurité, où la paix réelle fuit le coeur, et qui aboutit à la mort.

La foule autour de vous y marche en cherchant à s'étourdir ; Jésus vous dit : « Suis-moi ; » oh ! séparez-vous d'elle, quittez tout pour vous attacher à Lui. S'il vous appelle, c'est pour vous arracher à l'inévitable perdition.

Mais Le suivre n'est pas seulement cesser de marcher dans le chemin que l'on a tenu jusque-là. C'est entrer dans le sentier qu'il a tracé Lui-même. Au milieu de la nuit, II est la LUMIÈRE ; au sein de la mort, II est la VIE. S'attacher à ses pas et le connaître, c'est être éclairé par la lumière qui révèle Dieu comme un Dieu qui est « amour » ; c'est posséder la vie qui permet de jouir de cet amour. Suivre Jésus, c'est sans doute se séparer d'un monde qui ne Le connaît pas et l'a rejeté, et, par conséquent, partager son opprobre ; mais aussi, c'est dans une pleine assurance, un repos parfait du coeur et de la conscience, repos que Jésus donne, marcher avec joie en la présence de Dieu, gardé par sa puissance, objet de ses soins et de son amour, comme Jésus le fut sur la terre. Heureux état ! Ne voulez-vous pas y avoir part ?

Tout chemin conduit à un but. Où se trouve Jésus qui a foulé sur la terre le sentier dans lequel II vous invite à Le suivre ?
Il est dans la gloire, à la droite de la Majesté dans les hauts lieux. Ici-bas, son chemin aboutissait à la croix. Il le fallait pour faire la purification de nos péchés. Il n'a pas reculé, dans son amour plus fort que la mort ; II a enduré la croix, ayant méprisé la honte, et maintenant, ayant accompli son oeuvre, glorifié Dieu et obtenu unerédemption éternelle, II jouit du repos et de la gloire. Là aussi, ô mon cher lecteur, aboutit le sentier de ceux qui suivent Jésus ; c'est là où II veut qu'ils soient avec Lui. « Père, a-t-Il dit, je veux, quant à ceux que tu m'as donnés, que, là où moi je suis, ils y soient aussi avec moi. » Ne voulez-vous pas, comme Lévi, quitter tout et suivre Jésus ?

HORS DE L'ABÎME
ou
LA CONVERSION D'UN MARIN

« Madame, il y a là-bas un matelot malade qui désire vous voir. Voulez-vous venir, s'il vous plaît ? Je dois lui rapporter une réponse. »
Ces paroles étaient prononcées par un jeune garçon à la mine éveillée, debout devant moi.

C'était par une belle journée, après tout une semaine d'orages ; les vagues bleues dansaient et étincelaient au soleil comme pour lui souhaiter la bienvenue. Sur le rivage, la scène était pleine de vie. Les pêcheurs, obligés à plusieurs jours de repos, au moment le plus important de la saison de la pêche, semblaient redoubler d'activité pour regagner le temps perdu; et, tandis que je suivais des yeux les bateaux et les voyais l'un après l'autre prendre le large, je sentais un ardent désir d'être le porteur de cette bonne nouvelle de la vie éternelle par Christ, auprès de quelques-uns de ceux dont la vie était, par leur vocation, particulièrement exposée au danger. Au momentmême où ce désir se formulait en prière dans mon coeur, les paroles du jeune garçon retentirent à mes oreilles.
- Où est-ce, là-bas ? demandai-je au jeune messager ; car j'avais découvert que ce mot avait un sens très-ambigu dans cette localité, et pouvait signifier l'autre côté de la rue aussi bien qu'une distance de quelques lieues.
- Eh bien, madame, la chaumière est au delà de cette pointe que vous voyez ; vous ne pouvez la manquer, car il n'y en a pas d'autre. Ce ne serait pas bien loin si vous pouviez suivre le rivage en grimpant sur les rochers comme moi, mais il y a un bon bout par la route.

Je regardai dans la direction qu'il m'indiquait ; plusieurs circonstances semblaient rendre cette course impossible, et pourtant je ne pouvais me décider à refuser. L'enfant lut évidemment de l'hésitation sur mon visage, car il ajouta d'un ton suppliant : II m'a dit de lui porter une réponse ; il est bien malade et tout seul.
Comme il parlait, une voix sembla dire à mon oreille : « Ne t'ai-je pas commandé ? Fortifie-toi et aie bon courage. » L'impression fut si claire et si distincte que, sans m'arrêter à considérer les obstacles, je répondis plutôt à cette voix qu'à celle de l'enfant :
- Dites-lui que je viendrai.
- Quand, madame ?
- Aujourd'hui.

Le jeune garçon tardait encore.
- Pardon, madame, mais il m'a chargé devous dire que la route est mauvaise et peu convenable pour vous, à moins que vous ne rentriez dans la ville avant la nuit. Et il regardait le soleil, comme pour me rappeler que le jour était déjà bien avancé.
- Je vous suivrai à présent aussi vite que possible, répondis-je, à la grande satisfaction de mon petit compagnon, qui disparut aussitôt avec ma réponse. Une heure ou deux plus tard, j'étais auprès du lit d'André. Le Seigneur avait levé les obstacles un à un ; bien plus, II m'avait donné la pleine confiance qu'il agirait et me donnerait d'assister à son oeuvre de salut. Je m'étais attendue à trouver quelque vieux matelot usé par les orages d'un grand nombre d'hivers ; aussi, grande fut ma surprise à la vue d'un beau jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans, présentant encore les apparences d'une force physique remarquable, mais réduit à l'impuissance à la suite d'un accident. Son agréable figure, ouverte et honnête, était animée par des yeux bleus limpides pleins de franchise et de hardiesse.
Le sourire presque joyeux avec lequel il me souhaita la bienvenue semblait lui être naturel, tandis que l'expression d'amère angoisse qui lui succéda presque instantanément, s'accordait peu avec sa physionomie. Le jeune garçon que j'avais déjà vu, était debout auprès de son lit. Quoique tout ce qui l'entourait indiquât la pauvreté, on y voyait tant d'ordre et de propreté, qu'il était évident que le malade était soigné par quelqu'un qui l'aimait. Cependant une chose me frappa dèsl'abord : il n'y avait pas un seul livre auprès de lui ; plus fard, j'en appris la raison.

- Entrez, madame, et soyez la bienvenue, me dit-il en m'apercevant ; je suis bien content de votre visite, car je vois peu de visages, et c'est une ennuyeuse occupation que de rester étendu à ruminer sur ses misères. Timothée, tire plus
près le grand fauteuil de ma mère pour la dame.
C'est bien dur pour moi de n'être pas capable de vous l'apporter moi-même ; oui, c'est bien dur ; mais je ne suis plus bon à rien maintenant ni pour les autres ni pour moi-même, et, le pire, c'est qu'il n'y a point de remède.
- Mais on ne s'attend pas à ce que les malades se lèvent pour recevoir leurs visiteurs, lui dis-je ; je suis venue voir si je puis vous être utile en quelque chose, ainsi il ne faut pas que je vous cause de la gêne pour commencer.
Il sourit à moitié et dit simplement :
- Merci ; puis il ajouta sous forme d'excuse : Henri (c'est un de mes camarades) m'a dit, il y a déjà plus de huit jours, que vous auriez quelque parole de consolation pour moi ; je ne le croyais guère, mais pourtant ses paroles m'ont poursuivi jusqu'à ce que, ce matin, je n'aie pu m'empêcher de vous envoyer le petit Timothée.
- Ainsi vous avez besoin de consolation ? répliquai-je, sachant à peine que dire, car toutes ces circonstances étaient bien étranges et nouvelles pour moi.
- Ah ! certes, madame, caries médecins disent que je ne me relèverai jamais. Oh ! passer sa vieenchaîné au même endroit ! c'est assez pour ôter la raison. Et son front se contracta, tandis qu'un profond gémissement s'échappait de sa poitrine.

Après un moment de silence, je lui demandai :
- Êtes-vous malade depuis longtemps ?
- Il y a à peu près quatre mois que j'ai eu mon accident ; j'ai passé plus de trois mois à l'hôpital.
- Voulez-vous me raconter comment la chose est arrivée, ou bien vous est-il pénible d'en parler ?
Non, ce sera un petit soulagement, car, voyez-vous, quand ma mère revient le soir de son travail, je ne dois pas me laisser aller à parler de moi. C'est bien assez dur pour elle d'avoir à travailler pour m'entretenir ; quand elle rentre, il ne faut pas que ce soit pour entendre mes plaintes, pauvre mère ! Sans elle, je pourrais mieux supporter mon mal ; mais justement quand je pensais qu'elle serait à son aise pour le reste de ses jours et n'aurait plus de travail pénible à faire...

Il s'arrêta ; un sanglot lui coupait la parole ; mais, maîtrisant bientôt son émotion, il me raconta qu'il était charpentier à bord d'un navire. La mer faisait ses délices ; il avait fait plus d'un heureux voyage, essuyé plus d'une tempête, tellement qu'il était devenu, à cause de sa grande force et de « sa chance, » comme il le disait, tout à fait insouciant du danger. Mais à son dernier voyage, le vaisseau touchant presque au port, il était monté dans le gréement pour réparer quelque dommage. La journée était belle et la mer unie comme un miroir, lorsqu'une brisede terre fît tout à coup pencher le vaisseau au moment où il allait descendre. Il perdit l'équilibre et fut précipité d'une grande hauteur. Dès que le vaisseau eut atteint le port, on le porta à l'hôpital ; mais, après lui avoir donné leurs soins, les médecins déclarèrent que l'épine dorsale avait été lésée de telle sorte qu'il ne pourrait plus ni marcher ni même se tenir debout.

- Lorsqu'on ne put plus rien pour moi à l'hôpital, dit-il, je fus porté à la maison, où me voici, plus impuissant qu'un petit enfant, et où je ne suis qu'une cause de trouble et de souci. Cela me rend presque fou de voir rentrer ma mère pâle et fatiguée, tandis que je suis couché ici, quoiqu'elle ne se plaigne jamais, mais dise toujours que c'est Dieu qui l'a permis et que ses voies sont les meilleures. Je suis content de la voir penser ainsi, si cela la soulage ; mais il me semble, à moi, qu'au lieu d'être le Dieu de la veuve et de l'orphelin, comme elle le dit, II l'a oubliée, puis qu'il m'empêche même de l'aider.
- Votre mère n'a-t-elle pas d'autres enfants ?
- Non ; elle en a eu cinq ; tous les autres sont morts jeunes, et mon père a péri sur mer lorsque je n'avais que trois ou quatre ans. Il avait dit à ma mère, en partant pour ce dernier voyage : S'il plaît à Dieu, quand je reviendrai, je me fixerai à terre ; mais la Caroline (c'est le nom du vaisseau sur lequel il était embarqué) partit et on n'en entendit plus jamais parler. Le Dieu tout-puissant a été dur pour nous, madame, bien, bien dur !

Je sentais toute mon impuissance à dire une parole de consolation et ne pouvais que regarder à Dieu, afin qu'il révélât lui-même son vrai caractère d'amour à ce pauvre coeur brisé qui avait de si sombres pensées à son égard. Il me semblait pouvoir aller à Lui avec d'autant plus de confiance, que le cas était au-dessus de tout secours humain, un cas comme il convenait à un Dieu Sauveur. Le malade fixait sur moi un regard étrange ; enfin il dit d'un ton désappointé :
- J'avais bien dit à Henri que personne ne pouvait me consoler, moi ; mais quand même, vous avez été bonne de venir, madame.
- Votre épreuve est grande, André, et les paroles humaines sont bien faibles pour la soulager, quelque pleines de sympathie qu'elles soient.
Il y a un seul qui puisse vous aider et vous consoler ; mais vous avez laissé entrer dans votre coeur des pensées amères sur ses voies envers vous. Vous penserez peut-être qu'il m'est facile de parler ainsi, à moi qui ne souffre pas comme vous ; mais voulez-vous répondre à une question ?
Selon vous, Dieu a manqué à sa parole, oublié la veuve qui se confiait en Lui, et agi durement envers l'orphelin. N'avez-vous rien à dire de l'autre côté ? pas de miséricorde à signaler ?

Il tourna la tête et me regarda fixement, mais sans dire une parole.
- Vous croyez qu'il y a un Dieu et un démon, un ciel et un enfer ? lui demandai-je.
- Oui, je crois la Bible, c'est le livre de ma mère, et c'était aussi celui de mon père.
- De quelle hauteur m'avez-vous dit que vous êtes tombé ?

Il parut étonné de ce brusque changement de question, mais répondit :
- À peu près de soixante pieds.
- Et une telle chute était-elle suffisante pour vous tuer ?
- Certainement, madame, bien suffisante. Pour tous ceux qui m'ont vu, c'est un miracle que j'aie été relevé vivant. Lorsque nous étions dans l'Amérique du Sud, deux de mes compagnons tombèrent d'une hauteur de trente pieds et furent tués sur le coup,
- Et si tel avait été votre cas, où seriez-vous à ce moment même, dans le ciel ou en enfer ?

Il y eut un silence. Le monde invisible semblait s'être rapproché tandis qu'il se rappelait combien il en avait été près. Après quelques minutes, d'une voix basse et profonde :
- J'aurais été en enfer, dit-il, car le diable me tenait fermement alors.
- Oui ; et il essayait de vous pousser tout droit dans l'abîme en se disant : « Maintenant que son coeur est bien loin de Dieu, sans lui donner aucun avertissement ni le temps de penser à son âme, maintenant qu'il est mon captif, je veux consommer son entière destruction, et il sera ma proie pour toujours. » Mais l'oeil du Seigneur était sur vous, - l'oeil de Celui que vous accusez d'oublier la veuve et d'agir durement envers l'orphelin ; une parole puissante est sortie de ce coeur d'amour : « Je veux cette âme ; sauvez-la, afin qu'elle ne descende pas dans l'abîme,
- j'ai trouvé une rançon, » Vous avez dit que c'était un miracle qu'on vous eût relevé vivant, et que personne n'avait pu savoir ce qui avait amorti la violence de la chute. C'était l'amour et la miséricorde du Seigneur. Il a parlé, et ces messagers qui font son bon plaisir, interposèrent leurs mains entre vous et l'éternelle destruction que le diable avait préparée pour vous, de sorte que, bien qu'infirme, cependant vous n'êtes pas dans l'enfer. La porte du ciel est encore ouverte devant vous. Jésus attend encore dans sa grâce et vous présente le salut par son précieux sang : II vous dit : « Venez à moi, et je vous donnerai le repos. » II vous offre la vie éternelle ; Lui-même veut être avec vous dans vos souffrances et vous donner bientôt une éternité de bonheur avec Lui, à la place de cet enfer dont son amour vous a seul préservé il y a quatre mois. Avait-Il oublié la veuve et son fils quand II a fait cela ?

Je me souviendrai longtemps de l'expression de sa figure, sur laquelle les sentiments les plus divers venaient se peindre à mesure que je lui parlais, quoiqu'il ne fit pas un mouvement. Le petit Timothée s'était rapproché et nous regardait tour à tour d'un air interrogateur, lorsque André s'écria enfin :
- Je suis le plus grand des insensés et le plus indigne des misérables qui soient encore à cette heure hors de l'enfer ; j'ai laissé échapper toutes les chances d'aller au ciel, et j'ai calomnié le Dieu qui me les offrait.
- Il vous les offre encore ; en ce moment même II vous dit : « Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi » (Jean VI, 37).
- Non, II ne peut dire cela à celui qui n'a fait que l'injurier en réponse à son amour. Oh ! mes péchés, avant mon accident, n'étaient rien en comparaison de ce qu'ils ont été depuis. Je n'ai fait que le calomnier, et je suis surpris qu'il ne m'ait pas frappé de mort au moment où ces paroles étaient sur mes lèvres.
- « Le sang de Jésus-Christ son Fils nous purifie de tout péché, » répétai-je.
- Mais mon péché ne peut y être compris, il a été pire qu'aucun autre. Oh ! si seulement j'avais vu son amour auparavant !
- Quand DIEU a dit « tout péché, » ne savait-Il pas ce qu'il disait et ce qu'il voulait dire ? Oui, certes, et II connaît aussi, Lui, la pleine valeur du sang de son Fils.
Le malade se couvrit la figure de ses mains ; moi, j'attendis silencieusement.

Après un instant, il me regarda et dit :
- Il me semble que c'est trop qu'il puisse me pardonner entièrement ; mais croyez-vous qu'il m'écouterait si je lui disais quel misérable j'ai été, et Lui demandais de me permettre de l'aimer pour tout ce qu'il a fait pour moi, quand même ce serait dans l'enfer ?

L'ardeur avec laquelle ces paroles sortaient de ce coeur brisé et l'étrangeté de sa question, d'une part, et, de l'autre, la joie inexprimable de connaître cet amour qui ne demandait qu'à donner le baiser de père à ce prodigue repentant, me causèrent une telle émotion, que ce fut d'une voix entrecoupée que je répondis :
- Cela ne serait pas digne de Dieu ; II ne pardonne pas à demi ; le fils prodigue, dans le pays éloigné, pensait qu'il demanderait à son père de le traiter comme l'un de ses mercenaires, mais vous souvenez-vous comment son père le reçut ?
- Non, je n'ai jamais lu moi-même la Bible,
et j'ai oublié ce que ma mère me disait avant ces longues années passées sur mer ; mais je crois me rappeler qu'il y a quelque chose sur ce sujet.

Le jour baissait rapidement, et je n'aurais pas pu lire à la lumière vacillante du feu ; mais, à ces oreilles qui m'écoutaient avec avidité, je répétai la parabole bien connue (Luc XV). Il sanglotait à haute voix comme je finissais de parler.
- C'était de l'amour, bien sûr, mais même cet homme n'avait pas été aussi méchant que moi ; le père ne l'avait pas cherché comme Dieu m'a cherché.
- André, il ne s'agit pas de savoir à quel degré vous avez été méchant, mais si le sang du Fils de Dieu a la puissance de vous purifier. Dieu ne peut supporter le péché : le sang de Jésus seul peut nous rendre propres à être en sa présence ; mais Dieu dit que son sang purifie de tout péché.
Direz-vous qu'il y a certains péchés qu'il ne peut effacer, ou qu'il y a des prodigues repentants que le Père n'aime pas assez pour leur pardonner ? À présent, il faut que je vous quitte ; maisje désire vous laisser ces deux courts passages pour que vous les méditiez : « Dieu est amour, » et : « le sang de Jésus-Christ, son Fils, nous purifie de tout péché. »

II les répéta lentement après moi deux ou trois fois, puis, comme je me levais pour partir, il remarqua l'obscurité croissante. Craignant de me laisser aller seule, il voulait absolument que le petit Timothée vînt avec moi ; mais je l'assurai que quelqu'un, à qui l'obscurité est comme la lumière, serait avec moi, et je partis en promettant de revenir le lendemain, si je le pouvais.
Malgré tout mon désir, il ne me fut pas possible de retourner avant le surlendemain. Aussitôt qu'il m'aperçut, il s'écria :
- Je l'ai ! je l'ai ! Sa figure était rayonnante.
- Qu'est-ce que vous avez, André ?
- Presque tout, madame, excepté le ciel ; mais c'est le port pour lequel je suis embarqué ; j'ai mon Pilote à bord ; je lui ai remis le gouvernail, et bien sûr II connaît le chemin.
- Racontez-moi donc ce qui s'est passé.
- Eh bien, madame, après votre départ j'étais de nouveau tout misérable, je ne pouvais penser qu'à mes péchés et à ma noire ingratitude. Oh ! quelle nuit je passai ! Toute la journée d'hier aussi, voyant que vous ne veniez pas, je me disais que Dieu m'avait abandonné, et je ne pouvais pas en parler à ma mère, quoique je la visse soupirer en me regardant. Mais voici que, vers le milieu de cette nuit, comme j'étais presque au désespoir, je ne sais comment il se fit que ce nefut plus à moi et à mes péchés que je me mis à penser, mais au père qui va à la rencontre de son fils dans sa misère, et qui lui pardonne entièrement ; et alors, quand mes péchés se présentèrent de nouveau devant moi, quelque chose sembla me dire « André, mon garçon, si tu es un plus grand pécheur que cet homme, cela fait seulement qu'il est un plus grand Sauveur pour être capable de te sauver, » et je m'écriai à haute voix : « C'est cela, Seigneur, j'ai compris maintenant : tu es un assez grand Sauveur pour sauver même un misérable comme moi, car « le « sang de Jésus-Christ purifie de tout péché. » Et il me sembla presque que j'étais dans le ciel. Je ne sais pas comment la nuit s'écoula, je ne ressentais plus ni douleur, ni rien, mais je continuai à Lui parler.
- Votre mère connaît-elle votre joie ?
- Oh ! certainement, je ne pouvais la cacher. Aussitôt que je l'entendis remuer le matin, je me mis à chanter à pleins poumons, et, dès qu'elle m'entendit, elle tomba à genoux et dit au Seigneur qu'il avait fait chanter de joie le coeur de la veuve et répondu à toutes ses prières. Je ne saurais vous répéter la moitié de ce qu'elle dit, car nous pleurions tous deux de joie. Vous voyez, c'est son grand amour qui ouvre les coeurs.

Il était touchant de l'entendre raconter son histoire avec la simplicité d'un enfant. Toutes ses pensées étaient changées ; au lieu de se croire durement traité par Dieu et de Le calomnier, il se jugeait lui-même et justifiait Dieu, tandis queson coeur débordait du sentiment de son ineffable amour.
- Voulez-vous me répéter ce qui est dit de la délivrance de l'abîme ? me demanda-t-il.
- Je lui lus le XXXIIIe chapitre de Job, et, sur sa demande, je le relus encore.
« J'ai trouvé la propitiation, » « j'ai trouvé la propitiation, » répétait-il, avec la conviction que ces paroles le concernaient personnellement. « Garantis-le, afin qu'il ne descende pas dans la fosse, j'ai trouvé la propitiation. » Oh ! combien II a été bon pour moi, qui fus rebelle toute ma vie, et qui ai été dur aussi envers ma mère, car elle ne voulait pas que j'allasse sur mer, et pour cela m'avait fait apprendre le métier de charpentier.
Mais je ne pouvais demeurer en repos ; tous ceux de notre famille avaient été marins, et lorsque je voyais les vagues bleues s'arrondir autour de ce rocher là-bas, il me semblait intolérable de rester à terre ; quand le vent s'élevait avec furie et chassait les grandes vagues toutes blanches d'écume contre les récifs, j'avais encore un plus intense désir de me mesurer avec elles. À la fin je n'y pus plus tenir et je dis à ma mère : « Mère, donne-moi ta bénédiction, et laisse-moi aller. »
C'était cruel de ma part, car elle n'avait que moi ; mais elle me répondit seulement : « Le Seigneur t'a gardé jusqu'ici, mon fils, et II me donne de la force, même pour cela. » Bien souvent, dans mes veilles de nuit, je repensai à ces paroles et me demandai ce qu'elle avait voulu dire ; ces paroles me donnaient l'impression que j'avais agi comme un lâche ; mais je comprends tout à présent.

Je désirais beaucoup voir cette veuve, dont la foi me semblait si lumineuse, et dont le fils parlait d'une manière si touchante ; mais des semaines se passèrent avant que mon désir se réalisât, car elle ne rentrait pas assez tôt de son ouvrage. À la fin, nous nous rencontrâmes ; un seul regard sur son visage révélait la paix qui régnait dans son âme. Son fils lui ressemblait beaucoup ; elle avait les mêmes yeux bleus limpides, la même expression de franchise et le même radieux sourire que j'avais remarqué tout d'abord chez lui ; seulement, le regard de la mère avait une indescriptible douceur et un calme qui était plus que de la patience et de la résignation, c'était le regard de quelqu'un qui avait longtemps marché paisiblement avec le Seigneur. Je sentis immédiatement qu'elle avait été avec Jésus, tellement qu'auprès d'elle il me semblait Le connaître mieux. Sa manière de s'exprimer n'avait rien de recherché ; elle n'employait pas des phrases toutes faites, mais lorsqu'elle parlait de Lui, c'était comme de quelqu'un qu'elle connaissait bien et sur l'amour duquel elle avait appris depuis longtemps à se 'reposer. Cependant son ton était aussi plein de respect que son amour était profond.
Elle était beaucoup trop humble pour deviner quel rafraîchissement et quel encouragement je trouvai dans cette visite, quelle douce saveur de Christ elle me laissa ; mais lorsqu'elle remerciale Seigneur d'avoir exaucé la prière qu'elle lui avait adressée que nous pussions nous rencontrer, je sentis bien que tout le gain était de mon côté.

Pendant quelques semaines, je continuai à voir son fils chaque jour, car j'avais découvert qu'il ne savait guère que ses lettres, ce qui expliquait l'absence de livres autour de lui. Son désir de pouvoir lire la parole de Dieu lui-même était si grand, qu'il accueillit avec bonheur l'offre que je lui fis de lui aider, et ses progrès furent très-rapides. Quelquefois il souffrait trop pour être capable de rien faire ; je me contentais alors de lui faire une lecture. Il lui arriva même de n'être pas du tout en état d'écouter ; mais son désappointement fut si grand un jour que j'étais partie doucement sans rien dire, parce qu'il semblait trop mal pour être dérangé, que je ne le refis plus.
- Cela ne me fatigue jamais, au contraire, cela me fait toujours du bien, me dit-il ; quand vous me lisez toutes ces belles choses, je les comprends mieux ; il me semble que c'est comme lorsque je grimpais aux mâts pour apercevoir de loin la terre vers laquelle nous cinglions.

La parole de Dieu et le chant des cantiques faisaient ses délices. Son esprit, naturellement joyeux et plein d'entrain, trouvait maintenant son élément dans les chants d'amour et de louanges à Celui qui l'avait sauvé. Je m'étais attendue à ce qu'une fois la première joie passée, il retomberait quelquefois dans son ancien sentiment de tristesse à cause de son incapacité ; mais celan'eut pas lieu ; bien des fois j'ai été émerveillée en voyant ce que Dieu avait fait pour le fort et intrépide marin. Lui, autrefois si fier de son indépendance, si heureux d'aider les autres, était satisfait maintenant d'être entièrement dépendant, même pour les plus petites choses. C'était là une chose plus étrange encore que des souffrances supportées avec joie. Je lui demandai une fois si les journées lui semblaient bien longues.
- Mais non, madame, me répondit-il simplement, je ne suis jamais seul à présent ; Jésus est là, et quoique je sois infirme, Lui est fort ; il n'est pas dur de dépendre de Lui. Et quant à ma mère, je lui dis qu'il l'aime plus que je ne le fais, et je sais que je peux me fier à Lui pour prendre soin d'elle. Après tout son amour, comment pourrais-je jamais me défier de Lui ? Puis, vous ne pourriez croire la quantité de petites choses qu'il me donne de faire pour Lui ; je le Lui demande, et II le fait.

Une fois seulement je vis un nuage assombrir le visage d'André ; ce fut lorsque quelques-uns de ses anciens camarades essayèrent de le plaindre en disant que le Tout-Puissant l'avait traité bien durement ; il fit un mouvement comme s'il avait reçu un coup.
- Ne parlez pas ainsi, camarades, cela me rappelle ma propre ingratitude envers Lui. Il m'a retiré de la bouche même du gouffre de l'enfer.
Oh ! si seulement vous Le connaissiez ! Je ne voudrais pas changer de condition avec aucun de vous, car II a été plein de bonté envers moi ; jene voudrais pas être votre ancien André, car je ne Le connaissais pas alors.
Puis il leur parla d'une manière si simple, si touchante de Jésus, qu'à la fin plus d'une manche d'habit passa rapidement sur ces rudes visages pour cacher les larmes involontaires qui s'échappaient de ces yeux peu habitués à pleurer. Le Seigneur lui a donné d'être en bénédiction auprès de plusieurs de ses anciens compagnons, et le petit Timothée a appris de sa bouche l'histoire bénie de l'amour de Jésus.

Ce fut sa « noire ingratitude » qui le convainquit de péché ; ce fut le « merveilleux amour de Dieu » qui le convertit. Le diable avait été à l'oeuvre près de lui, lui répétant l'ancien mensonge par lequel il a séduit des milliers d'âmes depuis Eve, cherchant à lui persuader que Dieu est un Dieu dur, qui avait voulu son malheur ; mais il connaissait maintenant le vrai caractère de ce Dieu, qui nous a tellement aimés, qu'il a donné son Fils ; il avait appris à connaître le coeur de Dieu dans la personne de Jésus, dont il pouvait dire avec reconnaissance, même avec allégresse et triomphe : « II m'a aimé, II s'est donné pour moi. »
Lecteur, pouvez-vous dire la même chose ?

FRAGMENT

Dieu conduit et accompagne ceux qu'il appelle hors du « monde » qui « gît dans le méchant » et qui va être jugé. Il est dit du bon Berger : « Quand il a mis dehors toutes ses propres brebis, II va devant elles, et les brebis le suivent. »


Table des matières par ordre chronologique

Table des matières par ordre alphabétique



 

- haut de page -