Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LE LANGAGE DU CHRÉTIEN,
ou
SERMON
Sur le Ps. XIX. v. 15.


Pierre Butini
Ministre du Saint Évangile.
 1786
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Que les paroles de ma bouche et la médition de mon coeur te soient agréables, ô Éternel mon Rocher et mon Rédempteur.

Reçois favorablement les paroles de ma bouche Et les sentiments de mon coeur, O Éternel, mon rocher et mon libérateur ! (Ps. XIX. 15)


Mes Frères,
Dans nôtre Action précédente, (03) nous vous avons fait remarquer, en vous expliquant une partie de ce Texte, que l'on pouvait entendre du Cantique même dont il est et en général, des pieuses dispositions que nous devons apporter au saint exercice de la prière.
Nous vous avons dit, que le Prophète, par une humble défiance (méfiance) sur les mouvements de son coeur, prend la sage précaution de demander à Dieu, qu'il daigne supporter avec indulgence les défauts et les imperfections, qui auraient pu infecter le sacrifice de ses lèvres, son attention mal soutenue, des distractions frivoles, des pensées mondaines, une froideur languissante, l'amour des biens terrestres, plutôt qu'une ardeur empressée à obtenir d'eux de la grâce.

Voyons maintenant quelles doivent être les expressions de nôtre bouche, afin que nos prières soient exaucées et agréables à nôtre Père céleste. Que les paroles de ma bouche, que la méditation de mon coeur te soient agréables, ô Éternel, mon rocher et mon Rédempteur !

Il semble d'abord que les paroles sont inutiles dans la prière. Dieu ne peut-il pas développer lui-même les mouvements de nôtre coeur, sans qu'il soit nécessaire que nous les exprimions ?
N'est-il pas vrai que l'Éternel ne regarde point ce à quoi l'homme regarde, qu'il va droit au coeur, qu'il cherche là nos véritables sentiments, qu'il connaît et nos désirs et nos intentions, avant que nôtre bouche les exprime ? Un soupir ardent, une componction (un repentir) vive, une sincère amertume répandue dans nos âmes, de vifs transports de reconnaissance, une confusion salutaire ; Voilà ce qui fléchit sa colère ! Voilà ce qui fait tomber la foudre de ses mains ! Voilà ce qui émeut en nôtre faveur les entrailles de ses compassions, et qui attire et sur nos personnes et sur nos soins les bénédictions célestes.

J'avoue, Mes Frères, que la Divinité n'a pas besoin du secours de nos paroles, pour s'instruire de nos nécessités, et des sentiments de nôtre âme. Mais il ne s'ensuit pas de là, qu'en elles-mêmes, elles soient inutiles.
Elles fixent nôtre attention, elles animent nôtre zèle, et elles nous engagent à consacrer à la dévotion un espace de temps plus considérable. Il est très difficile d'attacher nôtre esprit à ce qui ne frappe pas nos sens, qui ne flatte pas nos passions, qui ne réveille pas nos convoitises. Nôtre application se relâche et se dissipe, nôtre imagination s'égare, nos pensées pieuses s'évanouissent, des rêveries frivoles, et souvent criminelles en prennent la place, et une méditation, qui aura commencé par des mouvements, par des réflexions toutes Chrétiennes, finira quelquefois par des extravagances toutes charnelles et profanes, sans que l'on se soit aperçu comment a pu se faire une révolution si étrange et si soudaine.

Telle, est nôtre déplorable faiblesse, tel est nôtre peu d'attachement, et pour la gloire de nôtre Dieu, et pour la sanctification de nos âmes.
Telle est la pente qui nous ramène sans cesse vers la terre, lors même que nous cherchons le plus à nous en éloigner, et à nous tourner du côté du Ciel par des pensées, par des vues toutes saintes, et toutes célestes. Au lieu que les paroles qui donnent, si on peut le dire, du corps à nos pensées, semblent très propres à empêcher ces dissipations, ces égarements si inconcevables. Il est impossible qu'en priant, nous mêlions des expressions profanes, parmi de saintes et de pieuses, à moins que nôtre raison ne se trouble et ne s'égare, Et il est bien malaisé, que des paroles qui ne respirent que la dévotion, que la repentance, n'excitent pas dans nos âmes, des mouvements et des idées qui y répondent.
Il est vrai que souvent le coeur demeure éloigné de Dieu, tandis qu'on s'en approche des lèvres. Toutefois, cela est moins facile et plus rare, que si destitués du secours des paroles, nous nous abandonnions entièrement à nôtre méditation et à nos pensées, qui ne manqueraient pas de s'égarer insensiblement, et de nous emporter bien loin du premier objet de nos réflexions.

Combien de gens encore, qui sont presque incapables de penser d'eux-mêmes, qui ne savent presque pas ce qu'ils doivent demander à Dieu, qui tout remplis de leurs besoins temporels et de leurs sollicitudes mondaines, borneraient leurs voeux à demander les biens et les douceurs de cette vie, si la lecture ou la récitation d'une prière bien conçue, n'élevait leurs désirs vers les biens précieux ; et de la grâce et de la gloire ; qui soupirant seulement après les richesses périssables, après les délices du présent siècle, négligeraient entièrement de demander à Dieu la sanctification de leurs âmes, et la grâce de la repentance.

Mais quelles doivent être les paroles de nôtre bouche, afin que Dieu les agrée ? des paroles humbles, respectueuses, vives, il faut que de l'abondance de nôtre coeur, nôtre bouche parle. II faut y imprimer un caractère de vénération, d'empressement, d'affection qui se ressente des pieux mouvements, dont nôtre âme est pénétrée. Nôtre amour s'enflamme, nôtre zèle s'anime encore davantage, à mesure que nous lui donnons effort par des paroles pleines d'ardeur. L'attention se soutient, le coeur s'échauffe ; et nos prières en sont plus appliquées, et plus ferventes.

Mais il est surtout nécessaire d'exprimer les mouvements et ses désirs par des paroles, lors qu'il s'agit d'édifier l'Église par des témoignages solennels de son zèle et de la reconnaissance ; lorsqu'il s'agit d'inspirer aux autres, les sentiments dont on est pénétré soi-même lorsqu'il s'agit d'exciter dans leur âme les saints transports dont on se sent animé ; lors qu'il s'agit d'élever tous ensemble son coeur, ses mains pures au Ciel, pour obtenir miséricorde.

C'est surtout les Ministres de l'Évangile qui doivent demander à Dieu, que les paroles de leur bouche lui soient agréables. Il ne suffit pas que nous ayons dans le fond du coeur les dispositions saintes dont la prière des fidèles doit être accompagnée ;

- II faut que nous les portions dans celui des autres,
- il faut que nous y allumions le feu céleste, qui enflamme nos désirs et qui les épure ;
- il faut que nous réveillions par des expressions vives et animées, leur attention trop assoupie dans les fonctions du culte Évangélique,
-
il faut que nous touchions leurs coeurs endurcis, et que nous arrachions de leurs yeux les larmes d'une componction amère,
- il faut que nous brisions leur orgueil et : que nous les forcions à s'humilier devant le Trône de leur Juge ;
- II faut que nous leur fassions comprendre et la grandeur de leurs fautes, et la noirceur de leur ingratitude, afin que leur repentance y soit proportionnée ;
- II faut que nous leur fassions de nobles peintures des grandeurs du Maître du monde, afin de les porter efficacement à s'anéantir en sa présence ;
- il faut que nous étalions ses bienfaits à leurs yeux de la manière la plus touchante et la plus propice à les pénétrer d'une gratitude sans bornes ;
- il faut que nous animions leurs voeux languissants, et que nous leur fassions goûter les douceurs, le prix de la grâce, que nous levions le voile épais et impénétrable à nos faibles regards, qui nous dérobe la vue des merveilles de la gloire, afin de les faire soupirer après leurs possessions, avec une ardeur vive ; afin de répandre dans nos prières une véhémence toute sainte, qui ouvre le Ciel en leur faveur, et qui attire sur eux une abondante mesure de toutes sortes de grâces temporelles et spirituelles.

Il nous est impossible de nous-mêmes de tirer la louange de Dieu de ces bouches stupides et muettes, il faut qu'il nous inspire par son Esprit des expressions et des mouvements capables d'amollir ces coeurs de pierre, et d'y allumer les flammes d'une dévotion fervente. Que les paroles de ma bouche te soient agréables.

Une autre condition, qui nous est prescrite par le Seigneur Jésus lui-même, c'est que nous n'usions pas de vaines redites dans les prières que nous adressons à Dieu.
Vous diriez que l'on se défie de sa pénétration et de ses lumières, que ses oreilles sont appesanties, qu'il faut rappeler les choses plus d'une fois, afin de les lui faire entendre. C'est un effet de nôtre impatience ; nous ne saurions attendre tranquillement le jour du Seigneur ; le moindre délai nous inquiète, nous rebute, et il semble à certaines gens, qu'à force de réitérer les mêmes demandes, elles seront plus promptement et plus facilement exaucées.
Erreur absurde et qui fait voir que les hommes se forment bien souvent des idées fausses et ridicules de la Divinité, et que malgré toutes les lumières que l'Évangile leur donne, ils ne sauraient s'empêcher de la transformer en leur ressemblance.
Ainsi Moïse frappe plus d'une fois le rocher, comme si le second coup eût dû faire plus d'impression que le premier sur cette pierre.
Ainsi les Païens ne composaient leurs prières, que de répétitions superflues et ennuyeuses. Ainsi les Juifs d'aujourd’hui affectent de redire cent fois les mêmes choses dans leurs prières, comme si elles devaient en être plus prenantes et plus efficaces.

Nous avons, Mes Frères, un excellent modèle de nos Oraisons dans celle que le Sauveur du monde nous a dictée de sa propre bouche. Elle est fort courte, afin de ménager nôtre faiblesse, de peur que nôtre attention fatiguée ne se relâche, et que nôtre zèle ne se ralentisse : et elle ne dit rien d'inutile, ce qui est plus respectueux, et qui témoigne plus de confiance.

Mais ne bornons pas, Mes Frères, le sens de nôtre Texte aux expressions qu'il faut employer dans la prière, afin qu'elle soit agréable à nôtre bon Père. Étendons-le généralement à toutes les paroles de nôtre bouche. Rien n'est plus indispensable que de demander à Dieu qu'il les règle. Les fautes que nous commettons à cet égard, semblent la plupart légères ; mais elles sont aussi très fréquentes ; elles reviennent presque à tous moments. L'on peut dire même, qu'il nous arrive rarement d'ouvrir la bouche sans qu'il y ait quelque chose à reprendre aux paroles qui en sortent.
On peut prendre des précautions plus sûres contre les péchés d'un autre genre, on ne les commet pour l'ordinaire qu'après de longues réflexions, et une délibération tranquille.
Un vindicatif qui songe à nuire, ne trouve pas d'abord l'occasion de satisfaire son ressentiment, il faut qu'il cherche avec application les moyens de donner effort à la fureur qui le possède.
Mais pendant ce temps-là, il peut rentrer en lui-même, faire de sages réflexions sur le funeste état de son âme, comprendre toute la noirceur du crime qu'il cherche à commettre, calmer les fougues impétueuses de la passion qui le transporte, et la sacrifier enfin à sa raison et aux maximes de l'Évangile.

Un homme qui cherche à s'enrichir, par toutes sortes de voies, roule souvent dans sa pensée mille funestes projets avant que d'en former qui soient avantageux et praticables, et ce n’est qu'à force de rêver sur les moyens de faire sa fortune au préjudice d'autrui, qu'il découvre à la fin les artifices qu'il doit mettre en oeuvre les pièges qu'il peut tendre.
Tout cela laisse à la conscience le temps de se réveiller, de l’émouvoir par ses remords et par ses reproches, et de l’empêcher de mettre dans sa maison un interdit qui ne manquerait pas d'attirer sur lui la vengeance céleste.

Mais les paroles nous échappent, avant que nous ayons eu le loisir de peser ce que nous allons dire, et d'en prévoir les conséquences, souvent même sans que nous y fassions la moindre attention, sans que nous nous en apercevions nous-mêmes. Les fautes d’une autre espèce ont un caractère d'atrocité qui fait que l'on s'y accoutume avec peine ; mais nous verrons tous les jours une infinité de gens qui tombent sans cesse dans les mêmes péchés de la parole ; avec autant de tranquillité que si leurs discours étaient entièrement conformes à la charité et à la pureté Chrétienne.

Combien de paroles indiscrètes ?
Combien de railleries piquantes ? Combien de médisances empoisonnées ?
Combien de jurements profanes et inutiles ?
Combien de faussetés et de mensonges ?
Combien d'expressions déshonnêtes ?
Combien de maximes relâchées, et propres à séduire ceux qui les entendent ?
Combien de discours oisifs qui ne tendent ni à la gloire de nôtre Dieu, ni à l'édification, ni à l'avantage temporel de nos Frères et de nous-mêmes ?

Examinons sérieusement nôtre conduite, et nous découvrirons à nôtre honte, que presque toutes nos conversations ne sont qu'un tissu continuel de ces paroles que l'Écriture Sainte condamne !
Quel prodigieux entassement de fautes de cette espèce ! Et quand elles seraient en effet légères et pardonnables, ne formeraient-elles pourtant pas à la fin des masses énormes et accablantes ?

Je frémis, Mes Frères, et je me trouble, quand je pense qu'il n'y en a aucune dont nous ne devions rendre compte. De mille articles qu'on nous proposera, nous ne saurions répondre à un seul.
Et ce qui nous rend plus inexcusables, c'est que nous sommes à cet égard d'une nonchalance, d'un relâchement incompréhensible ; c'est que nous ne pensons point du tout à sanctifier nos paroles, et à les rendre à force de soins, plus pieuses et plus édifiantes.
D'ailleurs un mot, un seul mot peut avoir des suites terribles. Les haines les plus implacables, les plus cruelles, les vengeances outrées et funestes n'ont souvent point d'autre principe. L'on pardonnera plus aisément un préjudice considérable qu'on aura pu causer à nôtre fortune ; ou par des motifs d'intérêt, ou par des vues ambitieuses, qu'une raillerie mortifiante, qui semblera partir d'un fonds de mépris, et avoir un caractère d'insulte.
C'est là, ce qui laisse dans le fond de l'âme des plaies profondes et mortelles. C'est la source la plus fréquente de ces divisions irréconciliables, qui rendent la vie si amère !
C'est là ce qui excite avec le plus de force, le ressentiment et la rage de ceux que l'on attaque, que l'on blesse d'une manière si outrageante.

Cependant, qui est-ce qui résiste à la tentation de se divertir, et de donner effort à sa malice aux dépens des autres, surtout quand on peut ; le faire avec quelque esprit, et s'attirer par là, de ces louanges pernicieuses, qui servent de pâture à la malignité, qui l'entretiennent, et qui la rendent plus hardie ?
Oui, la plus légère marque d'approbation que nous puissions donner aux pernicieuses faillies de ces langues empoisonnées, nous rend les complices de leur faute.
Cependant il n'y a rien sur quoi on se croit moins obligé de se contraindre, et dont on se fasse moins de scrupule. On s'en ferait peut-être de relever soi-même avec malice, les défauts et le ridicule du prochain ; Mais on se croit fort autorisé de se réjouir des traits perçants, que d'autres lui portent avec une pernicieuse adresse ; et il ne faut pourtant qu'un mot, que dis-je, qu'un air de satisfaction et de joie, pour animer leur malice, et pour se rendre, par conséquent, coupable des funestes suites qu'elle peut avoir, et des désordres qu'elle cause,

Qu'on juge par là avec quelle précaution nous devons observer tous les mouvements de nôtre langue, afin qu'il ne lui échappe rien d'opposé aux préceptes de l'Évangile. De quoi dépend la réputation la plus entière, la mieux établie ? D'une médisance qui la noircira ou qui au moins la rendra suspecte. En vain aura-t-on vécu dans l'innocence, en vain aura-t-on ménagé tous les dehors, même d'une manière à ne donner aucune prise. Le moindre relâchement sur de simples apparences, dont on ne saurait tirer aucune conséquence légitime, par rapport au fond de la conduite, donnera lieu à des jugements téméraires, et souvent ridicules. Mais qui répandus, ou avec affectation, ou par imprudence, qui goûtez et reçus avec cette avidité maligne, qui fait croire sans examen tous ces bruits désavantageux, fussent pour décrier la personne du monde la plus réglée, la plus vertueuse, et pour la couvrir à jamais, de confusion et d'opprobre.

Quel compte, quel terrible compte n'aura-t-on pas à rendre ? Non seulement les premiers auteurs de ces iniquités seront responsables devant Dieu, de ce qu'ils auront dit eux-mêmes, ils le seront encore de tout ce qu'ils auront donné lieu de dire, toutes les médisances dont ils seront comme la source, leur seront sans doute imputées. Et tous ceux qui contribuent à les répandre, quoique peut-être moins coupables, n'en seront pas traitez avec beaucoup plus d'indulgence !
Comment échapperons-nous donc, si nous ne mettons dans la suite un frein à nôtre langue, si nous ne parlons toujours avec une circonspection, avec une retenue extrême ? Car qui est-ce de nous qui n'a pas à se reprocher un million de fautes de cette nature ? Oh que Saint Jacques connaissait bien à cet égard, et nôtre vanité et nôtre faiblesse ! Qu'il avait fait de sages réflexions, sur les divisions, sur les désordres, dont nôtre malignité ou nôtre indiscrétion peut être le principe quand il disait (Jacq. ch. 3. v. 5-9) :
La langue se vante de grandes choses, elle est un feu, même un monde d'iniquité, c'est un mal qui ne se peut réprimer, et elle est pleine de venin mortel. Par elle nous bénissons notre Dieu, nôtre Père ; par elle nous maudissons les hommes qui sont faits à l'image de Dieu.

Il est très rare que l'on porte l'excès jusqu'à blasphémer le saint Nom de Dieu, ou à commettre des parjures. Ces crimes sont trop affreux, trop exécrables pour ne pas inspirer de l'horreur à ceux qui ont le moins de délicatesse.
C'est insulter la Divinité ; mais d'une manière directe et immédiate.
C'est fouler aux pieds avec une impiété inouïe ce qu'il y a de plus sacré et de plus vénérable.

Mais parlons-nous toujours de la Divinité d'une manière assez respectueuse ? Ne mêlons-nous point ce Nom auguste parmi des bagatelles, et des discours criminels ?
Ne prenons-nous pas souvent cet Être suprême à témoin pour des choses vaines, et qui ne sont d'aucune conséquence ?
Ne nous arrive-t-il point de faire sur l'Écriture sainte des railleries toutes profanes, ou de les tordre à notre perdition, par des jeux d'esprit et par de mauvaises plaisanteries ?

Ces langues qui ne nous ont été données, pour glorifier nôtre Dieu, et pour édifier nos Frères, les employons-nous à un si légitime usage ? Ses perfections, ses bienfaits, ses lois, ses promesses, est-ce là ce qui fait le sujet de nos conversations les plus ordinaires ? Nous excitons nous les uns les autres, et par de sages exhortations, et par de mutuels exemples à respecter Dieu, à pratiquer ses ordres, à soupirer après ses promesses, à avoir pour un si bon Maître l'amour le plus vif, le plus tendre, et à être pénétrés pour sa bonté, de la reconnaissance la plus parfaite ?
Faisons-nous toute nôtre joie de nous entretenir de la tendresse incompréhensible que le Seigneur Jésus, nous a témoignée, de ses souffrances, de son ignominie, et de l'obligation indispensable où nous sommes, de lui offrir nos corps en sacrifice, de lui immoler nôtre vieil homme, et de charger nôtre croix pour le suivre ?

Au contraire ; nos jours entiers se passent, sans que la Divinité et ses grâces, sans que Jésus-Christ, et tout ce qu'il a fait pour nôtre salut, ait aucune part à nos conversations et à nos pensées.
Les choses de ce monde sont les seules qui nous occupent. Ce qui flatte nos passions et qui les anime ; voilà ce qui fait le sujet de nos entretiens les plus fréquents, les plus agréables. Et il ne faut que les tourner sur des matières de Religion, pour causer bientôt un ennui et une langueur universelle. Qu'on juge après cela, si nous aimons véritablement nôtre Dieu, et si nous sommes tant soit peu touchés de ses faveurs les plus signalées.
Quand nous avons pour une personne un attachement vif et sincère, quand nous lui avons des obligations essentielles, trouvons-nous de plaisir plus pénible que de nous en entretenir, même jusqu'à devenir importuns, et à en fatiguer les autres ?
C'est là l'effet le plus naturel, et de l'amour et de la reconnaissance, et c'en est le caractère le plus sur, le moins équivoque.

Cependant à l'égard de Dieu, on consacre tout au plus une heure ou deux toutes les semaines à entendre représenter (parler de) ses augustes perfections, et les bontés infinies et inénarrables : encore le fait-on avec une froideur, avec une nonchalance extrême. Nous remarquons souvent, que dans le temps même que l'on traite les sujets les plus touchants, et les plus propres à réveiller l’attention, c'est alors que l'on semble les plus distraits, et plongés dans un assoupissement tout à fait criminel. Au lieu de célébrer les louanges de Dieu par de saints Cantiques, lorsque l'on est appliqué à des ouvrages qui ne remplissent pas l'esprit, ou de les interrompre même de temps en temps pour s'acquitter de ce devoir indispensable, on chantera plutôt des chansons frivoles et vaines, souvent même, peu séantes. Tant il est vrai que l'on pense peu à offrir à la Divinité le sacrifice de ses lèvres.

Bien loin de nous instruire les uns les autres de nos devoirs ; bien loin de nous exhorter réciproquement à les mettre en pratique avec toute l'exactitude dont nous sommes capables ; de mettre souvent devant les yeux dans nos entretiens les grands motifs qui nous y engagent, de nous faire des peintures attrayantes des célestes délices et de la gloire qui nous est destinée, de nous dépeindre aussi les peines épouvantables dont l'impénitence sera suivie ; on débite souvent, au contraire, des maximes très pernicieuses et une Morale tout aussi relâchée ; on se flatte les uns les autres sur ses défauts, et l'on se plonge par ce moyen dans une sécurité funeste.

La médisance passe pour un moyen fort innocent d'animer la conversation, et de la rendre plus enjouée.
Des désordres plus criminels encore : « il les faut, dit-on, pardonner à la jeunesse, dont les passions sont plus fougueuses, et la raison encore peu formée. Pourquoi se distinguer par des scrupules, par une réserve affectée ? c'est le moyen de se rendre ridicule, et de se faire soupçonner d'hypocrisie. La miséricorde de Dieu n'a point de bornes, ses compassions sont sans nombre, il aura pour les faiblesses qui nous sont communes avec tous les autres hommes, une indulgence de Père ; il ne nous traitera pas à la rigueur de sa justice, et il n'exige pas de nous une sainteté accomplie. »

Voilà les pernicieuses leçons que les mondains se donnent les uns aux autres !
Voilà comment ils cherchent à s'autoriser eux-mêmes par une malheureuse condescendance (complaisance) pour les fautes du prochain
Voilà comment ces aveugles, mais ces aveugles volontaires, opiniâtres, entraînent d'autres aveugles qui s'abandonnent à leur direction.
On regarde comme un jeu, comme une bagatelle les vices les plus opposés à l'esprit et aux maximes de l'Évangile au lieu d’en parler avec des marques d'indignation et d'horreur, on s'accoutume peu à peu à les regarder de sang froid, et à se les permettre enfin presque sans peine et sans répugnance.
Voilà le poison mortel que l'on avale à longs traits dans le commerce des gens du monde ;
Voilà les maximes profanes que l'on débite souvent soi-même, ou par erreur, ou par une complaisance lâche et impie !
Voilà comment nous avons bien besoin de demander à Dieu qu'il sanctifie les paroles de nôtre bouche, et qu'il les rende plus conformes à ses lois. Que les paroles de ma bouche te soient agréables.

Rien n'est plus commun que d'entendre des discours qui choquent la modestie et la bienséance Chrétienne. Que des Païens stupides et abrutis par les voluptés les plus honteuses fissent gloire de leurs désordres et ne marquassent dans leurs discours, ni retenue, ni délicatesse c’est ce qu'il est aisé de comprendre. Mais que des Chrétiens, que des Disciples de Jésus qui a été la pureté même, que des gens nourris dès leur enfance dans les préceptes de l'Évangile se plaisent à dire des choses indécentes, et ne s'en fassent aucune peine, c'est ce qui n'est pas concevable.

Quoi de plus exprès là-dessus que les exhortations des Apôtres ? (Éphés. IV. v. 29 ; Ch V. 3-4) Que nulle parole impure ne sorte de votre bouche, dit S. Paul, mais ce qui est son à l'usage d'édification, afin qu'il donne grâce à ceux qui vous écoutent ; que toute impureté et que toute souillure ne soit pas même nommée entre vous, ni parole folle qui ne sont pas des choses bienséantes, mais que ce soient plutôt des actions de grâces.

Quoi de plus honteux, quoi de plus méprisable que ce caractère ?
Quoi de plus indigne et de la qualité d'enfants de Dieu, et du titre de Chrétiens, et de la grandeur de nos destinées, et de la noblesse de nos espérances, et de l'excellence de nôtre nature, et de l'immortalité de nôtre âme ? N'est-ce pas profaner le saint Nom de Dieu, que de le prononcer ensuite avec des langues aussi impures et aussi souillées ? Et de quel front (affront) de lui adresser des prières avec des bouches ainsi infectées par une honteuse licence ?

Nous n'avons naturellement que trop de penchant au libertinage, sans chercher encore à le réveiller par des discours, qui enflamment les passions et qui irritent les convoitises. Nous devrions bannir avec soin de nôtre esprit toutes les idées qui y ont le moindre rapport, bien loin d'en faire le sujet de nos entretiens ordinaires.
Et quand on serait soi-même à l'épreuve de ces tentations, de ces pièges, fait-on les impressions funestes que peuvent faire dans le coeur des autres les libertés que l'on se donne ? Sait-on si on ne scandalisera point quelque bonne âme, quelque personne pieuse ?

Sait-on si on n'exposera point l'Évangile à l'opprobre, et aux reproches des incrédules ? On peut avoir mille raisons de cette nature d'être modeste et retenu dans ses paroles, et quand on n'en aurait pas d'ailleurs, il suffit que nôtre devoir, que les préceptes des Apôtres nous y obligent d'une manière indispensable.
Après cela i il n'y a plus ni de réplique ni d'excuse qui nous autorise. Tout cela nous contraint, nous gêne, nous coûte, tout cela se trouve opposé, peut-être, à des habitudes et longues et invétérées. Mais demandons à Dieu avec ardeur, qu'il nous en corrige par un effet puissant de sa grâce, disons-lui, avec le Psalmiste, Que les paroles de ma bouche te soient agréables.

Mais ce qui doit surtout nous effrayer, c’est que le Seigneur Jésus assure, que (Matt. ch. XXII. v. 36.) nous rendrons compte, même d'une parole, inutile.
Sentence terrible sans doute, mais qui sera pourtant exécutée, puisque la Vérité même nous l'assure de sa propre bouche.
Qui est-ce qui s'examine sérieusement sur l'observation de ce précepte ?

Les plus scrupuleux se contentent : de n'avoir pas à se reprocher des discours criminels, qui blessent le prochain, qui le scandalisent, ou qui marquent peu de respect pour la Divinité, et on est fort satisfait de soi-même, quand il n’est rien échappé de cette nature. Mais de bagatelles dont on s'occupe, tant de vices dont on fait le sujet de ses entretiens ordinaires, on ne s'avise pas de se condamner là-dessus, et on se les permet durant la vie entière, sans réflexion et sans scrupule. Si elles ne choquent pas la Divinité d'une manière formelle, elles la font oublier pourtant, et elles n'ont aucun rapport, ni à l'amour que nous lui devons, ni à l'avancement de sa gloire. Si elles ne nuisent pas aux autres, elles les distraient au moins des méditations plus importantes et plus sérieuses, et elles ne contribuent ni à les toucher, ni à les instruire. Ainsi elles nous font manquer à des devoirs très essentiels, que nous devrions avoir en vue, non-seulement dans toutes nos actions, mais encore dans toutes nos paroles.

Il ne faut pas croire pourtant qu'il y ait du crime à ne pas s'entretenir sans cesse de choses pieuses. Nôtre esprit n’est pas capable d'une attention longtemps soutenue, il a besoin de temps en temps de relâche, et un honnête délassement dans des conversations moins graves n'a rien que de très légitime. Les entretiens même qui contribuent à rendre à nôtre esprit sa première force, à nous mettre plus en état de nous appliquer avec une nouvelle ardeur à des occupations importantes, ne doivent pas passer pour inutiles. De même que le temps que nous donnons au repos, n'est pas un temps qu'il faille regarder comme perdu, puisque nous en avons indispensablement besoin, et que nous ne saurions soutenir une fatigue continuelle.

Quand est-ce donc que les paroles commencent à devenir oisives ?

C'est lors que nous mettons un temps trop considérable à nous entretenir de choses indifférentes, et inutiles.
C'est lorsque nous ne nous bornons (limitons) pas à en parler autant (plus) que nous en avons absolument besoin pour rendre ensuite nôtre attachement aux oeuvres de nôtre vocation plus fort et plus durable, de même que le repos dégénère, en une criminelle et honteuse paresse lorsqu'on s'y abandonne mollement, et qu'on y perd un temps précieux dont on pourrait faire un meilleur usage.
Il n'y a point de devoir plus négligé que celui-ci, On ne saurait être engagé tant soit peu dans le monde, sans y manquer très fréquemment, et sans se rendre par conséquent fort coupable.
On ne peut pas toujours se rendre maître de la conversation, on est comme obligé de se conformer au goût et à l'exemple des autres. On passerait pour ne pas savoir vivre, ou pour avoir une dévotion mal placée et mal entendue, si l’on voulait interrompre la suite de ces discours frivoles, afin de les rendre plus Chrétiens et plus utiles.

Ainsi, mes Frères, le seul moyen de ne pas se rendre complices des vains amusements du monde, c'est que ceux qui ont à coeur leur salut, doivent éviter ce commerce autant qu'il leur est possible, et faire leur occupation la plus ordinaire, la plus agréable, de penser, et à l'amour que Dieu nous témoigne, et au bonheur immense qu'il nous destine.
Mais pour cela le secours d'en-haut nous est indispensablement nécessaire. II n'y a que l'Esprit Saint, qui puisse nous inspirer un goût vif et attachant pour les choses célestes, nous y faire trouver mille charmes, rendre ces idées si consolantes toujours présentes à nôtre esprit, et nous faire regarder au contraire comme ennuyeux et comme fades, tous les amusements du présent siècle.
Pour cela, il faut nous refondre en quelque manière, il faut changer cette pente charnelle qui nous attache avec tant de force à ce qui frappe nos sens, à ce qui flatte nos convoitises.
Il faut répandre une amertume salutaire sur les joies de la terre, qui nous en dégoûte.
II faut allumer dans nôtre coeur un feu tout céleste, et qui éteigne celui de nos passions vicieuses.
Il faut inspirer (aspirer à) une extrême délicatesse sur ce qui peut déplaire à nôtre Souverain Juge, afin de l’éviter avec une scrupuleuse exactitude. Que les paroles de ma bouche, que la méditation de mon coeur te soient agréables.

Nôtre Prophète joint les pensées du coeur aux paroles de la bouche, à cause de la parfaite conformité qui doit se trouver entre les unes et les autres. Nos pensées doivent être, et la règle, et la source des paroles, soit à l'égard du grand devoir de la Prière, dont nous avons parlé au commencement de ce Sermon, soit à l'égard de tous nos autres discours.

Dans nos prières nous ne devons rien demander à Dieu, que ce que nôtre âme désire. Combien de fois pourtant n'implorons-nous pas son secours de la manière en apparence la plus vive et la plus pressante, quoique nous ne souhaitions que faiblement que nos demandes soient exaucées ?
Vous diriez que la grâce du Très-Haut comble nos coeurs d'une joie plus touchante que tous les biens, que tous les plaisirs du monde ! Et cependant à peine en sentons-nous la nécessité, à peine songeons-nous à l'obtenir. Nôtre bouche parle sans que le coeur, sans que de sincères intentions l'animent. Souvent même (tel est le dérèglement naturel de l'homme) il est si fort possédé par ses passions vicieuses, il sent tant de plaisir à les satisfaire, il s'en figure si peu dans la pratique de la vertu qu'il croit languissante et chagrine ; il s'imagine que la tranquille satisfaction d'une bonne conscience est si peu de chose, qu'il serait peut-être fâché que la Grâce le dégoûtât des attraits du vice, sans lequel la vie lui deviendrait ennuyeuse et insupportable.
Nous demandons à Dieu que sa volonté soit faite, et nous sommes tout résolus à avoir pour nos faiblesses, des complaisances aveugles, à les entretenir, à les satisfaire, à les rendre tous les jours plus vives et plus indomptables ; ou, au moins, nous ne songeons point à les combattre, a les réprimer et à les vaincre.

Nous croupissons actuellement dans de mauvaises habitudes, et nous ne daignons pas faire le moindre effort pour y renoncer par un amendement sincère. Peut-être serions-nous bien aise que Dieu nous sanctifiât, sans qu'il nous en coûtât ni application, ni peine ! Peut-être est-ce de cette manière que nous lui demandons l’accomplissement de ses ordres ? Mais ce n’est pas aux tièdes, aux lâches et aux timides qu'il accorde son esprit et ses grâces.
Nous prions nôtre Souverain Juge qu'il nous pardonne nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé ; mais nous lui adressons nos voeux le coeur rempli de haine et d'animosité, dans l'intention de venger à la rigueur les injures qu'on nous aura faites, ou de conserver au moins pour nos ennemis une aversion ou des froideurs immortelles. 
De bonne foi, dans ces occasions, les pensées de nôtre coeur s'accordent-elles avec les paroles de nôtre bouche ? N'y-a-t-il pas dans nos expressions un déguisement trompeur et une noire hypocrisie ?

Nous n'employons qu'une demande de l'Oraison Dominicale à prier Dieu de nous donner les choses dont nous avons besoin pour la vie présente, et c'est pourtant ce que nous désirons avec le plus d'ardeur : c'est le principal motif de nos prières les plus ferventes !
Et les grâces spirituelles, qui remplissent seules tout le reste de cette excellente prière, sont ce qui nous tient le moins à coeur, c'est ce que nous ne demandons presque que pour la forme, tant il est vrai que nos empressements extérieurs n'ont pas leur source dans les sentiments de l'âme.
Si nous prétendons tromper en quelque manière la Divinité par de fausses apparences, combien plus dans nos discours ordinaires abusons-nous de la crédulité et de l'ignorance des hommes par des paroles dissimulées ?

Combien de faux dévots qui tiennent les discours du monde les plus édifiants, qui semblent être tout pénétrés de leurs devoirs, des bontés de leur Créateur, de l'excellence de l'Évangile, et de celle des biens ineffables qu'il fait espérer aux Fidèles, et qui dans le fond de l'âme sont vicieux, fourbes, intéressés, sensuels, orgueilleux, et capables presque de tout, lorsqu’ils peuvent cacher leurs désordres ?
Combien de gens qui font paraître sur les défauts et les faiblesses du prochain, une sévérité excessive ? qui sont impitoyables ? que l'on croirait rongés du zèle de la gloire de Dieu, à la vue des dérèglements qui couvrent la face de la terre, et qui s'en permettent en secret d'aussi criants et d'aussi atroces ?
Que les paroles de nôtre bouche soient donc à tous égards, sincères, conformes aux mouvements de nos coeurs, et qu'elles en découlent comme d'une source pure, Que les paroles de ma bouche et la méditation de mon coeur te soient agréables O ! Éternel, mon Rocher et mon Rédempteur,

Oui, mes Frères, nôtre grand but doit être de plaire à Dieu, c'est par ce principe et dans cette vue que nous devons agir, c'est ce qui doit animer et nos paroles et nos démarches. Nous pourrions ne rien nous permettre qui fut contraire aux Lois de l'Évangile, et le faire par des motifs tout étrangers, qui n'auraient aucun rapport avec ce que nous devons à nôtre Juge et à nôtre Maître. Ce n'est pas le moyen de lui devenir agréables, et il ne faut pas nous flatter qu'il nous tienne compte de ce que nous faisons par des principes de cette nature.
On s'abstiendra du mensonge, parce qu'il est en soi-même honteux, méprisable, parce qu'on y a attaché dans le monde une idée de bassesse et d'infamie, parce que cela empêcherait qu'on eût en nous aucune confiance. 
Ce n'est pas pour être agréable à Dieu que l'on est sincère, c'est pour attirer l'estime des hommes, ou afin d'éviter l'opprobre dont la mauvaise foi est accompagnée. On ne dira rien qui puisse blesser la modestie la plus délicate. Mais ce n'est pas parce que l'Évangile nous défend les paroles déshonnêtes ; ce sera afin de passer pour avoir de la politesse, pour connaître les bienséances, pour savoir ménager la délicatesse de ceux à qui l'on parle ; c'est pour le monde que l'on se gêne, et non pas par déférence et par soumission pour les ordres de nôtre grand Maître.

On ne médira de personne, afin de s'attirer une réputation de bonté, de peur de se faire des ennemis qui puissent nuire, afin de se conserver l'affection de tout le monde par des égards, et par politique, ou parce que l'on manque de talents pour relever avec adresse le ridicule du prochain ; autre retenue où la Divinité n'a aucune part et qui n'a point d'autre motif que nôtre intérêt, nôtre défiance.
Enfin on évite avec soin de railler les autres, de peur de s'attirer à son tour quelque mortification chagrinante, de peur de se voir attaqué par les endroits où l'on donne prise. Modération apparente, vertus trompeuses, et qui n'ont que l'écorce l

C'est, mes Frères, parce que nous parlons devant Dieu, c'est de peur de violer ses Lois, d'attirer sa haine, et de perdre sa bienveillance, que nous devons faire sur nos paroles une attention sérieuse et continuelle, et non pas pour nous conformer au goût du monde afin de nous ménager sa faveur et son approbation.
Et ce qu'il y a de plus déplorable, c'est que cette même contrainte à laquelle nous nous soumettons avec facilité, avec joie, lorsque le monde nous y engage, nous ne saurions presque gagner sur nous, de nous y soumettre, quand il s'agit de pratiquer les ordres de nôtre Père Céleste.
On mentira avec impudence, on emploiera sans peine les fourberies les plus odieuses, lorsqu'on se flatte de ne pouvoir pas en être convaincu devant les hommes ; on insultera avec une fierté brutale ceux dont on n'a pas lieu de craindre le ressentiment, quoi que l'on sache assez qu'un Dieu vengeur les protège, et que nos artifices les plus cachés n'échappent pas à sa connaissance.

Mes Frères, appliquons-nous avec plus de soin à nous rendre agréables à nôtre Créateur ; mille motifs tous pressants, tous indispensables nous y obligent. 
Nous devons le faire par respect : nous ne saurions avoir pour lui une vénération assez profonde, une déférence assez humble. 
Nous devons le faire par des principes d'attachement, de tendresse. Quoi de plus digne de l'amour le plus vif, le plus ardent, qu'un Être tout bon, tout miséricordieux, tout sage, en un mot qui possède dans un degré suprême toutes les perfections imaginables ?
Nous devons le faire par reconnaissance ; le nombre de ses grâces nous confond, nous ne saurions en faire le compte, et elles font outre cela d'un prix immense et inestimable.
Nous devons le faire afin de nous rendre souverainement heureux ; la félicité qu'il promet aux Saints est infinie et n'aura point de bornes. 
Nous devons le faire, pour éviter les supplices affreux qui sont destinés au crime, à ces langues menteuses ; venimeuses, qui seront punies, aux siècles des siècles sans adoucissement, sans consolation, sans espérance, sans pouvoir obtenir une goutte d'eau qui éteigne les ardeurs dont elles seront dévorées.

Quel ne ferait donc pas nôtre endurcissement, si tant de motifs ne fléchissaient nôtre coeur avec une efficace victorieuse ? Ne faudrait-il pas que nous fussions des monstres d'insensibilité et d'obstination ?

Au nom de Dieu, Mes Frères, ne soupirons qu'après le bonheur sans égal de plaire à nôtre Souverain Juge, et de nous attirer pour jamais sa faveur et sa bienveillance. Elle ne sera pas infructueuse et vaine comme l'est souvent l'affection des hommes. Elle sera accompagnée dès cette vie des consolations les plus douces et les plus touchantes, des bénédictions les plus précieuses, et elle nous introduira après la mort dans le brillant séjour de l'immortalité et de la gloire, où nous serons éternellement occupés à chanter les louanges de nôtre Dieu, avec les Anges et les Saints, où toutes les paroles de nos bouches seront véritablement agréables à Dieu nôtre Rocher et nôtre Rédempteur.
Ainsi soit-il.


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