Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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(Notre confession de foi: ici)
Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



LA SENTENCE DE MORT,
ou
SERMON
Sur le II. Liv. des Rois Chap. XX. v. 1.


Colas de la Treille
 1778
***********
Prononcé à Rotterdam, le Lundi matin premier Janvier 1714.

 

Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir.

JE le hais : car il ne prophétise jamais que du mal, quand il s'agit de moi. C'est, mes Frères, ce que le Roi Achab disait autrefois du Prophète Michée. Ce Prince, l'un des plus méchants et des plus impies qui ait jamais régné sur Israël, (c'est dire beaucoup) voulait, comme tous les autres Princes qui lui ressemblent, être flatté dans son impiété et dans ses désordres. Quoiqu'il violât insolemment les Lois de Dieu, il prétendait néanmoins, non seulement qu'il n'en devait point être repris, mais encore qu'il devait recevoir du Ciel les bénédictions et les récompenses que le Ciel a promises à l'obéissance et à la Piété ; et il trouvait des gens assez lâches pour entrer dans les sentiments, ou du moins pour faire semblant d'y entrer.

Non seulement les Courtisans, gens toujours disposés à adorer les vices les plus honteux de leur Maître, l'assuraient que toutes choses iraient toujours au gré de ses désirs et que, toujours favorisé du Ciel, nul Ennemi ne pourrait résister à l'effort de ses Armes ; mais les Prophètes eux-mêmes, qui, par là Sainteté de leur caractère et par les engagements de leur profession, étaient obligés quand même ils ne le fussent pas d'ailleurs sentis inspirés de l'Esprit de Dieu, à lui reprocher ses crimes et à lui mettre devant les yeux les Jugements de Dieu qui le menaçaient ; les Prophètes, oubliant ce qu'ils étaient, .ou plutôt ce qu'ils devaient être, l'applaudissaient en tout
, et ne lui promettaient, de la part de l'ÉTERNEL, que d'heureux succès. Ainsi a dit L'Éternel, tu prospéreras, et tu consumeras tous tes Ennemis, lui dirent plus de quatre cents d'entre eux, lorsqu'il fut sur le point de marcher contre le Roi de Syrie.

Le seul Michée, plus sincère et plus hardi, ou plutôt craignant Dieu plus et plus fidèle, a le courage de combattre les flatteuses espérances que lui donnaient tous les autres : il lui prédit que son Armée sera défaite par les Syriens, et que lui-même demeurera (mourra) dans la Bataille. C'est ce qui fait dire à ce Prince impie, qui voulait forcer Michée à parler autrement que L'ÉTERNEL ne lui avait dit : je le hais car il ne prophétise jamais que du mal quand il s'agit de moi.

Mes Frères, sans vouloir vous comparer à
Achab, je ne sais si je n'ai point sujet de craindre que vous ne soyez aujourd'hui tentés de tenir de nous le même langage.
Ce jour est un jour de bénédiction où vous avez coutume de vous souhaiter les uns aux autres une vie longue et heureuse. C'est le voeu que le Mari fait pour la Femme, et la Femme pour le Mari; le Père pour ses Enfants, et les Enfants pour leur Père ; les Magistrats pour leurs Peuples, et les Peuples pour leurs Magistrats. Tous n'ont qu'une même voix pour s'annoncer et se désirer mutuellement les biens et de la Terre, et du Ciel.
Au milieu de ces voeux communs, qui retentissent de toutes parts, pourrez-vous, sans impatience et sans chagrin, entendre la triste déclaration que je viens vous faire?

Au lieu des bénédictions que vous attendez sans doute de moi, je viens vous annoncer à tous, à tous sans exception l'Arrêt de votre mort prochaine
; et, par conséquent, je viens combattre ces voeux flatteurs, par lesquels vous vous souhaitez mutuellement une longue vie : je viens dis-je, déclarer à chacun de vous, qu'il ait à donner promptement ordre à ses Affaires, parce qu'il ne lui reste plus que quelques moments à vivre : Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir.

N'est-ce pas là prophétiser du mal contre vous, mes Frères? N'est-ce pas là nous exposer de gaieté de coeur à votre haine dans un temps où, recevant de tous les autres des témoignages d'une tendre amitié vous leur donnez, à votre tour, de sensibles marques d'une affection réciproque?

Non, mes Frères, j'espère que la Religion et la Piété vous donneront d'autres sentiments. Dieu m'est témoin que
je vous désire tous en singulière et cordiale affection, et que vous êtes dans mon coeur à mourir et à vivre. J'espère que vous comprendrez que la déclaration que je viens vous faire, quelque affligeante qu'elle soit, je ne vous la fais, que parce que formant tous les jours des voeux ardents, non pour la prospérité seulement de votre vie passagère sur la Terre ; mais surtout pour le bonheur de votre éternité dans le Ciel.

Je dois vous la faire, afin que, par une sainte préparation à la mort, vous vous mettiez en état de la posséder un jour, cette Éternité bienheureuse.

Au fond, mes chers Frères, qu'est-ce que je viens vous annoncer aujourd'hui que vous ne sachiez déjà, et qu'une infinité de voix vous annoncent tous les jours, si vous voulez les entendre ?
Ces années, qui s'écoulent avec la rapidité d'un torrent, et en particulier l'année qui vient de vous échapper, ne vous crient-elles pas ;
Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir.

Cette nécessité, où la Nature vous met, d'abandonner de temps en temps votre corps au sommeil qui est une espèce de mort, comme la mort est une espèce de sommeil, ne vous crie-t-elle pas ;
Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir.

Ces maladies qui vous travaillent, ces langueurs qui vous consument, et que l'on peut regarder comme des ébranlements avant-coureurs de la chute prochaine de ce Tabernacle de terre, dans lequel vous habitez, ne vous crient-elles pas;
Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir.
Ce Frère, ce Parent, cet Ami, qui, dans la fleur de son âge, vient, par un accident subit et imprévu, d'être couché dans le Tombeau, ne vous crie-t-il pas ;
Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir.

Ces Monuments, attachés aux parois de ce Temple, et qui sont consacrés à la mémoire de plusieurs illustres Défunts dont les cendres sont ici renfermées, ne vous crient-ils pas ;
Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir ?

Nous ne sommes donc pas les seuls à vous faire cette déclaration, mes Frères : notre voix n'est que
l'Écho d'un grand nombre d'autres, que la providence ce vous adresse tous les jours. Puisse-t-elle, en vous rappelant une Vérité, qui quelque oubliée qu'elle soit, est néanmoins aussi importante qu'elle est certaine :
- savoir que vous devez mourir .....
- savoir donner promptement ordre aux affaires de votre conscience ;
Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir ?

Ces paroles furent autrefois adressées au Roi É
zéchias par le Prophète Esaïe ; et ce sera par rapport à Ézéchias que nous les considérerons d'abord. Ensuite, nous les considérerons par rapport à nous-mêmes, et nous nous en ferons l'application. Tel sera le Plan et le partage de ce Discours.

Grand Dieu, veuilles animer aujourd'hui notre voix de cette vertu secrète qui pénètre dans les coeurs, qui les touche qui les amollit, qui les rend susceptibles de tes divines et salutaires impressions ; afin que tous ceux qui doivent l'écouter en soient émus, pénétrés, convertis, et constamment résolus à se disposer par une sainte vie, à une heureuse mort. Amen.

I. PARTIE.

Vous jugez bien, mes Frères, que, comme les paroles de mon Texte sont aisées à entendre et ne renferment aucune difficulté, ce n'est pas par voie d'Explication que nous devons les traiter ; mais par voie de Considérations, ou de Réflexions.
La première roulera sur les circonstances où se trouvait
Ézéchias lorsqu'il fut attaqué de la maladie dont le Prophète vint l'avertir qu'il mourrait. Il venait d'être miraculeusement délivré d'un puissant Ennemi, qui avait tenu pendant quelque temps, Jérusalem assiégée.
Dans une seule nuit, l'Ange de l'ÉTERNEL avait mis à mort cent quatre-vingt-cinq mille Hommes de l'Armée de
Sennachérib Roi des Assyriens ; et ce Prince infidèle, qui avait juré qu'il exterminerait toute la Nation des Juifs, avait été contraint, après une telle défaite, de s'enfuir avec précipitation dans son Pays, où il fut tué par ses propres Enfants.
Mais dans le temps
(Alors qu') d'Ézéchias se réjouissait, avec tout son Peuple, d'une si glorieuse délivrance, Dieu permit qu'il tombât dans une dangereuse maladie, qui le conduisit jusqu'aux portes de la mort.
C'est ainsi que les douceurs de cette vie sont toujours mêlées de quelque amertume.
C'est ainsi que, comme le dit le Sage (
Eccl. VII. 14) Dieu a fait le bien et le mal à l'opposé l'un de l'autre. (Au jour du bonheur, sois heureux, et au jour du malheur, réfléchis : Dieu a fait l'un comme l'autre) comme le jour et la nuit pour se succéder tour-à-tour, et quelquefois pour se mêler et se confondre ensemble. C'est ainsi que les pleurs viennent le matin prendre dans notre Maison, la place de la joie qui y avait logé le soir (Psaume XXX : 5.) (Le soir arrivent les pleurs, Et le matin l'allégresse.).

Humainement parlant, en pourrait penser que le chagrin que conçut
Ézéchias de se voir si étroitement pressé, par un Ennemi si redoutable, sans nulle espérance de secours du côté de la terre, ou les fatigues qu'il se donna pour défendre sa Capitale assiégée, contribuèrent à former le mal dont il se vit attaqué dans son corps.
Mais nous devons jeter les yeux plu haut, et regarder ce mal même comme lui étant dispensé par la sage Providence qui voulait par là donner, pour ainsi dire une espèce de contrepoids, au penchant qu'il pouvait avoir à s'enorgueillir d'une prospérité si subite, si complète, et qui portait des traces si sensibles de la Divine Protection sur lui, et sur son Peuple.

Tel est en effet le fruit ordinaire des bénédictions que Dieu répand sur les hommes Elles les jettent dans une criminelle sécurité, qui les fait jouir de leurs biens, sans penser au Bienfaiteur de qui ils les ont reçus : elles donnent à leur coeur une je ne sais quelle enfleure
(vanité), qui les porte non seulement à s'élever au-dessus des autres hommes, comme s'ils étaient d'une autre espèce ; mais encore souvent à se soustraire à l'Empire de Dieu, comme si les grâces qu'il leur a faites lui avaient ôté le droit qu'il a naturellement sur eux.
Ces mêmes grâces, qui par elles-mêmes, devaient être de nouveaux liens pour les attacher de plus en plus à lui, leur servent souvent d'occasion pour s'en détacher, et pour l'oublier :
J'ai parlé a toi durant ta grande prospérité ; et tu as dit, je n'écouterai point ta voix (Jérémie XXII. 21) (Je t'ai parlé dans le temps de ta prospérité ; Tu disais : Je n'écouterai pas).

Il est donc nécessaire que Dieu, parmi les douceurs de sa bonté envers nous, mêle quelquefois les amertumes et les rigueurs de sa discipline, pour nous retenir dans la juste dépendance où nous devons être de lui.
C'est dans cette vue qu'il afflige aujourd'hui
Ézéchias d'une maladie naturellement incurable et mortelle ; afin que comprenant par là, que, tout Roi, tout Victorieux qu'il est, il n'est pas d'une autre condition que le reste des hommes, que le moindre de ses Sujets, que le moindre de ses Ennemis, dont une seule nuit avoir changé le Camp dans un Aceldama, un vaste champ de sang et de carnage ; cette pensée l'empêchât de s'élever par orgueil, et le retint dans les mêmes ferments d'humilité qu'il avait fait paraître lorsque, assiégé par ces mêmes Ennemis, il avait imploré le secours de son Dieu. Certainement cette Dispensation lui était d'autant plus nécessaire, qu'on y voit, dans la suite de ce même Chapitre (voir aussi 2 Chr. XXXII), que Dieu, touché de ses humiliations et ses larmes, a rétracté, pour ainsi dire, la Sentence de mort que le Prophète lui avait prononcée en son nom, et l'a rétabli dans sa première santé.
Ce Prince ne parut pas entièrement guéri du penchant qu'il avait à l'orgueil, puisque, par une vanité criminelle, il montra, avec ostentation, aux Ambassadeurs du Roi de
Babylone (2 Rois XX. 13), qui étaient venus le féliciter sur sa Convalescence, tous ses Trésors, son or, son argent, son Arsenal, et tout ce qu'il y avait de plus riche et de plus magnifique dans sa Maison, et dans Cour ! Vanité que le même Esaïe lui reprocha vivement de la part de Dieu, et dont il lui dénonça que la punition se fera bientôt.

De là, naît une seconde Considération.
On demande comment la Déclaration que Dieu fait faire ici par son Prophète à É
zéchias de sa mort prochaine, peut s'accorder avec la santé qu'il lui rendit ensuite, et avec les quinze années qu'il ajouta à sa vie, comme il parait dans les versets suivants ?

Je réponds que cette Déclaration doit être regardée comme exprimant simplement la nature de son mal, qui, mortel en lui-même, ne pouvait être guéri par une autre main que par celle de Dieu : ou, si vous voulez, comme renfermant une condition, ou une restriction, qui, bien que non exprimée, doit néanmoins être sous-entendue :
Tu t'en vas mourir, à moins que, par de profondes humiliations et par d'ardentes prières, tu ne m'engages à te rendre la vie.

C'est ainsi que Dieu dit à
Abimélec qui avait enlevé Sara : Tu es mort, à cause de la femme que tu as prise : car elle est mariée à un autre (Gen. XX. 3.), c'est-à-dire, tu es mort, à moins que tu ne laisses cette Femme sans la toucher, et que tu ne la rendes à son Mari.

C'est ainsi encore qu'il est dit dans le Livre d'ÉZÉCHIEL :
Méchant, tu mourras de mort (Ezéch. III. 18.), savoir, à moins que tu ne te détournes de ton iniquité.

C'est ainsi encore qu'il est dit dans le Livre de JONAS :
Encore quarante jours, et Ninive sera renversée (Jonas III. 4), où il faut nécessairement sous-entendre, à moins qu'elle ne se convertisse, et qu'elle ne fasse pénitence. Car l'événement justifia que cette Déclaration n'était que conditionnelle ; puisque la Conversion des Ninivites empêcha leur entière destruction.
En un mot, les menaces de Dieu, aussi bien que les Promesses, bien que souvent elles paraissent énoncées absolument, si je puis m'exprimer ainsi, doivent néanmoins presque toujours être regardées comme faites sous certaines conditions
(s'accomplir sous conditions).
Cela ne renferme aucune difficulté : aussi je passe à une troisième Réflexion.

Vous voyez ici, mes Frères, que le Prophète ne flatte point... Ézéchias, tout Roi qu'il est : il ne cherche point d'adoucissements pour diminuer l'horreur de la fatale nouvelle qu vient lui annoncer : Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir, lui dit-il, sans détour.

O qu'il serait à souhaiter que cette conduite fut aujourd'hui imitée par ceux qui approchent des Malades ! Mais, tout au contraire, on leur cache, le plus longtemps qu'il est possible, l'extrémité où ils
se trouvent ; on les entretient dans l'espoir d'un retour de santé. Les Parents, les Amis du Malade, par une fausse tendresse pour lui ou cherchant à charmer leur propre douleur, le flattent toujours de cette pensée et s'en flattent eux-mêmes.
En vain le Médecin le condamne 
; en vain le Pasteur met en devoir de lui dire qu'il s'en va mourir : Ah ! dit-on, il ne faut pas l'effrayer : cela pourrait augmenter son mal. Cependant ce mal redouble, surmonte tous les remèdes ; voilà le Malade à l'agonie. Alors ce ne sont que cris, que pleurs, que lamentations : on se met tumultueusement en prières ; on demande à Dieu qu'il fasse miséricorde. Mais disons les choses comme nous les pensons, (malheur à nous si nous vous dissimulions une Vérité si importante) comment Dieu ferait-il miséricorde à un Pécheur, à moins qu'il ne se soit mis en état de la recevoir ?

Je vous exhorte donc, ô vous, qui, par les Relations du sang et de la proximité, ou par les engagements de votre Profession, êtes appelés à converser avec les Malades, à leur parler avec la même liberté que fait ici le Prophète au Roi de
Juda, et de leur dire : Mettez ordre à votre Conscience, et au plutôt ; car la mort n'est pas loin.

Mais en même temps j'exhorte aussi chacun de vous, mes chers Frères, lorsque Dieu vous visitera de quelque maladie, de vous défaire de cette délicatesse, également folle et dangereuse, qui fait qu'alors vous ne pouvez souffrir qu'on vous parle de la mort, comme si cela hâtait sa venue.
Je vous exhorte à faire choix, pendant même que vous êtes en santé, de quelque pieux Ami, qui, dans le temps de votre maladie, s'élevant au-dessus des sentiments d'une Amitié mondaine et charnelle, vienne fidèlement vous avertir du danger où vous êtes, afin qu'au moins, ces derniers moments vous puissiez les employer à vous détacher du Monde que vous quittez, et à réfléchir sur cette Éternité heureuse ou malheureuse dans laquelle vous allez passer.

Ma dernière Réflexion, c'est que le
Prophète, en disant à Ézéchias : Dispose de ta Maison : car tu t'en vas mourir, a sans doute d'abord essayer d'obliger ce Prince à régler ses Affaires temporelles, pour qu'après sa mort, comme il était alors sans Enfants, (Manassé, son Fils aîné, ne naquit que trois ans après cette maladie), il n'y eût point de division entre ceux qui pouvaient prétendre lui succéder ; ce qui aurait causé de grands désordres et de grandes confusions dans l'État, donnant ainsi l'occasion aux Peuples voisins, toujours jaloux de cette Nation si visiblement protégée du Ciel, de l'envahir et de l'opprimer.

Mais il ne faut pas borner à cela l'expression dont il s'agit
(se limiter à cette expression). On peut aussi regarder comme un avis que le Prophète donnait à Ézéchias, qu'il eût à disposé d'une autre maison, de la maison spirituelle de sa Conscience, de cette maison dans laquelle comme l'a dit quelqu'un, l'Homme de bien se retire, et se met à couvert des traits de la calomnie, lorsqu'on les lance contre lui.

C'est, mes Frères, à cette dernière idée que nous avons dessein de nous arrêter. Il est assez peu nécessaire d'avertir les Hommes qu'ils doivent, avant de mourir, régler leurs Affaires temporelles : c'est quoi
(ce dont) ils manquent rarement.
Nous sommes tous mortels, leur entend-on dire tous les jours, nous ne savons combien de temps

Dieu nous laissera sur la Terre : il est donc de la prudence de faire de bonne heure notre testament, afin de prévenir toutes les difficultés, tous les Procès qui pourraient s'élever, après nous, entre nos Parents et nos Héritiers.
À Dieu ne plaise que je condamne cette Pratique, qui est ici recommandée au Roi
Ézéchias, et qui fut observée par Abraham, lorsque, se voyant devenu vieux, il donna ses ordres à son Serviteur, touchant la conduite qu'il devait tenir avec son Fils, et la Femme qu'il voulait faire épouser (Gen. XXIV).

Qui fut
aussi observée par Jacob, lorsque, prêt à rendre son Âme fidèle à Dieu, il fit venir tous ses Enfants et, en leur donnant sa bénédiction, leur déclara qu'elles étaient ses dernières volontés (Gen. XLIX).

Qui fut observée par le Sauveur lui-même, lorsque, sur le point de quitter le Monde pour retourner à son Père, il assigna à chacun de ses Disciples ses Fonctions dans le Royaume qu'il était venu établir, et chargea l'un d'entre eux de servir de Fils à sa Mère.

Mais ce que je déplore, c'est que des gens, si prudents pour les Affaires de cette vie, le soient si peu pour les Affaires de l'Éternité.
Je puis mourir à toute heure, dites-vous 
; cela est vrai : je dois donc disposer au plutôt des Affaires de ma Maison cela est vrai encore, la conséquence est juste ; je loue votre prudence. Mais pourquoi de ce que (parce que) vous pouvez mourir à toute heure n'en concluez-vous pas aussi que vous devez donc, au plutôt, mettre ordre aux Affaires de votre conscience ?
Est-ce que les intérêts de l'Éternité sont moins importants que les intérêts de la vie présente ?
Est-ce que le délai y est moins dangereux ?
Est-ce que vous aurez moins de peine à votre lit de mort, à mettre votre conscience en état d'aller comparaître devant Dieu, que vous n'en aurez alors à déclarer vos dernières intentions à vos Héritiers ?
Est-ce. que vous craignez plus les Différents qui pourraient s'élever entre vos Proches, après votre mort, que vous ne craignez le Procès, le terrible et redoutable Procès que votre Âme, votre propre Âme pourra avoir alors avec Dieu ?

Ah mes Frères, il est bon de ne pas négliger la première de ces deux choses : mais il est encore infiniment plus nécessaire de faire l'autre aussi. C'est pour vous y porter que je passe à ma seconde Partie, où je me suis proposé de vous faire une plus particulière application des paroles de mon Texte.

II. PARTIE.

Mes Frères, l'Histoire rapporte qu'un Empereur des derniers Siècles (Charles Quint), après avoir régné pendant plusieurs années avec beaucoup de gloire, mais toujours au milieu des troubles et des agitations de la Guerre ; s'étant enfin volontairement démis de l'Empire, dépouillé de toutes les Grandeurs mondaines, et retiré dans une Solitude, pour penser plus tranquillement à sa conscience, et mettre par là, disait-il, quelque espace entre le Monde et l'Éternité, voulut, afin d'imprimer plus fortement dans son esprit l'idée de la mort, faire faire ses propres Funérailles.
On le mit dans une Bière, comme si effectivement il eût rendu l'esprit : on le porta au Tombeau : un nombreux Convoi le suivit dans cet état, et fit paraître, pour mieux répondre à ses intentions, cette contenance morne et triste qui accompagne d'ordinaire les Pompes funèbres : on pratiqua, en un mot, toutes les cérémonies qu'on a coutume de pratiquer dans ces sortes d'occasions.

Mais, mes Frères, il n'est pas nécessaire de pousser les choses jusque là. Si l'Emblème de notre mort peut contribuer à nous y faire penser et à nous y préparer, il y a un moyen plus facile, et plus sérieux. C'est de nous imaginer que les funérailles, que nous voyons tous les jours, sont nos propres funérailles : ou plutôt, sans attendre les funérailles, car alors il n'est plus temps d'y penser et il n'y a plus de retour, c'est de nous imaginer que cette maladie mortelle, dont nous voyons si souvent tantôt un de nos Parents, tantôt un de nos Amis attaqué, nous en sommes attaqués nous-mêmes.
Mettons-nous, par exemple, aujourd'hui à la place
d'Ézéchias : supposons que nous sommes malades à la mort, et qu'on vienne nous dire : Dispose de ta Maison, car tu t'en vas mourir ; et puis, demandons-nous à nous-mêmes dans quelles dispositions nous nous trouverions, à l'ouïe de cette fatale déclaration. Rien ne peut être plus propre à nous faire vivement sentir la nécessité où nous sommes de travailler, au plutôt, avec crainte et tremblement à notre propre Salut. (Philip. II. 12.)

Ici, mes Frères, je distingue trois sortes de Chrétiens,

1. Les Pécheurs de professions et d'habitude, qui ont constamment fait le métier de l'iniquité, et pour qui les plus grands crimes n'ont eu nulle horreur.
2. Les Pécheurs ordinaires, qui, parmi un grand nombre de vices qu'ils ont chèrement entretenus, ont aussi eu quelque vertu, quelque sentiment de conscience, quelque soin de ne pas s'abandonner aux plus grands excès.
3. Enfin les véritables Fidèles, qui ont fait, de l'ouvrage de leur Salut, leur principale occupation, et dans le coeur desquels la crainte de Dieu a tenu le premier lieu.

Suivant ces trois sortes de Chrétiens, la Déclaration de mon Texte, s'ils étaient dans les circonstances où se trouvait alors Ézéchias, serait aussi pour eux de différentes impressions.

Et premièrement, pour les Pécheurs consommés, si je puis les appeler ainsi, avec quelles transes, avec quelle horreur, avec quel désespoir ne l'entendraient-ils pas ?

Je vais mourir ; c'est-à-dire, je vais me voir éternellement privé de tout ce que j'aime, de tout ce que je désire, de tout ce qui peut me rendre heureux, de tout ce que je possède : Biens, Maisons, Héritages, Dignités, plaisirs, objets si chéris de mon attachement, vous allez m'échapper, et m'échapper pour toujours.

Je vais mourir ; c'est-à-dire, je vais rendre compte à un Juge, qui, bien différent des Juges de la Terre, lesquels j'ai si souvent trompés par mes artifices, ou corrompus par mes Présents, ne s'en laisse point imposer, ne tient jamais le coupable pour innocent, pénètre dans le fond des coeurs : je vais lui rendre compte de tous mes crimes, de toutes mes obliquités (mon manque de droiture), de toutes mes injustices, de toutes mes violences, de toutes mes calomnies, de toutes mes impuretés, de toutes les horreurs de ma vie.

Je vais mourir ; c'est-à-dire, je vais tomber entre les mains d'un Dieu qui est un feu consumant, (Héb. XII, 29.) porter tout le poids de son indignation et toute l'ardeur de sa colère, être éternellement l'objet de sa plus sévère Vengeance. Car à quoi bon m'exhorter à mettre ordre à ma conscience ? Ai-je le temps, ai-je les moyens, ai-je la force, puis-je même avoir sincèrement la volonté de le faire, ou même d'y penser ?
Non, non, il n'y a plus pour moi de S. Esprit
pour m'aider à vouloir et à parfaire : (Philip. II. 13.) il n'y plus pour moi de JÉSUS-CHRIST, pour expier mes crimes, et pour me servir d'Intercesseur et d'Avocat auprès de son Père : il n'y a plus pour moi de Miséricordes en Dieu : il n'y a plus pour moi, d'espérance ni de Salut. Inutiles regrets, perçants remords, cruels Vautours qui commencent à me ronger le coeur et qui le rongeront, qui le déchireront dans tous les Siècles des Siècles ; flammes dévorantes, tourments éternels, désespoir affreux : voilà ce qui m'attend, voilà quel va être mon funeste Sort ! Ah ! comment pourrai-je séjourner avec le feu dévorant ? (Esa. XXXIII. 14.) Comment pourrai-je supporter les ardeurs éternelles ? Il le faut pourtant ; me voilà prêt à y être jeté. Périsse, pour jamais, le jour auquel je naquis ! Que ne suis-je mort dès la matrice ? Que ne suis-je expiré aussitôt que je suis sorti du ventre de ma Mère ? (Job III. 3-11.)

Mes Frères, vous direz peut-être que tous les Pécheurs, dont je parle, ne meurent pas dans ces sentiments : qu'il y en a qui paraissent assez tranquilles, et qui se confient même en la Miséricorde de Dieu.
Je l'avoue.
Mais s'ils paraissent tranquilles, croyez-vous qu'ils ne soient pas intérieurement agités ? Croyez-vous qu'ils ne se sentent pas intérieurement déchirés, d'un côté, par les reproches qu'ils se font d'avoir fait un si mauvais usage de la vie, et d'avoir laissé échapper le Salut ; et, de l'autre, par la crainte ; que dis-je ? par la certitude qu'ils ont d'être, dans peu de moments, la proie du
feu qui ne s'éteint point ?
Ils font paraître d'autres sentiments. je le veux : c'est-à-dire qu'ils se mettent un bandeau devant les yeux pour ne point voir l'horreur de leur état, ou qu'ils se couvrent le visage d'un Masque pour se déguiser et aux autres, et à eux-mêmes : c'est-à-dire qu'ils se flattent, ou qu'ils ont auprès d'eux des gens qui les flattent mal à propos j qui leur crient Paix, Paix, (I Thes. V. 3.) dans le moment que la destruction vient fondre sur eux.
Mais, après tout, si ce ne sont pas là leurs sentiments, je ne crains pas de le dire, ..... je ne vois pas sur quelle Déclaration de l'Évangile ils pourraient fonder la confiance qu'ils ont en la Miséricorde de Dieu.

Je viens au second ordre de Chrétiens. Ce sont ces Pécheurs ordinaires, qui tantôt se laissent aller à l'iniquité, parce que le torrent du monde, ou la force et l'impétuosité de leurs passions, ou le penchant même de leur coeur corrompu les y entraîne ; tantôt
ils se portent à (tournent vers) la justice, parce que la considération des Lois de Dieu, et les impressions de leur propre conscience ont encore quelque pouvoir sur eux. Ceux-ci sont le plus grand nombre : car il ne faut pas s'imaginer qu'il y ait beaucoup de ces Pécheurs déterminés, dont je viens de parler. Il n'est pas si facile de se défaire de toute crainte de Dieu, et de se dépouiller de tout sentiment de Religion. Pour parvenir à ce degré d'endurcissement, il faut un fond de corruption, qui semble ne pouvoir s'acquérir que par de grands efforts, dont tout le monde n'est pas capable.

Mais il est assez naturel qu'on se trouve dans cet état de mélange, où je suppose que se trouvent la plupart des Chrétiens, parce que c'est là, en quelque manière, l'état dans lequel nous naissons. Nous apportons au Monde un violent penchant pour le péché, et ce penchant se fortifie, à mesure que nous commettons de nouveaux actes d'iniquité. Mais, en même temps, nous y apportons aussi de claires idées du Vice et de la Vertu, nous y apportons une certaine impression du bien et du mal, qui suffit pour nous faire comprendre, qu'il faut éviter ce dernier, et se porter à l'autre : et cette impression, ces idées deviennent plus vives et plus fortes par les réflexions de la Conscience et de la Raison, et, surtout, par les Déclarations que Dieu nous fait, dans l'Écriture, de sa volonté. Voilà ce qui fait que la vie de la plupart des Chrétiens est si mêlée, si diversifiée, et qu'on y voit ce confus assemblage de vices et de vertus, de péchés et de bonnes oeuvres ; si tant est qu'on puisse appeler bonnes oeuvres ou vertus des actions ou des dispositions qui se trouvent alliées avec tant de vices, ou qui partent d'un coeur esclave de tant de criminelles habitudes.

Tels sont, je le répète encore à la honte du Christianisme qui fait si peu d'effet au milieu de nous, tels sont la plupart des Chrétiens de nos jours. Que l'on vienne dire à ces gens-là ;
Dispose de ta Maison car tu t'en vas mourir ; d'abord ils se trouveront, et ils doivent naturellement se trouver saisis des mêmes transes et des mêmes frayeurs, à peu près, que les premiers.
Mais néanmoins dans la suite ces semences de piété, qui étaient comme ensevelies dans le fond de leur coeur, peuvent se réveiller, se développer, et leur donner, au milieu de leurs craintes, quelque raisons d'une douce espérance.
Il faut mourir : à cette parole, Masque trompeur, qui me déguisais les Créatures, tu tombes à mes yeux, et je découvre l'illusion et la vanité de ce que tu me cachais.
Retirez-vous, objets autrefois si chéris, qui occupiez toutes mes pensées, qui possédiez toutes mes affections, retirez-vous pour jamais.
Paraissez, au contraire, approchez, objet jusqu'ici si négligé, Loi de mon Dieu, Règle de mes Devoirs ; que je puisse examiner en combien de manières je vous ai violée.
Ouvre-toi, ma Conscience ; et me représente tous mes crimes, avec toutes les circonstances qui peuvent m'en faire sentir vivement toute l'horreur.

Que vois-je, ô mon Dieu 
?
Quel entassement de désobéissances, de rébellions, d'infidélités, de noires ingratitudes !
Que de pensées mauvaises, que de paroles injurieuses ou scandaleuses, que d'actions déréglées !
Que de péchés commis directement contre Dieu, que de péchés commis contre le Prochain, que de péchés commis contre moi-même !
Que de péchés commis dans ma jeunesse, que de péchés commis dans un âge plus avancé, que de péchés commis dans les différentes relations et dans les différents états de ma vie ! Comme Particulier, comme personne publique, comme Supérieur, comme égal, comme inférieur : soit que j'aie été ou Marchand, ou Magistrat, ou Pasteur, ou riche ou pauvre, ou malade ou en santé, ou dans l'affliction ou dans la joie !
Que de péchés, dis-je, commis contre les déclarations expresses de la Loi, contre les protestations mille fois faites à Dieu, contre les mouvements et les suggestions de ma propre Conscience, contre les inspirations et les directions du Saint-Esprit ! Grand Dieu !
à toi appartient la Justice, et à moi la honte et la confusion de face. J'ai horreur de moi-même : je me repens sur le sac et sur la cendre. (Daniel IX, 7. Job XLII. 6.)

Oui, ô mon Dieu ! je reconnais mes péchés, je les condamne, je les déteste. O que ne puis-je voir prolonger mes jours pour les réparer ! Dès à présent, si j'ai fraudé quelqu'un, je lui fais restitution : si j'ai calomnié quelqu'un, je lui fais réparation : si j'ai été offensé par quelqu'un, je lui pardonne : si j'ai offensé quelqu'un, je le conjure de me pardonner. Mais c'est à toi, surtout,
Juge de toute la Terre, Souverain Arbitre de mon éternelle destinée, c'est à toi que je dois m'adresser pour obtenir le pardon. C'est contre toi, proprement que j'ai péché. O DIEU, aie pitié de moi selon ta gratuité : selon la grandeur de tes compassions, efface mes forfaits. (Psaume LI)
Au défaut de ma justice, j'ai recours à celle de ton Fils, qui, par le Sacrifice de soi-même, a expié les péchés de tous les Hommes. Je l'embrasse comme mon unique Rédempteur ; je mets en lui toute ma confiance : couvert de son Mérite, que je puisse remporter ta bénédiction, ô mon Père céleste ! Mon Âme a été rachetée par son sang précieux : ne la rejette point, lorsque, au sortir de cette vie, elle ira se jeter entre tes bras.

C'est ainsi, mes Frères, que les Pécheurs donc je parle se disposent à la mort. Demandez-vous, après cela, si l'on peut compter sur une telle Conversion ? Je réponds que si, comme
Ézéchias, Dieu vous ramène à la vie, après vous avoir conduits jusqu'aux portes de la mort, et que cette vie vous l'employez effectivement à réparer vos dérèglements passés, et à observer les Lois de Dieu, en un mot, à faire des fruits dignes de cette repentance que vous venez de témoigner : oui, mes Frères, vous pouvez compter sur votre Conversion : elle est sincère, elle est agréable à Dieu.
Mais si vous mourez dans cet état, et avant que d'avoir justifié la sincérité de vos résolutions par une sainte conduite, je vous abandonne au Jugement de Dieu ; je n'ose vous, promettre ni la Grâce, ni la Gloire. Pourquoi ?
Parce que mille fois j'ai vu des Pécheurs, qui en avaient fait autant que vous, reprendre leur premier train, et ne plus se souvenir de leurs précédentes résolutions, lorsque Dieu leur a rendu la santé.

Mais, mes Frères, puisque ce n'est qu'une simple supposition que je fais ici, et que, grâces au support de Dieu, vous avez du temps encore ; profitez-en, et travaillez à vous procurer cette assurance si consolante, et si douce. Entrez, dès ce moment, dans les dispositions que je viens de vous représenter : faites, dès aujourd'hui, ce que vous voudriez avoir fait, lorsque votre dernière heure sera venue : réconciliez-vous avec Dieu, et servez-le fidèlement désormais. C'est le seul moyen de ne plus trembler, lorsqu'il vous faudra mourir. Par-là, vous vous mettrez dans l'état où se trouveront les Chrétiens du premier ordre, je veux dire les véritables Fidèles.

Ah ! mes Frères, il semble qu'il ne soit pas nécessaire de dire à ceux-ci, lorsqu'on voit la mort venir à eux ;
Disposez de votre Maison : cela est déjà fait.
Déjà ils ont fait leur paix avec Dieu.
Déjà ils ont eu soin de purifier leur conscience
des oeuvres mortes.
Déjà ils ont travaillé à orner leur Âme de toutes les vertus que le Fils de Dieu veut trouver en elle, pour l'épouser à toujours.
Déjà ils ont troussé
(ceint) leurs reins et allumé leurs lampes, pour aller au-devant de leur céleste Époux.

Ils se sentent encore des imperfections et des défauts, il est vrai ; et c'est ce qui les oblige à se tenir toujours dans une profonde humilité : mais en même temps ils savent aussi qu'ils ont à faire à un bon Père, et c'est ce qui les remplit d'une sainte confiance. Ils s'écrient, avec Saint Paul,
J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la Foi : quant au reste, la Couronne de justice m'est réservée, laquelle le Seigneur Jésus me donnera dans cette Journée-là. (2 Tim. IV. 7-8)
Ils s'écrient comme le Seigneur Jésus lui-même : Je t'ai glorifié sur la Terre, j'ai achevé l'oeuvre que tu m'avais donné à faire : Et maintenant glorifie-moi, toi Père, envers toi-même, de la gloire que tu m'as destinée, avant que le Monde fut fait. (Jean XVII. 4-5.)

Voici, voici enfin le jour de ma délivrance. Je vais sortir de cette Vallée de larmes : je vais me voir affranchi de tant de disgrâces, auxquelles la vie de l'Homme est exposée sur la Terre : je vais échapper à cet Ennemi, qui me persécute si cruellement ; à cet autre, qui me calomnie si indignement ; à cet autre, qui cherche à m'opprimer si injustement : je vais dans le Sein de mon Dieu jouir de lui-même, qui est mon Souverain Bien.

La voici l'heureuse journée,
la Journée que l'ÉTERNEL a faite, égayons-nous ; et nous réjouissons en elle. Viens promptement, Seigneur JÉSUS : oui Seigneur JÉSUS, viens. (Ps. CXVIII. 24. Apoc. XXII, 20)


Telles font, mes Frères, selon les différentes sortes de Chrétiens, les différentes impressions que la déclaration de leur mort prochaine devrait faire sur eux. Nous avons eu dessein, en vous traçant ces divers Portraits, de vous faire sentir, d'une manière plus vive, la nécessité où vous êtes de vous préparer à ce dernier délogement, d'où vous devez aller occuper une Demeure éternelle, soit dans le Séjour de
la Gloire, soit dans le Lieu du tourment.

Peut-être quelques-uns de vous diront-ils, qu'en cela nous ne leur avons rien appris de nouveau et qu'ils savaient déjà, aussi bien que nous, les Vérités que nous venons de leur représenter.
Et moi je leur dis : Si vous saviez ces Vérités, pourquoi donc vos Moeurs, vos Discours, toute votre Conversation répondent-elles si peu à cette connaissance 
?
Et moi je leur dis, que ce sont les Vérités les plus communes, qui sont les plus importantes, et qui, par conséquent, doivent être, le plus fréquemment et le plus fortement, mises devant les yeux des Chrétiens, afin qu'elles fassent sur eux l'impression qu'elles sont destinées à y faire.

Présentement je vous demande, mes Frères, dans laquelle de ces trois différentes Classes de Chrétiens vous devez être rangés ? Ah ! il y en a sans doute ici de toutes les sortes. Il y a des Pécheurs consommés, il y a des Pécheurs qui s'arrêtent à un certain degré de corruption, il y a de véritables Fidèles. Mais qu'il est à craindre que cette dernière Classe ne soit la moins nombreuse !
Je vous réunis néanmoins ici tous ensemble, mes très chers Frères, et je vous exhorte, par l'intérêt de votre Salut éternel, à vivre tous comme des Gens qui savent non seulement qu'ils doivent mourir, mais qu'après leur mort ils doivent recevoir,
dans leur corps et dans leur Âme, selon ce qu'ils auront fait, fait bien, fait mal. (2 Cor. V. 10.)

Un sage Païen disait autrefois, que la Philosophie n'était qu'une perpétuelle méditation de la mort. C'est ce que nous pouvons dire avec d'autant plus de vérité du Christianisme qui a mis dans une pleine lumière les peines et les récompenses d'une autre Vie, que la Philosophie n'a jamais bien connues.

On cherche aujourd'hui, pour apprendre les Sciences, des Voies abrégées : en voici une pour apprendre la Science du Salut 
; préparez-vous à la mort.
Ce Précepte comprend tout : connaissance de Dieu, de nous-mêmes, de nos Devoirs, détachement du monde, éloignement de toutes sortes de péchés, pratique de toutes sortes de vertus.
Remettre, pour apprendre à mourir, au temps de la maladie, c'est être aussi insensé que le serait un Pilote qui attendrait, pour apprendre à conduire un Vaisseau au milieu des Rochers et des Écueils, qu'il fallût mettre à la Voile : ou que le serait un Soldat qui attendrait, pour apprendre à manier les armes, que l'Ennemi fût prêt à fondre sur lui.

Je finis, mes Frères : mais pourrais-je le faire, sans que, de l'abondante affection dont notre coeur est rempli, notre bouche n'éclatât en Voeux et en bénédictions pour vous, et pour les vôtres ? 


Vénérables Magistrats, qui aimez notre Nation, et qui nous faites trouver, tout Exilés que nous sommes, sous votre juste et équitable Gouvernement, une seconde Patrie mille fois plus douce que ne le fut jamais la première, recevez les justes actions de grâces que nous vous devons pour tant de Bienfaits. Dieu seul peut vous en récompenser dignement : veuille-t-il le faire par son infinie Bonté ! Veuille-t-il vous garder de tout mal, vous répondre favorablement au jour que vous criez à lui, accomplir tous vos justes Desseins, dissiper les Machinations de vos Ennemis, faire fleurir votre RÉPUBLIQUE, vous diriger, vous conduire tellement dans toute votre Administration, qu'à l'heure de votre mort, car enfin vous mourrez comme les autres 
; lors, dis-je, que le moment si fatal à vos Familles, à cette Ville, à cette Église, à cet État sera venu, chacun de vous puisse dire, avec autant de vérité qu'Ézéchias autrefois : Souviens-toi, Seigneur, que j'ai cheminé en sincérité et en intégrité de coeur devant toi, et que j'ai fait ce qui t'était agréable.

Mes très honorés Frères et Collègues, soit dans le Ministère de la Parole Évangélique, soit dans la Conduite de ce Troupeau, nous demandons aussi à Dieu, du fond de notre coeur, qu'il vous conserve encore longues années
pour amener plusieurs à la justice, (Dan. XII. 3) pour prévenir et éloigner les vices et les scandales qui pourraient s'élever au milieu de nous, et pour recréer de jour en jour les entrailles des Pauvres, que notre Divin Maître nous a si fortement recommandés.
Dieu veuille vous animer toujours d'un saint zèle pour sa Gloire, et vous faire la grâce de remplir si fidèlement les grands Devoirs de votre Vocation, que lorsque le grand Pasteur et Évêque de nos Âmes jugera à propos de vous appeler, vous puissiez lui remettre ce Troupeau plus purifié des souillures du Siècle, plus avancé dans la Sanctification, plus rempli de toutes sortes de vertus, qu'il ne l'était lorsque vous fûtes établis pour le paître et pour le conduire,
et qu'alors chacun de vous puisse entendre de sa bouche cette Sentence, dont la seule pensée est si propre à vous soutenir et à vous consoler aujourd'hui, dans les amertumes et dans les traverses auxquelles votre Ministère même vous expose : C'est bien fait, bon Serviteur ; tu as été fidèle en peu de chose, je t'établirai sur beaucoup : entre dans la joie de ton Seigneur. (Math. XXV. 21.)

Enfin, mes très chers Frères, qui composez cette Assemblée Chrétienne, je me tourne aussi vers vous, ou plutôt je me tourne vers Dieu, qui est le Père de notre Seigneur JÉSUS-CHRIST, et je le supplie, avec toute l'ardeur dont je suis capable, qu'il vous remplisse, qu'il vous comble tous de ses plus saintes Bénédictions.
Dieu veuille bénir votre Commerce, et ramener, au Port, vos Vaisseaux chargés de Richesses !
Dieu veuille vous épargner des fléaux terribles dont il a frappé, depuis plusieurs années, un grand nombre d'autres Nations !
Dieu veuille écarter de dessus vos têtes, ces affreux nuages qui semblent s'épaissir de jour en jour.
Femmes veuves, Dieu veuille être votre Mari. Enfants orphelins, Dieu veuille être votre Père.
Chrétiens affligés, de quelque manière que ce soit, Dieu veuille être votre Consolateur. Dieu veuille sur tout vous
donner les yeux de votre entendement illuminés, (Eph. I. 18) et vous faire bien comprendre quelle est l'espérance de votre vocation, et quelles sont les abondamment excellentes richesses de l'Héritage qu'il vous destine dans les Lieux saints.
Dieu veuille vous faire la grâce de vous conduire dignement, comme il est convenable à la haute vocation à laquelle vous êtes appelés.
Vous Riches, Dieu veuille vous faire la grâce d'être pauvres en esprit.
Vous Pauvres, Dieu veuille vous faire la grâce d'être riches en Foi et en bonnes oeuvres.
Vous Riches, Dieu veuille vous faire la grâce de ne point mettre votre confiance dans l'incertitude des richesses.
Vous Pauvres, Dieu veuille vous faire la grâce de trouver, dans les entrailles des Riches, de la consolation et des secours contre votre pauvreté.

Vous tous, mes chers Frères, Dieu veuille vous apprendre
à compter tellement vos jours, que vous puissiez en acquérir un coeur sage (Ps. XC. 12), détrompé des vanités du monde, sincèrement attaché à Dieu et à vos Devoirs. Dieu veuille vous prendre tous par la main droite, vous conduire tous par son conseil ; (Ps. LXXIII. 23-24) et, lorsque l'heure en sera venue, vous introduire tous dans sa Gloire. Amen.


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