L'ATTENTION DU
COEUR À LA VOIX DE DIEU
David
Martin
Prononcé
à la Haye, pour un jour de
jeûne
le 21 novembre 1685
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Sermon sur les paroles de l'Épître
de l'apôtre S. Paul aux
Hébreux, ch. 4. v. 7.
Aujourd'hui si vous entendez sa
voix n'endurcissez pas vos coeurs
C'est un état bien déplorable, mes
Frères, que celui d'un peuple qui n'a pas la
connaissance de Dieu : S. Paul dit que c'est
être sans espérance au monde
(Eph. II. 12) : or que se
peut-il imaginer de plus
misérable, que d'être sans
Dieu ; et de plus triste, que
d'être sans espérance ? Aussi,
quand Moïse et le Roi Prophète ont
voulu relever les avantages du peuple d'Israël
au dessus de la condition de tous les autres
peuples du monde, ils l'ont fait en disant que
Dieu avait donné ses statuts à
Jacob, et ses ordonnances à
Israël, et qu'il n'avait pas fait ainsi
aux autres nations de la terre.
(Ps. 147. 19-20.)
Qu'est-ce, en effet, qu'un peuple à qui
Dieu ne s'est point révélé,
à qui il ne fait point entendre sa
parole ?
Ce sont des aveugles qui ne peuvent, tout au plus,
chercher Dieu, qu'en tâtonnant,
(Act. 17. 27) comme disait S.
Paul, et qui n'ont pas plutôt commencé
à le trouver comme à tâtons,
et pour ainsi dire, derrière les
créatures où il se cache, car
l'Éternel, dit Esaïe, est un
Dieu qui se cache
(Esa. 45. 15), qu'ils (et qu'ensuite ils) se
détournent après d'autres objets, et
prennent pour Dieu, ce qui n'est qu'une
misérable idole.
Mais si l'état des peuples qui vivent sans
connaissance de Dieu est digne
de compassion, celui d'un peuple à qui Dieu
fait l'honneur de se révéler, s'il ne
profite pas de cet avantage, est en d'autant plus
malheureux que l'état des Païens, que
ce peuple péchant avec plus de
lumières, que ceux-là, en est plus
inexcusable, et plus digne d'être puni.
Alors ce n'est plus ignorance, c'est
dépravation !
Ce n'est plus même simplement
dépravation, c'est obstination, c'est se
roidir (se raidir)
contre la défense expresse de Dieu, et en
quelque sorte, imprimer dans chaque
péché qu'on commet, toute
l'atrocité du crime. C'est ce que S.
Paul tâchait de faire comprendre aux
Hébreux dans le chapitre d'où j'ai
pris mon Texte. Il craignait pour eux que les
persécutions auxquelles l'Église
naissante était exposée
n'ébranlassent leur
fidélité.
La chair est toujours faible, et il faut toujours
se défier de ses conseils : La Morale
de l'Évangile est autre, elle ne souffre
point de relâchement. Le joug de
Jésus-Christ commençait à ne
pas paraître à plusieurs
aussi aisé, ni son fardeau
aussi léger, que Jésus-Christ disait
qu'ils l'étaient : de là un
commencement de dégoût pour la
Religion Chrétienne, de là certains
retours du coeur vers la Synagogue d'où les
Hébreux étaient sortis, et de
là enfin un danger prochain de
défection et de révolte.
L'Apôtre S. Paul voyait tout cela, et il en
craignait les suites. Pour les prévenir, il
écrit à ces Hébreux en des
termes pleins de cette force que ses ennemis
même étaient contraints de
reconnaître dans ses Épîtres au
sujet desquelles ils avouaient qu'elles
étaient graves et fortes. Il est
certain qu'il ne se pouvait rien imaginer de plus
pressant pour retenir dans la profession de la foi
ces Hébreux nouvellement convertis autre que les raisons donc
ce saint homme s'est servi dans cette incomparable
Épître.
Entre les motifs qu'il leur met devant les yeux
pour fortifier leur foi, et pour exciter leur
piété, il rappelle dans leur souvenir
l'histoire de leurs premiers Pères qui, pour
avoir désobéi dans le
désert aux ordres de Dieu
et avaient été incrédules, ne
virent point l'accomplissement ment de la promesse
que Dieu leur avait faite, celle de les introduire en
Canaan, et moururent dans le désert.
C'était, leur dit là-dessus, S. Paul,
un exemple et une leçon pour vous si vous ne
profitez pas mieux qu'eux des grâces de Dieu.
Ils ne purent entrer dans son repos à cause
de leur incrédulité
(Ch. 3. 19). Craignons donc,
ajoute-t-il, que quelques-uns d'entre vous n'en
viennent à rejeter la promesse d'entrer dans
son repos, ne s'en trouve privé
(Ch. 4. 1.)
Ce repos dont ils seraient privés s'ils ne
persévéraient pas dans foi,
était le repos spirituel de
l'Évangile, repos qui a ici-bas son
commencement dans la grâce et qui aura sa
perfection dans le Ciel et dans la gloire.
David l'avait vu de loin par les lumières de
l'Esprit prophétique. Ce repos spirituel de
l'Évangile, opposé au travail du joug
de la Loi dans le
Psaume 95.
S. Paul emprunte plusieurs fois ses paroles et il
les adresse aux Hébreux
de son temps. Le Roi Prophète n'y avait pas
eu moins en vue, que ceux du sien :
Aujourd'hui, avait dit David, et dit
après lui dans le même esprit,
l'Apôtre S. Paul, si vous entendez sa voix
n'endurcissez point vos coeurs.
(Ps. 95. 7-8)
La nécessité de cette exhortation
n'est pas moins grande aujourd'hui, mes
Frères, qu'elle peut l'avoir
été du temps de David et de S.
Paul ; l'homme est toujours homme, et par
conséquent toujours sujet aux faiblesses
humaines, et toujours dans la pente des passions
inséparables de son coeur.
On peut dire même que la
nécessité de l'exhortation de
l'Apôtre a redoublé en ces derniers
temps, d'un côté, par les nouvelles
persécutions qui ont été
excitées contre l'Église, et de
l'autre, par le peu de zèle que la plupart
des Chrétiens témoignent avoir pour
la Religion, et la véritable
piété.
À l'égard des nouvelles
persécutions, personne ne les ignore, et
quand nous nous tairions, les pierres mêmes
de ce Temple qui recueille
aujourd'hui tant de Fugitifs que la tempête y
a jetés de presque tous les endroits, la
France, pourraient en rendre témoignage. Et
quant au peu de zèle et de
piété qui se voient dans
l'Église, les coups terribles que la
vengeance divine vient de faire tomber sur nous (et
Dieu veuille qu'ils n'aillent pas plus
avant !) n'en sont qu'une trop forte
preuve.
C'est pour nous faire entrer dans toutes ces
considérations que ce jeûne a
été indit (fixé). Les sages
Puissances qui gouvernent cet État, faisant
de nos maux les leurs, et voulant partager avec
nous, nos gémissements et nos larmes,
viennent aujourd'hui mêler dans nos
assemblées leurs prières avec les
nôtres, et s'humilier avec nous aux pieds de
Dieu, pour apaiser sa colère, et le rendre
propice aux maux de Sion.
Bénies soient elles de par l'Éternel,
ces charitables Puissances, et soyez bénis
vous tous, mes Frères, mes très chers
Frères, heureux habitants de ces Provinces,
qui formez à cette heure dans ce
Temple cette pieuse
assemblée, avec nous, les réchappez
de la grande tribulation qui tous vous
étions auparavant inconnus, et desquels vous
pouviez vous entredire, et vous entredemander (vous dire, vous demander)
l'un à l'autre : Et ceux-ci, qui
sont-ils et d'où sont-ils venus ?
Le Texte que nous avons choisi pour servir de
matière à cet exercice et qui a un
rapport tout manifeste à la nature de ce
jour d'humiliation et de repentance, nous
présente trois points à examiner.
Le premier est la bonté que Dieu a de nous
parler, et de nous faire encore entendre sa voix
pour nous empêcher de périr.
Le second, c'est l'usage que nous devons faire de
la parole que Dieu nous adressé,
n'endurcissons point nos coeurs.
Le troisième, la promptitude avec laquelle
nous devons nous porter à faire ce que la
voix de Dieu exige de nous, c'est que nous le
fassions aujourd'hui dés ce
même jour, et sans différer à
un autre : Aujourd'hui (alors) que vous entendez sa
voix, n'endurcissez point vos coeurs.
Et toi, Seigneur, fais entendre à
ces coeurs eux-mêmes la
voix de ta grâce, ouvre les pour y faire
entrer ta parole, alors nous écouterons
ce que l'Éternel nous dira.
(Ps. 85. 9.) Amen.
PARTIE 1
À parler proprement Dieu n'a ni voix, ni
parole. La voix est un air figuré d'une
certaine manière par les organes d'un corps
animé, comme sont les poumons, le palais, la
langue et autres, qui servent à former la
voix, et à la pousser jusqu'à
nos oreilles. Or il n'y a rien de cela en Dieu, qui
bien loin d'être composé de plusieurs
parties différentes, est un pur esprit et un
esprit infini, Mais comme c'est l'usage ordinaire
de l'Écriture sainte de nous
représenter Dieu avec les parties et les
facultés qui servent à nos mouvements
et à nos actions, les bras, les mains, les
yeux, et autres semblables, elle donne aussi
à Dieu une voix et une parole afin de
désigner en général le soin
que Dieu a de faire connaître aux hommes sa
volonté.
Parce que c'est par le moyen de la voix que les
hommes communiquent entr'eux
leurs pensées et leurs sentiments, ainsi la
voix de Dieu est la connaissance que Dieu donne aux
hommes de ce qu'ils doivent faire pour lui
être agréables, et celle des promesses
et des menaces dont il accompagne ses
défenses et ces commandements, se
servant pour cet effet du ministère des
Patriarches, des Prophètes, et des
Apôtres, à qui il s'est
révélé immédiatement,
et qu'il a remplis de son Esprit.
Mais parce que l'homme peut être
considéré sous trois égards
différents, savoir, ou simplement comme une
créature intelligente et raisonnable :
ou comme une créature qui a perdu par la
corruption originelle du genre humain le droit
(le bon) usage de sa
Raison, ou enfin comme une créature
misérable que le dérèglement
de son esprit et les désordres de son coeur
mènent à la perdition
éternelle.
Dieu a employé trois sortes de voix pour se
faire entendre à l'homme.
- la voix de la Nature,
- la voix de la Loi,
- et la voix de la Grâce, ou de
l'Évangile.
La première a été la plus
étendue, et la plus générale,
car elle s'est adressée
à tous les peuples du monde, mais elle a
été aussi la plus faible, car
à peine a-t-elle pu se faire entendre, (que) la seconde a
été forte et éclatante, mais
elle a été rude, et plus propre
à effrayer qu'à insinuer (inscrire) ses instructions
dans l'âme des hommes.
La troisième a retenti partout, et elle a
été propre à instruire et
à consoler.
La voix de Dieu dans la Nature ne donnait à
l'homme que des enseignements
généraux, comme par exemple, qu'il y
a un Dieu, qu'il est tout puissant, tout sage, tout
bon, et le premier Être, duquel tous les
autres dépendent, et qui sont tous sa
production : c'est ce que S. Paul appelle, au
chapitre premier de son Épître aux
Romains, les choses connaissables de Dieu,
sa puissance éternelle, et sa
divinité, lesquelles se voient comme a
l'oeil étant considérées dans
ses ouvrages.
C'est avec cette voix des créatures que
Dieu a parlé à toutes les nations de
la terre, qu'il s'est fait connaître aux
hommes dans les temps de leurs plus profondes
ténèbres, et qu'il
a convaincu l'athéisme et
l'idolâtrie : Les cieux, disait
le Prophète dans le Psaume 19, publient
la gloire du Dieu fort, et l'étendue donne
à connaître l'ouvrage de ses mains, un
jour fait des leçons à un Autre jour,
et une nuit montre la science à une autre
nuit : il n'y a point en eux de langage,
il n'y a point en eux de parole, et
cependant leur voix a été
entendue.
Les cieux racontent la
gloire de Dieu, Et l'étendue manifeste
l'oeuvre de ses mains. Le jour en instruit un autre
jour, La nuit en donne connaissance à une
autre nuit. Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas
des paroles dont le son ne soit point
entendu.
Il est vrai, mais elle n'a été
que peu entendue, et les hommes en ont très
peu profité : Ils ont connu
Dieu, disait S. Paul dans le même
endroit, mais ils ne l'ont pas glorifié
comme Dieu et ne lui ont pas rendu,
grâces : ils sont devenus vains en leurs
discours, et leur coeur destitué
d'intelligence a été rempli de
ténèbres, se disant être
sages, ils sont devenus fous, et ils ont
changé la gloire de Dieu incorruptible en la
ressemblance de l'homme corruptible, et en celles
des oiseaux, et des bêtes à quatre
pieds, et des reptiles.
Voilà d'un côté quelle a
été la voix de la Nature, et de
l'autre le peu d'effet qu'elle a
produit.
La voix de la Loi a été plus claire,
plus distincte, et par conséquent plus
propre, à se faire entendre. Dieu descendit
du Ciel pour donner sa Loi, il s'entretint avec
Moïse pendant quarante jours et quarante nuits
sur la montagne de Sinaï, et il versa dans le
sein de son Prophète ses pensées et
ses sentiments, comme un ami qui ouvrirait son
coeur à son ami.
Mais c'était la voix et la parole d'un
Législateur qui parle avec toute
l'autorité d'un Souverain d'un
Législateur même rigoureux, qui veut
absolument être obéi dans tout ce
qu'il dit, et qui menace de mort la moindre
infraction de ses lois, Maudit est quiconque
n'est permanent en toutes les choses écrites
dans ma Loi, pour les faire.
Quoi qu'il en soit, cette voix de Dieu
Législateur n'a été entendue
que des Juifs dans le désert, et ensuite
dans la Palestine, elle n'est point sortie de la
Judée, et les autres peuples n'en ont rien
entendu.
À ces deux voix, qui ont été
les seules dont Dieu s'était servi
durant une longue suite de
siècles pour se faire entendre aux hommes,
il lui a plu d'en ajouter enfin une
troisième, la voix de la Grâce, ou de
l'Évangile, qui est proprement la
voix de la Parole qui a été
faite chair.
(Jean 1. 14.)
Cette voix est toute différente des deux
précédentes : elle est
infiniment plus claire et plus instructive que la
première ; car tout ce que la voix de
Dieu Créateur a pu faire entendre dans la
Nature, l'Évangile le dit encore mieux, et
il y ajoute des connaissances que cette
première voix était incapable de
donner,
Elle est plus douce, plus insinuante, plus
intelligible, que la seconde, et mille fois plus
convenables, à l'homme dans l'état
d'ignorance et de corruption où le
péché l'a réduit, que la voix
d'un Législateur, qui, s'il peut
sauver, peut aussi perdre.
(Jacq. 4. 12.)
Cette troisième donc, qui est proprement
la voix d'un Père, prend de la
première, tout ce qui est de la Nature, et
de la seconde, tout ce qui est propre à
maintenir l'autorité du Législateur,
et à tenir les hommes dans
l'obéissance.
Mais outre cela, elle nous apprend les vues de
grâce et de miséricorde que Dieu a
eues sur les hommes, et nous découvre le
profond mystère de la Rédemption,
dont la voix de Dieu dans la Nature n'avait rien
dit, et dont la voix de Dieu sur la montagne de
Sinaï, et dans sa Loi, n'avait laissé
tout au plus couler que quelques mots, quelques
sons confus, peu intelligibles.
C'est là, mes Frères, cette voix dont
nôtre texte nous parle, voix
véritablement divine, qui nous apprend les
choses les plus cachées de Dieu, trois
Personnes en une seule Nature, un Père, qui
est Dieu, un Fils, qui est Dieu, un S. Esprit, qui
est Dieu, sans être trois dieux.
L'incarnation du Fils, et la mort de ce Dieu et
homme pour expier les péchés du
monde : Jésus vrai Messie et vrai Dieu,
et cent autres choses semblables, qui sont toutes
autant de paradoxes à nôtre faible
Raison, mais qui sont toutes des
vérités révélées
de Dieu, et enseignées dans les
Écritures.
C'est enfin, cette voix de
l'Évangile qui en nous
apprenant les choses magnifiques de Dieu y
instruit nôtre âme de tous les
devoirs de la piété et ne cesse de
lui faire entendre, que sans la sanctification
nul ne verra le Seigneur
(Héb. 12. 14).
Mais plus cette voix dit de grandes choses,
Les choses que l'oeil n'avait point vues, que
l'oreille n'avait point ouïe, et qui
n'étaient jamais montées dans le
coeur d'un homme vivant
(1 Cor. 2. 9), plus aussi, a-t-elle
trouvé dans le monde de contradictions.
Le Juif et le païen l'ont combattue, et jaloux
l'un et l'autre des fausses prérogatives de
la Raison humaine, ils ont fait tous leurs efforts
pour ruiner la foi que la voix de Dieu, dans son
Évangile, avait produite, et produisait tous
les jours dans l'âme de ses Auditeurs. C'est
sur quoi S. Paul exhorte ici les Hébreux de
faire bien attention à cette divine voix,
d'en bien retenir les instructions, et
d'étouffer dans leurs coeurs
jusqu'aux moindres mouvements de rébellion
contre cette voix qui leur parle :
Aujourd'hui si vous entendez sa
voix, n'endurcissez point
vos coeurs : ou aujourd'hui que
vous entendez la voix, car c'est là le
sens de l'expression de l'Apôtre, et de la
phrase Hébraïque dont s'était
servi le Prophète Roi de qui S. Paul a
emprunté ces paroles.
C'est une étrange chose, mes Frères,
qu'un coeur endurci. Elle n'est guère moins
monstrueuse en matière de Morale et de
Religion, que le serait dans le corps humain une
masse de chair durcie et comme
pétrifiée, au lieu de ce coeur si vif
et si animé que la Nature a placé
dans nôtre sein. Car comme toute
l'économie de nôtre corps serait en
désordre, pour peu qu'il se formât de
dureté dans le coeur, parce que, supposant
que l'homme put vivre avec ces duretés, il
ne se serait (il n'y
aurait) dans le coeur que peu d'esprits, et
des esprits encore si grossiers qu'à peine
pourraient-ils se porter jusqu'aux
extrémités du corps par le moyen de
la circulation du sang, et y entretenir quelques
restes de vie de Sentiment, et de
mouvement.
L'endurcissement du coeur est tout de même en
matière de Religion une interruption
générale de la vie spirituelle, et
une cessation d'action et de sentiment de toutes
les facultés de l'âme, qui deviennent
comme liées, et comme percluses (paralysées) à
l'égard du bien spirituel et des mouvements
de la piété.
L'esprit ne voit plus les choses de la
manière qu'il les voyait auparavant, il en
forme des jugements tout contraires à ceux
qu'il en faisait autrefois. Ce qu'il
approuvait il le condamne, et ce qu'il avait
condamné, il l'approuve. Le vice n'a plus
pour lui rien de hideux ; ni la vertu rien
d'aimable : la piété, qui avait
fait ses plus douces et ses plus chères
délices, lui devient à charge, une
prédication l'ennuie, le lasse, l'importune,
et la lecture de la parole de Dieu ne lui donne que
du dégoût. Il n'est sensible
qu'à la passion qui s'est saisie de son
coeur, et qui s'en est rendu maîtresse. Pour
tout le reste, mépris du monde, amour de
Dieu, désir du bonheur et de la gloire des
cieux, il est insensible
à toutes ces choses. C'est à leur
égard un coeur de roche.
Qu'on vienne là-dessus lui
représenter le tort qu'il se fait, et les
malheurs épouvantables où ce
dérèglement d'esprit et de coeur le
jettera infailliblement, il n'y fait aucune
attention, rien ne le touche, et ne fait impression
sur son coeur, il est endurci.
Voyez, je vous prie, ces Juifs à qui
les Prophètes reprochaient si souvent
l'endurcissement de leurs coeurs : tout ce que
ces Ministres saints, envoyez de Dieu, pouvaient
leur représenter de sa part, tantôt
pour les détourner de l'idolâtrie, et
tantôt pour les rappeler de
l'égarement des passions les plus
criminelles, leur inspirer la haine du vice, et
l'amour de la vertu, était inutile :
Remontrances, exhortations, promesses, menaces,
rien ne les touchait, la dureté de leur
coeur résistait à tout.
Du temps même de nôtre Apôtre,
quand Jésus-Christ est venu au monde, et que
l'Évangile a été
prêché aux Juifs, n'a-t-on pas encore
vu, et vu même plus que
jamais, ce que peut un coeur
obstiné, de quoi est capable un coeur
endurci ?
Le Fils de Dieu, le Messie, promis à leurs
pères, attendu et souhaité depuis
tant de siècles avec une ardeur sans
égale, vient enfin, et paraît dans la
Judée, au temps prédit par les
Oracles, et avec toutes les marques qui devaient
servir à le faire connaître. Cependant
la Judée le méconnaît, la
Synagogue lui dit anathème, et le fait
mourir comme un faux Messie.
D'où cela pouvait-il venir ?
N'en cherchez point la cause ailleurs, mes chers
Frères, que dans l'endurcissement de ce
peuple. Il avait des yeux pour ne point voir, des
oreilles, pour ne point entendre, et un coeur pour
résister aux lumières les plus
éclatantes de la vérité,
c'était un coeur endurci.
D'un côté l'ambition dans les
Maîtres de la Synagogue, et la crainte de
voir diminuer ou de perdre leur autorité,
et de l'autre, l'avarice, l'irréligion,
la mollesse le plaisir des sens, et tout cela joint
ensemble, formait dans le coeur de ce peuple une
opposition presque insurmontable
contre Jésus-Christ et son Évangile.
Un attachement mal entendu, et à contre
temps pour les lois de Moïse, effet de
l'ignorance dans la plus part, et prétexte
dans les autres, formait encore dans l'esprit de
tous, un préjugé invincible contre la
personne de Jésus-Christ, et contre son
Évangile. Ainsi par tous ces moyens
différents, le coeur de ce peuple
s'endurcit, et au lieu de céder à
l'évidence des preuves de la Religion
Chrétienne, ces Juifs obstinés ne
cherchaient qu'à s'éblouir de leurs
préjugés, ils résistaient aux
sollicitations de la Grâce, et avec leur
coeur endurci. ils regimbaient contre
l'aiguillon.
Telle est donc, mes Frères, la nature de
l'endurcissement du coeur, et telles sont en
général, les causes qui là
produisent.
Par la raison des contraires, ne point endurcir son
coeur, c'est le soumettre à Dieu et à
sa parole, c'est être docile à sa
voix, et amener nos pensées et nos
affections captives à son
obéissance.
Ne point endurcir son coeur, c'est y recevoir avec
humilité et avec amour
les douces invitations de sa grâce, se
dépouiller de ses passions les plus vives et
les plus délicates, pour se donner tout
entier à Dieu, et ne faire que ce qui lui
plaît.
Enfin, ne point endurcir son coeur à la voix
de Dieu, c'est ne plus sentir de répugnance
dans son coeur à former tous ses sentiments
et toutes ses inclinations sur ce qu'il
ordonne ; il suffit à ce coeur
sensible à la voix de Dieu de savoir que
c'est Dieu qui parle, pour trouver doux et
agréable tout ce que Dieu exige de
lui : Seigneur, que veux-tu que je fasse
(Act. 9.6) disait cet homme qui venait
de regimber contre les aiguillons, et en qui
la grâce victorieuse venait de changer le
coeur d'un Saul, persécuteur, en celui d'un
Paul, choisi et appelé pour être
Apôtre.
Or de toutes ces trois différentes sortes de
voix dont nous avons dit dans le premier Point que
Dieu s'est servi pour se faire entendre aux hommes,
la voix de la Nature, la voix de la Loi, et la voix
de l'Évangile, la plus propre à
amollir la dureté
naturelle du coeur de l'homme,
celle qui l'engage le plus fortement à
l'obéissance envers Dieu, et qui par les
motifs les plus puissants le met dans l'obligation
et dans la nécessité d'être
saint, c'est, mes Frères, cette
dernière, la voix de l'Évangile, au
sujet de laquelle S. Paul disait aux
Hébreux, Aujourd'hui que vous entendez sa
voix, n'endurcirez point vos coeurs.
Chacune de ces trois voix de Dieu a crié
à l'homme, soyez saint car je suis
saint, et chacune a amené l'homme aux
pieds de Dieu et l'a tenu dans une soumission
profonde.
La première obligeait l'homme par sa
qualité de créature de Dieu, et lui
apprenait à respecter et aimer son
Créateur, de la puissance et de la
libéralité duquel, il tenait
l'être, la vie, et les avantages sans nombre,
qui étaient attachés à la
condition de l'homme innocent.
La seconde, portait dans l'âme des Juifs,
rassemblez au pied du mont Sinaï, la crainte
et l'effroi qu'imprimait parmi tout ce peuple la
Majesté du
Législateur. Mais la
troisième voix, qui est celle de
l'Évangile, renchérit à tous
ces égards sur ces deux premières.
Faut-il, en effet, pour donner à l'homme une
véritable horreur du péché lui
apprendre à quel point Dieu le
déteste, et avec quelle rigueur il le
punit !
La voix de l'Évangile l'instruira cent fois
mieux que la voix du Créateur ou celle du
Législateur. L'une et l'autre, à la
vérité, lui feront entendre que Dieu
ne laisse point le crime impuni, et que l'homme qui
aura péché mourra, et l'une et
l'autre lui en proposeront des exemples
effroyables : des Anges
précipités du ciel dans l'abîme
pour avoir péché, le premier homme,
le seul qui ait été formé
immédiatement de la main de Dieu,
chassé du Paradis terrestre, et
condamné à la mort, seulement pour
avoir mangé, contre sa défense un
fruit d'une admirable beauté, et
distingué de tous les autres par un titre
qui seul semblait suffisant pour faire naître
l'envie d'en manger, le fruit de l'arbre de la
science du bien et du
mal.
Et que dirons-nous de ce déluge
épouvantable que Dieu fit tomber sur la
terre du temps de Noé, à cause du
péché et de cet autre déluge
de flammes qui réduisit en cendres des
villes entières et leurs habitants à
cause des péchés qui s'y
commettaient ?
Tous ces exemples de la haine de Dieu contre le
péché avaient
précédé les temps de la
Loi, et depuis ce temps, qui est-ce qui
pourrait raconter les punirions que Dieu en a
faites, et qui, toutes ont été comme
autant de voix fortes et terribles qui ont
crié à l'homme de ne point endurcir
son coeur, de se convertir, et d'avoir pour le
péché une haine implacable.
Mais l'Évangile, mes Frères, nous en
apprend plus dans un seul exemple, que tout ce que
Dieu en avait fait voir dans tous les autres
ensemble, c'est dans la mort de
Jésus-Christ. Oui Chrétiens, c'est au
Calvaire qu'il faut aller pour bien savoir quelle
est la haine que Dieu porte au péché,
et par conséquent quelle est celle que nous
en devons avoir nous-mêmes. On y
voit le propre Fils de Dieu,
son unique, son bien-aimé, le saint, le
juste, en qui la justice la plus exacte ne pouvoir
découvrir la moindre tache, traité
néanmoins avec la dernière rigueur,
et jusqu'à être fait
malédiction (Gal. 3.13) comme
en a parlé ailleurs nôtre
Apôtre, et cela seulement, parce qu'il
était chargé des péchés
des autres hommes.
Qui oserait après cela s'imaginer que ses
propres péchés n'irriteront pas
contre lui la justice d'un Dieu saint, d'un Dieu
jaloux ? Car qu'est-ce, je vous prie, qui est
le plus dangereux, et le plus à craindre, ou
de paraître devant Dieu avec les
péchés d'autrui simplement, ou d'y
paraître avec les siens propres ?
Concluons donc et finissons cet article en disant
que puisque Dieu n'a jamais témoigné
plus d'inimitié contre le
péché, qu'il l'a fait sous
l'Évangile, c'est aujourd'hui, que nous
sommes obligés pour le moins autant, ou plus
que jamais, à renoncer au
péché, et à vivre dans
l'innocence : Aujourd'hui donc, nous
dit l'Apôtre, si vous
entendez sa voix,
n'endurcissez point vos coeurs.
Il y a plus... ! C'est que les motifs que
Dieu présente à l'homme par la voix
de l'Évangile pour réprimer ses
passions, et le porter à la
piété, sont si fort au-dessus de tous
ceux que la voix de la Nature, et la voix de la Loi
pouvaient lui mettre devant les yeux, que si
l'homme ne s'aveugle entièrement sur ses
propres intérêts, et s'il n'a un coeur
de pierre, il faut qu'il se rende à cette
voix douce et tendre de l'Évangile, qui lui
crie sans cesse, Amendez-vous,
convertissez-vous afin que vos
péchés soient effacés
(Act. 2. 38.
3. 19.).
Ce n'est plus une vie terrienne, comme
était celle d'Adam, ni un simple empire sur
les animaux, que Dieu dans l'Évangile
propose à l'homme s'il se rend attentif
à sa voix, comme il le lui proposait dans le
temps de la nature innocente.
Ce n'est plus aussi une terre de Canaan, un pays
découlant de lait et de miel, comme la Loi
le promettait aux Israélites, au cas qu'ils
n'endurcissent point leurs coeurs à
la voix de Dieu.
C'est infiniment plus que cela, ce sont toutes les
grâces de Dieu ensemble, pardon des
péchés, consolations du S. Esprit,
paix dans la conscience, immortalité, vie
bienheureuse, gloire, trônes, couronnes dans
l'éternité : Toutes choses
sont à vous, nous dit l'Évangile,
les choses présentes et les choses
à venir...
(1 Cor. 3. 21-22.)
Jésus-Christ nous est fait par la
bonté infinie de Dieu le Père,
sapience (sagesse), justice,
sanctification et rédemption
(1 Cor. 1. 30).
Toute la plénitude des grâces
célestes habite en lui par le bon
plaisir de son Père,
(Col. 1. 19) et nous puisons tous
de sa plénitude grâce pour grâce
(Jean 1: 16) (nous avons tous reçu de sa
plénitude, et grâce pour
grâce), et Dieu nous a bénis
en Christ de toutes les bénédictions
spirituelles dans les lieux célestes.
(Eph. 1. 3)
Fut-il donc jamais des motifs d'amour, et de
reconnaissance pareils à
ceux-là ? À moins que d'avoir
(d'être)
dépouillé tout sentiment de vertu, et
de s'être entièrement livré au
vice, ne sera-t-on pas convaincu, persuadé,
pénétré de l'heureuse
nécessité où l'Évangile
met les hommes de se convertir et
d'aimer Dieu de toute leur
âme ?
Mais cette facilité de Dieu à
pardonner, cette affabilité, pour ainsi
dire, cette douceur d'un père qui parle
à son enfant, ne peut-elle pas enfin lui
être fatale, et le perdre par trop
d'indulgence ?
Non, mes Frères, l'Évangile n'est pas
fait pour jeter les hommes dans le
relâchement de la piété, et
quand le pécheur a la
témérité de s'écrier
sur l'étendue adorable de la
miséricorde divine, demeurons dans le
péché afin que la grâce abonde
(Rom. 6. 1-2) il entend
aussitôt l'Apôtre qui se récrie
avec une sainte indignation, Ainsi n'advienne,
et comment, nous qui sommes morts au
péché, s'avoir par la
justification que Jésus-Christ nous en a
obtenue, voudrions-nous encore vivre au
(dans le)
péché ?
Ha ! il en coûtera cher à
l'homme qui aura fait un abus si criminel de la
grâce et de la miséricorde de Dieu,
c'est l'Évangile lui-même qui nous le
dit, et qui faisant succéder les menaces aux
promesses, la voix de Dieu n'est pas moins terrible
dans celles-là, qu'elle
est douce et consolante dans celles-ci. C'est alors
un Dieu qui ne peut être
moqué
(Gal 6. 7.) (Ne
vous y trompez pas : on ne se moque pas de
Dieu), un Dieu qui est un feu consumant
(Hébreux 12: 29).
Entendons là-dessus parler nôtre
Apôtre dans cette même
Épître aux Hébreux, d'où
nous avons pris nôtre Texte, il ne sera pas
nécessaire après cela d'entendre
sortir de quelque autre endroit quelqu'une des voix
terribles que Dieu fait tonner contre
l'impénitence des hommes, sous
l'Évangile comme sous la Loi : Si la
parole prononcée par les Anges, dit donc
nôtre Apôtre dans le chapitre second de
cette Épître, a été
ferme, et que toute transgression et
désobéissance a reçu une juste
punition, comment échapperons-nous si
nous négligeons un si grand salut, qui
nous a été premièrement
annoncé par Jésus-Christ, et qui nous
a été ensuite confirmé
par ceux qui l'avaient ouï ?
(Héb. 2. 3)
Et dans le chapitre dixième : Si
quelqu'un avait méprisé la Loi de
Moïse, il mourrait sans
miséricorde ; De combien pires
tourments pensez-vous donc que sera jugé
digne celui qui aura
foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui
aura tenu pour une chose profane le sang de
l'alliance, par lequel il avait
été sanctifié, et qui
aura outragé l'Esprit de
grâce ? (Héb. 10: 28-29.)
Si toutes ces menaces, pécheurs, ne vous
touchent point, si sans vous effrayer, vous voyez
le ciel se fermer devant vos yeux, et l'enfer
s'ouvrir à vos pieds, endurcissez vos coeurs
tant que vous voudrez, plongez-vous dans le
péché ; que celui qui est
injuste, soit injuste encore, et que celui
qui est saint se sanctifie encore ?
(Apoc. 22. 11)
Mais si la haine de Dieu contre le
péché, son amour pour la
sainteté, le don qu'il vous a fait de son
propre fils, et avec ce don inestimable toutes les
grâces de son Évangile, si enfin, les
promesses de la félicité
céleste par lesquelles il vous invite
à vous repentir, et l'arrêt foudroyant
qu'il prononce contre l'impénitence, si
toutes ces choses, dis-je, qui forment la voix de
Dieu dans l'Évangile, font impression sur
vos coeurs, aujourd'hui que vous entendez cette
voix divine n'endurcissez point
vos coeurs.
Oui, aujourd'hui. sans plus attendre,
sans plus différer, Dieu vous le demande, et
nous allons vous le faire voir dans nôtre
troisième partie.
Il n'y a point d'homme, s'il n'est un vrai impie,
et un athée, qui ne soit convaincu en
lui-même qu'il faut tôt ou tard se
repentir : c'est un sentiment si naturel qu'il
est presque impossible de ne pas l'avoir, le coeur
même tout corrompu qu'il est, ou comme disait
Jérémie,
désespérément malin, ne
s'oppose pas à ce sentiment qui est
formé dans le fond de nôtre âme
par les lumières de la conscience.
Mais ce coeur qui est, comme disait
Jérémie dans le même endroit,
aussi rusé que malin se
dérobe à cette première
persuasion de l'esprit en renvoyant sa conversion
aussi loin qu'il peut. Hé bien, dit-il
à l'esprit, il faut se repentir, mais le
faut-il nécessairement un certain temps, et
tout temps n'est-il pas bon pour cela ?
L'esprit s'éblouit à cette parole du
coeur, et entraîné par
son penchant, il se contente de
retenir en lui-même cette
vérité, il faut tôt ou tard se
repentir, et laisse au coeur de prendre pour cela
tout le temps qu'il
voudra.
Voilà l'illusion, le coeur maître de
choisir le temps qu'il lui plaît pour la
conversion !
Il n'en trouve jamais
dans le présent qui lui soit commode, il le
rejette toujours sur l'avenir, demain, après
demain, dans un mois, dans une année !
Ce jour, ce mois, cette année viennent, mais
la conversion ne vient pas ! Ces temps sont
devenus présents, et le coeur ne veut point
du présent, il ne veut que de l'avenir,
jamais prêt à dire, je me
repens, toujours prêt à dire,
je me repentirai.
Avec cela le temps s'écoule, le
présent passe, et n'étant plus, il
n'est bon à rien, l'avenir s'avance, et il
n'est pas plutôt arrivé, qu'il se
confond avec le passé et nous entraîne
avec lui. Nous passons, la mort nous enlève,
nous ne sommes plus, et la conversion où
est-elle ? Vains projets fantômes
éblouissants d'une imagination
abusée, vous disparaissez,
et nous laissez sans conversion. Mais une âme
sans conversion qui quitte la terre et qui se
présente devant Dieu, dans quel état
y est-elle ?
Ha ! mes Frères, c'est ici que sont les
horreurs, le déchirement, la rage, le
désespoir, il n'y a plus de lieu à
(plus de temps pour)
la repentance, et alors s'exécute cet
arrêt terrible de Dieu :
Par ta dureté et par ton coeur qui a
toujours été sans repentance, tu
t'es amassé l'ire (la
colère) pour le jour de l'ire (la colère), et de la
déclaration au juste jugement de Dieu.
(Rom. 2. 5.) Mais, par ton endurcissement et par
ton coeur impénitent, tu t'amasses un
trésor de colère pour le jour de la
colère et de la manifestation du juste
jugement de Dieu...
Aujourd'hui donc, nous crie l'Apôtre,
si vous entendez sa voix, n'endurcissez point
vos coeurs.
La première observation qu'il y a à
faire ici contre ce malheureux renvoi que nous
faisons de la repentance, c'est que le S. Esprit
joint dans ces paroles l'obligation de se convertir
à la grâce que Dieu nous fait de nous
adresser sa voix : Aujourd'hui vous entendez
sa voix, convertissez-vous donc aujourd'hui.
En effet, mes Frères, sommes-nous
assurez que Dieu nous fera entendre sa voix
à l'avenir, quand nous
voudrons, et sur tout après que nous
l'aurons méprisée, après
qu'elle n'aura pu rien gagner sur nous ?
Nous l'avions ainsi cru dans le Royaume dont nous
venons de sortir, et nous nous étions
malheureusement flattés de cette
pensée, que la parole de Dieu nous serait
toujours prêchée, sinon avec la
même liberté qu'autrefois, au moins
avec assez de liberté pour la pouvoir aller
entendre en divers endroits.
Mais vous voyez ce qui vient de nous arriver, nos
Temples sont démolis, la parole de Dieu n'y
est plus prêchée, sa voix ne s'y fait
plus entendre, et on a vu dans tout ce vaste
Royaume, placé entre les deux mers, ce que
Dieu avait prédit dans la Prophétie
d'Amos, Ils trotteront depuis une mer
jusqu'à l'autre et ils circuiront depuis
l'Aquilon jusqu'à l'Orient, cherchant la
parole de Dieu ; mais ils ne la trouveront
point.
(Amos 8: 12.) Ils seront alors errants d'une mer
à l'autre, Du septentrion à l'orient,
Ils iront çà et là pour
chercher la parole de l'Éternel, Et ils ne
la trouveront pas.
Nôtre conversion aurait prévenu ce
malheur, nous avons cru que nous aurions
toujours assez de temps pour nous
repentir, nous avons, sur cela,
différé nôtre conversion, et
Dieu a cessé de parler, sa voix n'est plus
entendue : Aujourd'hui donc que nous
entendons, n'endurcissons point nos coeurs.
Une seconde observation sur ce fatal retardement de
la repentance, c'est que nous regardons la
repentance comme l'ouvrage d'un moment, ou d'un
jour. Il ne faut, disons-nous souvent, qu'un bon
moment pour nous repentir. Mais nous nous trompons,
il y faut non pas un moment, ni un jour, mais des
semaines, des mois, des années, un long
travail, une grande application. Aujourd'hui une
passion à combattre et demain une autre.
Tantôt une habitude criminelle à
vaincre, tantôt un vice naissant à
étouffer, et toujours être en garde
contre le retour de l'un et de l'autre. Cela se
fait-il en un moment ou en un jour ? Je
sais bien que Dieu peut dans un moment quand il
lui plaît convertir une âme, et
faire du plus grand
pécheur un grand saint. Mais ce sont
là de ces miracles de grâce que Dieu
ne fait que rarement, qui ne doivent jamais
être tirez à conséquence, et
qui ne doivent servir, tout au plus, qu'à
nous faire conclure qu'il ne faut jamais
désespérer entièrement de la
conversion des autres, fussent-ils les plus grands
de tous les pécheurs, mais jamais pour nous
faire différer nôtre propre
conversion.
Les miracles de la grâce ne sont pas faits
pour cela, et afin (ni
pour) entretenir dans nos âmes une
criminelle sécurité.
Dieu a établi dans le cours de sa providence
un ordre sur lequel nous devons nous régler,
si nous voulons nous sauver.
Il nous a donné ses Écritures,
et pourquoi nous les aurait-il
données si nous négligeons de
les lire ?
Il a établi dans son Église le
Ministère de la prédication,
et pourquoi nous prêcherait-on de sa part, si
nous refusions d'écouter ?
Il nous fait dire tous les jours par la voix
de ses Ministres, que nous renoncions à nos
péchés, et que nous
menions une vie sainte, et pourquoi nous y exhorter
continuellement, si nous n'avons besoin que d'un
moment, pour devenir gens de bien ?
Voilà par quels chemins Dieu nous
mène à la repentance. Ne point y
entrer, et ne point y marcher, c'est vouloir se
trouver au bout de la course, sans avoir couru, et
à la fin de la carrière, et sous la
main qui tient la couronne pour la mettre sur la
tête de celui qui a fourni (préparé) la
noble carrière de la piété,
sans avoir même encore daigné d'y
entrer !
Si c'est ainsi, Chrétiens, que vous concevez
qu'on puisse faire son salut, et qu'en un moment,
en une heure, ou en un jour on puisse s'être
dégagé des liens du vice, avoir
transporté dans son âme toutes les
vertus, être devant Dieu un vrai
pénitent, je vous avoue que je ne connais
plus dans ce pays, ou j'arrive, l'homme que j'ai
connu dans le pays d'où je suis, qu'on est
fait ici autrement qu'ailleurs y et qu'on
est d'un sang plus pur que tout le reste du genre
humain.
Mais si vôtre coeur est
comme le nôtre, s'il est susceptible des
mêmes faiblesses et des mêmes
affections que nous , sachez que de tous les
ouvrages, le plus difficile, et celui qui demande
le plus d'attention, le plus de travail, et le plus
de temps, c'est celui d'une bonne conversion.
Mais enfin, quand cet avenir, sur lequel nous
renvoyons nôtre conversion, serait aussi
certain, qu'il est douteux, car qui est-ce qui peut
s'assurer de l'avenir, de l'avenir même le
plus proche, du lendemain ? Et quand nous
serions aussi assurez de disposer de nôtre
coeur dans ce prétendu avenir pour le
tourner vers Dieu, et le rempli de son amour, que
nous avons peu de sujet de l'espérer quelle
raison avons-nous d'endurcir aujourd'hui nos
coeurs, pour nous repentir un jour, et je ne sais
quand ?
Craignons-nous d'être trop tôt gens de
bien, de faire trop tôt ce qui est
agréable à Dieu, d'être trop
tôt en paix avec lui ? Ou croyons-nous
pouvoir lui être agréables, et
être en paix avec avec lui
sans la repentance. Il n'y a point de paix pour
le méchant,
(Esa. 57. 21) nous dit Dieu
lui-même, et ne pas vouloir se repentir
aujourd'hui, sous ombre (sous
prétexte) qu'on le voudra un jour,
c'est vouloir être jusqu'à ce
temps-là dans le crime, c'est vouloir
être ennemi de Dieu, c'est ne point se
soucier que Dieu soit le nôtre, et ainsi, de
conséquence en conséquence, dans
quels abîmes se trouve-t-on ?
Je laisse ici cette question tant de fois faite et
tant agitée, si la repentance
différée jusqu'à la mort,
sauve où ne sauve pas le
pécheur ?
On serait quelquefois trop rigoureux si on
prétendait lui fermer toujours la porte du
Ciel, mais on serait aussi trop indulgent si on la
lui présentait comme s'ouvrant
d'elle-même, et à la seule approche du
repentir, ainsi que la porte de fer s'ouvrit
l'approche de S. Pierre.
Gardons surtout cela un sage tempérament,
laissons à Dieu de juger souverainement en
dernier ressort quelle repentance il doit
récompenser, et à quels
pénitents il veut faire grâce ;
il a compassion de celui de
qui il lui plaît d'avoir compassion, et
il doit nous suffire de savoir qu'il ne rejettera
jamais celui qui viendra à lui, mais
nous devons aussi savoir que c'est toujours le plus
sûr d'aller à lui le plutôt
qu'on peut, et de ne point différer à
se convertir. Aujourd'hui donc que nous
entendons sa voix, n'endurcissons point nos
coeurs.
Application
Jamais, mes Frères, nous n'eûmes
plus de sujet de faire de profondes
réflexions sur toutes ces choses
qu'aujourd'hui, alors
que la divine Providence nous assemble en ce lieu
sacré pour y gémir en la
présence de Dieu sur les afflictions de
l'Église.
Elles sont de nature à ne pouvoir être
ignorées d'aucun de vous., et il ne peut y
avoir que des coeurs de roche qui n'en soient pas
attendris. Nôtre froissure (plaie) est grande comme la
mer
(Lam. 2. 13) et son amertume a
passé jusques dans nos mouelles (étoffes,
vêtements ?). La coupe de la
colère du Tout-puissant est venue à
nous toute pleine du vin de son ire (colère) : nous
l'avons bue jusques à la lie ; et vous
frémissez à ce seul
aspect. Dieu vous garde qu'elle vienne jamais
jusqu'à vous !
Mais afin que ce grand malheur ne vous arrive
point, souffrez que je vous expose ici
premièrement dans un récit
abrégé les maux de nôtre pauvre
Sion, et qu'ensuite remontant jusqu'à cette
main terrible d'un Dieu irrité qui a voulu
se venger de l'ingratitude de son peuple, nous
cherchions ici tous ensemble les moyens de
l'apaiser pour nous, et pour vous.
Dieu avait pris depuis plus d'un siècle en
faveur de nos Églises des soins
véritablement dignes de son amour et de sa
puissance. Il avait été pendant tout
ce temps une muraille de feu et ses
bénédictions étaient
tombées sur elles en abondance. Il avait
été comme une rosée
à (pour) notre
Israël
(Osée 14. 5). Nous vivions
sous la plus belle réformation, et dans la
foi la plus pure qui se soit vue depuis les
Apôtres dans une religion
déchargée de ces tas hideux de
créance et de cérémonies ou
inutiles et vaines, ou
superstitieuses et égarées, que
l'ignorance et la corruption des siècles
précédents avaient apportées
dans l'Église. En un mot dans une religion
comme la vôtre, et la même que vous
professiez.
Dieu avait ses Temples au milieu de nous, sa parole
y était prêchée, et les saints
Cantiques y retentissaient. Nous avions, comme
vous, nos Pasteurs qui nous paissaient de la
doctrine céleste, et que Dieu, avait fait
les dépositaires de ses divines
vérités. Par eux il reprenait, il
exhortait, il consolait.
Par eux il étalait à nos yeux les
richesses de sa grâce et de nôtre
rédemption, et nous ouvrait l'intelligence
des Écritures.
Par eux il nous menait le long des eaux coyes (paisibles), dans des
pâturages herbeux, et Lui, il se campait
autour de nous, gardait lui-même les veilles
de la nuit sur son Troupeau, et le garantissait le
jour et la nuit des courses et des embûches
des Loups dévorants dont il était
environné. Sans forces, sans protection,
aguettés (guettés,
épiés), et poursuivis en mille
manières nous avons
subsisté pendant plus d'un siècle par
un miracle continuel de la main puissante de Dieu,
qui nous servait de bouclier, et nos Églises
ont fleuri, comme un lys entre les
épines.
Mais aujourd'hui nous ne sommes plus ; Sion
est tombée comme un éclair, les
pavillons d'Israël ont été
abattus par une violente tempête, et nous
n'en voyons plus que quelques misérables
débris que l'orage a écartés
de côté et d'autre, et dont une partie
a été jetée dans vos
Provinces.
Fut-il donc jamais de désolation pareille
à la nôtre ? Voyez, passants,
considérez s'il y eut jamais de douleur
comme notre douleur. Les chemins de Sion
mènent deuil ; personne ne va plus
à nos fêtes solennelles ;
(Lam, 1.4 et suiv.) nos Temples sont
démolis, on en a fait des lieux de
marché, et l'on y a arboré les
étendards du Papisme, des croix dont on fait
des idoles.
On ne s'est pas
arrêté-là : de ces Temples
matériels, de bois et de pierre, on a
porté la fureur jusques sur les Temples
vivants, jusqu'aux corps des
Fidèles, les Temples du S.
Esprit.
On les accable de coups , on les charge de
chaînes, et les cruautés que l'on
exerce sur eux se suivent de si prés
qu'elles ne leur laissent presque pas le moyen de
respirer. Heureux encore s'ils achevaient une fois
de respirer, leurs maux passeraient avec leur
souffle, mais on leur fait reprendre haleine,
afin qu'à diverses reprises la
cruauté s'exerce davantage sur eux. S'ils
osent encore après tous ces maux ouvrir leur
bouche pour confesser le Nom de Dieu, et parler
le langage des bien appris, on les regarde
comme des impies.
Les Cantiques de Sion, les Psaumes de David leur
sont interdits comme des blasphèmes: ha! que
dis-je, comme des blasphèmes? Les
blasphèmes n'ont rien de choquant et de
scandaleux pour les oreilles des
Persécuteurs, c'est un langage qu'ils
connaissent trop bien et qui leur est trop familier
pour en faire un crime.
A la défense, et aux rigueurs
employées pour interdire à nos
pauvres Frères le chant des
louanges de Dieu, et la
confession de la vérité, on joint la
violence et la tyrannie pour leur faire parler le
langage de Babylone, et souiller leurs
lèvres de ses cantiques. On les force
d'aller où ils ne veulent point, et comme de
misérables victimes, on les traîne au
pied des autels.
Le Prophète avait déclaré que
le peuple du Messie serait un peuple de franc
vouloir
(Ps. 110. 3.): et de quel Messie
est-il donc, ce peuple forcé,
violenté, bourrelé pour le faire
prosterner devant une feuille de pâte, que
l'on dit être le Messie, le Fils de Dieu ,
sans que ni prières, ni cris, ni larmes
puissent fléchir les coeurs des
Persécuteurs ?
Le vieillard, qui n'attendait plus que de pouvoir
mourir en paix, et de voir le salut de Dieu,
se trouve obsédé par une troupe
de furieux, qui le chargent d'injures, et de
mauvais traitements, et qui épuisant ses
forces usées par l'âge
éteignent sa raison, s'ils ne peuvent
éteindre sa foi.
Le fils est arraché au père, la femme
au mari et le frère séparé du
frère.
C'est un crime à un père et à
une mère de vouloir mettre leur enfant
à couvert des recherches des inquisiteurs,
le mari n'ose pas
faire échapper sa femme. le frère
n'ose pas rassurer sa
soeur alarmée et tremblante, et les
domestiques d'un homme sont forcez d'être ses
ennemis.
Il faut que la Nature renonce à ses droits,
que la piété se taise, que la
charité soit éteinte, que la foi
succombe, et que Dieu soit
déshonoré.
Veut-on fuir ces persécutions, et s'aller
(se) cacher dans les
bois, ou dans les antres de la terre ? On est
poursuivi partout, on est découvert partout,
et de partout, des déserts les plus
reculés, et des cachettes les plus sombres
on est ramené, comme des victimes fugitives
au pied des autels.
Que vous étiez heureux, grands Saints de
l'ancienne et de la nouvelle Sion, fidèles
Martyrs de l'Église d'Israël et de
l'Église Chrétienne dans ses premiers
siècles, lors que dispersés comme des
brebis et errants dans les déserts, vous
pouviez au moins vous cacher dans leurs
solitudes et dans les trous de
la terre, c'était des asiles pour vous et
vous aviez la liberté d'aller d'un lieu à
l'autre, et d'un pays dans un autre pays. Mais
aujourd'hui on ne trouve plus de
sûreté dans sa malheureuse patrie et
on ne sait comment aller la chercher
ailleurs : les déserts nous livrent
à nos ennemis, les rivières
s'opposent à notre retraite, les
frontières bouchent le passage à nos
fugitifs et la mer leur ferme ses ports.
Mais d'où vient, mes Frères, que
toute la nature est ainsi comme d'intelligence avec
nos ennemis et qu'elle est, se (ce me) semble, armée
elle-même contre nous ?
La raison n'en n'est pas difficile à
rendre : c'est que l'Auteur lui-même de
la nature, le Dieu du Ciel et de la terre est notre
partie et s'est déclaré contre nous.
C'est lui qui a rendu les Arrêts, qui a
formé les Déclarations, qui nous a
ôté nos privilèges et qui, en
dernier lieu, vient de prononcer au sujet de cet
Édit fameux, qui portait sur
son frontispice le titre auguste
d'Édit perpétuel et
irrévocable, qu'il le révoquait
et qu'il l'annulait.
À cette terrible dénonciation, venue
du Ciel, plus que de la terre, prononcée par
un Dieu jaloux et irrité, plus que par un
Prince injuste à ses plus fidèles
sujets, par un Prince qui a cherché sa
gloire dans son déshonneur, tous les
Sanctuaires de Dieu ont été
profanés, tous ses Temples abattus, tous ses
Ministres exilés, le Chandelier de la
Réformation éteint, et la religion
captive sous l'oppression et la cruauté.
Voilà nos biens et nos maux ; ces biens
d'autrefois, dont il ne nous reste plus qu'un
souvenir à demi effacé, et ces maux,
dont le sentiment toujours vif et toujours
récent dans nôtre âme les
pénètre de douleur, et les remplit
d'amertume.
Mais de si grands malheurs, mes Frères,
peuvent-ils nous être arrivés, sans qu'ils
aient eu de grandes causes ? Non, cela ne se
peut. II n'y en a aucune du côté des
hommes, et le Prince lui-même qui a
révoqué ses
Édits ne nous accuse
d'aucun crime pour lequel il ait retiré de
nous sa protection, et nous ait ôté
tous nos privilèges. Dieu l'a ainsi voulu,
mes Frères, pour nôtre consolation,
et pour disculper nos Églises jusques dans
la postérité la plus reculée.
Mais nous n'étions pas ainsi innocents
à l'égard de Dieu. Depuis longtemps
nous craignions plus la colère des hommes
que la sienne, les arrêts des
parlements, et les déclarations du Prince,
que la sentence prononcée de Dieu contre les
contempteurs (détracteurs) de sa
parole, et les infracteurs (transgresseurs) de ses
lois.
Toute nôtre sagesse et toute nôtre
précaution allait à éviter
qu'un Clergé, toujours attentif et
ingénieux à nous perdre, ne nous fit
tomber dans quelque nouveau piège, et ne
nous enlaçât dans ses filets :
mais pour la sagesse et la précaution
à nous
détourner de la
colère de Dieu, et à prévenir
ses jugements, c'est à quoi nous pensions le
moins.
Et Dieu, qui s'est déclaré si souvent
dans sa parole un Dieu jaloux, n'a pu voir sans jalousie, une
préférence si marquée des
hommes à lui ; il n'a pu souffrir que
nous eussions moins peur de lui que des hommes,
et que ses menaces fissent moins d'impression sur
nous, que celles d'un Roi mortel, dont le souffle
est dans ses narines, car que vaut-il ?
Il n'en est pourtant pas venu tout d'un coup, ce
Dieu jaloux et puissant, aux dernières
rigueurs contre nous. Il nous a, durant longtemps,
exhortés. conjurés de nous repentir.
Il nous faisait tous les jours entendre sa voix, et
à la voix des prédications qui nous
étaient faites, il ajoutait de temps en
temps, cette autre forte de voix, de laquelle
Michée disait, Écoutez la verge
(Mich. 6. 9.), et considérez
qui est celui qui en frappe.
Tantôt c'était une nouvelle
brèche qu'on faisait à nos
libertés, une défense rigoureuse
d'entretenir entre les Églises d'une
Province et celles d'une autre la communion des
saints, une correspondance fraternelle :
tantôt c'était la suppression de nos
Écoles, et la
démolition de quelques-uns de nos Temples. Aujourd'hui on dépouille nos Magistrats de
leurs charges, et un autre jour
c'était une Déclaration qui nous
défendait de recevoir aucun prosélyte
dans nôtre religion, et une autre
déclaration qui nous rendait criminels s'il
entrait dans nos Temples un homme qui eut autrefois
abandonné notre religion pour embrasser la
Romaine..., et ainsi chaque jour nous enseignait, pour ainsi dire, quelques
nouveaux arrêts contre nous.
Il était bien aisé d'entendre
d'où cela venait, mais nous, sans
intelligence, peuple dans le coeur duquel devait
être, et n'était pas, la Loi de
l'Éternel, peuple ingrat, peuple
obstiné, nous continuons notre train de vie
et nous étions toujours
désobéissants à la voix de
Dieu.
Mais enfin sa patience lassée s'est
changée en fureur, et quand il a vu qu'au
lieu de nous convertir, et de faire de la
sainteté. nos délices, nous
endurcissions nos faces comme une roche, et
que nous refusions de nous repentir
(Jér. 5. 3.), il a
jeté ses verges avec
lesquelles il s'était, jusqu'alors
contenter de nous châtier. Il a pris en sa
main le bâton de sa fureur (Esaïe
10: 5) et c'est alors qu'il a frappé ce
grand coup qui nous a tous atterrés et dont
l'éclat à retenti dans toute
l'Europe. Ô Dieu puissant que ta
colère est épouvantable et que c'est
une chose terrible de tomber entre tes mains.
Apaise-toi grand Dieu, arrête ton bras, si tu
frappes un second coup, que
deviendrons-nous ?
... Mes chers Frères ! ses compassions
ne sont pas encore défaillies (en manque,
épuisées), il nous parle,
c'est assez clair... Aujourd'hui donc que vous
entendez sa voix, n'endurcissez point vos
coeurs.
Je m'adresse à nous premièrement, mes
très chers Frères, qui, comme nous,
êtes venus de la grande tribulation, Dieu
nous a fait entendre sa voix dans une terre
étrangère quoique vous ayez longtemps
méprisé cette voix d'un Dieu qui ne
voulait point, ni votre perte, ni votre mort, mais vôtre
conversion et vôtre vie.
Profitez en mieux, dans ce pays, que vous n'avez
fait dans le vôtre. En changeant de pays,
vous n'aurez pas changé de condition, si
vous ne changez de vie, c'est peu d'avoir du
zèle pour la religion, et d'avoir même
fait pour elle le grand sacrifice que vous avez
fait de vos biens, de vos parents, et de vos
familles.
Vous pères et mères de vous
être séparez de vos enfants, vous
enfants de vous être privés de vos
pères et de vos mères, vous
maris d'avoir fait un saint divorce avec vos
femmes, plutôt que de faire divorce avec
Dieu, et de lui être infidèle, et vous
femmes, qui solitaires et privées de vos
maris êtes venues, comme l'Épouse du
livre des Cantiques, chercher vôtre divin
Époux, parce que vous ne pouviez vivre sans
lui, c'est peu, dis-je, que tout cela, tout grand
qu'il est, et digne de nos
bénédictions et de nos louanges, si
vous ne joignez au zèle de la religion,
celui de la piété,
qui en doit être inséparable :
Prenons donc le zèle, et repentons-nous
(Apoc. 3. 19). Car que
serait-ce, mes Frères, si nous étions
venus porter dans ce pays les vices et les
péchés pour lesquels Dieu nous a
chassés du nôtre ?
Voudrions-nous provoquer encore à la
jalousie le Seigneur, et obliger sa vengeance
à nous venir rechercher jusques dans
nôtre retraite, et dans nôtre
asile ?
Voudrions-nous être venus dans ces Provinces,
et dans les autres pays de nôtre dispersion,
pour y donner de mauvais exemples, et pour y
être en scandale à nos Frères,
à ces Frères généreux
et bienfaisants qui nous ont recueillis si
bénignement, et qui de leurs mains
charitables tâchent d'essuyer nos
larmes ? À Dieu ne plaise qu'ils nous
fassent jamais ce reproche, et que jamais nous leur
donnions sujet d'avoir regret au bon accueil qu'il
nous ont fait ?
Qu'il n'y ait dont plus parmi nous ni
médisances, ni envies, ni débats.
Calmons ces passions violentes
du ressentiment et de la vengeance que la
corruption du coeur enfante partout, et qu'une
fausse délicatesse n'avait rendu que trop
fréquent dans notre nation. Oubliez tous vos
serments et tous vos blasphèmes et qu'aucune
parole malhonnête ne sorte de votre bouche,
bannissez de vos coeurs l'impureté et
possédez vos corps en sanctification.
Soyez francs et justes dans le commerce,
tempérants dans les plaisirs même les
plus innocents, doux et humbles avec vos prochains,
soumis aux Puissances, affectionnez-vous au bien de
l'État.
(1 Cor. 10. 32-33)
En un mot soyez tel que vous ne donniez aucun
achoppement à l'Église de Dieu et
que vous forciez vos ennemis même à
dire de vous, certainement Dieu est au milieu
d'eux
(1 Cor, 14. 25)
Je viens maintenant à vous, mes
Frères très chers, très
honorés, qui faites partie de ces belles et
florissantes Églises que Dieu a recueillies
dans ces Provinces. Que votre sort est heureux de
vivre sous des Puissances qui soutiennent si
glorieusement la
Réformation de
l'Église, et de pouvoir faire publiquement
et en toute liberté, les actes particuliers
et publics de vôtre sainte religion !
Mais quand je fais réflexion sur les efforts
que fait sans cesse le démon pour opprimer
la vérité par toute la terre, et sur
les artifices que la fausse Église invente
et emploie tous les jours pour ruiner la
réformation dans toute l'Europe, je
frémis, je tremble pour vous.
Une seule chose...
Une seule chose me rassure, c'est que Dieu
qui a si visiblement pris sous sa protection ces
Provinces et vos Églises, les
défendra contre ces dangers, rendra vaines
les entreprises, de vos ennemis, qui sont aussi les
siens, et vous sera toujours, soleil et
bouclier.
(Ps. 84. 12.)
Seulement prenez garde de ne pas vous rendre pas indignes
de sa protection, et de ses grâces,
il est libéral de ses bienfaits, et
n'épargne aucun bien à ceux qui
cheminent dans l'intégrité.
Acquittez-vous mieux de tous vos devoirs, que
nous n'avons fait, et votre paix sera comme un
fleuve, et votre justice comme les flots de
la mer,
(Esa. 48. 18
Esa. 58. 8)
votre lumière éclora comme l'aube du
jour, votre justice ira devant vous, et la gloire
de l'Éternel sera votre
arrière-garde. Les gratuités de
l'Éternel vous accompagneront tout le temps
de votre vie, un jour donnera matière
à un autre jour de
célébrer les bontés de
Dieu, ses bénédictions
s'entasseront sur vos têtes, et passeront
jusqu'à vos enfants, et aux enfants de vos
enfants.
Dieu bon, Dieu pitoyable et miséricordieux,
ratifie dans ton Ciel les voeux que nous faisons
sur la terre en faveur de ces Provinces, et de tes
Troupeaux. Rends-leur le bien qu'elles nous ont
fait, récompense leur charité par la
tienne, fais du bien selon ta bienveillance
à Sion, et relevé les murs de
Jérusalem
(Ps. 51. 18.)
Et à toi, Dieu de grâce et de
miséricorde, Dieu Sauveur, Dieu
Rédempteur, Père, Fils, et S. Esprit,
sainte et adorable Trinité, soit honneur et
gloire aujourd'hui, et dans tous les
siècles. Amen.
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