Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



L'ATTENTION DU COEUR À LA VOIX DE DIEU


David Martin
 Prononcé à la Haye, pour un jour de jeûne
le 21 novembre 1685

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Sermon sur les paroles de l'Épître de l'apôtre S. Paul aux Hébreux, ch. 4. v. 7.

Aujourd'hui si vous entendez sa voix n'endurcissez pas vos coeurs

C'est un état bien déplorable, mes Frères, que celui d'un peuple qui n'a pas la connaissance de Dieu : S. Paul dit que c'est être sans espérance au monde (Eph. II. 12: or que se peut-il imaginer de plus misérable, que d'être sans Dieu ; et de plus triste, que d'être sans espérance ? Aussi, quand Moïse et le Roi Prophète ont voulu relever les avantages du peuple d'Israël au dessus de la condition de tous les autres peuples du monde, ils l'ont fait en disant que Dieu avait donné ses statuts à Jacob, et ses ordonnances à Israël, et qu'il n'avait pas fait ainsi aux autres nations de la terre. (Ps. 147. 19-20.)

Qu'est-ce, en effet, qu'un peuple à qui Dieu ne s'est point révélé, à qui il ne fait point entendre sa parole ?
Ce sont des aveugles qui ne peuvent, tout au plus, chercher Dieu, qu'en tâtonnant, (Act. 17. 27) comme disait S. Paul, et qui n'ont pas plutôt commencé à le trouver comme à tâtons, et pour ainsi dire, derrière les créatures où il se cache, car l'Éternel, dit Esaïe, est un Dieu qui se cache (Esa. 45. 15), qu'ils (et qu'ensuite ils) se détournent après d'autres objets, et prennent pour Dieu, ce qui n'est qu'une misérable idole.

Mais si l'état des peuples qui vivent sans connaissance de Dieu est digne de compassion, celui d'un peuple à qui Dieu fait l'honneur de se révéler, s'il ne profite pas de cet avantage, est en d'autant plus malheureux que l'état des Païens, que ce peuple péchant avec plus de lumières, que ceux-là, en est plus inexcusable, et plus digne d'être puni.
Alors ce n'est plus ignorance, c'est dépravation !
Ce n'est plus même simplement dépravation, c'est obstination, c'est se roidir (se raidir) contre la défense expresse de Dieu, et en quelque sorte, imprimer dans chaque péché qu'on commet, toute l'atrocité du crime. C'est ce que S. Paul tâchait de faire comprendre aux Hébreux dans le chapitre d'où j'ai pris mon Texte. Il craignait pour eux que les persécutions auxquelles l'Église naissante était exposée n'ébranlassent leur fidélité.
La chair est toujours faible, et il faut toujours se défier de ses conseils : La Morale de l'Évangile est autre, elle ne souffre point de relâchement. Le joug de Jésus-Christ commençait à ne pas paraître à plusieurs aussi aisé, ni son fardeau aussi léger, que Jésus-Christ disait qu'ils l'étaient : de là un commencement de dégoût pour la Religion Chrétienne, de là certains retours du coeur vers la Synagogue d'où les Hébreux étaient sortis, et de là enfin un danger prochain de défection et de révolte.

L'Apôtre S. Paul voyait tout cela, et il en craignait les suites. Pour les prévenir, il écrit à ces Hébreux en des termes pleins de cette force que ses ennemis même étaient contraints de reconnaître dans ses Épîtres au sujet desquelles ils avouaient qu'elles étaient graves et fortes. Il est certain qu'il ne se pouvait rien imaginer de plus pressant pour retenir dans la profession de la foi ces Hébreux nouvellement convertis autre que les raisons donc ce saint homme s'est servi dans cette incomparable Épître.
Entre les motifs qu'il leur met devant les yeux pour fortifier leur foi, et pour exciter leur piété, il rappelle dans leur souvenir l'histoire de leurs premiers Pères qui, pour avoir désobéi dans le désert aux ordres de Dieu et avaient été incrédules, ne virent point l'accomplissement ment de la promesse que Dieu leur avait faite, celle de les introduire en Canaan, et moururent dans le désert.
C'était, leur dit là-dessus, S. Paul, un exemple et une leçon pour vous si vous ne profitez pas mieux qu'eux des grâces de Dieu. Ils ne purent entrer dans son repos à cause de leur incrédulité (Ch. 3. 19). Craignons donc, ajoute-t-il, que quelques-uns d'entre vous n'en viennent à rejeter la promesse d'entrer dans son repos, ne s'en trouve privé (Ch. 4. 1.)

Ce repos dont ils seraient privés s'ils ne persévéraient pas dans foi, était le repos spirituel de l'Évangile, repos qui a ici-bas son commencement dans la grâce et qui aura sa perfection dans le Ciel et dans la gloire.
David l'avait vu de loin par les lumières de l'Esprit prophétique. Ce repos spirituel de l'Évangile, opposé au travail du joug de la Loi dans le Psaume 95.
S. Paul emprunte plusieurs fois ses paroles et il les adresse aux Hébreux de son temps. Le Roi Prophète n'y avait pas eu moins en vue, que ceux du sien : Aujourd'hui, avait dit David, et dit après lui dans le même esprit, l'Apôtre S. Paul, si vous entendez sa voix n'endurcissez point vos coeurs. (Ps. 95. 7-8)

La nécessité de cette exhortation n'est pas moins grande aujourd'hui, mes Frères, qu'elle peut l'avoir été du temps de David et de S. Paul ; l'homme est toujours homme, et par conséquent toujours sujet aux faiblesses humaines, et toujours dans la pente des passions inséparables de son coeur.
On peut dire même que la nécessité de l'exhortation de l'Apôtre a redoublé en ces derniers temps, d'un côté, par les nouvelles persécutions qui ont été excitées contre l'Église, et de l'autre, par le peu de zèle que la plupart des Chrétiens témoignent avoir pour la Religion, et la véritable piété.

À l'égard des nouvelles persécutions, personne ne les ignore, et quand nous nous tairions, les pierres mêmes de ce Temple qui recueille aujourd'hui tant de Fugitifs que la tempête y a jetés de presque tous les endroits, la France, pourraient en rendre témoignage. Et quant au peu de zèle et de piété qui se voient dans l'Église, les coups terribles que la vengeance divine vient de faire tomber sur nous (et Dieu veuille qu'ils n'aillent pas plus avant !) n'en sont qu'une trop forte preuve.

C'est pour nous faire entrer dans toutes ces considérations que ce jeûne a été indit (fixé). Les sages Puissances qui gouvernent cet État, faisant de nos maux les leurs, et voulant partager avec nous, nos gémissements et nos larmes, viennent aujourd'hui mêler dans nos assemblées leurs prières avec les nôtres, et s'humilier avec nous aux pieds de Dieu, pour apaiser sa colère, et le rendre propice aux maux de Sion.
Bénies soient elles de par l'Éternel, ces charitables Puissances, et soyez bénis vous tous, mes Frères, mes très chers Frères, heureux habitants de ces Provinces, qui formez à cette heure dans ce Temple cette pieuse assemblée, avec nous, les réchappez de la grande tribulation qui tous vous étions auparavant inconnus, et desquels vous pouviez vous entredire, et vous entredemander (vous dire, vous demander) l'un à l'autre : Et ceux-ci, qui sont-ils et d'où sont-ils venus ?

Le Texte que nous avons choisi pour servir de matière à cet exercice et qui a un rapport tout manifeste à la nature de ce jour d'humiliation et de repentance, nous présente trois points à examiner.

Le premier est la bonté que Dieu a de nous parler, et de nous faire encore entendre sa voix pour nous empêcher de périr.
Le second, c'est l'usage que nous devons faire de la parole que Dieu nous adressé, n'endurcissons point nos coeurs.
Le troisième, la promptitude avec laquelle nous devons nous porter à faire ce que la voix de Dieu exige de nous, c'est que nous le fassions aujourd'hui dés ce même jour, et sans différer à un autre : Aujourd'hui (alors) que vous entendez sa voix, n'endurcissez point vos coeurs.
Et toi, Seigneur, fais entendre à ces coeurs eux-mêmes la voix de ta grâce, ouvre les pour y faire entrer ta parole, alors nous écouterons ce que l'Éternel nous dira. (Ps. 85. 9.) Amen.

PARTIE 1

À parler proprement Dieu n'a ni voix, ni parole. La voix est un air figuré d'une certaine manière par les organes d'un corps animé, comme sont les poumons, le palais, la langue et autres, qui servent à former la voix, et à la pousser jusqu'à nos oreilles. Or il n'y a rien de cela en Dieu, qui bien loin d'être composé de plusieurs parties différentes, est un pur esprit et un esprit infini, Mais comme c'est l'usage ordinaire de l'Écriture sainte de nous représenter Dieu avec les parties et les facultés qui servent à nos mouvements et à nos actions, les bras, les mains, les yeux, et autres semblables, elle donne aussi à Dieu une voix et une parole afin de désigner en général le soin que Dieu a de faire connaître aux hommes sa volonté.
Parce que c'est par le moyen de la voix que les hommes communiquent entr'eux leurs pensées et leurs sentiments, ainsi la voix de Dieu est la connaissance que Dieu donne aux hommes de ce qu'ils doivent faire pour lui être agréables, et celle des promesses et des menaces dont il accompagne ses défenses et ces commandements, se servant pour cet effet du ministère des Patriarches, des Prophètes, et des Apôtres, à qui il s'est révélé immédiatement, et qu'il a remplis de son Esprit.
Mais parce que l'homme peut être considéré sous trois égards différents, savoir, ou simplement comme une créature intelligente et raisonnable : ou comme une créature qui a perdu par la corruption originelle du genre humain le droit (le bon) usage de sa Raison, ou enfin comme une créature misérable que le dérèglement de son esprit et les désordres de son coeur mènent à la perdition éternelle.

Dieu a employé trois sortes de voix pour se faire entendre à l'homme.
- la voix de la Nature,
- la voix de la Loi,
- et la voix de la Grâce, ou de l'Évangile.

La première a été la plus étendue, et la plus générale, car elle s'est adressée à tous les peuples du monde, mais elle a été aussi la plus faible, car à peine a-t-elle pu se faire entendre, (que) la seconde a été forte et éclatante, mais elle a été rude, et plus propre à effrayer qu'à insinuer (inscrire) ses instructions dans l'âme des hommes.
La troisième a retenti partout, et elle a été propre à instruire et à consoler.

La voix de Dieu dans la Nature ne donnait à l'homme que des enseignements généraux, comme par exemple, qu'il y a un Dieu, qu'il est tout puissant, tout sage, tout bon, et le premier Être, duquel tous les autres dépendent, et qui sont tous sa production : c'est ce que S. Paul appelle, au chapitre premier de son Épître aux Romains, les choses connaissables de Dieu, sa puissance éternelle, et sa divinité, lesquelles se voient comme a l'oeil étant considérées dans ses ouvrages.
C'est avec cette voix des créatures que Dieu a parlé à toutes les nations de la terre, qu'il s'est fait connaître aux hommes dans les temps de leurs plus profondes ténèbres, et qu'il a convaincu l'athéisme et l'idolâtrie : Les cieux, disait le Prophète dans le Psaume 19, publient la gloire du Dieu fort, et l'étendue donne à connaître l'ouvrage de ses mains, un jour fait des leçons à un Autre jour, et une nuit montre la science à une autre nuit : il n'y a point en eux de langage, il n'y a point en eux de parole, et cependant leur voix a été entendue.
Les cieux racontent la gloire de Dieu, Et l'étendue manifeste l'oeuvre de ses mains. Le jour en instruit un autre jour, La nuit en donne connaissance à une autre nuit. Ce n'est pas un langage, ce ne sont pas des paroles dont le son ne soit point entendu.
Il est
vrai, mais elle n'a été que peu entendue, et les hommes en ont très peu profité : Ils ont connu Dieu, disait S. Paul dans le même endroit, mais ils ne l'ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu, grâces : ils sont devenus vains en leurs discours, et leur coeur destitué d'intelligence a été rempli de ténèbres, se disant être sages, ils sont devenus fous, et ils ont changé la gloire de Dieu incorruptible en la ressemblance de l'homme corruptible, et en celles des oiseaux, et des bêtes à quatre pieds, et des reptiles.
Voilà d'un côté quelle a été la voix de la Nature, et de l'autre le peu d'effet qu'elle a produit.

La voix de la Loi a été plus claire, plus distincte, et par conséquent plus propre, à se faire entendre. Dieu descendit du Ciel pour donner sa Loi, il s'entretint avec Moïse pendant quarante jours et quarante nuits sur la montagne de Sinaï, et il versa dans le sein de son Prophète ses pensées et ses sentiments, comme un ami qui ouvrirait son coeur à son ami.
Mais c'était la voix et la parole d'un Législateur qui parle avec toute l'autorité d'un Souverain d'un Législateur même rigoureux, qui veut absolument être obéi dans tout ce qu'il dit, et qui menace de mort la moindre infraction de ses lois, Maudit est quiconque n'est permanent en toutes les choses écrites dans ma Loi, pour les faire.

Quoi qu'il en soit, cette voix de Dieu Législateur n'a été entendue que des Juifs dans le désert, et ensuite dans la Palestine, elle n'est point sortie de la Judée, et les autres peuples n'en ont rien entendu.

À ces deux voix, qui ont été les seules dont Dieu s'était servi durant une longue suite de siècles pour se faire entendre aux hommes, il lui a plu d'en ajouter enfin une troisième, la voix de la Grâce, ou de l'Évangile, qui est proprement la voix de la Parole qui a été faite chair. (Jean 1. 14.)

Cette voix est toute différente des deux précédentes : elle est infiniment plus claire et plus instructive que la première ; car tout ce que la voix de Dieu Créateur a pu faire entendre dans la Nature, l'Évangile le dit encore mieux, et il y ajoute des connaissances que cette première voix était incapable de donner,
Elle est plus douce, plus insinuante, plus intelligible, que la seconde, et mille fois plus convenables, à l'homme dans l'état d'ignorance et de corruption où le péché l'a réduit, que la voix d'un Législateur, qui, s'il peut sauver, peut aussi perdre. (Jacq. 4. 12.)

Cette troisième donc, qui est proprement la voix d'un Père, prend de la première, tout ce qui est de la Nature, et de la seconde, tout ce qui est propre à maintenir l'autorité du Législateur, et à tenir les hommes dans l'obéissance.
Mais outre cela, elle nous apprend les vues de grâce et de miséricorde que Dieu a eues sur les hommes, et nous découvre le profond mystère de la Rédemption, dont la voix de Dieu dans la Nature n'avait rien dit, et dont la voix de Dieu sur la montagne de Sinaï, et dans sa Loi, n'avait laissé tout au plus couler que quelques mots, quelques sons confus, peu intelligibles.

C'est là, mes Frères, cette voix dont nôtre texte nous parle, voix véritablement divine, qui nous apprend les choses les plus cachées de Dieu, trois Personnes en une seule Nature, un Père, qui est Dieu, un Fils, qui est Dieu, un S. Esprit, qui est Dieu, sans être trois dieux.
L'incarnation du Fils, et la mort de ce Dieu et homme pour expier les péchés du monde : Jésus vrai Messie et vrai Dieu, et cent autres choses semblables, qui sont toutes autant de paradoxes à nôtre faible Raison, mais qui sont toutes des vérités révélées de Dieu, et enseignées dans les Écritures.
C'est enfin, cette voix de l'Évangile qui en nous apprenant les choses magnifiques de Dieu y instruit nôtre âme de tous les devoirs de la piété et ne cesse de lui faire entendre, que sans la sanctification nul ne verra le Seigneur (Héb. 12. 14).
Mais plus cette voix dit de grandes choses, Les choses que l'oeil n'avait point vues, que l'oreille n'avait point ouïe, et qui n'étaient jamais montées dans le coeur d'un homme vivant (1 Cor. 2. 9), plus aussi, a-t-elle trouvé dans le monde de contradictions.
Le Juif et le païen l'ont combattue, et jaloux l'un et l'autre des fausses prérogatives de la Raison humaine, ils ont fait tous leurs efforts pour ruiner la foi que la voix de Dieu, dans son Évangile, avait produite, et produisait tous les jours dans l'âme de ses Auditeurs. C'est sur quoi S. Paul exhorte ici les Hébreux de faire bien attention à cette divine voix, d'en bien retenir les instructions, et d'étouffer dans leurs coeurs jusqu'aux moindres mouvements de rébellion contre cette voix qui leur parle : Aujourd'hui si vous entendez sa voix, n'endurcissez point vos coeurs : ou aujourd'hui que vous entendez la voix, car c'est là le sens de l'expression de l'Apôtre, et de la phrase Hébraïque dont s'était servi le Prophète Roi de qui S. Paul a emprunté ces paroles.

C'est une étrange chose, mes Frères, qu'un coeur endurci. Elle n'est guère moins monstrueuse en matière de Morale et de Religion, que le serait dans le corps humain une masse de chair durcie et comme pétrifiée, au lieu de ce coeur si vif et si animé que la Nature a placé dans nôtre sein. Car comme toute l'économie de nôtre corps serait en désordre, pour peu qu'il se formât de dureté dans le coeur, parce que, supposant que l'homme put vivre avec ces duretés, il ne se serait (il n'y aurait) dans le coeur que peu d'esprits, et des esprits encore si grossiers qu'à peine pourraient-ils se porter jusqu'aux extrémités du corps par le moyen de la circulation du sang, et y entretenir quelques restes de vie de Sentiment, et de mouvement.

L'endurcissement du coeur est tout de même en matière de Religion une interruption générale de la vie spirituelle, et une cessation d'action et de sentiment de toutes les facultés de l'âme, qui deviennent comme liées, et comme percluses (paralysées) à l'égard du bien spirituel et des mouvements de la piété.

L'esprit ne voit plus les choses de la manière qu'il les voyait auparavant, il en forme des jugements tout contraires à ceux qu'il en faisait autrefois. Ce qu'il approuvait il le condamne, et ce qu'il avait condamné, il l'approuve. Le vice n'a plus pour lui rien de hideux ; ni la vertu rien d'aimable : la piété, qui avait fait ses plus douces et ses plus chères délices, lui devient à charge, une prédication l'ennuie, le lasse, l'importune, et la lecture de la parole de Dieu ne lui donne que du dégoût. Il n'est sensible qu'à la passion qui s'est saisie de son coeur, et qui s'en est rendu maîtresse. Pour tout le reste, mépris du monde, amour de Dieu, désir du bonheur et de la gloire des cieux, il est insensible à toutes ces choses. C'est à leur égard un coeur de roche.
Qu'on vienne là-dessus lui représenter le tort qu'il se fait, et les malheurs épouvantables où ce dérèglement d'esprit et de coeur le jettera infailliblement, il n'y fait aucune attention, rien ne le touche, et ne fait impression sur son coeur, il est endurci.

Voyez, je vous prie, ces Juifs à qui les Prophètes reprochaient si souvent l'endurcissement de leurs coeurs : tout ce que ces Ministres saints, envoyez de Dieu, pouvaient leur représenter de sa part, tantôt pour les détourner de l'idolâtrie, et tantôt pour les rappeler de l'égarement des passions les plus criminelles, leur inspirer la haine du vice, et l'amour de la vertu, était inutile : Remontrances, exhortations, promesses, menaces, rien ne les touchait, la dureté de leur coeur résistait à tout.
Du temps même de nôtre Apôtre, quand Jésus-Christ est venu au monde, et que l'Évangile a été prêché aux Juifs, n'a-t-on pas encore vu, et vu même plus que jamais, ce que peut un coeur obstiné, de quoi est capable un coeur endurci ?
Le Fils de Dieu, le Messie, promis à leurs pères, attendu et souhaité depuis tant de siècles avec une ardeur sans égale, vient enfin, et paraît dans la Judée, au temps prédit par les Oracles, et avec toutes les marques qui devaient servir à le faire connaître. Cependant la Judée le méconnaît, la Synagogue lui dit anathème, et le fait mourir comme un faux Messie.
D'où cela pouvait-il venir ?

N'en cherchez point la cause ailleurs, mes chers Frères, que dans l'endurcissement de ce peuple. Il avait des yeux pour ne point voir, des oreilles, pour ne point entendre, et un coeur pour résister aux lumières les plus éclatantes de la vérité, c'était un coeur endurci.

D'un côté l'ambition dans les Maîtres de la Synagogue, et la crainte de voir diminuer ou de perdre leur autorité, et de l'autre, l'avarice, l'irréligion, la mollesse le plaisir des sens, et tout cela joint ensemble, formait dans le coeur de ce peuple une opposition presque insurmontable contre Jésus-Christ et son Évangile. Un attachement mal entendu, et à contre temps pour les lois de Moïse, effet de l'ignorance dans la plus part, et prétexte dans les autres, formait encore dans l'esprit de tous, un préjugé invincible contre la personne de Jésus-Christ, et contre son Évangile. Ainsi par tous ces moyens différents, le coeur de ce peuple s'endurcit, et au lieu de céder à l'évidence des preuves de la Religion Chrétienne, ces Juifs obstinés ne cherchaient qu'à s'éblouir de leurs préjugés, ils résistaient aux sollicitations de la Grâce, et avec leur coeur endurci. ils regimbaient contre l'aiguillon.

Telle est donc, mes Frères, la nature de l'endurcissement du coeur, et telles sont en général, les causes qui là produisent.
Par la raison des contraires, ne point endurcir son coeur, c'est le soumettre à Dieu et à sa parole, c'est être docile à sa voix, et amener nos pensées et nos affections captives à son obéissance.
Ne point endurcir son coeur, c'est y recevoir avec humilité et avec amour les douces invitations de sa grâce, se dépouiller de ses passions les plus vives et les plus délicates, pour se donner tout entier à Dieu, et ne faire que ce qui lui plaît.
Enfin, ne point endurcir son coeur à la voix de Dieu, c'est ne plus sentir de répugnance dans son coeur à former tous ses sentiments et toutes ses inclinations sur ce qu'il ordonne ; il suffit à ce coeur sensible à la voix de Dieu de savoir que c'est Dieu qui parle, pour trouver doux et agréable tout ce que Dieu exige de lui : Seigneur, que veux-tu que je fasse (Act. 9.6) disait cet homme qui venait de regimber contre les aiguillons, et en qui la grâce victorieuse venait de changer le coeur d'un Saul, persécuteur, en celui d'un Paul, choisi et appelé pour être Apôtre.

Or de toutes ces trois différentes sortes de voix dont nous avons dit dans le premier Point que Dieu s'est servi pour se faire entendre aux hommes, la voix de la Nature, la voix de la Loi, et la voix de l'Évangile, la plus propre à amollir la dureté naturelle du coeur de l'homme, celle qui l'engage le plus fortement à l'obéissance envers Dieu, et qui par les motifs les plus puissants le met dans l'obligation et dans la nécessité d'être saint, c'est, mes Frères, cette dernière, la voix de l'Évangile, au sujet de laquelle S. Paul disait aux Hébreux, Aujourd'hui que vous entendez sa voix, n'endurcirez point vos coeurs.

Chacune de ces trois voix de Dieu a crié à l'homme, soyez saint car je suis saint, et chacune a amené l'homme aux pieds de Dieu et l'a tenu dans une soumission profonde.

La première obligeait l'homme par sa qualité de créature de Dieu, et lui apprenait à respecter et aimer son Créateur, de la puissance et de la libéralité duquel, il tenait l'être, la vie, et les avantages sans nombre, qui étaient attachés à la condition de l'homme innocent.

La seconde, portait dans l'âme des Juifs, rassemblez au pied du mont Sinaï, la crainte et l'effroi qu'imprimait parmi tout ce peuple la Majesté du Législateur. Mais la troisième voix, qui est celle de l'Évangile, renchérit à tous ces égards sur ces deux premières. Faut-il, en effet, pour donner à l'homme une véritable horreur du péché lui apprendre à quel point Dieu le déteste, et avec quelle rigueur il le punit !
La voix de l'Évangile l'instruira cent fois mieux que la voix du Créateur ou celle du Législateur. L'une et l'autre, à la vérité, lui feront entendre que Dieu ne laisse point le crime impuni, et que l'homme qui aura péché mourra, et l'une et l'autre lui en proposeront des exemples effroyables : des Anges précipités du ciel dans l'abîme pour avoir péché, le premier homme, le seul qui ait été formé immédiatement de la main de Dieu, chassé du Paradis terrestre, et condamné à la mort, seulement pour avoir mangé, contre sa défense un fruit d'une admirable beauté, et distingué de tous les autres par un titre qui seul semblait suffisant pour faire naître l'envie d'en manger, le fruit de l'arbre de la science du bien et du mal.

Et que dirons-nous de ce déluge épouvantable que Dieu fit tomber sur la terre du temps de Noé, à cause du péché et de cet autre déluge de flammes qui réduisit en cendres des villes entières et leurs habitants à cause des péchés qui s'y commettaient ?
Tous ces exemples de la haine de Dieu contre le péché avaient précédé les temps de la Loi, et depuis ce temps, qui est-ce qui pourrait raconter les punirions que Dieu en a faites, et qui, toutes ont été comme autant de voix fortes et terribles qui ont crié à l'homme de ne point endurcir son coeur, de se convertir, et d'avoir pour le péché une haine implacable.
Mais l'Évangile, mes Frères, nous en apprend plus dans un seul exemple, que tout ce que Dieu en avait fait voir dans tous les autres ensemble, c'est dans la mort de Jésus-Christ. Oui Chrétiens, c'est au Calvaire qu'il faut aller pour bien savoir quelle est la haine que Dieu porte au péché, et par conséquent quelle est celle que nous en devons avoir nous-mêmes. On y voit le propre Fils de Dieu, son unique, son bien-aimé, le saint, le juste, en qui la justice la plus exacte ne pouvoir découvrir la moindre tache, traité néanmoins avec la dernière rigueur, et jusqu'à être fait malédiction (Gal. 3.13) comme en a parlé ailleurs nôtre Apôtre, et cela seulement, parce qu'il était chargé des péchés des autres hommes.
Qui oserait après cela s'imaginer que ses propres péchés n'irriteront pas contre lui la justice d'un Dieu saint, d'un Dieu jaloux ? Car qu'est-ce, je vous prie, qui est le plus dangereux, et le plus à craindre, ou de paraître devant Dieu avec les péchés d'autrui simplement, ou d'y paraître avec les siens propres ?

Concluons donc et finissons cet article en disant que puisque Dieu n'a jamais témoigné plus d'inimitié contre le péché, qu'il l'a fait sous l'Évangile, c'est aujourd'hui, que nous sommes obligés pour le moins autant, ou plus que jamais, à renoncer au péché, et à vivre dans l'innocence : Aujourd'hui donc, nous dit l'Apôtre, si vous entendez sa voix, n'endurcissez point vos coeurs.

Il y a plus... ! C'est que les motifs que Dieu présente à l'homme par la voix de l'Évangile pour réprimer ses passions, et le porter à la piété, sont si fort au-dessus de tous ceux que la voix de la Nature, et la voix de la Loi pouvaient lui mettre devant les yeux, que si l'homme ne s'aveugle entièrement sur ses propres intérêts, et s'il n'a un coeur de pierre, il faut qu'il se rende à cette voix douce et tendre de l'Évangile, qui lui crie sans cesse, Amendez-vous, convertissez-vous afin que vos péchés soient effacés (Act. 2. 38. 3. 19.).

Ce n'est plus une vie terrienne, comme était celle d'Adam, ni un simple empire sur les animaux, que Dieu dans l'Évangile propose à l'homme s'il se rend attentif à sa voix, comme il le lui proposait dans le temps de la nature innocente.
Ce n'est plus aussi une terre de Canaan, un pays découlant de lait et de miel, comme la Loi le promettait aux Israélites, au cas qu'ils n'endurcissent point leurs coeurs à la voix de Dieu.
C'est infiniment plus que cela, ce sont toutes les grâces de Dieu ensemble, pardon des péchés, consolations du S. Esprit, paix dans la conscience, immortalité, vie bienheureuse, gloire, trônes, couronnes dans l'éternité : Toutes choses sont à vous, nous dit l'Évangile, les choses présentes et les choses à venir... (1 Cor. 3. 21-22.)
Jésus-Christ nous est fait
par la bonté infinie de Dieu le Père, sapience (sagesse), justice, sanctification et rédemption (1 Cor. 1. 30).
Toute la plénitude des grâces
célestes habite en lui par le bon plaisir de son Père, (Col. 1. 19) et nous puisons tous de sa plénitude grâce pour grâce (Jean 1: 16) (nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce), et Dieu nous a bénis en Christ de toutes les bénédictions spirituelles dans les lieux célestes. (Eph. 1. 3)

Fut-il donc jamais des motifs d'amour, et de reconnaissance pareils à ceux-là ? À moins que d'avoir (d'être) dépouillé tout sentiment de vertu, et de s'être entièrement livré au vice, ne sera-t-on pas convaincu, persuadé, pénétré de l'heureuse nécessité où l'Évangile met les hommes de se convertir et d'aimer Dieu de toute leur âme ?
Mais cette facilité de Dieu à pardonner, cette affabilité, pour ainsi dire, cette douceur d'un père qui parle à son enfant, ne peut-elle pas enfin lui être fatale, et le perdre par trop d'indulgence ?
Non, mes Frères, l'Évangile n'est pas fait pour jeter les hommes dans le relâchement de la piété, et quand le pécheur a la témérité de s'écrier sur l'étendue adorable de la miséricorde divine, demeurons dans le péché afin que la grâce abonde (Rom. 6. 1-2) il entend aussitôt l'Apôtre qui se récrie avec une sainte indignation, Ainsi n'advienne, et comment, nous qui sommes morts au péché, s'avoir par la justification que Jésus-Christ nous en a obtenue, voudrions-nous encore vivre au (dans le) péché ?

Ha ! il en coûtera cher à l'homme qui aura fait un abus si criminel de la grâce et de la miséricorde de Dieu, c'est l'Évangile lui-même qui nous le dit, et qui faisant succéder les menaces aux promesses, la voix de Dieu n'est pas moins terrible dans celles-là, qu'elle est douce et consolante dans celles-ci. C'est alors un Dieu qui ne peut être moqué (Gal 6. 7.) (Ne vous y trompez pas : on ne se moque pas de Dieu), un Dieu qui est un feu consumant (Hébreux 12: 29).
Entendons là-dessus parler nôtre Apôtre dans cette même Épître aux Hébreux, d'où nous avons pris nôtre Texte, il ne sera pas nécessaire après cela d'entendre sortir de quelque autre endroit quelqu'une des voix terribles que Dieu fait tonner contre l'impénitence des hommes, sous l'Évangile comme sous la Loi : Si la parole prononcée par les Anges, dit donc nôtre Apôtre dans le chapitre second de cette Épître, a été ferme, et que toute transgression et désobéissance a reçu une juste punition, comment échapperons-nous si nous négligeons un si grand salut, qui nous a été premièrement annoncé par Jésus-Christ, et qui nous a été ensuite confirmé par ceux qui l'avaient ouï ? (Héb. 2. 3)

Et dans le chapitre dixième : Si quelqu'un avait méprisé la Loi de Moïse, il mourrait sans miséricorde ; De combien pires tourments pensez-vous donc que sera jugé digne celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, qui aura tenu pour une chose profane le sang de l'alliance, par lequel il avait été sanctifié, et qui aura outragé l'Esprit de grâce ? (Héb. 10: 28-29.)

Si toutes ces menaces, pécheurs, ne vous touchent point, si sans vous effrayer, vous voyez le ciel se fermer devant vos yeux, et l'enfer s'ouvrir à vos pieds, endurcissez vos coeurs tant que vous voudrez, plongez-vous dans le péché ; que celui qui est injuste, soit injuste encore, et que celui qui est saint se sanctifie encore ? (Apoc. 22. 11)

Mais si la haine de Dieu contre le péché, son amour pour la sainteté, le don qu'il vous a fait de son propre fils, et avec ce don inestimable toutes les grâces de son Évangile, si enfin, les promesses de la félicité céleste par lesquelles il vous invite à vous repentir, et l'arrêt foudroyant qu'il prononce contre l'impénitence, si toutes ces choses, dis-je, qui forment la voix de Dieu dans l'Évangile, font impression sur vos coeurs, aujourd'hui que vous entendez cette voix divine n'endurcissez point vos coeurs.

Oui, aujourd'hui. sans plus attendre, sans plus différer, Dieu vous le demande, et nous allons vous le faire voir dans nôtre troisième partie.

Il n'y a point d'homme, s'il n'est un vrai impie, et un athée, qui ne soit convaincu en lui-même qu'il faut tôt ou tard se repentir : c'est un sentiment si naturel qu'il est presque impossible de ne pas l'avoir, le coeur même tout corrompu qu'il est, ou comme disait Jérémie, désespérément malin, ne s'oppose pas à ce sentiment qui est formé dans le fond de nôtre âme par les lumières de la conscience.
Mais ce coeur qui est, comme disait Jérémie dans le même endroit, aussi rusé que malin se dérobe à cette première persuasion de l'esprit en renvoyant sa conversion aussi loin qu'il peut. Hé bien, dit-il à l'esprit, il faut se repentir, mais le faut-il nécessairement un certain temps, et tout temps n'est-il pas bon pour cela ?
L'esprit s'éblouit à cette parole du coeur, et entraîné par son penchant, il se contente de retenir en lui-même cette vérité, il faut tôt ou tard se repentir, et laisse au coeur de prendre pour cela tout le temps qu'il voudra.
Voilà l'illusion, le coeur maître de choisir le temps qu'il lui plaît pour la conversion !
Il n'en trouve jamais dans le présent qui lui soit commode, il le rejette toujours sur l'avenir, demain, après demain, dans un mois, dans une année ! Ce jour, ce mois, cette année viennent, mais la conversion ne vient pas ! Ces temps sont devenus présents, et le coeur ne veut point du présent, il ne veut que de l'avenir, jamais prêt à dire, je me repens, toujours prêt à dire, je me repentirai.
Avec cela le temps s'écoule, le présent passe, et n'étant plus, il n'est bon à rien, l'avenir s'avance, et il n'est pas plutôt arrivé, qu'il se confond avec le passé et nous entraîne avec lui. Nous passons, la mort nous enlève, nous ne sommes plus, et la conversion où est-elle ? Vains projets fantômes éblouissants d'une imagination abusée, vous disparaissez, et nous laissez sans conversion. Mais une âme sans conversion qui quitte la terre et qui se présente devant Dieu, dans quel état y est-elle ?

Ha ! mes Frères, c'est ici que sont les horreurs, le déchirement, la rage, le désespoir, il n'y a plus de lieu à (plus de temps pour) la repentance, et alors s'exécute cet arrêt terrible de Dieu :
Par ta dureté et par ton coeur qui a toujours été sans repentance, tu t'es amassé l'ire (la colère) pour le jour de l'ire (la colère), et de la déclaration au juste jugement de Dieu. (Rom. 2. 5.) 
Mais, par ton endurcissement et par ton coeur impénitent, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu...
Aujourd'hui
donc, nous crie l'Apôtre, si vous entendez sa voix, n'endurcissez point vos coeurs.

La première observation qu'il y a à faire ici contre ce malheureux renvoi que nous faisons de la repentance, c'est que le S. Esprit joint dans ces paroles l'obligation de se convertir à la grâce que Dieu nous fait de nous adresser sa voix : Aujourd'hui vous entendez sa voix, convertissez-vous donc aujourd'hui. En effet, mes Frères, sommes-nous assurez que Dieu nous fera entendre sa voix à l'avenir, quand nous voudrons, et sur tout après que nous l'aurons méprisée, après qu'elle n'aura pu rien gagner sur nous ?
Nous l'avions ainsi cru dans le Royaume dont nous venons de sortir, et nous nous étions malheureusement flattés de cette pensée, que la parole de Dieu nous serait toujours prêchée, sinon avec la même liberté qu'autrefois, au moins avec assez de liberté pour la pouvoir aller entendre en divers endroits.
Mais vous voyez ce qui vient de nous arriver, nos Temples sont démolis, la parole de Dieu n'y est plus prêchée, sa voix ne s'y fait plus entendre, et on a vu dans tout ce vaste Royaume, placé entre les deux mers, ce que Dieu avait prédit dans la Prophétie d'Amos, Ils trotteront depuis une mer jusqu'à l'autre et ils circuiront depuis l'Aquilon jusqu'à l'Orient, cherchant la parole de Dieu ; mais ils ne la trouveront point. (Amos 8: 12.)
Ils seront alors errants d'une mer à l'autre, Du septentrion à l'orient, Ils iront çà et là pour chercher la parole de l'Éternel, Et ils ne la trouveront pas.

Nôtre conversion aurait prévenu ce malheur, nous avons cru que nous aurions toujours assez de temps pour nous repentir, nous avons, sur cela, différé nôtre conversion, et Dieu a cessé de parler, sa voix n'est plus entendue : Aujourd'hui donc que nous entendons, n'endurcissons point nos coeurs.

Une seconde observation sur ce fatal retardement de la repentance, c'est que nous regardons la repentance comme l'ouvrage d'un moment, ou d'un jour. Il ne faut, disons-nous souvent, qu'un bon moment pour nous repentir. Mais nous nous trompons, il y faut non pas un moment, ni un jour, mais des semaines, des mois, des années, un long travail, une grande application. Aujourd'hui une passion à combattre et demain une autre. Tantôt une habitude criminelle à vaincre, tantôt un vice naissant à étouffer, et toujours être en garde contre le retour de l'un et de l'autre. Cela se fait-il en un moment ou en un jour ? Je sais bien que Dieu peut dans un moment quand il lui plaît convertir une âme, et faire du plus grand pécheur un grand saint. Mais ce sont là de ces miracles de grâce que Dieu ne fait que rarement, qui ne doivent jamais être tirez à conséquence, et qui ne doivent servir, tout au plus, qu'à nous faire conclure qu'il ne faut jamais désespérer entièrement de la conversion des autres, fussent-ils les plus grands de tous les pécheurs, mais jamais pour nous faire différer nôtre propre conversion.

Les miracles de la grâce ne sont pas faits pour cela, et afin (ni pour) entretenir dans nos âmes une criminelle sécurité.
Dieu a établi dans le cours de sa providence un ordre sur lequel nous devons nous régler, si nous voulons nous sauver.
Il nous a donné ses Écritures, et pourquoi nous les aurait-il données si nous négligeons de les lire ?
Il a établi dans son Église le Ministère de la prédication, et pourquoi nous prêcherait-on de sa part, si nous refusions d'écouter ?
Il nous fait dire tous les jours par la voix de ses Ministres, que nous renoncions à nos péchés, et que nous menions une vie sainte, et pourquoi nous y exhorter continuellement, si nous n'avons besoin que d'un moment, pour devenir gens de bien ?

Voilà par quels chemins Dieu nous mène à la repentance. Ne point y entrer, et ne point y marcher, c'est vouloir se trouver au bout de la course, sans avoir couru, et à la fin de la carrière, et sous la main qui tient la couronne pour la mettre sur la tête de celui qui a fourni (préparé) la noble carrière de la piété, sans avoir même encore daigné d'y entrer !
Si c'est ainsi, Chrétiens, que vous concevez qu'on puisse faire son salut, et qu'en un moment, en une heure, ou en un jour on puisse s'être dégagé des liens du vice, avoir transporté dans son âme toutes les vertus, être devant Dieu un vrai pénitent, je vous avoue que je ne connais plus dans ce pays, ou j'arrive, l'homme que j'ai connu dans le pays d'où je suis, qu'on est fait ici autrement qu'ailleurs y et qu'on est d'un sang plus pur que tout le reste du genre humain.

Mais si vôtre coeur est comme le nôtre, s'il est susceptible des mêmes faiblesses et des mêmes affections que nous , sachez que de tous les ouvrages, le plus difficile, et celui qui demande le plus d'attention, le plus de travail, et le plus de temps, c'est celui d'une bonne conversion.
Mais enfin, quand cet avenir, sur lequel nous renvoyons nôtre conversion, serait aussi certain, qu'il est douteux, car qui est-ce qui peut s'assurer de l'avenir, de l'avenir même le plus proche, du lendemain ? Et quand nous serions aussi assurez de disposer de nôtre coeur dans ce prétendu avenir pour le tourner vers Dieu, et le rempli de son amour, que nous avons peu de sujet de l'espérer quelle raison avons-nous d'endurcir aujourd'hui nos coeurs, pour nous repentir un jour, et je ne sais quand ?
Craignons-nous d'être trop tôt gens de bien, de faire trop tôt ce qui est agréable à Dieu, d'être trop tôt en paix avec lui ? Ou croyons-nous pouvoir lui être agréables, et être en paix avec avec lui sans la repentance. Il n'y a point de paix pour le méchant, (Esa. 57. 21) nous dit Dieu lui-même, et ne pas vouloir se repentir aujourd'hui, sous ombre (sous prétexte) qu'on le voudra un jour, c'est vouloir être jusqu'à ce temps-là dans le crime, c'est vouloir être ennemi de Dieu, c'est ne point se soucier que Dieu soit le nôtre, et ainsi, de conséquence en conséquence, dans quels abîmes se trouve-t-on ?
Je laisse ici cette question tant de fois faite et tant agitée, si la repentance différée jusqu'à la mort, sauve où ne sauve pas le pécheur ?
On serait quelquefois trop rigoureux si on prétendait lui fermer toujours la porte du Ciel, mais on serait aussi trop indulgent si on la lui présentait comme s'ouvrant d'elle-même, et à la seule approche du repentir, ainsi que la porte de fer s'ouvrit l'approche de S. Pierre.
Gardons surtout cela un sage tempérament, laissons à Dieu de juger souverainement en dernier ressort quelle repentance il doit récompenser, et à quels pénitents il veut faire grâce ; il a compassion de celui de qui il lui plaît d'avoir compassion, et il doit nous suffire de savoir qu'il ne rejettera jamais celui qui viendra à lui, mais nous devons aussi savoir que c'est toujours le plus sûr d'aller à lui le plutôt qu'on peut, et de ne point différer à se convertir. Aujourd'hui donc que nous entendons sa voix, n'endurcissons point nos coeurs.

Application

Jamais, mes Frères, nous n'eûmes plus de sujet de faire de profondes réflexions sur toutes ces choses qu'aujourd'hui, alors que la divine Providence nous assemble en ce lieu sacré pour y gémir en la présence de Dieu sur les afflictions de l'Église.
Elles sont de nature à ne pouvoir être ignorées d'aucun de vous., et il ne peut y avoir que des coeurs de roche qui n'en soient pas attendris. Nôtre froissure (plaie) est grande comme la mer (Lam. 2. 13) et son amertume a passé jusques dans nos mouelles (étoffes, vêtements ?). La coupe de la colère du Tout-puissant est venue à nous toute pleine du vin de son ire (colère) : nous l'avons bue jusques à la lie ; et vous frémissez à ce seul aspect. Dieu vous garde qu'elle vienne jamais jusqu'à vous !
Mais afin que ce grand malheur ne vous arrive point, souffrez que je vous expose ici premièrement dans un récit abrégé les maux de nôtre pauvre Sion, et qu'ensuite remontant jusqu'à cette main terrible d'un Dieu irrité qui a voulu se venger de l'ingratitude de son peuple, nous cherchions ici tous ensemble les moyens de l'apaiser pour nous, et pour vous.

Dieu avait pris depuis plus d'un siècle en faveur de nos Églises des soins véritablement dignes de son amour et de sa puissance. Il avait été pendant tout ce temps une muraille de feu et ses bénédictions étaient tombées sur elles en abondance. Il avait été comme une rosée à (pour) notre Israël (Osée 14. 5). Nous vivions sous la plus belle réformation, et dans la foi la plus pure qui se soit vue depuis les Apôtres dans une religion déchargée de ces tas hideux de créance et de cérémonies ou inutiles et vaines, ou superstitieuses et égarées, que l'ignorance et la corruption des siècles précédents avaient apportées dans l'Église. En un mot dans une religion comme la vôtre, et la même que vous professiez.

Dieu avait ses Temples au milieu de nous, sa parole y était prêchée, et les saints Cantiques y retentissaient. Nous avions, comme vous, nos Pasteurs qui nous paissaient de la doctrine céleste, et que Dieu, avait fait les dépositaires de ses divines vérités. Par eux il reprenait, il exhortait, il consolait.
Par eux il étalait à nos yeux les richesses de sa grâce et de nôtre rédemption, et nous ouvrait l'intelligence des Écritures.
Par eux il nous menait le long des eaux coyes (paisibles), dans des pâturages herbeux, et Lui, il se campait autour de nous, gardait lui-même les veilles de la nuit sur son Troupeau, et le garantissait le jour et la nuit des courses et des embûches des Loups dévorants dont il était environné. Sans forces, sans protection, aguettés (guettés, épiés), et poursuivis en mille manières nous avons subsisté pendant plus d'un siècle par un miracle continuel de la main puissante de Dieu, qui nous servait de bouclier, et nos Églises ont fleuri, comme un lys entre les épines.
Mais aujourd'hui nous ne sommes plus ; Sion est tombée comme un éclair, les pavillons d'Israël ont été abattus par une violente tempête, et nous n'en voyons plus que quelques misérables débris que l'orage a écartés de côté et d'autre, et dont une partie a été jetée dans vos Provinces.
Fut-il donc jamais de désolation pareille à la nôtre ? Voyez, passants, considérez s'il y eut jamais de douleur comme notre douleur. Les chemins de Sion mènent deuil ; personne ne va plus à nos fêtes solennelles ; (Lam, 1.4 et suiv.) nos Temples sont démolis, on en a fait des lieux de marché, et l'on y a arboré les étendards du Papisme, des croix dont on fait des idoles.

On ne s'est pas arrêté-là : de ces Temples matériels, de bois et de pierre, on a porté la fureur jusques sur les Temples vivants, jusqu'aux corps des Fidèles, les Temples du S. Esprit.
On les accable de coups , on les charge de chaînes, et les cruautés que l'on exerce sur eux se suivent de si prés qu'elles ne leur laissent presque pas le moyen de respirer. Heureux encore s'ils achevaient une fois de respirer, leurs maux passeraient avec leur souffle, mais on leur fait reprendre haleine, afin qu'à diverses reprises la cruauté s'exerce davantage sur eux. S'ils osent encore après tous ces maux ouvrir leur bouche pour confesser le Nom de Dieu, et parler le langage des bien appris, on les regarde comme des impies.
Les Cantiques de Sion, les Psaumes de David leur sont interdits comme des blasphèmes: ha! que dis-je, comme des blasphèmes? Les blasphèmes n'ont rien de choquant et de scandaleux pour les oreilles des Persécuteurs, c'est un langage qu'ils connaissent trop bien et qui leur est trop familier pour en faire un crime.
A la défense, et aux rigueurs employées pour interdire à nos pauvres Frères le chant des louanges de Dieu, et la confession de la vérité, on joint la violence et la tyrannie pour leur faire parler le langage de Babylone, et souiller leurs lèvres de ses cantiques. On les force d'aller où ils ne veulent point, et comme de misérables victimes, on les traîne au pied des autels.
Le Prophète avait déclaré que le peuple du Messie serait un peuple de franc vouloir (Ps. 110. 3.): et de quel Messie est-il donc, ce peuple forcé, violenté, bourrelé pour le faire prosterner devant une feuille de pâte, que l'on dit être le Messie, le Fils de Dieu , sans que ni prières, ni cris, ni larmes puissent fléchir les coeurs des Persécuteurs ?

Le vieillard, qui n'attendait plus que de pouvoir mourir en paix, et de voir le salut de Dieu, se trouve obsédé par une troupe de furieux, qui le chargent d'injures, et de mauvais traitements, et qui épuisant ses forces usées par l'âge éteignent sa raison, s'ils ne peuvent éteindre sa foi.
Le fils est arraché au père, la femme au mari et le frère séparé du frère.

C'est un crime à un père et à une mère de vouloir mettre leur enfant à couvert des recherches des inquisiteurs, le mari n'ose pas faire échapper sa femme. le frère n'ose pas rassurer sa soeur alarmée et tremblante, et les domestiques d'un homme sont forcez d'être ses ennemis.

Il faut que la Nature renonce à ses droits, que la piété se taise, que la charité soit éteinte, que la foi succombe, et que Dieu soit déshonoré.
Veut-on fuir ces persécutions, et s'aller (se) cacher dans les bois, ou dans les antres de la terre ? On est poursuivi partout, on est découvert partout, et de partout, des déserts les plus reculés, et des cachettes les plus sombres on est ramené, comme des victimes fugitives au pied des autels.

Que vous étiez heureux, grands Saints de l'ancienne et de la nouvelle Sion, fidèles Martyrs de l'Église d'Israël et de l'Église Chrétienne dans ses premiers siècles, lors que dispersés comme des brebis et errants dans les déserts, vous pouviez au moins vous cacher dans leurs solitudes et dans les trous de la terre, c'était des asiles pour vous et vous aviez la liberté d'aller d'un lieu à l'autre, et d'un pays dans un autre pays. Mais aujourd'hui on ne trouve plus de sûreté dans sa malheureuse patrie et on ne sait comment aller la chercher ailleurs : les déserts nous livrent à nos ennemis, les rivières s'opposent à notre retraite, les frontières bouchent le passage à nos fugitifs et la mer leur ferme ses ports.

Mais d'où vient, mes Frères, que toute la nature est ainsi comme d'intelligence avec nos ennemis et qu'elle est, se (ce me) semble, armée elle-même contre nous ?
La raison n'en n'est pas difficile à rendre : c'est que l'Auteur lui-même de la nature, le Dieu du Ciel et de la terre est notre partie et s'est déclaré contre nous. C'est lui qui a rendu les Arrêts, qui a formé les Déclarations, qui nous a ôté nos privilèges et qui, en dernier lieu, vient de prononcer au sujet de cet Édit fameux, qui portait sur son frontispice le titre auguste d'Édit perpétuel et irrévocable, qu'il le révoquait et qu'il l'annulait.
À cette terrible dénonciation, venue du Ciel, plus que de la terre, prononcée par un Dieu jaloux et irrité, plus que par un Prince injuste à ses plus fidèles sujets, par un Prince qui a cherché sa gloire dans son déshonneur, tous les Sanctuaires de Dieu ont été profanés, tous ses Temples abattus, tous ses Ministres exilés, le Chandelier de la Réformation éteint, et la religion captive sous l'oppression et la cruauté.
Voilà nos biens et nos maux ; ces biens d'autrefois, dont il ne nous reste plus qu'un souvenir à demi effacé, et ces maux, dont le sentiment toujours vif et toujours récent dans nôtre âme les pénètre de douleur, et les remplit d'amertume.

Mais de si grands malheurs, mes Frères, peuvent-ils nous être arrivés, sans qu'ils aient eu de grandes causes ? Non, cela ne se peut. II n'y en a aucune du côté des hommes, et le Prince lui-même qui a révoqué ses Édits ne nous accuse d'aucun crime pour lequel il ait retiré de nous sa protection, et nous ait ôté tous nos privilèges. Dieu l'a ainsi voulu, mes Frères, pour nôtre consolation, et pour disculper nos Églises jusques dans la postérité la plus reculée. Mais nous n'étions pas ainsi innocents à l'égard de Dieu. Depuis longtemps nous craignions plus la colère des hommes que la sienne, les arrêts des parlements, et les déclarations du Prince, que la sentence prononcée de Dieu contre les contempteurs (détracteurs) de sa parole, et les infracteurs (transgresseurs) de ses lois.
Toute nôtre sagesse et toute nôtre précaution allait à éviter qu'un Clergé, toujours attentif et ingénieux à nous perdre, ne nous fit tomber dans quelque nouveau piège, et ne nous enlaçât dans ses filets : mais pour la sagesse et la précaution à nous détourner de la colère de Dieu, et à prévenir ses jugements, c'est à quoi nous pensions le moins.
Et Dieu, qui s'est déclaré si souvent dans sa parole un Dieu jaloux, n'a pu voir sans jalousie, une préférence si marquée des hommes à lui ; il n'a pu souffrir que nous eussions moins peur de lui que des hommes, et que ses menaces fissent moins d'impression sur nous, que celles d'un Roi mortel, dont le souffle est dans ses narines, car que vaut-il ?
Il n'en est pourtant pas venu tout d'un coup, ce Dieu jaloux et puissant, aux dernières rigueurs contre nous. Il nous a, durant longtemps, exhortés. conjurés de nous repentir. Il nous faisait tous les jours entendre sa voix, et à la voix des prédications qui nous étaient faites, il ajoutait de temps en temps, cette autre forte de voix, de laquelle Michée disait, Écoutez la verge (Mich. 6. 9.), et considérez qui est celui qui en frappe.
Tantôt c'était une nouvelle brèche qu'on faisait à nos libertés, une défense rigoureuse d'entretenir entre les Églises d'une Province et celles d'une autre la communion des saints, une correspondance fraternelle : tantôt c'était la suppression de nos Écoles, et la démolition de quelques-uns de nos Temples. 
Aujourd'hui on dépouille nos Magistrats de leurs charges, et un autre jour c'était une Déclaration qui nous défendait de recevoir aucun prosélyte dans nôtre religion, et une autre déclaration qui nous rendait criminels s'il entrait dans nos Temples un homme qui eut autrefois abandonné notre religion pour embrasser la Romaine..., et ainsi chaque jour nous enseignait, pour ainsi dire, quelques nouveaux arrêts contre nous.
Il était bien aisé d'entendre d'où cela venait, mais nous, sans intelligence, peuple dans le coeur duquel devait être, et n'était pas, la Loi de l'Éternel, peuple ingrat, peuple obstiné, nous continuons notre train de vie et nous étions toujours désobéissants à la voix de Dieu.
Mais enfin sa patience lassée s'est changée en fureur, et quand il a vu qu'au lieu de nous convertir, et de faire de la sainteté. nos délices, nous endurcissions nos faces comme une roche, et que nous refusions de nous repentir (Jér. 5. 3.), il a jeté ses verges avec lesquelles il s'était, jusqu'alors contenter de nous châtier. Il a pris en sa main le bâton de sa fureur (Esaïe 10: 5) et c'est alors qu'il a frappé ce grand coup qui nous a tous atterrés et dont l'éclat à retenti dans toute l'Europe. Ô Dieu puissant que ta colère est épouvantable et que c'est une chose terrible de tomber entre tes mains.
Apaise-toi grand Dieu, arrête ton bras, si tu frappes un second coup, que deviendrons-nous ?

... Mes chers Frères ! ses compassions ne sont pas encore défaillies (en manque, épuisées), il nous parle, c'est assez clair... Aujourd'hui donc que vous entendez sa voix, n'endurcissez point vos coeurs.

Je m'adresse à nous premièrement, mes très chers Frères, qui, comme nous, êtes venus de la grande tribulation, Dieu nous a fait entendre sa voix dans une terre étrangère quoique vous ayez longtemps méprisé cette voix d'un Dieu qui ne voulait point, ni votre perte, ni votre mort, mais vôtre conversion et vôtre vie.

Profitez en mieux, dans ce pays, que vous n'avez fait dans le vôtre. En changeant de pays, vous n'aurez pas changé de condition, si vous ne changez de vie, c'est peu d'avoir du zèle pour la religion, et d'avoir même fait pour elle le grand sacrifice que vous avez fait de vos biens, de vos parents, et de vos familles.
Vous pères et mères de vous être séparez de vos enfants, vous enfants de vous être privés de vos pères et de vos mères, vous maris d'avoir fait un saint divorce avec vos femmes, plutôt que de faire divorce avec Dieu, et de lui être infidèle, et vous femmes, qui solitaires et privées de vos maris êtes venues, comme l'Épouse du livre des Cantiques, chercher vôtre divin Époux, parce que vous ne pouviez vivre sans lui, c'est peu, dis-je, que tout cela, tout grand qu'il est, et digne de nos bénédictions et de nos louanges, si vous ne joignez au zèle de la religion, celui de la piété, qui en doit être inséparable : Prenons donc le zèle, et repentons-nous (Apoc. 3. 19). Car que serait-ce, mes Frères, si nous étions venus porter dans ce pays les vices et les péchés pour lesquels Dieu nous a chassés du nôtre ?
Voudrions-nous provoquer encore à la jalousie le Seigneur, et obliger sa vengeance à nous venir rechercher jusques dans nôtre retraite, et dans nôtre asile ?

Voudrions-nous être venus dans ces Provinces, et dans les autres pays de nôtre dispersion, pour y donner de mauvais exemples, et pour y être en scandale à nos Frères, à ces Frères généreux et bienfaisants qui nous ont recueillis si bénignement, et qui de leurs mains charitables tâchent d'essuyer nos larmes ? À Dieu ne plaise qu'ils nous fassent jamais ce reproche, et que jamais nous leur donnions sujet d'avoir regret au bon accueil qu'il nous ont fait ?
Qu'il n'y ait dont plus parmi nous ni médisances, ni envies, ni débats. Calmons ces passions violentes du ressentiment et de la vengeance que la corruption du coeur enfante partout, et qu'une fausse délicatesse n'avait rendu que trop fréquent dans notre nation. Oubliez tous vos serments et tous vos blasphèmes et qu'aucune parole malhonnête ne sorte de votre bouche, bannissez de vos coeurs l'impureté et possédez vos corps en sanctification.

Soyez francs et justes dans le commerce, tempérants dans les plaisirs même les plus innocents, doux et humbles avec vos prochains, soumis aux Puissances, affectionnez-vous au bien de l'État. (1 Cor. 10. 32-33)
En un mot soyez tel que vous ne donniez aucun achoppement à l'Église de Dieu et que vous forciez vos ennemis même à dire de vous, certainement Dieu est au milieu d'eux (1 Cor, 14. 25)

Je viens maintenant à vous, mes Frères très chers, très honorés, qui faites partie de ces belles et florissantes Églises que Dieu a recueillies dans ces Provinces. Que votre sort est heureux de vivre sous des Puissances qui soutiennent si glorieusement la Réformation de l'Église, et de pouvoir faire publiquement et en toute liberté, les actes particuliers et publics de vôtre sainte religion ! Mais quand je fais réflexion sur les efforts que fait sans cesse le démon pour opprimer la vérité par toute la terre, et sur les artifices que la fausse Église invente et emploie tous les jours pour ruiner la réformation dans toute l'Europe, je frémis, je tremble pour vous.
Une seule chose...
Une seule chose me rassure, c'est que Dieu qui a si visiblement pris sous sa protection ces Provinces et vos Églises, les défendra contre ces dangers, rendra vaines les entreprises, de vos ennemis, qui sont aussi les siens, et vous sera toujours, soleil et bouclier. (Ps. 84. 12.)

Seulement prenez garde de ne pas vous rendre pas indignes de sa protection, et de ses grâces, il est libéral de ses bienfaits, et n'épargne aucun bien à ceux qui cheminent dans l'intégrité.
Acquittez-vous mieux de tous vos devoirs, que nous n'avons fait, et votre paix sera comme un fleuve, et votre justice comme les flots de la mer, (Esa. 48. 18 Esa. 58. 8) votre lumière éclora comme l'aube du jour, votre justice ira devant vous, et la gloire de l'Éternel sera votre arrière-garde. Les gratuités de l'Éternel vous accompagneront tout le temps de votre vie, un jour donnera matière à un autre jour de célébrer les bontés de Dieu, ses bénédictions s'entasseront sur vos têtes, et passeront jusqu'à vos enfants, et aux enfants de vos enfants.

Dieu bon, Dieu pitoyable et miséricordieux, ratifie dans ton Ciel les voeux que nous faisons sur la terre en faveur de ces Provinces, et de tes Troupeaux. Rends-leur le bien qu'elles nous ont fait, récompense leur charité par la tienne, fais du bien selon ta bienveillance à Sion, et relevé les murs de Jérusalem (Ps. 51. 18.)
Et à toi, Dieu de grâce et de miséricorde, Dieu Sauveur, Dieu Rédempteur, Père, Fils, et S. Esprit, sainte et adorable Trinité, soit honneur et gloire aujourd'hui, et dans tous les siècles. Amen.


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