LES SEPT
PAROLES
JÉSUS-CHRIST SUR LA
CROIX
PREMIÈRE MÉDITATION.
Jésus disait :
Père pardonne-leur, car ils ne savent ce
qu'ils font.- Luc XXIII, 34.
Si les paroles des mourants ont quelque chose de
solennel, et de propre à produire une
impression sérieuse sur ceux qui les
entendent, cela est surtout vrai des
dernières paroles des enfants de Dieu. C'est
pour cela sans doute que le Saint-Esprit nous a
conservé, dans l'Ancien Testament, celles
d'un Jacob, d'un Moïse, d'un Josué,
d'un David, et dans le Nouveau, les
dernières d'Étienne, le
premier martyr, les
dernières peut-être de Siméon,
et quelques-unes des dernières
qu'écrivit Saint-Paul. Les paroles aussi de
nos amis mourants nous sont chères et
précieuses, et, s'imprimant
profondément dans notre mémoire,
elles restent gravées dans notre coeur.
Combien, à ce double titre, combien sont
vénérables, et combien doivent nous
être chères les dernières
paroles de celui qui est le Fils unique de Dieu
et qui fut notre frère. Il en a
prononcé sept sur la croix, qui nous ont
été rapportées, chacune par un
ou deux des Évangélistes, paroles
aussi frappantes par leur brièveté,
que fécondes en instructions salutaires.
Nous avons le dessein, chers et bien-aimés
au Seigneur, d'appeler, sur ces sept paroles
successivement, votre attention et vos
pensées.
Celle de ces paroles que le Seigneur paraît
avoir prononcée la première de
toutes, et qui doit nous occuper à cette
heure, déclare de la manière la plus
forte la puissance et la bonté de celui qui
se laissa clouer sur une croix, et en qui
habitait personnellement la plénitude de
la Divinité. Si tu es le Roi des Juifs,
lui disent ses ennemis, descends de la
croix, et c'est précisément sur
cette croix, dont il n'est
pas descendu qu'il accomplit ces paroles de
David, duquel il est le fils selon la
chair, et qui fut en tant de choses, et en cela
même, la figure de Jésus : Au
lieu que je les aimais, ils ont été
mes ennemis ; mais je n'ai fait que prier pour
eux. C'est sur cette croix dont il n'est
pas descendu, qu'il prononce cette
prière bien digne du Roi promis à
Israël, roi débonnaire et plein de
douceur : Père ! pardonne-leur,
car ils ne savent ce qu'ils font.
Méditons ensemble, chers frères,
cette belle parole, et veuille celui qui l'a
prononcée, nous en faire sentir
lui-même toute la force et toute la douceur,
et pénétrer nos coeurs par son
Saint-Esprit d'une vraie repentance et d'une
sincère charité. Amen.
I.
Et Jésus
disait : Père
pardonne-leur.
Qui sont ceux en faveur desquels il fait monter
vers le ciel cette prière ? Ce sont les
principaux des Juifs, qui l'ont condamné
injustement ; et la multitude qui a
demandé sa mort, qui a poussé ces
cris sanguinaires ôte, ôte,
crucifie ; et Pilate, qui, convaincu de
l'innocence de Jésus l'a
livré néanmoins, pour qu'il
fût crucifié ; et les soldats
romains, qui exécutent la sentence, en
ajoutant l'insulte, la raillerie et la
cruauté. C'est pour eux tous, qu'il prie sur
cette croix, sur laquelle tous, plus ou moins, ont
contribué à l'attacher.
Père, dit-il. Il appelle Dieu de ce
nom, le plus doux et le plus tendre, comme pour
mieux émouvoir en leur faveur celui à
qui il pouvait dire : Père... je
sais que tu m'exauces toujours. Mais que
demande-t-il à son Père pour ces
cruels ennemis ?
Pour eux, il sollicite la première des
grâces que peut et que doit désirer
l'homme pécheur ; le pardon et par
là même toutes les dispositions qu'il
requiert, et tous les fruits qu'il produit, la foi,
la repentance, la conversion, la paix, le salut. Il
demande à son Père non seulement de
ne pas les punir, de ne pas faire peser sur leurs
têtes la malédiction de son sang, mais
de leur faire sentir l'efficace de ce sang
versé pour les pécheurs, de leur
ouvrir les yeux, de les amener à lui.
Père, pardonne-leur.... Car ils ne savent
ce qu'ils font, ajoute-t-il.
O qui ne craindrait d'affaiblir en les commentant,
tout ce qu'il y a de grandeur, de dignité,
tout ce qu'il y a de
miséricorde, tout ce qu'il y a de cette
science qui sonde les coeurs et les reins
dans ce peu de paroles : ils ne savent
ce qu'ils font !
Les Chefs ; ils ne se doutent pas de la
grandeur du péché qu'ils commettent.
Dans leur aveuglement, ils croient avoir
condamné un imposteur, un faux Messie. Ils
auraient pu et dû regarder à ses
oeuvres auxquelles il en avait constamment
appelé, et qui n'étaient pas celles
d'un imposteur. Mais enfin, ils ne l'ont pas
reconnu. S'ils l'eussent connu, dit un
Apôtre, ils n'auraient pas crucifié
le Seigneur de gloire.
Le peuple, non plus, en demandant sa mort,
ne savait pas quel crime ils allaient
commettre. Je sais, leur dit dans la suite
St.-Pierre, je sais, mes frères,
que vous l'avez fait par ignorance, ignorance
toutefois, qui n'était pas involontaire,
et qui par conséquent ne pouvait être
une excuse qu'auprès d'une
miséricorde infinie.
Mais s'ils ne savent pas tout le mal
qu'ils font ils savent encore moins le bien
qu'ils font, c'est-à-dire dont ils
seront les instruments, le bien que Dieu
va tirer de ce qu'ils ont pensé en
mal. Ils ne savent pas que ce sang
qu'ils font couler, sera une source de
purification ouverte pour la souillure de la
maison de Jacob, une source
où plusieurs même d'entr'eux
puiseront avec joie des eaux de
délivrance.
Oui, mes frères, il est doux, et il est
permis de penser, que cette intercession
mystérieuse de la miséricorde divine
auprès de la justice divine ne fut pas sans
effet pour tous ceux pour qui Jésus avait
prié, et qu'en faveur de plusieurs
d'entr'eux s'accomplirent ces oracles : Ils
regarderont à celui qu'ils ont percé.
Tu es monté au haut des cieux, emmenant une
multitude de captifs. Tu as pris des dons pour les
distribuer entre les hommes et même entre les
fils des rebelles, afin qu'ils habitent avec
l'Éternel leur Dieu. Quand j'aurai
été élevé de la terre,
j'attirerai les hommes à moi.
Elle s'accomplit, cette promesse de
Jésus, pour plusieurs de ceux à qui
St.-Pierre dit le jour de la Pentecôte :
Vous l'avez fait mourir par les mains des
méchants ; mais Dieu l'a
ressuscité, de quoi nous sommes tous
témoins ; qui touchés de
componction répondirent : Hommes
frères que faut-il que nous fassions ?
à qui St.-Pierre répartit :
Convertissez-vous, et que chacun de vous
soit baptisé en rémission de ses
péchés, et qui étant
sauvés furent ajoutés à
l'Église.
Elle s'accomplit, cette promesse, dans la
personne de Saul de Tarse. Cette même voix
de miséricorde, qui avait
prononcé cette prière sur la croix,
lui dit sur le chemin de Damas :
Saul ! Saul ! pourquoi me
persécutes-tu ? ouvre son coeur
à l'Évangile, et fait de Saul un
St.-Paul, du persécuteur un
Apôtre de Jésus-Christ, qui ne
veut plus savoir que Jésus-Christ et
Jésus-Christ crucifié, et dont la
plume trace avec actions de grâces :
J'ai obtenu miséricorde, en sorte que
Jésus-Christ a fait voir en moi une parfaite
clémence.
Elle s'accomplit, cette promesse, en plusieurs
membres de ce peuple malheureux, dispersé
sur toute la terre, qui, journellement, dans ce
siècle renoncent à
l'incrédulité de leurs pères,
et reconnaissent pour Sauveur, et pour Christ celui
qui a prié pour eux, celui qu'ils ont maudit
dans le temps de leur ignorance.
Elle s'accomplit en quelques-uns d'entr'eux
qui, comme Saul converti sur le chemin de Damas,
deviennent de puissants et zélés
serviteurs de Jésus-Christ, pour
édifier les chrétiens, pour annoncer
à leurs frères Juifs et aux
Païens, celui que Dieu a donné pour
qu'il soit la lumière des Gentils, et la
gloire de son peuple d'Israël.
Elle s'accomplira à la fin, cette
promesse, dans la nation en masse, que Dieu aime
encore, à cause de ses
pères, que Dieu tient en
réserve, pour traiter
avec eux une nouvelle alliance, selon
ses promesses publiées par Saint-Paul.
Tout Israël sera sauvé.
O puissent-elles aussi s'accomplir cette
prière et cette promesse de la
miséricorde de Christ en faveur de tant de
gens qui, au sein de la chrétienté,
rejettent l'Évangile, dont ils sont
entourés de toutes parts. Eux non plus,
ne savent ce qu'ils font ; ils ne
savent pas que ce qu'ils méprisent, ce
qu'ils repoussent, ce qu'ils raillent, ce qu'ils
maudissent, c'est ce qui seul peut les rendre
heureux eux-mêmes, ce qui seul peut faire
prospérer réellement les familles et
les peuples, et faire cesser tant de scandales et
de désordres, contre lesquels
eux-mêmes souvent ne sont pas les derniers
à élever la voix.
Puissent-elles s'accomplir aussi en faveur de tant
de gens, qui, au milieu de nous, croupissent dans
une grossière ignorance sur ce qu'il importe
le plus à l'homme de savoir, ne savent
ni ce qu'ils font, ni ce qu'ils doivent
faire, parce qu'ils ne se soucient pas de
connaître, eux qui portent le nom de
chrétiens, le seul vrai Dieu et
Jésus-Christ qu'il a
envoyé !
Puissent-elles s'accomplir enfin en faveur de tant
de gens, qui prétendent recevoir
l'Évangile de
Jésus-Christ, mais qui veulent l'arranger
à leur manière, le rapetisser
à l'étroite mesure de leur
intelligence, en ôter tout ce qu'ils ne
comprennent pas, tout ce qu'ils ne peuvent
expliquer. Eux non plus, ne savent ce qu'ils
font ; ils veulent, disent-ils,
l'Évangile, et ils veulent en ôter ce
qui en fait la vie et la force, quand ils
travaillent à anéantir le
mystère de piété, Dieu
manifesté en chair, le mystère de
charité accompli a Golgotha, le
mérite et l'efficace de cette croix
qui fut de tout temps scandale et
folie, à ceux dont le Dieu de ce
siècle a aveuglé l'entendement,
de cette croix du haut de laquelle Jésus
a prononcé cette prière. "Père
pardonne-leur".
Oui, Père pardonne-leur aussi, car c'est
toi qu'ils offensent ; toi qui dans ton amour
nous as donné ton Fils, pour notre seule
espérance de salut, ton Évangile pour
notre seule règle de foi et de vie.
Éclaire leurs yeux, amène
leurs âmes captives à
l'obéissance de Christ. Père
pardonne-leur ; car ils ne savent ce qu'ils
font.
Mais, mes frères, est-il aucun de nous, qui
puisse croire que cette prière lui est
étrangère ?
Ne savons-nous pas que nous avons tous besoin de
pardon, que bronchant tous en plusieurs
choses, faisant tous ce
qui déplaît aux yeux de
l'Éternel, nous ne pouvons être
heureux, être sauvés, si nos
péchés ne nous sont
pardonnés.
Ne savons-nous pas que c'est pour nous que
Christ a souffert, qu'il a été
attaché à la croix, que c'est pour
satisfaire à la fois, la majesté des
lois de Dieu, la sainteté et la justice de
celui qui a donné ces lois, et sa
miséricorde qui veut pardonner ; que
c'est pour cela que ce grand sacrifice a
été offert ; que les Juifs, dont
la méchanceté le consomma, n'ont
été que des instruments dans la main
de Dieu, et qu'ils n'ont fait qu'exécuter
ce que dans son conseil il avait
déterminé pour notre
salut.
En priant pour ces malheureux qui l'ont
attaché à la croix, c'est pour nous
aussi, pour nos péchés qui l'ont
amené sur la croix, c'est pour notre pardon
que Jésus a prié, qu'il a dit
à son Père :
Pardonne-leur ; et en conséquence,
nous qui croyons en lui, nous avons la
rédemption en son sang, savoir la
rémission de nos péchés selon
les richesses de sa grâce.
Et sans doute, mes chers frères, plusieurs
d'entre nous, nous pourrions dire à la
louange et à la gloire de sa
grâce : cette prière a
été prononcée pour nous, et
non seulement cela, elle a été
exaucée pour nous.
C'est en vertu de cette prière de
Jésus, que nous avons senti nos
misères, que nous avons
été attirés au Seigneur, que
nous avons entendu dans nos coeurs cette parole
consolante : Va-t'en en paix tes
péchés te sont
pardonnés ; et que dès lors
tranquilles et heureux au fond, quoiqu'au milieu de
bien des misères encore, si nous
travaillons à notre salut avec
crainte et tremblement, nous sentons que Dieu
nous donne de vouloir et de faire, et
nous savons que notre travail ne sera pas vain
auprès du Seigneur.
O grâces lui soient rendues
à jamais pour son don
ineffable ! Oui nous publierons à
jamais les richesses de sa grâce, et
nous répéterons avec St.-Paul :
Au roi des siècles, immortel, invisible,
à Dieu seul sage soit honneur et gloire aux
siècles des siècles.
Mais est-ce tout, chers frères, et cette
prière offerte pour nous aussi,
exaucée pour nous aussi, ne nous
impose-t-elle aucune obligation, ou plutôt
dans cette obligation de reconnaissance n'en est-il
pas compris une aussi étroite, aussi
sacrée ?
II.
Oui, mes frères, si nous croyons
véritablement en Christ, si nous pensons
qu'il a prié pour nous, nous nous
souviendrons aussi qu'il a souffert pour nous,
nous laissant un exemple afin que nous suivions ses
traces, nous saurons voir dans cette
prière du Sauveur pour ses ennemis, pour
lesquels il implore le pardon de son Père,
nous saurons, dis-je, voir le modèle de la
manière dont nous devons pardonner
nous-mêmes ; la réfutation de
tous les prétextes, de toutes les excuses
qu'on allègue pour se dispenser de
pardonner ; le plus beau commentaire le
commentaire vivant de ces paroles prononcées
sur la montagne de Galilée, et mises en
action sur Golgotha : Aimez vos
ennemis ; bénissez ceux qui vous
maudissent ; priez pour ceux qui vous
outragent et qui vous persécutent, afin que
vous soyez enfants de votre Père
céleste.
Et qui pourrait nous en dispenser ? Serait-ce
la grandeur de l'offense, la
méchanceté de l'offenseur ?
Mais Jésus pardonne à ceux qui lui
ont fait mal sur mal, qui l'ont injustement
condamné, qui l'ont
traité comme le plus vil des malfaiteurs,
qui ont violé à son égard
toutes les règles de la justice et de
l'humanité, et qui l'ont fait mourir sur une
croix ; et nous, pour des offenses qui ne
sauraient être mises en comparaison avec
celles qui furent faites à notre
Maître ; pour des offenses souvent
telles que nous n'oserions les qualifier de ce nom,
devant tout autre tribunal que celui de notre
égoïsme, de notre orgueil, de nos
prétentions exagérées, de
notre susceptibilité, de notre imagination
ombrageuse ; pour des offenses qui nous furent
faites quelquefois sans intention, que quelquefois
nous nous sommes attirées en tout ou en
partie par notre imprudence, par nos hauteurs, nos
dédains, notre humeur difficile, nos
empiétements sur les droits d'autrui ;
pour de telles offenses, nous refuserions de
pardonner !
Mais fussions-nous entièrement innocents
à l'égard de ceux qui nous offensent,
ne nous souviendrons-nous pas que nous ne le sommes
jamais devant Dieu, et si celui qui n'a pas
connu le péché a bien voulu
souffrir une si grande contradiction de la part
des pécheurs, nous, ne continuerons-nous
pas de souffrir patiemment, jusqu'au bout,
jusqu'à ce que tout
soit accompli, et en attendant, ne
bannirons-nous pas de notre coeur et de nos
lèvres, toute aigreur, toute irritation,
toute parole dure ou amère, si nous
voulons être les imitateurs pour
être vraiment les disciples de celui qui
s'est écrié sur la croix :
Père pardonne-leur ?
Puis, mes frères, ne nous souviendrons-nous
pas que ceux qui nous ont offensés, quelle
que soit la nature de nos relations avec eux,
quelle que soit leur position vis-à-vis de
nous sur cette terre, sont au fond et toujours nos
égaux, vis-à-vis de cette
Majesté divine devant laquelle rentrent dans
le néant toutes les
supériorités terrestres et
sociales.
Mais ici, c'est celui en qui réside cette
majesté divine, celui que les Anges de
Dieu adorent, celui par qui et pour qui
toutes choses ont été faites.
C'est le Fils unique de Dieu, qui
pardonne, à qui ? aux enfants
d'Adam, à des êtres d'un jour,
à des créatures qui trembleraient,
à des vers de terre qui ramperaient à
ses pieds dans la poudre, si sa divinité ne
s'était voilée à leurs faibles
yeux en s'associant à l'humanité
infirme pour sauver l'humanité
pécheresse ; et ces vers de terre se
dresseraient orgueilleusement pour refuser de
pardonner à d'autres vers
de terre ! Qui sommes-nous ? mes
frères, et qu'était celui qui a dit
sur la croix : Père
pardonne-leur ! Voulons-nous pardonner,
oui ou non, quand le Fils de Dieu
pardonne ?
Et jusqu'où doit aller notre pardon ?
Jusqu'où va celui du Seigneur
Jésus ? Il ouvre la bouche, pour parler
de ses ennemis. Écoutons.
Va-t-il se soulager par des imprécations ou
au moins par des reproches ou des plaintes ?
Il prie pour eux.
Va-t-il exagérer leurs torts, ou seulement
faire ressortir ce qu'il y a de réellement
odieux dans leurs procédés ? Il
les excuse autant que cela se peut. Ils ne
savent, dit-il, ils ne savent ce qu'ils
font.
Leur souhaite-t-il du mal ? Il demande
pour eux le plus grand de tous les biens, la
grâce de Dieu, son pardon, qui comprend
toutes les bénédictions
spirituelles en Jésus-Christ, quand
c'est Jésus-Christ qui le demande pour
nous.
Voilà la leçon ; voilà
l'exemple. Voilà le Maître, et nous,
disciples du crucifié :
Bénissons aussi ceux qui nous
maudissent ; prions pour ceux qui nous
maltraitent et qui nous persécutent.
Pardonnons-nous l'un à l'autre, et si
quelqu'un a sujet de se plaindre d'un autre,
comme Christ a pardonné, nous aussi, faisons
de même.
Ceux qui refusent de pardonner ainsi, ont-ils cru
vraiment et du coeur à
l'Évangile ?
Certes il est permis au moins, d'en douter.
Il est permis de douter qu'ils aient senti pour
eux-mêmes le poids du péché, et
ensuite la douceur du pardon ; qu'ils aient
embrassé réellement et fortement la
croix de Christ, comme leur seule ancre de
salut.
Il est permis de douter qu'ils aient l'esprit de
Christ et par conséquent qu'ils
appartiennent à Christ ; car
parmi tous les préceptes qu'il nous a
donnés, il n'en est aucun qui soit si
clairement exprimé, qui laisse moins de
prise au doute, aux prétextes, aux fausses
interprétations, aucun sur lequel
lui-même et ses Apôtres aient plus
souvent et plus fortement insisté, que celui
du pardon des offenses, précepte que le
Seigneur lui-même a voulu mettre dans notre
bouche, en nous faisant dire tous les jours dans la
prière modèle, dans l'Oraison
Dominicale : Notre Père qui es aux
cieux..... pardonne-nous nos
péchés, comme nous pardonnons
à ceux qui nous ont offensés.
Y aurait-il quelqu'un parmi nous, qui ne
voulût pas pardonner de bon coeur, absolument
et sans réserve ? alors il doit
s'éloigner de tout ce qui
rappelle et représente la
croix du Seigneur Jésus. Qu'il
s'éloigne donc de la Cène, à
laquelle la miséricorde de Christ appelle
ceux qui croient en Lui.
Qu'est-il dit de ce sacrement de la Cène
dans lequel nous annonçons la mort du
Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne ? Que
chacun s'éprouve soi-même, et qu'ainsi
il mange de ce pain, et boive de cette coupe ;
car quiconque en mange et en boit indignement,
mange et boit une condamnation.
Il me semble que je puis dire à
quiconque ne veut pas pardonner : II est
inutile de vous éprouver
vous-même. À cela vous pouvez
déjà connaître que vous iriez a
la table du Seigneur manger et boire une
condamnation puisque vous êtes
résolu à désobéir au
commandement exprès de Jésus-Christ,
commandement qu'il a répété la
veille de sa mort, le soir même et dans la
chambre haute où il a institué
la Cène, et en nous conjurant par tout ce
qu'il allait faire pour nous : C'est ici
mon commandement que vous vous aimiez les uns les
autres, comme je vous ai aimés.
Personne n'a un plus grand amour que celui-ci, si
quelqu'un donne sa vie pour ses amis. Vous serez
mes amis, si vous faites tout ce que je vous
commande.
Ceci, mes frères, nous concerne tous
jusqu'à un certain point.
Plusieurs d'entre nous ne gardent pas
peut-être dans leur coeur ce qu'on appelle
dans le monde une haine implacable, une haine
mortelle, de ces haines qui s'exhalent en injures,
en médisances, en calomnies, ou qui
produisent de cruelles vengeances.
Mais aussi, il en est bien peu d'entre nous, qui
n'aient gardé trop longtemps, qui n'aient
peut-être en ce moment sur le coeur de ces
petites offenses, qui résultent si
facilement, si fréquemment de tant de
conflits d'amour propre et d'intérêt,
dans une société toute
composée d'êtres imparfaits, de
pécheurs.
O si ces temps solennels pouvaient être des
temps de réconciliation, d'oubli, de pardon,
de prévenances affectueuses et
sincères, préparation et fruits d'une
Pâque que nous sommes invités à
célébrer, en ôtant le
vieux levain !
O si nous pouvions savoir (et comme nous nous
en réjouirions, comme les Anges de Dieu
s'en réjouiraient !) si nous
pouvions apprendre que des ennemis, peut-être
d'anciens amis, des parents, des frères, des
époux divisés, se sont tendu la main,
qu'ils ont écouté, qu'ils ont compris
l'exhortation du Sauveur : Avant d'aller
à l'autel, s'il te souvient que ton
frère a quelque chose contre toi, .... va
premièrement te réconcilier avec ton
frère.
Mais nous avons déjà fait des
avances ; elles ont été
repoussées, elles le seraient encore.
Eh ! le Seigneur ne vous a-t-il pas fait plus
d'une fois des avances, ne vous a-t-il pas plus
d'une fois pressés, invités,
appelés ? et n'avez-vous jamais
repoussé ses avances et ses appels ? Eh
bien, vous aussi, essayez encore, appelez encore,
et si c'est en vain, faites encore comme le
Seigneur, priez, mais priez bien sincèrement
celui qui tient les coeurs en sa main ;
priez-le tout d'abord pour vous-même,
pour votre propre coeur, qui de lui-même et
par sa nature, est si prompt à la
colère et si lent à pardonner.
Priez-le qu'il vous ôte le coeur de
pierre, qu'il vous donne le coeur de chair,
et qu'avant tout, il vous fasse sentir
réellement et profondément la
grandeur du pardon qu'il offre aux pécheurs
en Jésus-Christ.
Oui, mes frères, qui que nous soyons, qui
devons tous nous sentir convaincus de
péché, et de bien d'autres
péchés, que celui de ne pas vouloir
pardonner, si celui-là n'est pas le
nôtre, cherchons, pauvres pécheurs que
nous sommes, cherchons le pardon et la
miséricorde auprès de celui, et par
celui qui dit à son Père pour de
grands pécheurs :
Père pardonne-leur, car ils ne savent ce
qu'ils font. Oui, ô Jésus, notre
Avocat auprès du Père, notre
Souverain sacrificateur, prie pour nous.
Père céleste exauce sa
prière et pardonne-nous ! Nous sommes
tous des transgresseurs de tes saintes lois, et en
cela, aussi insensés que coupables, nous
ne savons ce que nous faisons ; et nous
ne le disons pas pour nous excuser ; car nous
devrions bien savoir ce que nous faisons, si
nous écoutions la voix de notre conscience
et les enseignements de ta Parole. Hélas
non ! nous ne savons ce que nous
faisons ; nous ne sentons pas assez le mal
que nous nous faisons par nos péchés,
de quels biens nous nous privons, à quoi
nous nous exposons, si n'écoutant qu'une
juste colère, tu nous abandonnais à
nous-mêmes.
Nous ne savons ce que nous faisons ;
nous ne sentons jamais assez vivement combien
nous sommes ingrats envers toi, ô notre
Père, qui nous combles de tes biens, envers
toi qui n'as pas épargné ton
propre Fils, mais qui l'as livré pour
nous, et qui veux nous donner toutes choses
avec lui !
Au moins quand nous méditons sur sa
croix, nous devons bien voir combien tu as en
horreur le péché,
qui n'a pu être expié que par son
sang ; nous devons sentir la grandeur
de notre misère, la grandeur de ton amour,
et, quelle serait, si nous rejetions ton amour, la
grandeur de ton courroux ; nous devons sentir
aussi plus fortement l'obligation de nous
pardonner les uns aux autres, comme Christ nous
a pardonné.
Rends plus brillant ce rayon de lumière
qui apparaît à nos faibles yeux. Rends
durable et féconde une émotion qui
tant de fois fut stérile et
passagère. Change-la par ta grâce en
une vraie componction de coeur, et qu'une
sincère repentance, une foi réelle et
vivante en ton Fils, produise en nous par ton
Esprit, la charité, la paix, la patience,
la bonté, la bénignité, la
douceur, tout ce qui t'est agréable
en Jésus-Christ, auquel soit gloire aux
siècles des siècles.
Amen.
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