LES SEPT
PAROLES
JÉSUS-CHRIST SUR LA
CROIX
DEUXIÈME MÉDITATION.
Et
Jésus lui dit : En vérité
je te dis qu'aujourd'hui tu seras avec moi en
Paradis. - Luc XXIII, 43
Voici ce que dit l'Évangéliste,
quelques lignes avant ce que nous venons de
lire : On menait aussi deux autres hommes
qui étaient des malfaiteurs, pour les faire
mourir avec lui. Et quand on fut arrivé au
lieu appelé Calvaire, on le crucifia
là, lui et les malfaiteurs, l'un à sa
droite, l'autre à sa gauche.
Cette association, mes frères, servit
à manifester l'endurcissement où peut
arriver le coeur de l'homme, au milieu
même de tout ce qui devrait le toucher de
componction, et donna lieu à
Jésus de manifester aussi, alors qu'il
était cloué à une croix, tout
ce qu'il a de puissance sur les coeurs, et de
miséricorde envers ceux
qui vont à lui. C'est sur ce tableau que
nous appelons votre attention en venant
méditer avec vous la seconde parole du
Seigneur Jésus sur la croix. Nul de nous, je
l'espère, ne sera tenté de
détourner avec dédain ses regards de
ceux qui figurent à droite et à
gauche du personnage principal, parce que ce sont
des malfaiteurs.
Ce sont des hommes comme nous, nous sommes des
pécheurs comme eux. L'un doit nous faire
pitié bien plus que nous faire horreur, et
l'autre doit exciter, je ne dirai pas notre envie,
mais le désir de recevoir ce qu'il
reçut de celui qui lui fit cette douce,
cette consolante promesse : En
vérité, je te dis que tu seras
aujourd'hui avec moi dans le Paradis.
Seigneur ! qui prononças cette parole,
tu nous montres aujourd'hui deux de nos semblables,
dont l'un meurt en blasphémant contre toi,
et l'autre, en recourant a ta miséricorde,
et pour être ce jour-là même,
réuni à toi dans ta gloire. O que ces
deux croix plantées à
côté de la tienne, qui seule peut nous
sauver, que ces deux croix nous inspirent, l'une
salutaire frayeur, l'autre, une salutaire
confiance, qui nous fassent chercher et trouver
notre refuge, en toi seul Dieu
Sauveur et nous soumette dès à
présent à ton empire, pour avoir part
à ton Royaume céleste. Amen.
I.
St.-Luc vient de raconter, que le peuple
et les soldats romains, à la vue
sans doute de cet écriteau mis en
trois langues au-dessus de la croix, de
Jésus-Christ : Celui-ci est le Roi
des Juifs, l'insultaient et lui disaient : Si
tu es le roi des Juifs, si tu es le Christ,
l'élu de Dieu, sauve-toi toi-même. Et
l'un des malfaiteurs crucifiés avec lui,
dit encore l'Évangéliste,
l'insultait aussi en disant : Si tu es le
Christ, sauve-toi toi-même et nous aussi.
Pour l'ordinaire, ou du moins assez souvent, les
malheureux qui portent sur l'échafaud la
peine temporelle de leurs crimes, donnent à
leurs derniers moments quelques signes de
repentance. La perspective d'une mort
inévitable et prochaine, le jugement qu'ils
viennent de subir, et qui leur rappelle un
tribunal plus redoutable que ceux des
hommes, et où ils vont comparaître,
cela leur arrache souvent
quelque confession de leurs péchés,
quelques prières pour recommander leur
âme a Dieu ; et quand il en est
autrement, cet endurcissement et cette
insensibilité inspirent, semble-t-il, plus
d'indignation contre eux, que les crimes
mêmes, quelqu'atroces qu'ils puissent
être, qui ont attiré sur eux la
vengeance des lois.
Combien grand, direz-vous donc, est
l'endurcissement de ce malfaiteur !
Point de prière, point de retour
à Dieu, pas le moindre signe de
repentance !
Mais, mes frères, combien est grand aussi
l'endurcissement de tous ceux que Dieu
châtie, en leur envoyant n'importe
quelles épreuves, lorsqu'au lieu
d'écouter la verge et celui qui l'a
assignée, au lieu de dire comme l'autre
de ces deux malfaiteurs : Nous souffrons ce
que nos péchés méritent,
ce qui est toujours vrai de tous les enfants
d'Adam, lorsqu'au lieu de rentrer en
eux-mêmes, de s'humilier, de songer à
s'amender, à purifier leurs voies,
ils endurcissent leur face et leur coeur,
comme le roc et ne savent désirer que
des consolations et des délivrances
temporelles, comme le malfaiteur qui dit à
Jésus : Sauve-toi toi-même et
nous avec toi...
Le malheureux ! il emploie son dernier
souffle de vie à outrager un compagnon
d'infortune ; il semble
chercher dans de basses injures un soulagement
à ses propres douleurs. Il y a là,
mes frères, un fonds de perversité,
de dureté, dont la manifestation, sans
doute, est rare sous une telle forme ; il y a
là, je ne dirai pas un raffinement, mais
bien plutôt un excès grossier de
méchanceté, qui révolte, et
qui fait involontairement détourner les
regards de dessus cet homme. Puisse, mes
frères, puisse la lecture de cet endroit de
l'Évangile nous faire craindre de tomber
ainsi dans l'endurcissement et l'impénitence
finale !
Que le Seigneur nous garde surtout de
l'incrédulité qui se manifeste dans
ces paroles : Si tu es le Christ, sauve-toi
toi-même et nous aussi.
Cette incrédulité serait bien
plus criminelle chez nous que chez ce malfaiteur.
Élevé probablement dans les
préjugés de sa nation et de son
époque, il attendait sans doute un Messie
vaillant et glorieux, qui devait rendre à
Israël son indépendance, sa
liberté et son pouvoir, et il ne veut pas
reconnaître cet Oint du Seigneur dans
celui qui va expirer, aussi bien que lui-même
et à ses côtés, sur une
croix.
Mais nous, il ne tient qu'à nous de savoir,
que si Jésus ne s'est pas sauvé
lui-même, c'est pour
nous sauver ; que
s'il ne s'est pas sauvé
lui-même, c'est qu'il devait se rendre
obéissant jusqu'à la mort et
jusqu'à la mort de la croix, pour
nous préserver de la mort éternelle,
et boire jusqu'à la lie dans la coupe de
la colère de Dieu, pour la
détourner des lèvres de ceux qui
croiraient en lui.
Oui, c'est parce qu'il ne s'est pas sauvé
lui-même, qu'il est aujourd'hui
proclamé Christ, et Sauveur par des
rachetés de tout peuple, de toute
langue et de toute nation, et nous qui voyons
tant de prophéties accomplies en lui, et
nous montrant, si nous ne voulons nous aveugler
nous-mêmes, ce Christ, à qui tous
les Prophètes rendent témoignage, que
quiconque croit en lui recevra la rémission
des péchés en son nom, ne
serions-nous pas inexcusables, si nous ne lui
disions avec un désir sincère de
salut et avec une entière confiance :
Tu es le Christ, toi qui ne t'es pas
sauvé toi-même. Sauve-nous !
Hosanna ! ! À qui irions-nous,
Seigneur ! Tu as les paroles de la vie
éternelle. Nous avons cru et nous avons
connu que tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.
Tu nous as rachetés à Dieu par ton
sang.
Oui ! que le Seigneur nous donne de
pouvoir ainsi l'invoquer d'une bouche que ne
démente pas notre coeur ; de pouvoir
lui dire en toute
vérité : sauve-nous !
de lui dire : souviens-toi de moi,
Seigneur, comme son autre compagnon de
supplice.
II.
Si les dispositions de l'un de ces deux
malfaiteurs crucifiés avec le Seigneur
Jésus ont lieu de nous révolter, ou
plutôt de nous affliger, que l'exemple de son
autre compagnon de supplice est à la fois
instructif et consolant ! « Ses
pieds et ses mains sont liés ; tout son
corps est à la gêne », dit
un ancien Docteur de l'Église,
« il n'a de libre que le coeur et
la langue ; et du coeur il croit
à justice ; de la bouche, il
fait confession à
salut. »
Oui, il croit en Jésus, il confesse
Jésus, alors que Jésus est
supplicié comme lui, insulté par le
peuple, par les soldats, par l'autre
malfaiteur.
Il le reconnaît pour Seigneur et pour
Roi, alors que la royauté de Jésus
est inscrite sur une croix comme sujet de
condamnation et de raillerie.
Le malfaiteur a été frappé
sans doute de l'innocence de Jésus reconnue
aussi par Pilate ; il a pu entendre cette
belle prière : Père
pardonne-leur. Enfin, il croit en Jésus,
car il lui dit :
Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras
entré dans ton règne. Il a cru,
et sa foi a déjà
témoigné de son origine, et produit
en lui les fruits qu'elle produit toujours, une
vraie charité avec une entière
franchise. Il a souci de l'âme de son
compagnon. Ne crains-tu pas Dieu ? lui
dit-il, et c'est, observons-le, mes frères,
c'est sans s'élever en aucune manière
au-dessus de lui, sa foi porte aussi pour fruit une
véritable humilité, comme elle
procède d'une sincère repentance.
Nous, nous souffrons la peine de nos crimes,
mais celui-ci n'a fait aucun mal.
Oui, certes, du coeur il croit à
justice ; de la bouche il fait
confession à salut. Aussi celui qui
sait toutes choses et qui connaît
ce qui est dans le coeur de l'homme, voit bien
qu'il y a ici plus et mieux que cette confession
purement extérieure de laquelle il dit
lui-même : Tous ceux qui me disent
Seigneur ! Seigneur ! n'entreront pas au
royaume des deux.
Il le voit bien ; car le malfaiteur ne l'a
pas plutôt salué Seigneur !
que Jésus lui répond : En
vérité, je te dis, que tu seras
aujourd'hui avec moi en Paradis. En
vérité : c'est la promesse
de celui dont toutes les promesses sont oui et
amen en lui.
Mais n'est-elle pas déjà accomplie
cette promesse ? Cet homme n'est-il pas
déjà en Paradis, à
côté de Jésus en qui il a cru,
de Jésus qu'il aime ? et tout meurtris
que sont ses membres, tout cloué qu'il est
sur ce bois, n'est-il pas, ainsi que plus d'une
fois nous avons vu le fidèle sur un lit de
douleur et de mort, n'est-il pas déjà
assis dans les lieux célestes en
Jésus-Christ ?
Certes, il faudrait parler la langue des
bienheureux, pour rendre la joie que dut
éprouver ce pauvre homme, mais riche en
la foi, riche en Dieu, quand il entendit ces
douces paroles : En vérité,
je te dis, que tu seras aujourd'hui avec moi en
Paradis.
O puissions-nous, mes frères, puissions-nous
les entendre retentir dans nos coeurs de la part de
Jésus, à l'heure où il nous
faudra entendre aussi cette voix : Fils des
hommes, retournez. Dispose de la maison, car tu vas
mourir ! Oui, puissions-nous alors, par
une vraie foi en celui qui maintenant est dans son
règne, puissions-nous sentir la
mort dépouillée de son
aiguillon, et nous écrier avec
l'Apôtre : 0 sépulcre !
ou est ta victoire ?
Mais à présent sommes-nous donc
encore fondés à vous dire ce
qu'ajouté le même Apôtre :
Soyons fermes et
inébranlables, frères
bien-aimés ; abondant toujours dans
l'oeuvre du Seigneur, sachant que notre travail ne
sera pas vain auprès du Seigneur ?
Avons-nous à vous parler encore, et
pouvons-nous même vous parler encore de
travail, d'oeuvre, de
persévérance ?
Ne voilà-t-il pas un homme qui va
être en Paradis avec
Jésus-Christ et qui n'a travaillé
qu'a mal faire, qui, jusqu'ici du moins, semble
n'avoir persévéré qu'à
mal faire.
Prenons garde, mes frères, de ne pas tirer
de cet exemple des conséquences dangereuses,
mais fausses conséquences.
Non ; cet exemple ne renferme rien qui puisse
autoriser qui que ce soit à compter sur
quelques moments d'une repentance tardive, rien qui
dispense qui que ce soit de se préparer de
bonne heure à une mort chrétienne,
par un sérieux amendement et par une vie
chrétienne.
L'Évangile ne nous dit pas que cet homme ait
connu et pratiqué l'art funeste de se
tromper soi-même, en comptant sur la
miséricorde de Dieu, lorsqu'on n'est pas
décidé à ne plus en
abuser.
L'Évangile ne nous dit pas que le Seigneur
ait envoyé à cet homme, de bonne
heure et à plusieurs fois, des appels, des
messages, des avertissements de la grâce, et
qu'il ait dit :
Va-t-en pour le
présent ; quand j'aurai le loisir, je
te rappellerai.
L'Évangile ne nous dit pas si cet homme,
pendant son jugement, et dans sa prison, n'avait
pas déjà pensé à ses
péchés, au salut de son âme, au
jugement de Dieu, comme les paroles qu'il adresse
à son compagnon de supplice le rendent bien
probable.
Voyez ensuite, chers frères, si, à
bien des égards, cet homme n'est pas, pour
se convertir à l'heure de la mort, dans une
position beaucoup plus favorable, qu'un grand
nombre de ceux qui ont longtemps renvoyé de
s'amender, qui renvoient encore, et qui renverront
encore jusqu'à la fin de leur vie, et qui
finiront leur vie non sur une croix, sur un
échafaud, mais dans leur maison, dans leur
lit, au milieu de leurs amis et de leurs
parents.
Sur la croix, ce malfaiteur est certain qu'il n'a
que peu de moments à vivre, et il les
emploie tout entiers à penser à son
salut, à chercher le salut. Et parmi ceux
qui ne seront pas cités au Tribunal de
Christ par une mort subite et imprévue,
ou par une maladie prompte et violente, mais par
une de ces maladies qui semblent laisser le plus de
temps pour se reconnaître, et pour se tourner
vers Dieu, combien n'en est-il pas, qui
conserveront l'espoir de la
guérison jusqu'à leur dernier
soupir ; combien n'y en a-t-il pas de ceux que
les médecins, les parents, les amis
entretiendront jusqu'à la fin dans cette
dangereuse illusion ? Combien, qui,
partagés entre le soin d'affaires
temporelles, plus ou moins compliquées ou
urgentes, la crainte et la douleur de devoir se
séparer de plus d'un objet d'affection, et
le sentiment de leur maux, pourront à peine
donner quelques instants au salut de leur âme
immortelle, de leur âme qui va bientôt
comparaître devant Dieu ?
Enfin le cas de ce malfaiteur qui se convertit
à côté de Jésus-Christ
est un de ces cas qui font l'exception et non la
règle. Et ne dirait-on pas, mes
frères, que c'est tout exprès pour
nous en avertir, qu'un autre homme, dans la
même position et en même temps montre
des sentiments tout opposés ?
Serions-nous tentés de prendre à faux
ce qui se passe d'un côté de
Jésus, tournons-nous de l'autre
côté, et à deux pas de
Jésus et de ce mourant qui le confesse, qui
confesse ses péchés, qui croit et qui
prie, voyez un autre mourant qui s'en va sans
confesser Jésus, sans confesser ses
péchés, sans prier et sans
croire.
À côté de la même
source de délivrance ouverte
pour le péché et
pour la souillure, l'un y puise des eaux avec joie,
l'autre voudrait autant qu'il est en lui la
souiller et la ternir.
Sommes-nous autorisés à dire :
« Un des deux se convertit à la
mort ; espérons
(1). »
Oui, mais à condition de dire aussi :
« Un seul se convertit à la
mort ; craignons ».
Craignons que l'espoir de mourir comme l'un ne nous
mène à mourir comme l'autre. Ne
tardons pas à chercher notre unique refuge
sur la croix, et auprès de celui qui sauve
les pécheurs, afin qu'il nous donne de
montrer une vraie foi par les fruits d'un
sincère amendement.
Craignons de l'éloigner de nous, en nous
éloignant de lui lorsqu'il nous appelle et
si nous désirons pouvoir lui dire à
notre heure suprême : Seigneur,
souviens-toi de moi, et si nous souhaitons
qu'il réponde alors à notre
coeur : Aujourd'hui, tu seras avec moi en
Paradis, ... aujourd'hui aussi, si nous
entendons sa voix, n'endurcissons pas nos coeurs,
ne différons pas de ranger notre
âme captive à l'obéissance
de Christ, de notre Seigneur, de notre
Roi.
Le malfaiteur converti l'a salué Seigneur
et Roi. Il ne peut dans ce moment, tout
près d'expirer, il ne peut servir d'effet et
d'action, celui qu'il vient de prendre pour
maître. Mais comment pensez-vous qu'il
eût voulu le servir, s'il eût pu vivre
encore quelque temps sur la terre, si Jésus
eût fait en sa faveur le miracle que l'autre
malfaiteur avait demandé, s'il l'eût
fait descendre de la
croix ?
Quelle eût été la vie de cet
homme en qui celui qui sonde les coeurs et les
reins, avait vu une foi sincère et un
vrai désir de son règne ?
Que dit la Parole de Dieu de la
véritable foi ? Elle
opère par la charité ; on
la montre par les oeuvres.
Que dit la Parole de Dieu du règne
de Jésus ? Ton sceptre est un
sceptre d'équité. Il est le
Prince de paix. Mon règne, dit-il,
n'est pas de ce monde ; et quel est le
caractère de ses sujets ? Quiconque,
dit-il, est pour la vérité
entend ma voix. Ceux-là seulement entreront
dans le Royaume des cieux qui font la
volonté de mon Père qui est aux
cieux.
Qu'aurait-il donc fait cet homme sauvé par
Jésus-Christ en son corps et en son
âme ? N'eût-il pas cherché
avant tout à connaître toujours mieux
la vérité qui est en Christ,
afin d'être affranchi du
péché, à contribuer
à la gloire du Seigneur, à
étendre son règne ? Ne
l'eut-on pas vu renoncer, je ne
dis pas seulement aux crimes qui l'avaient
amené sur la croix, à la vie
licencieuse et déréglée, qui
sans doute avait précédé et
accompagné ces crimes, mais à la
pensée même de faire le moindre tort
à ses semblables ? N'eût-il pas
cherché à leur faire du bien,
à les amener par ses exhortations, et plus
encore par son exemple aux pieds de ce Jésus
dont il avait éprouvé la
miséricorde, au pied de cette croix,
où il avait trouvé le salut ; et
après avoir déjà vu de si
près les portes du Paradis,
n'eût-il pas conservé toujours ce
souvenir sur la terre, pour ne pas s'attacher aux
convoitises et aux vanités d'un
monde qui passe, et pour avoir dans le ciel
son trésor et son coeur ?
Je vous laisse, mes frères, vous
appliquer ces choses. Nous ne sommes pas de ceux
que le monde appelle des malfaiteurs ; mais
nous faisons tous le mal, nous sommes tous des
pécheurs, à qui la Parole de Dieu dit
solennellement : Amendez-vous, et vous
convertissez ; car le Royaume des cieux
approche ; nous sommes tous des habitants
d'un monde qui passe avec sa convoitise,
sachant qu'il y a un monde à venir
et éternel, un Royaume des cieux,
où Jésus est entré
après l'avoir acquis aux siens par son
sang précieux, mais sachant
aussi que notre Roi aime la
justice et hait l'iniquité.
On nous dit et on nous répète de
sa part : Je vous conjure, comme
étrangers et voyageurs, de vous abstenir des
passions de la chair, qui font la guerre à
l'âme. Je vous exhorte, par les compassions
de Dieu, à lui offrir vos corps en sacrifice
vivant, saint, agréable à Dieu ce qui
est votre service raisonnable ; et le Roi
lui-même nous dit des cieux : Celui
qui vaincra je le ferai asseoir avec moi sur mon
trône, comme moi-même j'ai
vaincu, et je me suis assis avec mon Père
sur son trône. Aujourd'hui, si nous entendons
sa voix, n'endurcissons point nos coeurs.
Nous devons, mes frères, aller bientôt
à la table du Seigneur faire la
commémoration de sa croix, au pied de
laquelle nous vous avons rassemblés
aujourd'hui. O qu'il nous préserve d'y aller
avec des dispositions le moins du monde semblables
à celle de cet homme qui ne sut pas
reconnaître le Christ, parce qu'il
était sur une croix !
Qu'il nous préserve d'y porter
l'insensibilité de cet homme, qui ne pense
pas à ses péchés, au milieu de
tout ce qui devait l'y faire penser, et aux
côtés mêmes de Jésus.
Qu'il nous préserve d'y porter des coeurs,
qui doutent de son pouvoir pour nous
sauver, comme cet homme qui
disait : Si tu es le Christ, sauve-nous.
Puissent, au contraire, les paroles du
malfaiteur converti exprimer notre désir du
règne de Jésus, notre
confiance en Jésus. Alors la réponse
de Jésus à ce malfaiteur croyant
exprimera les promesses qui nous seront
renouvelées à sa table, comme du haut
de sa croix.
« Oui, Seigneur, lui dirons-nous,
Seigneur, souviens-toi de moi dans ton
règne. Voici un pauvre pécheur
qui n'a été que trop longtemps, trop
souvent sourd ou insensible a ta voix. Mais,
à cette heure du moins, il sent ses
péchés, ta sainteté, ta
miséricorde. Toi, tu n'as commis aucun
péché, et si tu as
été immolé, c'est pour me
racheter par ton sang, moi qui, si je
souffrais ce que mes péchés
méritent, serais éternellement
condamné. Mais après avoir
mis ta vie en oblation pour le
péché, tu es entré dans
ton règne.
Tu as une souveraine puissance sur toutes
choses, et sur tous les coeurs. Seigneur,
souviens-toi de moi, pour attirer mon coeur
à toi par ta grâce, en sorte que moi,
je me souvienne toujours de toi, et de ce que tu
dis à tes disciples la veille de ta mort,
avant la douloureuse agonie de
Gethsémané : il n'y a
pas de plus grand amour que de
donner sa vie pour ses amis ; vous serez
mes amis, si vous faites tout ce que je
vous commande. »
Irons-nous, chers et bien-aimés
frères, irons-nous à sa table avec de
tels sentiments ? Irons-nous avec cette
assurance réelle, quoiqu'encore faible
peut-être, que nous nous souvenons de lui, et
qu'il se souviendra de nous, sentant combien
cette assurance, combien notre foi a encore besoin
d'accroissement, mais nous disant aussi :
Celui qui n'a point épargné son
Fils, mais qui l'a livré pour nous tous, ne
nous donnera-t-il pas toutes choses avec
lui ?
Alors le Sauveur de nos âmes
répondra à notre coeur : Tu
seras avec moi en Paradis. Si aujourd'hui,
au départ de cette table, de cette
assemblée, ton âme
t'était redemandée, il te sera
fait selon ta foi, tu entreras dans la joie de
ton Seigneur par la foi en son nom, et si pour
que tu le glorifies encore, il te laisse cette vie
qui, si longue qu'elle puisse être, passera
comme le jour d'aujourd'hui, tu seras
toujours avec lui, il te prendra par la
main droite et te conduira par son conseil, et
à la fin il t'introduira dans la
gloire ! Dieu le veuille, Dieu le fasse
pour chacun de nous et pour nous tous. Amen !
|