COURS DE
RELIGION CHRÉTIENNE.
Imtroduction
De tous les livres, un catéchisme est le
plus difficile à faire, et jamais je ne me
serais hasardé à publier le mien, si
mes scrupules n'avaient cédé à
l'avantage très réel de mettre un
sommaire de mon cours entre les mains de mes
catéchumènes, et à la
persuasion qu'après tout le meilleur
résumé qu'un catéchiste puisse
suivre sera toujours celui qu'il aura
composé lui-même.
Cette considération est celle qui m'a le
plus encouragé, et si l'on y
réfléchit attentivement, elle ne peut
surprendre. Un catéchisme, quel qu'il soit,
est presque toujours une lettre morte, un livre
clos et inutile, sans les explications du
pasteur ; c'est un cadre à remplir,
c'est un thème à
développer ; et comme on comprend mieux
sa pensée que celle d'autrui, les
développements seront d'ordinaire plus
féconds, plus clairs, plus heureux,
donnés sur un plan tracé par le
catéchiste lui-même, que s'il suit
trop servilement une
théorie dont il n'est pas l'auteur. Il ne
résulte point de ce principe que chacun
doive répudier toute l'expérience
d'autrefois et d'aujourd'hui, rejeter tout travail
étranger, ne se confier qu'en
soi-même, et se laisser aller à croire
qu'il suffit de faire autrement pour faire
mieux ; mais il faut être imitateur
modeste, non traducteur servile, emprunter avec
sagesse, et ne point copier.
Le problème qu'un bon catéchisme
donne à résoudre est d'ailleurs si
compliqué que chacun y met son cachet et le
résout à sa manière. Un bon
catéchisme doit, ce me semble, contenir un
aperçu complet de là religion
chrétienne ; Un exposé des
connaissances religieuses que fournit la raison, et
des certitudes plus vastes et plus sublimes que la
révélation y ajoute ; un
abrégé systématique de
l'Écriture ; le nom de tous ses grands
hommes ; une notice succincte de la part que
chacun d'eux a prise en bien ou en mal à ces
grands événements ; l'indication
de tous les livres sacrés, et quelque
idée de leur
contenu ; la morale évangélique,
une théorie de l'Église, de sa
constitution et de son culte ; un peu
d'apologétique, pour que la loi puisse se
défendre ; un peu d'histoire
ecclésiastique, pour qu'elle sache où
l'humanité en est de sa destinée
terrestre ; quelques notions de controverse,
pour qu'elle comprenne comment il se fait que la
chrétienté ne forme pas une seule
Église ; enfin, quelque idée de
là conservation des monuments qui servent de
base à la foi, et ces tableaux de l'avenir
terrestre et céleste de notre race, que le
christianisme seul donne moyen de tracer.
Tout cela est beaucoup, sans doute ; mais,
à moins de tout cela, un catéchisme
sera incomplet ; il n'embrassera point tout le
christianisme ; l'Évangile n'y sera
présenté que par fragments ; il
restera des vides dans la piété, des
lacunes dans la foi ; le soleil de justice
aura perdu quelques-uns de ses rayons, et
l'ombre ça et là l'emportera sur la
lumière.
Avant la première communion, pendant la
ferveur de l'instruction
religieuse, et lorsque le
pasteur est toujours là pour répondre
aux doutes qui dans le monde surgissent devant une
foi naissante, le danger d'un cours incomplet se
montre peu ; mais plus tard dans la vie,
lorsque le chemin de la maison du pasteur est
oublié, lorsque peu à peu se
relâche le lien tendre et saint qui
s'était formé entre un ministre de
l'Évangile et les jeunes gens qu'il
s'efforce d'amener à Christ, si toute la
religion n'a pas été versée
à pleins flots dans le coeur, si la
piété a été
laissée dans l'ignorance ou dans
l'incertitude sur des vérités ou des
objections essentielles, il est facile de
prévoir ce qui arrive ; mais il ne
l'est pas de le réparer.
Une autre pensée, qui est entrée pour
beaucoup dans la résolution de publier ce
petit livre, vient à l'appui de ces
pensées ; c'est qu'un catéchisme
aujourd'hui ne peut pas être ce
qu'était un catéchisme autrefois. Les
hommes sont changés ; il faut que le
mode d'instruction change avec eux. La fureur
du raisonnement s'est
emparée de notre génération,
et il faut raisonner avec ce siècle
raisonneur.
Le temps est passé, du moins en France,
où l'instituteur de la religion n'avait
à parler qu'au coeur, où les larmes
de la première sainte Cène ne se
séchaient point au souffle de
l'incrédulité. Il serait plus doux de
ne parler à la jeunesse que des bienfaits du
christianisme, et de les lui donner en preuve de sa
vérité ; cette preuve, de nos
jours, ne suffît plus, et il est triste, mais
il est nécessaire que, dans le
présent siècle, un pasteur, dans ses
instructions religieuses, défende le
christianisme en même temps qu'il
l'expose.
Sans doute il y a en ceci un milieu à
garder, et ce serait manquer le but, au lieu de
l'atteindre, que d'embarrasser l'esprit des
catéchumènes de mille objections
absurdes dont le christianisme est poursuivi
aujourd'hui, que l'on croit neuves, et qui ne
séduisent un moment que par un
rajeunissement d'absurdité ; mais se
taire complètement sur les objections, est,
dans le présent
siècle, impossible. Il est
indispensable que la foi soit revêtue de
toutes ses armes, aujourd'hui que
l'incrédulité, pour ainsi dire, court
les rues et même les campagnes, aujourd'hui
que les livres incrédules sont partout, que
le matérialisme se montre sans voile et se
dit moral, que ceux enfin qui sortent de ces
déplorables systèmes s'arrêtent
si souvent dans une sorte de religion naturelle
colorée de christianisme, sans arriver
jusqu'à la foi, en ce nom seul par qui les
hommes sont sanctifiés et sauvés.
Évidemment, au milieu d'une
société pareille, croire pour soi ne
suffit plus ; il faut croire aussi pour les
autres, et savoir exposer nettement les motifs de
sa foi.
Heureux encore si le temps nous était
laissé toujours de donner quelque
étendue et quelque profondeur aux
études religieuses ! Mais trop souvent
il arrive que les jeunes gens dont l'instruction
nous est confiée arrivent à nos cours
presque sans aucune notion du contenu de
l'Écriture sainte ; il semble que
l'on attende de nous d'enseigner
non pas seulement à quoi ont servi, dans le
système des révélations
divines, la vocation d'Abraham, la mission de
Moïse, et l'apostolat de saint Paul, mais, au
préalable, qui étaient Abraham,
Moïse et Paul.
Ces simples connaissances historiques sont le
devoir des parents et des maîtres, et non
celui des pasteurs, du moins dans les
églises des grandes villes. Ce manque des
premiers éléments de la science
religieuse n'empêche pas toujours que l'on ne
nous demande d'achever en un cours de trois, de six
mois, toute l'étude préparatoire
à la communion ; et des
intérêts de famille, contre lesquels
trop souvent on réclame en vain, sont
l'impérieux motif que l'on met en avant.
Un pasteur est réduit alors au triste choix
de ne pouvoir donner qu'une instruction religieuse
incomplète et bornée, ou de courir le
risque qu'elle ne se lasse point, et que la vie
sociale commence sans que la Cène la
sanctifie. Dans les grandes villes, et surtout dans
la capitale, où il est impossible aux
pasteurs d'entrer en relation avec toute leur
église, les exemples de cette
négligence ou de ces délais
également irréparables sont
fréquents ; et de tout ceci il
résulte qu'un catéchisme moderne doit
pouvoir s'abréger ou s'allonger à
volonté, et se plier pour ainsi dire
à toutes les intelligences ; il faut en
quelque sorte qu'il puisse être à la
fois court et long, facile et difficile :
court et facile, quand les jours d'une instruction
religieuse commencée trop tard sont
comptés, et quand les études
élémentaires ont été
complètement négligées dans la
première éducation : plus long,
plus difficile, plus élevé, quand les
pères et mères nous envoient à
temps des élèves déjà
bien instruits des principaux faits contenus dans
la parole de Dieu, et quand ils comprennent que
ce qui presse n'est pas de faire sa
première communion, mais de la faire
bien ; car de la première presque
toujours toutes les autres dépendent.
Et, malgré la différence du
degré d'instruction de
nos élèves et du temps que nous
pouvons obtenir ou exiger des parents, je crois
qu'il est indispensable de ne se servir que d'un
seul catéchisme. En avoir deux, l'un plus
étendu et plus élevé, l'autre
plus court et plus simple, conduirait
infailliblement à faire différence
dans ses cours entre les jeunes gens des diverses
classes de la société. Cet
inconvénient doit être
évité à tout prix ; y
tomber, ce serait presque fausser d'avance
l'étude de la religion, et jeter des
semences d'orgueil là où il doit le
moins y en avoir.
Il importe que l'instruction religieuse soit pour
les jeunes gens de toute condition la
première leçon
d'égalité, la première
épreuve d'humilité de leur vie. Il
faut qu'en s'asseyant sans distinction aux cours de
leur pasteur, ils comprennent qu'il s'agit alors
d'oublier, comme dans le temple, les
différences sociales, et de connaître
ce Dieu qui est notre Père, et ce
Rédempteur qui veut que tous les
hommes soient sauvés.
Pour ne rien oublier, dans un catéchisme, de
cette multitude de choses qui doivent y entrer, il
n'y a que deux moyens : c'est d'adopter un
ordre de matières ou un ordre de
dates ; c'est de disposer avec méthode
les vérités religieuses, et d'en
faire une science, ou de les suivre de
siècle en siècle à mesure
qu'elles sont révélées ou
qu'elles s'accomplissent, et d'en faire une
histoire.
Cette seconde manière est celle de ce
résumé : elle présente,
je crois, plus d'un genre d'avantages ; elle
est conforme à la nature même de la
religion. Le christianisme n'est qu'un ensemble de
faits qui ont eu lieu, qui durent encore, ou qui
arriveront ; ainsi, la création, le
péché, la rédemption, le
jugement, la résurrection,
l'immortalité, sont autant de points de
fait, et l'on a tort en vérité de
parler de dogmes ; il n'y a dans la
religion que des événements, et des
événements s'arrangent par ordre de
temps.
Cet ordre sera plus facilement compris et
goûté ; car pour saisir, pour
apprécier la disposition
méthodique des vérités qui
composent une science, il faut connaître
à fond cette science tout
entière ; mais le fil d'une
série d'événements se
déroule et se déploie pour ainsi dire
de lui-même, et l'enchaînement
apparaît plus net et plus clair. D'ailleurs,
dans les annales saintes et dans toutes les
dispensations divines qui ont pour but le triomphe
de la vérité, on remarque
d'époque en époque une progression
continuelle, qui constitue une puissance preuve en
faveur du christianisme ; et cette
progression, qui se perd souvent de vue dans un
ordre de matières, est toujours sensible
quand on suit l'ordre des faits. Chaque chose est
alors laissée à la place où
Dieu l'a mise, et se montre en son rang.
Il est vrai que cette forme diffère de celle
que l'on trouve dans la plupart des ouvrages du
même genre. Cette différence est plus
apparente que réelle, et je puis dire avec
sincérité que depuis quinze ans j'ai
constamment suivi dans tous mes cours ce
résumé, en travaillant sans
cesse à
l'améliorer ; que je l'ai suivi avec
des jeunes gens et des jeunes personnes
d'intelligences très inégales et de
degrés d'instruction fort différents,
et que jamais, grâce à Dieu ! il
n'a manqué de réussir.
Quoique d'une forme un peu nouvelle, l'usage de ce
petit volume sera facile. Les chiffres des
paragraphes se suivent du commencement à la
fin, et lorsque deux alinéas se rapportent
l'un à l'autre, un chiffre entre
parenthèses sert de renvoi. Tous les
passages, d'après Ostervald, sont
cités et non indiqués seulement
(excepté les textes historiques), parce que
les versets de la Bible contenant d'ordinaire plus
d'une idée, le catéchumène,
prenant chaque verset en entier, n'y distingue pas
toujours au premier moment celle dont on a besoin.
Ainsi, lorsqu'en preuve de la doctrine de
l'Évangile sur la toute présence de
Dieu, on renvoie aux
Actes, 17. 27, les derniers mots
seuls de ce long passage s'appliquent à
cette vérité. Chaque
paragraphe fournit
matière à plus ou moins de
développements, et se resserre ou s'agrandit
à volonté ; ainsi le nom d'un
patriarche, d'un roi, d'un prophète, d'un
apôtre, donne occasion de raconter sa vie
entière dans plusieurs leçons
successives, ou de signaler seulement à
grands traits son caractère et sa
mission ; un mot, insignifiant en apparence,
peut passer inaperçu, ou, s'il y a moyen,
amener des explications d'un grand
intérêt pour la science
religieuse ; ainsi Les paragraphes 67 et 68
peuvent conduire à quelques notions
d'astronomie, et à donner au moins une
idée des dernières découvertes
sur la connaissance de la terre ou celle de
l'antiquité.
On ne trouvera point ici les demandes et
réponses en usage. Il est facile, si on le
veut, de formuler ces paragraphes en
interrogations ; mais c'eût
été surcharger inutilement le volume,
parce que la mémorisation est une
dernière ressource à laquelle je n'ai
recours qu'en désespoir de cause. La
méthode que je préfère est de
développer, en
interrogeant beaucoup ; on prend des notes, et
l'on rédige des analyses que je
vérifie, et qui ne sont réunies et
recopiées qu'après cet examen. Par ce
moyen, un catéchumène met
lui-même sa religion par écrit ;
c'est son ouvrage, et non le mien.
L'Introduction forme une partie
entièrement détachée, qui,
selon les cas, peut être laissée de
côté, ou servir tantôt à
commencer, tantôt à compléter
le cours. On comprendra d'ailleurs que ce livre
n'est point un résumé complet de la
science religieuse, mais seulement de cette partie
de la religion qui doit entrer dans un
catéchisme : il s'agit ici de foi, de
piété, de morale, et non de
théologie. Aussi les termes dogmatiques sont
soigneusement évités : nul n'a
le droit de substituer des expressions d'invention
humaine à celles dont les auteurs
inspirés se sont servis.
Les divisions de ce cours étaient
naturellement indiquées par l'ordre dans
lequel il est
disposé :
Introduction.
Révélation.
Création.
Innocence.
Promesse.
Vocation.
Loi.
Évangile, comprenant, entre les premiers et
les derniers événements de la mission
du Sauveur, les tableaux suivants :
Miracles de Jésus-Christ.
Prophéties de Jésus-Christ.
Enseignements de Jésus-Christ.
Devoirs envers Dieu.
Devoirs envers le prochain.
Devoirs envers nous-mêmes.
Paraboles de Jésus-Christ.
Entretiens de Jésus-Christ.
Église.
Réformation.
Avenir du genre humain.
Du fonds même, je n'ai lien à dire.
Tel, après de bien sérieuses et
longues méditations, j'ai trouvé le
christianisme dans l'Évangile ; tel,
consciencieusement et sans concession en aucun
sens, je l'expose ici.
Ce volume n'est qu'un résumé
élémentaire ; j'espère un
jour, si Dieu bénit ce dessein, si la
confiance qui environne une carrière
pastorale plus longue m'y
encourage avec le temps, j'espère publier
une exposition approfondie et complète du
christianisme. Le dix-neuvième siècle
a besoin qu'on lui dise en sa langue ce que c'est
que le christianisme, et quiconque croit est en
droit de le tenter.
En attendant que ce devoir puisse se remplir, Dieu
veuille que ce court volume, au sein de
l'Église de ma ville natale, où il
m'est si doux de consacrer mes efforts au service
de la foi, contribue à répandre la
vérité, à rapprocher les
opinions, et à nourrir cette religion de
l'Évangile si pure, si tolérante, si
pratique, sans laquelle il ne peut y avoir pour les
peuples de civilisation vraiment florissante, ni
pour les familles de paix vraiment
assurée !
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