UN SAINT DES
TEMPS MODERNES
FÉLIX
NEFF
À la
gloire
d'Oberlin et de
Félix Neff
les apôtres et les civilisateurs
du Ban-de-la-Roche (Alsace
et du Val de Freissinières
"Hautes-Alpes"
qui continuent la lignée de
François-d'Assise
Le Saint de la Fraternité.
Tracer le portrait idéal d'un chevalier,
c'est tracer le portrait même de
Saint-François d'Assise. Il fut un vrai
chevalier du Christ. C'est l'explication de toute
sa vie et comme le coeur de son coeur.
Paul SABATIER
Entre les Alpes de la Durance et de
Fressinières et les Vosges du
Ban-de-la-Roche, il y a le Ciel d'Assise !
E. de VERNEJOUL
l. - L'Apôtre des
Hautes-Alpes
Un nouvel Oberlin
(Briançon, Vallée de
Freissinières, le Queyras et le Champsaur)
Dès mon arrivée, Je pris cette
vallée en affection. Je ressentis un
désir ardent d'être pour ce pauvre
peuple un nouvel Oberlin.
FÉLIX NEFF.
La vie de Félix Neff est un magnifique
exemple d'énergie et de consécration
entière à Dieu, bien digne de
susciter des imitateurs parmi les jeunes à
l'heure actuelle,
A. BRIDEL.
Que d'événements tragiques se sont
passés au pied des mélèzes
sept fois centenaires, mais aussi quelle
révolution spirituelle sous l'influence de
la voie pénétrante de ce
prophète « commandé d'eu
Haut » et que rendait insensible au froid
le plus glacial le message de
« l'Évangile qui
réchauffé » !
Emm. CHRISTEN
Pendant quatre ans, le « grand
ami » s'était
dépensé sans compter, usant la laine
et le fourreau. Brusquement, ses forces le
trahirent. Il mourut à l'âge de 31
ans. Neff laissait au val de Freissinières
des villages vivants, des hommes et des femmes aux
coeurs rayonnants de joie, une humble élite
qui sur les rocs alpestres priait pour le monde.
Benjamin VALLOTTON.
Vers lus au centenaire de
Félix Neff
le 9 Août 1925
- De sommets en sommets, dans ce
noble horizon,
- Les cimes qu'il aimait vont
redire son nom !
- À son appel le deuil fit
place à l'espérance
- Au pied de l'Alpe blanche
où chante la Durance.
-
- En s'oubliant soi-même, il
cherchait la douleur ;
- Sacrifiant sa vie. il offrit
dans sa fleur
- Un printemps
éphémère au sol de
« malheurance »*
- Dont son âme connut
l'invincible attirance.
-
- Gloire à toi,
Félix Neff, qui, dans ces lieux
déserts
- Où monte le sanglot de la
Biaysse aux flots clairs
- Comme un écho du sort
mélancolique et rude
- Des montagnards traqués
dans cette solitude,
-
- Tendais tes bras ouverts
à ce peuple proscrit,
- Renouvelant pour lui le grand
geste du Christ,
- Et dans ce Val fermé
comme une sépulture
- Prolongeais ton exil pour panser
des blessures !
-
- Pour ce
« Réveil »
béni tu laissas d'autres cieux
- Où Genève se mire
en un lac radieux,
- Où plane la mouette,
où la grève fleurie
- Dort devant les glaciers de la
libre Helvétie.
-
- Gloire à toi !
Freissinière est à jamais
ton fief
- Ton souvenir y règne
immortel, Félix Neff ;
- Ce sol, tu l'as conquis sur la
Mort, la souffrance.
- Ton précoce tombeau paya
sa délivrance !
-
- De sommets en sommets, dans ce
calme horizon,
- Les cimes qu'il aimait vont
redire son nom !
- À son appel le deuil fit
place à l'espérance
- Au pied de l'Alpe blanche
où chante la
Durance.
(*) Vieux mot du terroir prolongeant
l'écho d'un passé
douloureux.
|
Il. - Le mot héroïque de
Dormillouse
« la
Malheurance »
- Ne te désole pas, Sion, sèche
tes larmes.
- L'Éternel est ton Dieu ; ne soit
plus en alarmes
- Il te reste un repos sur la terre de paix.
- L'Éternel te ramène et te
garde à jamais.
- Félix NEFF.
Ce pays est lait nid d'aigles où l'on
n'est monté que pour mieux résister.
Julie VALLOTTON.
On vivait dans les écuries. Ou cuisait
son pain noir une fois l'an. Ou disputait aux
avalanches de maigres cultures, plus malheureux que
les bêtes de somme.
Benjamin VALLOTTON.
Quel amour des âmes, quel
dévouement ne faut-il pas avoir pour choisir
librement un tel champ de travail ! L'hiver
dure huit mois. Et c'est dans l'étable, pour
profiter de la chaleur du bétail, que l'on
se tient d'habitude.
G.
DUNANT.
-
- C'est un legs du passé,
ce mot : la Malheurance,
- Mélancolique fleur du
vieux parler de France.
- Il éveille sans fin ces
clameurs d'autrefois
- Où se lamente encor tout
un peuple Vaudois
- Écoutant les tocsins dont
résonne la cloche
- Et, loin de ses foyers, fuyant
de roche en roche
- Il semble prolonger la terreur
des hameaux
- Quand tout le Val s'emplit de
pleurs et de sanglots.
- 0 plainte monotone en sa
désespérance,
- Qu'on entend dans la plaine
où s'enfuit la Durance,
- Qui plane sur la cime et plane
sur les flots.
- Les tristes temps de
« Malheurance »
- Après les longs jours de
souffrance
- Ont fait place à la
Délivrance,
- Et le torrent plein de
clarté
- Chante dans les grands soirs
d'été
- L'hymne joyeux d'un peuple en
liberté !
|
III - La Résurrection d'un
peuple
Comme Oberlin, dont il admirait
profondément l'oeuvre, Neff fût un
précurseur du christianisme social.
Charles VALLOTTON.
La foi d'Oberlin avait élevé son
grand coeur au-dessus de toutes les
barrières au milieu desquelles tant d'autres
s'entravent. Il était absolument
étranger à tout esprit de secte.
Camille LEENHARDT.
J'ai grandi dans le rayonnement de la grande
figure d'Oberlin. Ce sauveur d'âmes a
renouvelé l'aspect matériel de mon
pays natal.
T. FALLOT.
C'est de l'apôtre alsacien du
Ban-de-la-Roche que l'apôtre des Hautes-Alpes
est le continuateur. Oberlin ne pensait pas qu'un
autre continuerait, si loin dans l'espace et si
près dans le temps, son sillon
obstiné.
G. DUNANT.
-
- Cet apôtre au grand coeur
fut le chrétien complet
- Qui ne peut oublier, en un monde
imparfait
- Où la détresse
humaine offre tant de mystères,
- L'attitude du Christ
penché sur nos
misères ;
- Sur les traces du Maître
ému de tous les maux,
- Pleurant devant nos deuils et
portant nos fardeaux,
- Neff parut dans le Val aux
horizons funèbres,
- Vrai semeur de lumière,
ennemi des ténèbres.
- Le peuple qui marchait dans
l'ombre de la mort
- Vit un Libérateur
transfigurer son sort
- Et des chants saluaient la Vie
et sa lumière
- Sur les sillons dorés
devant l'humble chaumière.
- Ces montagnards jadis graves,
silencieux,
- Ont redressé leurs
fronts, souri devant leurs cieux,
- Car loin du cauchemar des temps
de « malheurance »
- Sur les monts se levait l'aube
de l'Espérance !
|
IV. - Aïeux Vaudois et
Albigeois
Sur le toit des monts vivaient çi et
là, dans le Briançonnais, non loin de
la frontière italienne, les descendants des
Vaudois abandonnés à eux-mêmes
parmi les rocailles, les ravines et les avalanches.
Durant des siècles, du Languedoc, de la
Provence, les persécutés
gagnèrent ces forteresses que sont les
hautes vallées alpestres. On les traqua, on
mit leur tête à prix. Ceux qui
bravèrent les dragonnades vécurent en
marmottes ou en chamois, près des sources.
Benjamin VALLOTTON.
Laissez donc ces braves gens tranquilles ;
ils sont meilleurs chrétiens que vous et
moi.
Louis XII
Laissons tomber les noms qui nous
divisent ; ne gardons que celui de
Chrétiens.
MICHEL DE L'HOSPITAL.
Nous sommes des évangéliques, des
catholiques évangéliques
malgré les noms qu'on nous donne.
Frédéric
OBERLIN.
-
Sur un sol chargé. de
tombeaux
- Brillent vos mystiques
flambeaux,
- O Mont-Ségur, ô
Dormillouse, (*)
- Et les Albigeois de Toulouse,
- Les Vaudois du pays d'Embrun,
- Devant l'histoire ne font
qu'un !
- D'une invincible patience,
- Ces martyrs de la conscience
- Ont lassé le bras des
bourreaux
- Avec leurs âmes de
héros.
- Vers la Garonne ou la Durance,
- Espérant contre
l'espérance,
- « Dieu premier
servi » fut leur cri,
- Leur étendard, la croix
du Christ.
- Et si d'Albi les vieilles
pierres,
- Si les roches de
Freissinières
- Sous le soleil
éblouissant
- Apparaissent teintes de
sang ;
- Si le Gave ou la Biaysse ont la
même complainte
- Où passent les
sanglots d'une race contrainte
- À choisir entre son
bonheur
- Ou l'abandon de son honneur,
- C'est qu'ici les martyrs
bravant tous les supplices,
- Sans reculer devant les
derniers sacrifices,
- Ont de leurs milliers de
tombeaux
- Fait de surnaturels
flambeaux !
(*) Mont-Ségur est la cime
tragique du Pays de Foix, des
Pyrénées Albigeoises
évoquant le martyrologe du peuple
Méridional debout contre Montfort
pour défendre son
indépendance. Dormillouse,
près de la Vallouise, est la cime
héroïque des Alpes Vaudoises.
|
V. - Le Val de
Freissinières
L'aspect de ce désert qui servit de
retraite à la vérité le
souvenir de tant de martyrs qui l'arrosèrent
de leur sang les profondes cavernes où ils
allaient en secret lire les Saintes
Écritures, tout élève
l'âme et inspire des sentiments difficiles
à exprimer.
Félix NEFF.
Quelle lumière sur ce plateau
qu'entourent des roches d'or ! Quelle
puissance a ce bleu du ciel posé comme un
toit sur les piliers des montagnes !
Benjamin VALLOTTON.
Vallée, grandiose et gracieuse à
la fois. C'est d'une part, l'aspect verdoyant de la
montagne, et d'autre part c'est en
été, le climat sec, le beau fixe et
la lumière prestigieuse du Midi... La
vallée de Freissinières s'ouvre sur
la vallée de la Durance. L'entrée de
la vallée est très supérieure
au niveau de la Durance ; on l'aperçoit
d'en bas, juchée là-haut sur une
terrasse de rochers aux teintes jaunes et rouges.
C'est une sorte de redoute naturelle et lorsqu'on
franchit le seuil de la vallée, l'on a
presque l'impression de pénétrer dans
une haute, citadelle alpestre, bien fermée,
fièrement campée, dans un petit monde
alpestre bien à part.
Charles
VALLOTTON.
-
Ton ciel italien, ô val de
Freissinières,
- Au dessus des glaciers
resplendit triomphal
- Et l'éclat souverain du
soleil provençal
- Illumine l'alpage et ses pins
centenaires.
-
- Tes blancs sommets ont vu des
haines meurtrières
- Ensanglanter leur neige et
rougir le cristal
- De l'onde d'un torrent qui
sillonnait ce Val
- Au pied des monts changés
en douloureux calvaires !
-
- Biaysse (*) aux flots
transparents, dans la nuit, ta
chanson
- Est ce bruit monotone où
passe le frisson
- De tous ceux qui sont morts
debout dans leur croyance.
-
- Les jours de deuil sont
loin ! Dans l'encens des
genêts
- La cascade sonore
élève un chant de
paix,
- Et c'est l'hymne nouveau
qu'emporte la Durance.
(*) Dans la Vallée de
Fressinières, la Biaysse est le
torrent rapide, la rivière limpide
qui, de cascade en cascade, arrive au pied
de Dormillouse et va rejoindre la Durance
entre Briançon et
Mont-Dauphin.
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