Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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UN SAINT DES TEMPS MODERNES

FÉLIX NEFF


XVI. - L'écho du Val de Freissinières

« le Bienheureux » !

 Le christianisme expérimental était le seul objet de nos réunions ; jamais des questions de théologie ne vinrent en troubler la paix, la simplicité.
Il vaut mieux bâtir et planter qu'arracher et détruire !

 Félix NEFF.

 Quand Félix Neff, que l'on appelle encore là-bas le Bienheureux, visita le Val de Freissinières, l'émotion des montagnards, abandonnés depuis si longtemps à eux-mêmes, dépassa ce que nous pouvons imaginer.

 Benjamin VALLOTTON.

 Comment oublier celui qui a tant prié, tant aimé et tant aidé ! Il fut pour tous un père, un ami, un guide. Et voilà pourquoi, aujourd'hui, après cent ans écoulés, ayant recueilli le témoignage des ancêtres, les montagnards de Freissinières touchent l'aile de leur chapeau, quand ils parlent de Neff. Et ils l'appellent « le Bienheureux. »

 Charles VALLOTTON.

 

Vallée ensoleillée où brille la Durance
Au seuil de l'Italie et sous le ciel de France,
Dans l'éblouissement de l'horizon alpin
Des forts de Briançon aux forts de Mont-Dauphin ;
- Rochers vêtus de deuil, quand le soleil s'abaisse,
Et de pourpre dans l'aube où murmure la Biaysse
Reflétant au miroir de ses flots cristallins
Les mélèzes géants et les toits des Viollins :
- Neiges qui couronnez le cirque solitaire
Où Dormillouse est comme un flambeau millénaire ;
- Cascades qui tombez des monts avec fracas
Et semblez prolonger les clameurs des combats ;
- Grottes où s'abritaient les martyrs, citadelles
Altières où jadis veillaient des sentinelles ;
- Vous exaltez ensemble un nom prestigieux,
Auréolé d'amour, et partout, sous les cieux
Infinis et devant les cimes éternelles,
L'écho répète : Ici vécut le Bienheureux
Dans l'avalanche ou dans l'orage,
Dans les jours les plus ténébreux,
Ici rayonne ton image,
O Félix Neff, « le Bienheureux » !

 

 XVII. - Les derniers jours de l'apôtre

 Adieu, chers amis, tous les amis que j'aime tendrement. Adieu ! Adieu !
Je monte vers notre Père eu pleine paix !
Victoire ! victoire ! victoire !
Par Jésus-Christ !

 Félix NEFF.
(Dernière lettre aux caractères irréguliers, aux lignes interrompues, écrite quand il ne voyait plus qu'avec peine.)

 

 C'est nous qui sommes la cause de votre longue maladie. Si nous avions été plus prompts à vous écouter, vous n'auriez pas eu besoin de tant vous fatiguer dans les neiges ni d'épuiser toutes les forces de votre corps. Vous vous êtes oublié vous-même, comme notre bon Sauveur, peur nous autres .. Nous pouvons dire, en sincérité, que si notre sang vous était utile, nous le donnerions, et nous ne ferions pas plus pour vous que vous n'avez fait pour nous. Votre récompense est dans le ciel : une couronne immortelle vous attend.

 Le message de DORMILLOUSE.

 

 

Devant le bleu Léman il vient finir sa vie
Mais il soupire après l'invisible Patrie
Qu'il appelle plus haut que les horizons d'or,
Plus loin que les tombeaux dans l'ombre de la mort.
L'Alpe majestueuse, en son décor intime
De silence et de paix, lui découvre une Cime
Qu'empourpre la splendeur de ce Jour sans pareil
Où brille sans déclins un éternel soleil
Avec ferveur il joint ses mains pour la prière
En écoutant sonner les cloches de Saint-Pierre ;
Sa mère souriait ici sur son berceau ..
C'est le pays natal .. Mais le Ciel est plus beau
S'il ne doit plus ouïr les voix familières
Du peuple montagnard du Val de Freissinières,
Il va revoir là Haut ceux qu'il avait aimés :
« Ils ne sont pas perdus, mais nous ont devancés »...
Toute son âme étreint la croix expiatoire.
En défiant la mort, il jette un cri : Victoire »
 
(*) Ces paroles de l'hymne d'Alexandre Vinet furent chantées à la demande de Félix Neff, autour de son cercueil, au bord de sa tombe.

 

XVIII. - La mort d'un Saint

 Je demande à Dieu qu'il me fasse la grâce de trouver en tout temps sa volonté bonne et parfaite.
C'est ma seule prière.
J'ai gratté avec les ongles, dit Neff mourant pour affirmer la solidité de sa foi affranchie de tout ce qui tient à l'imagination, j'ai gratté avec les ongles jusqu'à ce que j'en aie enlevé tout le sable, tout le mortier, jusqu'à la pierre vive, mais la pierre est restée.
L'Évangile est vrai, vrai, vrai ! ajoute l'agonisant d'une voix qui n'est plus qu'un souffle, Oh ! oui, bientôt, bientôt je m'en vais vers mon Dieu !

 Félix NEFF.

 C'est un prolongement sublime que la tombe.
On y monte ! étonné d'avoir cru qu'on y tombe.

 VICTOR HUGO.

 La mort n'est pas une fin. Non ! Elle est le seuil d'une vie plus haute !

 J.-Henri FABRE.

 

Sur lui planait la mort. De son lit de souffrance
Il évoque le beau pays de la Durance,
Embrun et Briançon, Guillestre et le Champsaur,
Les glaciers argentés et les mélèzes d'or.
Et tandis que la nuit descend, que le jour baisse,
Il écoute, là bas, dans le chant de la Biaysse,
Ta cloche familière, ô temple des Viollins
Peuplé de souvenirs maintenant si lointains !
Il a vu se lever les jours de délivrance
Sur un peuple affranchi de sa désespérance.
Mais, bien plus haut que les rochers de Faravel,
Son regard s'arrêtant sur le Roc éternel
Distingue les splendeurs de la Maison du Père.
Dans le balbutiement d'un bonheur qu'on espère,
Il murmure tout bas : L'Évangile est vrai... vrai...
 
Et la terre était loin, mais le Ciel était près !
 
Oberlin l'accueillait dans la céleste Église ;
Les bras tendus vers lui, voici François d'Assise.
Et, dominant la tombe, ébloui de clarté,
Il contemplait le Christ, vivante Vérité !

 

XIX. - La leçon d'Assise et de Dormillouse.

Son actualité

 La richesse n'avait jamais absorbé les hommes comme aujourd'hui.

 Guglielmo FERRERO.

 Non è amato l'amore. - L'amour n'est pas aimé !

 S. FRANÇOIS D'ASSISE.

 Un saint triste est un triste saint.

 S. FRANÇOIS DE SALES.

 Le vrai S. François est l'ami de la nature, c'est celui du « Cantique des Créatures », qui voyait dans son corps non l'Ennemi, mais un frère... Il donnait l'exemple du travail et surtout de la joie, égayant tout le monde par ses chants et ses projets d'avenir.

 Paul SABATIER,

 Le saint d'Assise accomplit le miracle de la vie évangélique parce qu'il rejeta tout esprit de discussion et de controverse et ne se manifesta que par l'Exemple.

 PELADAN.

 La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la Charité.

 Blaise PASCAL.

 

Ainsi que le Poverello
Dont sa voix prolongea l'écho
Ce frère de François d'Assise
Incarnait vraiment la maîtrise
Du pur Amour. Sur leur tombeau,
Avec un prestige nouveau,
Rayonne une douce lumière
Que bénira la terre entière.
O la royauté de l'Esprit !
Leur Pauvreté nous enrichit
Et ce dévouement qui s'oublie,
Jusqu'à la mort, nous humilie...
Ils ont vécu « faisant le bien ».
Notre temps positif où rien
Ne compte et ne vaut que l'utile,
Où l'honneur est au plus habile
Qui de l'or fait ample moisson,
Peut méditer cette leçon
Du « Petit Pauvre » de l'Ombrie
Et de Neff immolant sa vie.
Tout l'obscur avenir humain
Doit s'éclairer de ce passé chrétien

 

XX. - Le nouveau deuil de Dormillouse

 Tout est à faire dans ces contrées où durant tant de siècles, pour échapper à la mort par le fer ou par les flammes, les habitants vécurent au creux des gorges sans soleil. Mais qu'importaient la pauvreté du sol, les alarmes perpétuelles, les fuites vers les cimes tant que l'on avait la richesse de l'âme !

 Benjamin VALLOTTON.

 
Si Félix Neff vivait et pouvait nous parler,
Contemplant Dormillouse en deuil sur son rocher Aujourd'hui délaissé, devant sa solitude
Il verserait des pleurs sur notre ingratitude.
 
Ce désert, grâce à lui, naguère à refleuri.
Prodige de l'amour ! Miracle de l'esprit !
L'obsédant cauchemar tant de fois séculaire,
Sa main sut l'écarter ainsi qu'un lourd suaire.
 
La vie a reparu triomphant de la mort,
Transfigurant la cime en ce nouveau Thabor
D'où s'élevait soudain sur un sol granitique
L'hymne des moissons d'or et leur joyeux cantique.
 
Mais nous n'avons pas su maintenir ce flambeau
Qu'avait rallumé Neff en bravant le tombeau,
Et, dans le triste oubli de sa trace bénie,
Redescend sur ces monts le voile d'agonie
 
0 blanche Dormillouse, à tes nobles sommets
La vie a dit adieu ; ton clocher désormais
Ne sonne que des glas ! Le grand mort de Genève,
Soulevant son linceul, hors du tombeau se lève
 
Comme un accusateur : Vous étiez héritiers
De mon suprême amour du peuple des glaciers ;
Je vous avais légué ma race et ma lignée..
0 Dormillouse ! 0 solitude abandonnée !

 

XXI. - « Ecce Homo ! »

 

Celui dont Félix Neff fut le témoin
C'est Golgotha, c'est le Calvaire,
C'est le jardin des Oliviers,
Qui sont mes maisons de prière
Et mes rendez-vous journaliers.

 

      Félix NEFF.

Vous qui pleurez, venez à ce Dieu, car il pleure
Vous qui passez, venez à lui, car il demeure !
 Victor HUGO.
Jésus, ce que tu fis, qui jamais le feras ?

      A. de MUSSET.

Et j'en crois des vertus qui se font adorer !
Règne à jamais ô Christ, sur la raison humaine
Et de l'homme à son Dieu sois la divine chaîne.

 LAMARTINE.

 

Ecce Homo, voici l'Homme ! Vers son calvaire,
Des épines au front, dans ses mains un roseau,
Sous un haillon de pourpre. il s'en va solitaire,
Montant jusqu'à la croix, céleste Chemineau !
 
C'est là que l'univers, à genoux, le contemple.
Là, son front retomba lourdement sur son coeur,
Succombant sous le poids, car il portait ensemble
Et tout l'espoir du Monde et toute sa douleur.
 
Voilà le Fils de l'Homme ! En un geste suprême,
Vers les siècles lointains il ouvrait ses deux bras.
Son sang nous crie encor : C'est ainsi que l'on aime !
- L'amour est éternel et doit vaincre ici-bas.

 

XXII et XXIII - L'Alpe et l'auréole de Neff

 

 Croyez-en mon expérience. Le Christ ! Il n'y a que Lui de solide, il n'y a que lui de vraiment aimable.

 Félix NEFF.

 À ma mère. - Le drame séculaire vécu par sa vallée dans un décor de rochers bleus de lavande ou de neige montant au niveau des toits, ce tragique posé sur les monts, caché dans les âmes, avait mis en elle un lyrisme spirituel qui éclatait en images fraîches, en enthousiasmes tels que les plus jeunes, près d'elle, semblaient infiniment vieux. Sans cesse, elle rayonnait ses joies, ses espoirs, ainsi près de ses morts que des vivants... Quelque chose s'est passé là, s'est posé sur vingt générations qui ne peut se perdre sans laisser de traces. Des cendres, sans doute, mais des braises, sous ces cendres.

 Benjamin VALLOTTON.

Ces « témoins », on les évoquait avec tant de passion autour du foyer, qu'il me semble avoir vécu et bataillé près d'eux... Car mon pays est un nid d'aigles où l'on n'est monté que pour mieux résister. À quel prix ! Dans les grottes on entend encore des soupirs... Comme gens et choses portaient alors la marque du douloureux effort des siècles. Mais aussi quelle noblesse, quelle dignité, quels élans dans les âmes !

 Julie VALLOTTON.

 

À Benjamin Vallotton qui fut l'animateur du centenaire de F. Neff

à la mémoire bénie de sa mère

qui eut l'âme de la vallée de Freissinières,

ce livre qui n'est qu'un témoignage.

 

1° Sur le Roc
Sur le Roc ! C'est le divin mot d'ordre de victoire
Résumant les exploits d'une tragique histoire
Et qui, de cime en cime, emplit cet horizon
Où Félix Neff se lève encor pour l'oraison.
 
Sur le Roc ! c'est le mot que chante la Durance
Au pied des monts où vînt refleurir l'espérance
Au pays d'Oberlin, c'est le mot de la foi
Qui fit renaître un peuple au nom de Jésus Roi.
 
Sur les bords de la Biaysse et sous le ciel d'Assise,
De tous les renouveaux c'est la sainte devise.
Sur le Roc ! mot vainqueur, en sa brièveté,
Bravant la mort et nous ouvrant l'Éternité.

 

2° En écoutant le torrent
0 Biaysse transparente à la voix si sonore
Quand sous l'ardent soleil, le Val muet se dore,
Quand la cascade brille ainsi qu'un arc-en-ciel
Et jette au vent qui passe un hymne solennel,
Biaysse au flot argenté glissant sous le mélèze,
Chantant sous les rochers et leur haute falaise,
Tu restes à jamais le suprême témoin
De Neff qui dans ces lieux déserts venait de loin
Pour dissiper la nuit, bannir la « malheurance »
Dans un geste immortel de Semeur d'espérance
Ta voix était l'écho de siècles tourmentés,
De légions de fugitifs épouvantés...
Félix Neff apparut, bravant les avalanches,
La glace, l'ouragan, et sur les cimes blanches,
Rouges jadis quand les hameaux étaient en feu,
Dans la paix d'aujourd'hui resplendit le ciel bleu
Où monte l'hosanna joyeux d'une rivière
Qui s'auréole, ô Neff, de ton nom de lumière !

 


 


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