UN SAINT DES
TEMPS MODERNES
FÉLIX
NEFF
XI. - La Vocation
Missionnaire et philanthrope
O mon Dieu, quel que tu sois, fais moi
connaître ta vérité Daigne te
manifester à mon coeur. (1817).
L'Évangile est vrai, vrai,
vrai ! (1829).
Je ne cesse d'annoncer l'amour du
Père,
Félix NEFF.
Très jeune, un livre le passionne, c'est
« la Vie, des hommes
illustres » de Plutarque. Il y puise le
sens des intérêts publics et l'amour
des grandes actions.
Doué pour avoir dans sa ville
natale, Genève, une carrière
entourée d'honneurs, niais choisissant la
voie spirituelle, il s'en va chercher le pays le
plus éloigné des succès
terrestres.
Charles VALLOTTON.
Il enseignait en hiver dans les étables
et, lorsque la neige avait quitté ces rudes
parages, il montrait à ces montagnards
comment ils pouvaient tirer parti de leurs champs
et de leurs pâturages. Son souvenir ne s'est
pas effacé, de la mémoire des
habitants de la Vallée.
Emm. CHRISTEN.
-
À l'ombre des drapeaux
débuta sa carrière.
- Il avait les vertus de la valeur
guerrière :
- La fermeté d'un chef,
l'élan du vrai soldat,
- Le sang-froid résolu qui
gagne le combat.
- Fils d'un héros
Français, de race militaire,
- En son âme brûlait
la flamme
héréditaire.
-
- Mais, avant tout, prisant les
grandeurs de l'esprit,
- Il voulut s'enrôler sous
les ordres du Christ.
- La croix fut sa bannière.
En héros qui s'expose
- À la mort avec joie, il
choisit cette Cause
- Servant au nom de Dieu et de
l'Humanité
- Tous les droits de l'amour et de
la vérité.
-
- Sur les pas de ce Roi, qu'aucun
front ne dépasse,
- Il vit s'enfuir le doute,
accueillant cette grâce
- Comme une délivrance.
Divin enfantement
- D'une âme devant qui
s'ouvre le firmament
- Après avoir longtemps
délaissé
l'espérance,
- Des secrets de la Vie avouant
l'ignorance !
-
- Le deuil règne en nos
coeurs, et la nuit, si la Mort,
- Ayant le dernier mot, reste un
défi du sort !
- Au seuil du grand
mystère, à l'âme en
agonie
- Tout le ciel se dévoile
avec la Croix bénie
- Qui découvre à nos
yeux cet horizon nouveau
- D'un avenir sans fin dans un
monde plus beau.
-
- Tu voulus, Félix Neff,
offrir ta vie entière,
- Et l'Alpe désormais n'est
plus un cimetière.
- « Je monte vers le
Père et pars en pleine
paix » !
- Avec la vision des
éternels Sommets
- Il mourait à trente ans,
dans la béatitude
- Qui descend de la croix,
murmurant :
« Certitude » !
|
XII. Via Dolorosa !
Nous sommes ensevelis ici dans plus de quatre
pieds de neige depuis trois mois. Un vent terrible
l'enlève en tourbillons si épais
qu'on les prendrait pour des nuages. On peut
à à peine sortir des maisons. Il n'y
a pas une place dans cette étroite gorge
où l'on soit absolument à l'abri des
avalanches.
Félix NEFF.
C'est à Dormillouse que Neff accomplit,
au commencement du 19e siècle, un apostolat
magnifique, souvent comparé à celui
d'Oberlin au Ban-de-la-Roche.
Ces souvenirs entourent d'un
prestige le nom de Freissinières. Ceux qui
connaissent ce passé glorieux ne
pénètrent pas sans émotion
dans cette vallée perdue dans les montagnes
où de grandes choses furent accomplies par
l'esprit d'En-Haut.
Charles VALLOTTON.
-
0 Dormillouse avec ton blanc
manteau d'hermine
- Cachant l'étroit sentier
où dans la nuit chemine
- Le messager de paix qui vint sur
ces hauteurs
- Changer les jours de deuil en
jours consolateurs ;
- Dormillouse veillant sur le Val
solitaire
- Que les ombres du soir
recouvrent de mystère,
- Où sur la neige blanche
et sur le sol glacé
- Vivent les souvenirs d'un
douloureux passé ;
- À des sommets plus fiers
je préfère ta cime
- Et son rayonnement de
charité sublime
- Cette cime est
sacrée ! Avec
émotion
- Le pèlerin salue une
autre Passion
- Et contemple en ces lieux
l'apôtre à l'âme
ardente,
- À la trace bénie,
à la gloire vivante.
- Torrents, grottes, forêts,
en cet âpre Désert
- Tout nous parle de lui, de ce
qu'il a souffert,
- Privé de tout foyer,
exilé volontaire,
- Et sur les monts s'allonge un
reflet du Calvaire !
|
XIII. L'Esprit du vrai
Réveil
de François d'Assise à
Félix Neff
Le Petit Pauvre d'Assise sauva la
chrétienté qui put se tourner,
émerveillée, vers Assise comme vers
une nouvelle Bethléem. Une partie de sa
puissance lui est venue de ce qu'il s'abstenait
systématiquement de toute polémique.
Paul SABATIER
L'oeuvre de ces sauveurs d'âmes (Oberlin
et Félix Neff) fut à la fois
spirituelle et sociale.
T. FALLOT.
Neff en qui l'on a coutume de voir un pur
revivaliste est un chrétien complet et son
horizon est largement ouvert.
Abel ALCAIS.
Neff est le prisonnier d'un message qui lui
brûle le coeur. Nulle exaltation dans son
verbe, dans son action.
Benjamin VALLOTTON.
Ce fut constam Charles VALLOTTON.
Même si J'avais toute la foi sans l'amour
je ne suis rien.
L'amour espère tout
SAINT PAUL.
- Le doux François
d'Assise, Oberlin, Félix
Neff
- Ont reflété
l'image et l'âme de leur
Chef.
- Ils se penchaient sur l'homme et
sur son indigence,
- Non pour le condamner, mais,
riches d'indulgence,
- Pour éclairer sa nuit de
l'aube du Salut,
- L'arracher à la mort, le
guider vers le but.
- Ces fraternels témoins de
la misère humaine,
- Sans l'anathème hostile
et voisin de la haine,
- Pleins de pitié pour tous
les pécheurs à la
fois,
- Montraient l'amour vainqueur
auréolant la Croix.
- Leur âme était
fermée à tout ce qui
divise ;
- « Qu'ils soient
un » ! Cette loi doit
gouverner l'Église.
-
- Voilà le vrai
Réveil, humain et radieux,
- Qui propage la joie en
dévoilant les cieux
- Il implore d'en Haut
l'éternelle clémence
- Dépassant l'infini d'un
océan immense ;
- Il ne hait pas la vie, il ne
craint pas la mort.
- L'attrait du Christ Sauveur doit
être le plus fort !
- Félix Neff Oberlin.
Poverello d'Assise,
- Votre âme
généreuse eut la
même devise :
- « L'Amour, fils du
Calvaire est plus grand que la
Foi ».
- Ce sont de tels
chrétiens, sans ascétisme
étroit,
- Qui s'inspirent vraiment,
Jésus, de la tendresse
- De tes deux bras tendus vers le
monde en détresse,
-
- - Et qui sauront demain te faire
acclamer Roi !
|
XIV. - « Le désert
fleurit ! »
J'espère que le Seigneur fera luire de
nouveau les rayons de sa grâce sur ces lieux
qu'il choisit autrefois pour son sanctuaire
(janvier. 1824).
Cette Semaine (des Rameaux à
Pâques) fut vraiment sainte pour cette
vallée. On ne faisait partout que lire,
prier et pleurer. La jeunesse surtout paraissait
animée d'un même esprit ; une
flamme vivifiante semblait se communiquer. Pendant
ces huit jours, je n'ai pas eu trente heures de
repos...
Frappé, étonné
de ce réveil subit, j'avais peine à
me reconnaître les rochers, les glaciers
même, tout me semblait animé et
m'offrait un aspect riant. Ce pays sauvage me
devenait agréable et cher, dès qu'il
était habité par des frères.
(Mars 1825).
Félix NEFF.
Missionnaire de la civilisation en même
temps que du christianisme. il fut maître
d'école, ingénieur, arpenteur, le
premier au travail des champs, se donnant tout
entier au peuple qu'il était venu servir.
Les montagnards des Alpes se
réveillèrent à la voix du
nouvel apôtre.
A. GOUT.
- Dormillouse qui vit
naguère un vrai
prophète,
- Ta cime où resplendit le
grand passé Vaudois
- S'auréole toujours des
vertus d'autrefois.
- Félix Neff fut ton
hôte, et ta gloire est
complète !
-
- Celui qui consolait la
« Sion
désolée »
- Et dont l'hymne de foi venait
sécher ses pleurs,
- À l'exemple du Christ
penché sur nos douleurs,
- Voulut rendre à l'espoir
cette race exilée ;
-
- Le désert
refleurit ! Une
béatitude
- Jusqu'alors inconnue apparut sur
ces monts,
- Vers de plus hauts Sommets
relevant tous les fronts.
- Et la paix vint régner
dans cette solitude.
-
- Rayonnant dans la mort, Neff
s'écriait « Victoire,
- Victoire !
L'Évangile ô Christ, est
vrai, vrai, vrai »,
- Léguant à notre
temps ce suprême bienfait
- D'un amour qui rapporte à
Dieu toute la gloire.
-
- Ah ! nous aurions besoin,
en cette décadence
- Où toute foi se meurt,
où le respect s'en va,
- D'un autre Félix Neff
dont la voix soulevât
- Le monde et lui rendit son
âme et l'Espérance !
|
XV. - Le geste de Félix Neff
dans l'aube de Dormillouse
De Dormillouse on ne découvre d'abord
qu'une maison campée sur le roc avec sa
galerie de mélèze. Ici demeura le
« bienheureux » Félix
Neff. Cette Vallée, il l'a
ressuscitée, Il n'était jamais au
bout de ses forces. Tout l'intéressait. On
le vit manier la pioche, guider les travailleurs
pour creuser des canaux du pied des glaciers
jusqu'aux prairies brûlées par
l'ardeur du soleil. On le vit plus souvent encore
frapper à la porte des coeurs, capter les
sources de la confiance, conduire les âmes
desséchées aux eaux qui
rafraîchissent. Chaque matin, à la
première lueur de l'aurore, en prière
sur la petite galerie de mélèze, Neff
étend les mains pour bénir le Val de
Freissinières qui est là sous ses
yeux.
Benjamin VALLOTTON
Sur le roc se dresse, au haut de la
vallée, le chalet qu'il habita trois ans.
À l'intérieur, c'est une ruine, mais
combien vénérable ! C'est
là qu'il a enseigné et
éclairé les rudes montagnards ;
c'est là aussi qu'il a souffert et
prié pour des âmes que l'isolement et
les privations menaçaient d'éteindre.
Il faut sauver de la destruction ces murs qui
menacent de crouler, On y gravera ces mots qui
furent le testament spirituel de sa vie ;
« L'Évangile est vrai, vrai,
vrai. »
Emm. CHRISTIEN.
- Le Prophète est debout
dès l'éveil de
l'aurore.
- Il écoute le chant de la
Biaysse sonore ;
- De sa terrasse il voit le soleil
rougeoyant
- Qui dissipe la nuit !
Alors, dans ce Levant
- Qui dore la Vallée et
l'emplit de lumière,
- De son coeur paternel jaillit
une prière
- Dépassant les sommets les
plus éblouissants.
- Droit dans l'azur, en un grand
geste bénissant,
- Il étend ses deux mains
sur la contrée
entière
- Embrassant l'horizon aimé
de Freissinières.
- Et dans ce Val tragique,
aujourd'hui délivré,
- S'éternise l'écho
de son hymne sacré :
- « Ne te désole
pas, Sion, sèche tes larmes.
- L'Éternel est ton Dieu.
Ne sois plus en
alarmes. »
- O ce geste implorant dès
l'aube le secours
- D'en Haut, sur Dormillouse il
plane tous les jours !
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