Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VI.

ESCLAVAGE DES AFRICAINS. - COLONIES EUROPÉENNES EN ASIE.

-------

Non seulement les ruines de différentes villes et l'état actuel de plusieurs contrées attestent encore aujourd'hui la vérité des prophéties qui les concernaient, mais de plus nous voyons s'accomplir sous nos yeux une autre prophétie qui date du déluge, alors qu'une seule famille composait le genre humain. Et comme le sort des Juifs et des Arabes a confirmé les unes après les autres les prédictions relatives aux descendants d'Isaac et d'Ismaël, de même certains faits contemporains, faits importants dans l'histoire du monde, confirment les prophéties relatives aux enfants de Noé.

Le manque de respect de Cham pour son vieux père et les égards que lui montrèrent ses deux autres fils Sem et Japhet, furent l'origine de la prédiction faite à leur postérité, sans que leur conduite soit assignée comme la cause du sort réservé à leurs descendants :
« Maudit soit Canaan, il sera serviteur des serviteurs de ses frères. Béni soit l'Éternel, Dieu de Sem, et que Canaan leur soit fait serviteur. Que Japhet loge dans les tabernacles de Sem (30»

Quelle que soit cette cause, cherchons la vérité de la prophétie dans son accomplissement. La partie historique de la Bible, en décrivant en détail les établissements respectifs des descendants de Noé, nous met à même de vérifier la prédiction dont il vient d'être question, et de nous assurer si les postérités de Sem, de Cham et de Japhet, par qui furent peuplées les différentes régions de la terre, conservent encore le caractère qui leur est attribué prophétiquement par le patriarche.

« Les îles des nations, » ou pays situés au-delà de la Méditerranée, en d'autres termes les îles de l'Europe furent partagées entre les fils de Japhet.
Les descendants de Cham s'établirent en Afrique et dans la partie sud-ouest de l'Asie. « Les familles des Cananéens se sont dispersées, et les limites des Cananéens furent depuis Sidon (31). »
Tyr fut surnommée la fille de Sidon, et Carthage, la plus célèbre des villes de l'Afrique, fut peuplée par une colonie tyrienne.
Enfin les habitations des fils de Sem furent à l'est, c'est-à-dire en Asie.

On voit que le lot qui échut aux trois frères, « selon leurs familles et leurs langues, leurs terres et leurs nations (32), » est distinctement spécifié. Et bien que ces différentes nations se soient amalgamées à la suite d'une série de révolutions, néanmoins les trois grandes divisions de la terre subsistent toujours et sont en la possession des descendants respectifs de chacun des fils de Noé.
Les premiers commentateurs s'accordaient tous à ce sujet, longtemps avant l'existence des faits qui ont jeté le plus grand jour sur la prophétie en question. Ces faits, du reste, sont si connus et d'une application si facile que nous nous contenterons de les indiquer.

Avant la propagation du christianisme, qui le premier vint annoncer la paix à la terre, qui enseigna la loi de l'amour universel et appela tous les hommes frères, avant cette époque l'esclavage était partout, et la plus grande portion du genre humain naissait et mourait dans cet état. L'homme maintenant peut revendiquer son droit de naissance. Mais, bien que banni depuis longtemps de presque toute l'Europe, l'esclavage subsiste toujours en Afrique. C'est, avant tous les autres, le pays de l'esclavage.
Esclaves chez eux et vendus à l'étranger comme esclaves, les pauvres Africains, les descendants de Cham, sont les serviteurs des serviteurs, ou esclaves des autres hommes. Ce fait était tout à fait en dehors des prévisions humaines ; bien plus, on sait que, pendant plusieurs siècles après l'époque où s'arrête l'histoire de l'Ancien Testament, les habitants de l'Afrique disputèrent aux Romains l'empire du monde. Mais Annibal, qui fut un moment presque le maître de Rome, fut à la fin vaincu, et Carthage dut subir son sort (33).

« Dieu bénira Japhet et celui-ci logera dans les tabernacles de Sem. » Quelques-uns des plus doctes et des plus anciens interprètes des prophéties crurent voir l'accomplissement de cette prophétie dans les conquêtes des Macédoniens et des Romains en Asie, et dans la propagation de la véritable religion parmi les nations de l'Europe, suivant la promesse de bénédiction faite à Japhet, promesse qui se trouverait ainsi vérifiée dans un sens métaphorique. Mais à l'époque où nous vivons, il ne reste plus de doute à cet égard et la prophétie s'est accomplie dans son sens littéral.
Quels sont en effet les rapports qui existent actuellement entre les habitants de l'Europe et de l'Asie, entre les descendants de Japhet et ceux de Sem ? Ne peut-on pas dire à la lettre que les premiers vivent dans les tabernacles des seconds ? Et par quelle autre comparaison la simplicité des premiers âges pouvait-elle mieux dépeindre les nombreuses et vastes colonies des Européens en Asie ?
Combien la postérité de Japhet n'a-t-elle pas été multipliée dans les régions échues en partage à la postérité de Sem ?
Combien de ses anciennes villes sont maintenant en la possession des enfants de Japhet ?
Combien de colonies ceux-ci n'ont-ils pas fondées en Asie, tandis que les descendants de Sem n'occupent pas en maîtres un seul point de l'Europe ? Et, par rapport à l'Angleterre et à l'immense étendue de ses possessions en Asie, n'est-il pas vrai de dire que les habitants des « îles des gentils vivent dans les tabernacles de l'Orient ? »
D'où pouvait donc émaner une semblable prophétie, sinon de l'inspiration de Celui dont la présence et la prescience ne sont bornées ni par l'espace ni par le temps ?

Les prophéties font la révélation d'événements futurs, sans jamais sanctionner en principe l'iniquité ou le mal. Les mauvaises passions des hommes accomplissent les décrets de la Providence, mais elles n'en sont pas moins criminelles, bien qu'elles tournent à la louange de Dieu.
C'est en vain que l'on s'appuierait sur l'accomplissement de la prophétie dont nous venons de parler pour défendre ou justifier l'esclavage, ou le droit de propriété de l'homme sur son semblable.
Nabuchodonozor fut le coupable instrument de la justice divine, alors même qu'il ne croyait travailler que pour son intérêt ou pour sa gloire personnelle, et, après avoir subjugué un grand nombre de nations, il se vit chassé d'entre les hommes et réduit à aller vivre au milieu des bêtes sauvages. Jamais jugements ne furent plus clairs que ceux qui pèsent encore sur les Juifs, et cependant quiconque les blesse, blesse la prunelle de son oeil, et, avec l'année de la miséricorde pour Sion, viendra le jour de la vengeance du Seigneur ; en ce jour il entrera en jugement avec tous les hommes en faveur de son peuple et de son héritage.

Que si de tels exemples ne suffisent pas pour prouver à certaines personnes qu'elles interprètent la Bible à leurs risques et périls, en cherchant à justifier l'esclavage par le fait que Canaan fut le serviteur des serviteurs de ses frères ; que ceux au moins qui ont la prétention d'invoquer les saintes Écritures à l'appui du droit de propriété qu'ils s'arrogent sur leurs semblables, que ceux-là se rappellent que bien que Jésus-Christ ait été livré entre les mains de ses ennemis « selon la volonté déterminée et selon la prescience de Dieu, » néanmoins ce furent les mains des méchants qui le crucifièrent et le tuèrent.

C'est « d'un seul sang que Dieu a fait naître tout le genre humain. » Et, si l'Évangile était mieux et plus généralement compris, il n'y aurait d'autre lien parmi les hommes que celui de la fraternité chrétienne.


(30) Genèse, IX, 25, 26, 27.

(31) Gen., X, 6,-18.

(32) Ibid., 30, 31, 32. - Voyez Mède, Dic. L, p.. 277, etc.

(33) Livii Hist., lib. XXVII, c LI.
Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant