AU SERVICE
DU MAÎTRE
Soeur Sophie
de Pury
PRÉFACE.
Une biographie de Soeur Sophie de Pury a
déjà paru en allemand, et
reçut du public l'accueil le plus favorable.
La première édition n'en était
pas épuisée qu'on l'avait traduite en
hollandais et en suédois. Il a donc
semblé aux éditeurs qu'il y avait
dans cette vie si simplement racontée, un
charme profond et comme une vertu bénie,
qu'elle méritait d'être mieux et plus
connue encore, qu'il fallait en particulier la
rendre accessible aux lecteurs de langue
française. Voilà pourquoi ils
publient le présent ouvrage.
Ils ont, le plus possible, laissé
parler les faits. Au lieu de paraphraser leurs
documents, ils les ont livrés tels quels. Ce
n'est pas sans hésitation, ni sans scrupule
que la famille a permis qu'on les divulguât.
Il est des heures intimes qui sont sacrées
et qu'on ne saurait dévoiler sans
déchirement ; il est des heures que
l'on a vécues avec Dieu seul et que Dieu
seul, pense-t-on, a le droit de connaître.
Mais, d'autre part, ce sont les choses
cachées qui sont les plus vraies, et partant
les plus émouvantes, et la parole solitaire
d'une âme est plus caractéristique,
plus significative, révèle mieux
cette âme que toutes les descriptions et tout
l'éloge qu'on en pourrait faire.
Et maintenant, petit livre, composé
avec amour et dans un esprit de
vérité, va, accomplis ta
destinée. Puisses-tu donner à
beaucoup de consciences la divine nostalgie, source
des grands réveils ; puisses-tu mettre
dans beaucoup de coeurs des pensées graves
et douces ; puisse surtout Jésus
resplendir dans tes pages comme il resplendissait
dans la Soeur que nous pleurons
toujours !
C'est la fervente prière de celles
qui t'écrivirent.
J. B.
UNE VOCATION
« Quoique morte, elle
parle encore. »
Hebr. XI. 4
Soeur Sophie de Pury naquit à
Neuchâtel le 31 août 1834. Son
père, le baron Edouard de Pury, était
membre du Grand Conseil de Neuchâtel.
Fidèle à la tradition de sa famille,
il était un ami dévoué des
pauvres, est c'est à leur service qu'il
contracta la maladie qui l'enleva
prématurément aux siens. Sa
mère, Julie de Pury, née de
Sandoz-Travers, une sainte femme dans toute
l'acception du mot, éleva avec Dieu et pour
Dieu ses huit enfants, dont Sophie était la
sixième, elle grava profondément dans
leurs coeurs la crainte de Dieu et le sentiment du
devoir.
Sophie chérissait
particulièrement cette pieuse mère et
chacun des désirs de celle-ci était
sacré pour la petite fille. En voici un
exemple : Pendant
l'été de 1845, elle
partit joyeusement, accompagnée de sa soeur
cadette, pour faire un séjour à la
campagne chez leur excellente
grand-mère.
Les charmes de Bellevue étaient
grands pour les enfants ; l'escarpolette, le
chemin creux où les fourmis-lions offraient
de nombreux pièges aux fourmis imprudentes,
le champ où les fillettes couraient
s'emparer de poignées d'épis
laissés complaisamment à leur
disposition par les moissonneuses, afin d'enrichir
la gerbe d'une pauvre glaneuse, surtout la
tendresse de la vénérable
aïeule, tout aurait pu faire de ce
séjour un temps délicieux pour nos
deux soeurs, si une ombre n'était venue en
rompre le charme.
Par une belle après-midi, l'une des
bonnes emmena les fillettes faire une grande
promenade. Il faisait chaud, on avait bien
marché et, arrivées sur une colline
d'où l'on jouissait d'une vue magnifique sur
le lac et les Alpes, la femme de chambre offrit
à nos petites promeneuses une
agréable collation. Malheureusement, par on
ne sait quelle idée absurde et
déloyale, avant de leur partager les fruits,
elle défendit aux enfants d'en parler
à leur grand-mère. Sophie resta
consternée ! une des dernières
recommandations de leur mère avait
été de ne rien accepter sans
l'autorisation de la bonne aïeule. Elle le dit
aussitôt à la domestique, qui persista
dans sa défense. Triste et affamée,
la consciencieuse enfant vit les fruits
disparaître l'un après l'autre dans la
bouche de sa cadette, moins scrupuleuse ou plus
terrorisée qu'elle; mais elle tint bon et
résista à toutes les
sollicitations.
L'école fut pour la jeune fille une
source intarissable de jouissances ! elle
avait le bonheur de posséder une soeur d'un
an plus âgée qu'elle, sa compagne des
bons et des mauvais jours ; étude et
jeux, joie ou douleur, tout leur était
commun.
Ensemble Hélène et Sophie
partaient de bonne heure le matin pour le petit
externat situé à l'autre
extrémité de la ville, où,
sous l'excellente direction de Mad. Gallot, elles
s'initiaient à la littérature
classique et apprenaient à aimer tout ce qui
est beau, bon et bien ! Une ou deux
compositions de l'élève de ce
temps-là dénotent déjà
chez elle un sérieux et une
élévation de caractère peu
fréquents à cet âge. Mais
l'étude ne l'empêchait pas de se
livrer avec délices à tous les petits
bonheurs de sa vie d'écolière !
Une fleur des champs, un gai refrain, une course
folâtre avec ses compagnes, tout était
pour elle sujet de joie, et elle mettait à
tout une grâce pleine d'une charmante
naïveté. Que de bons rires, que
d'aventures le long du chemin, lorsque, en bandes
joyeuses, on s'en revenait le nez en l'air, les
bras chargés de livres.
Et les vacances ! la grande voiture qui
emmenait à la montagne jeunes et vieux, sans
oublier le chat, les cochons d'Inde, les
poules ! Et une fois là-haut, que
d'éléments pour l'activité,
pour l'entrain de Sophie. Frères et soeurs
se dispersaient dans la forêt, armés
de pioches, de râteaux, et bientôt les
sentiers, détériorés par les
longs mois de frimas, débarrassés de
leur couche épaisse de feuilles mortes,
invitaient les promeneurs à y venir diriger
leurs pas ou à s'asseoir sur les bancs
de mousse à l'ombre des
grands sapins. On s'en retournait alors à la
maison avec une charge de bois mort, qui devait
flamber pendant les soirées brumeuses dans
la cheminée du salon, où l'on
formerait un cercle joyeux, chacun aiguisant son
esprit par toute espèce de jeux,
énigmes, bouts-rimés, pendant que le
corps se délasserait des travaux fatigants
de la journée. À tous les exercices
du corps et de l'esprit Sophie mettait un
enjouement, un entrain infatigable, Qu'il s'agit,
avec de nombreux amis, de se transformer en bande
de voleurs et de s'enfuir à travers bois et
pâturages pour échapper à la
troupe des gendarmes ; qu'il fallût,
agile et légère, s'élancer sur
une planche glissante de haut en bas d'un
crêt escarpé ; ou qu'en face des
sommités de la Clusette et du Creux-du-Van,
assis sur un banc champêtre, on se
livrât aux douceurs de la poésie et du
chant ; ou enfin, entourant la bonne
mère de famille, se rendait-on, un panier au
bras, dans quelque maison isolée, pour
réjouir, réconforter une pauvre
malade, l'une des premières au jeu, au
travail, comme aux oeuvres de charité,
c'était celle que Dieu destinait à
devenir sa servante.
Les jours d'école avaient pris fin,
mais non les progrès intellectuels de la
jeune fille, qui continuait à se
développer, soit par l'audition de cours
académiques, soit par de solides lectures
faites en famille. Elle utilisait aussi les
excellentes leçons d'histoire reçues
autrefois, en se chargeant de cette branche
d'enseignement auprès de sa soeur cadette.
Les fillettes de son groupe à l'école
du dimanche étaient un objet
d'intérêt
sérieuxpour leur
monitrice ; elle les invitait chez elle, les
visitait, afin d'apprendre à connaître
leurs familles et priait pour chacune suivant ses
besoins particuliers. Son coeur la poussait
auprès des vieilles femmes, chez lesquelles
elle aimait s'asseoir, écoutant l'histoire
de leurs infirmités, leur faisant une
lecture, et, de retour à la maison, elle
saisissait un grand tricot et faisait agilement
mouvoir les aiguilles, pour être
bientôt à même d'envelopper les
épaules d'une pauvre rhumatisante d'un
châle chaud et moelleux. Perdre son temps,
c'était pour elle une chose impossible, elle
agissait toujours d'une manière ou d'une
autre, et l'on a retrouvé dans ses papiers
une petite épigramme, souvenir d'une
fête de famille où, pour la plaisanter
sur son activité dévorante, on lui
avait fait présent d'un étui à
crochets accompagné de ces vers :
- Sophie est si diligente,
- Que pour occuper ses doigts,
- À peine elle se contente,
- De trois crochets à la
fois !
C'est au milieu de cette vie tout
ensoleillée qu'une voix austère se
fit entendre de plus en plus fort dans le coeur de
la jeune fille. « Sors, disait la voix,
comme jadis au père des patriarches, sors de
ta patrie et de ta famille, et va-t-en au pays que
je te montrerai ! » Quitter ses
chères occupations, ses amies d'enfance, ses
études, son pays et surtout sa mère
bien-aimée, ce n'était pas
possible ! Oh ! non, non pas cela !
Elle voulait servir le Seigneur avec joie, de
toutes ses forces, mais là où elle
était si heureuse ! ...
Et la voix, plus
impérieuse, parlait plus haut, plus souvent.
Cette voix, elle la connaissait. Lorsque, en 1850,
avec sa soeur Hélène, elle avait
été passer trois mois de bonheur et
de bénédiction aux Verrières,
chez M. le pasteur Delachaux, afin d'y terminer,
dans la retraite, leur instruction religieuse et
d'y être reçues membres de l'Eglise,
elles avaient appris à reconnaître la
voix de Celui à qui elles se consacraient,
et Sophie était bien décidée
à obéir toujours, fût-ce aux
dépens de sa propre vie, au Sauveur qui lui
avait donné la sienne ! Le moment
était venu de montrer sa
fidélité ; mais la lutte fut
longue, pleine d'angoisse, d'autant plus que, de
peur de donner corps à la pensée qui
la hantait, elle n'osait en parler à
personne, pas même à sa soeur
Hélène, pas même à sa
tendre mère.
La demande d'admission que la jeune fille
adressa à M. Hoerter, fondateur et pasteur
de la Maison des Diaconesses de Strasbourg,
lorsqu'elle en fut venue à pouvoir dire,
sinon sans larmes, du moins avec une
résolution bien arrêtée :
« Seigneur, qu'il en soit fait selon ta
volonté ! » est très
caractéristique et nous permet de deviner
les luttes intérieures, par où elle
avait passé avant d'en arriver à
cette démarche décisive. Elle
était conçue en ces termes :
MONSIEUR,
Il est temps qu'enfin je mette la main à
l'oeuvre, et que je fasse le premier grand pas, en
vous annonçant ma détermination
sérieuse de meconsacrer
à l'oeuvre des Diaconesses. Vous
désirez sans doute, Monsieur,
connaître les raisons qui m'y ont
engagée ; elles sont simples :
c'est pour obéir à la volonté
de Dieu, et je n'ai absolument pas d'autres
motifs ; ce n'est pas par goût
naturel ; ce n'est pas par imagination ;
ce n'est pas pour avoir une vocation qui puisse me
procurer plus de paix et de
bénédictions ; je désire
devenir diaconesse, parce que j'ai reconnu
positivement que c'est là ma tâche
ici-bas. Dieu m'y appelle, et je ne veux pas plus
longtemps méconnaître sa voix. Et je
dois vous l'avouer à ma honte, Monsieur,
j'ai résisté et j'ai lutté
contre Dieu pendant 4 ou 5 ans entiers ; ma
volonté était en complète
opposition avec celle de mon Sauveur, et
l'idée de, devenir diaconesse m'était
plus qu'insupportable ; cette vie-là me
paraissait d'une tristesse affreuse, le soin des
malades me répugnait beaucoup, et surtout je
devais pour cela quitter ma famille, où je
suis si heureuse, me séparer de ma
mère, que je chéris plus que des
paroles ne le peuvent exprimer, de tous mes
frères et soeurs, avec lesquels je suis
liée d'une étroite
amitié.
Enfin, en devenant diaconesse je devais dire
adieu à une foule d'occupations favorites
qu'il m'était très pénible de
laisser pour en embrasser d'autres pour lesquelles
je n'avais pas le plus petit attrait, et même
pour tout dire, qui m'inspiraient une vive
répulsion.
Vous voudriez sans doute savoir, Monsieur,
d'où me serait alors venue cette intime
persuasion que j'étais appelée
à la tâche de diaconesse. Grâces
à Dieu, aucun être humain n'a
été
mêlé
là-dedans, mon Dieu a travaillé
directement dans mon coeur. Quand j'étais
une petite fille d'environ 8 ans je me figurais que
les femmes comme les hommes devaient embrasser une
vocation et je me creusais la tête pour
savoir que devenir, quand maman, venant à
mon aide, me parla de la belle oeuvre des
diaconesses ; j'acceptai cette idée
d'emblée, sans trop y
réfléchir, je courus l'annoncer
à mes frères et soeurs, qui, enfants
comme moi, prirent la chose aussi
légèrement. Puis pendant plusieurs
années je cessai tout à fait de m'en
occuper, et personne ne m'en parlait plus.
Avant 16 ans je fis mon instruction
religieuse et ma première communion aux
Verrières avec Monsieur le pasteur
Delachaux, un de nos chers et respectables amis. Ce
ne fut que quelques mois après mon retour
à la maison que, tout d'un coup,
l'idée de diaconesse vint me saisir ;
je venais, je crois, d'entendre parler ou de lire
un rapport sur cette oeuvre. Cette pensée
tomba sur mon coeur comme un poids
écrasant ; il me semblait que Dieu
lui-même me disait : tu deviendras
diaconesse. Et tout mon être se
révoltait à cette pensée, je
la repoussais de toutes mes forces, mais plus je la
chassais, plus elle revenait m'assaillir, ne me
laissant ni trêve ni repos, et j'en
étais d'autant plus malheureuse que je
voyais clairement le doigt de Dieu ; ce
n'était bien sûr pas mon imagination
qui m'y poussait, elle s'y opposait au contraire,
ce n'étaient pas les hommes, personne ne
m'en avait dit un mot ; ce n'était pas
le diable, pourquoi se serait-il opposé aux
sentiments de mon coeur naturel ; d'ailleurs
je ne pense pas que l'esprit des
ténèbres pousse jamais à une
oeuvre pareille. D'où venait donc cette
voix ? c'était celle de Dieu, ne le
croyez-vous pas comme moi, Monsieur ? Et je me
sentais en guerre ouverte avec Lui.
Cet affreux état d'âme dura
quelques jours, je n'osais m'en ouvrir à
personne, pas même à ma chère
maman, car ç'aurait été donner
une ombre de réalité et de
consistance à ce qui faisait mon tourment.
Je ne retrouvai un peu de paix qu'en exposant mon
angoisse à mon Père céleste,
je ne pouvais aller plus loin, je ne pouvais pas
même lui dire : Apprends-moi à
dire : « Ta volonté soit
faite !" c'était au-dessus de mes
forces ; mais je lui disais :
« Aie pitié de moi ; Tu vois
mon misérable état ! »
Puis je fus tranquille pour quelque temps, je ne
pensai plus à cela, jusqu'à ce
qu'à propos d'un mot sur les soeurs de
l'hôpital toutes mes détresses et mes
combats recommencèrent. Et il en fut ainsi,
Monsieur, pendant environ 4 ans ; la vue d'un
hôpital, le nom de diaconesse suffisaient
pour me jeter dans les mêmes troubles, et je
ne redevenais calme qu'en priant. J'avais des
intervalles plus ou moins longs pendant lesquels je
ne m'occupais nullement de la chose ;
cependant j'en conservais toujours une
arrière-pensée, qui faisait le
tourment de ma vie. Que de fois n'ai-je pas
soupiré et souhaité que cette
pensée fût anéantie, je me
serais crue alors parfaitement heureuse, car il n'y
avait guère que cela qui troublait ma
vie.
J'avais pourtant une légère
lueur de consolation, je me disais qu'il
était impossible que Dieu me fît
embrasser une vocation pareille sans
m'avoir appris auparavant
à dire : « Ta volonté
soit faite ! », et je comprenais
qu'Il ne voulait pas me traîner comme une
victime au sacrifice. Et en effet, Il s'est conduit
à mon égard comme le plus tendre des
Pères, Il a eu pitié de moi, sa
longue patience a supporté ma longue
rébellion, et peu à peu,
insensiblement, Il a incliné mon coeur
à vouloir sa volonté. Mes combats
devinrent moins forts, je souffrais et pleurais
encore beaucoup, mais sans dire non, je me relevais
après avoir prié, plus forte et plus
soumise, et pendant encore plusieurs mois je
laissai l'oeuvre s'affermir et se développer
dans mon coeur. Je n'avais pas le courage d'en
parler : c'était une affaire entre Dieu
et moi, cette pensée avait un
caractère sacré que je redoutais de
mettre au jour.
Enfin, après m'être bien
assurée que j'étais parfaitement
décidée, je compris qu'il n'y avait
plus à renvoyer et qu'il me fallait
travailler pendant qu'il était jour ;
alors j'en parlai à ma mère,
c'était au mois de juin de l'année
passée ; elle en fut très
saisie, en eut beaucoup d'émotion, mais
après m'avoir entendue, elle comprit que
c'était en effet un appel de Dieu et ne
chercha pas à me retenir ; seulement
elle désira me garder encore au moins un an
auprès d'elle, car ma soeur cadette
était en pension, elle devait revenir
à la fin de l'été, et maman
tenait à avoir ses quatre filles ensemble
encore quelques temps. Je vous avoue, Monsieur, que
je fus très heureuse du désir de
maman, car, quoique tout à fait soumise
à la volonté de Dieu, je ne me
réjouis point de quitter les miens, et
cependant l'idée de mon départ ne
m'attriste pas ; cette
dernière année à la maison est
au contraire la plus heureuse de ma vie ; ma
volonté est soumise, je n'ai plus
d'arrière-pensée et je puis jouir en
plein de toutes les bénédictions
temporelles que Dieu m'accorde.
Ne croyez pourtant pas, Monsieur, que c'est
seulement avec résignation que je me voue
à la tâche de diaconesse, j'ai compris
que c'est pour moi un privilège de pouvoir
servir et glorifier mon Sauveur d'une
manière aussi directe, et la pensée
que tout ce que je ferai pour mes frères
sera regardé par Jésus comme fait
à Lui-même, m'est extrêmement
douce. Et puis j'ai la pleine assurance que mon
Dieu sera avec moi et travaillera pour moi,
n'est-il pas vrai, Monsieur ?
J'ai encore une chose à vous dire,
Monsieur, je suis heureuse d'entrer dans votre
établissement et d'être dirigée
pas vous, je vous promets de me laisser conduire
comme vous le jugerez bon ; mais je
désire vivement pouvoir servir mon pays, et
je serais heureuse d'y revenir quand cela se
pourra.
Je me réjouis beaucoup de vous voir
à Neuchâtel, Monsieur (tout en en
ayant un peu souci). Soeur Elisabeth m'a dit que ce
serait après les fêtes. Maman vous
fait dire aussi, Monsieur, combien elle se
réjouit de vous voir, et je suis sûre
que vous aurez du plaisir à faire sa
connaissance, si j'osais vous dire ce que j'en
pense, je vous dirais, Monsieur, qu'elle est
l'idéal de la mère chrétienne,
mais ce n'est pas à moi à le
dire.
Croyez, Monsieur, aux sentiments de respect
et d'affection de votre dévouée.
SOPHIE DE
PURY.
M. Haerter répondait en date du 3
mai :
CHÈRE
MADEMOISELLE,
J'ai transmis hier au
comité de la Maison des Diaconesses de
Strasbourg votre bonne lettre. En la lisant j'ai
compris clairement que Dieu vous appelait d'une
façon toute spéciale à son
service. Je Lui demande de bien vouloir affermir
votre décision. Qu'Il daigne vous fortifier
lorsque sonnera pour vous l'heure décisive
du départ, lorsqu'il vous faudra quitter ce
que vous avez de plus cher au monde pour suivre le
Maître dans le chemin étroit du
renoncement. (Jean 12, 26. Luc 9, 23.)
Votre désir de
pouvoir travailler plus tard dans votre ville
natale comme diaconesse nous semble très
légitime. Cependant je vous préviens,
qu'il faut plusieurs années de
préparation à nos soeurs pour
s'initier à leur tâche si complexe et
pour mûrir intérieurement.
J'espère
pouvoir vous donner de vive voix les explications
que vous désirez sur ce point. Dieu voulant,
je viendrai à Neuchâtel le 24 courant,
et je me réjouis à l'avance de faire
votre connaissance, ainsi que celle de Madame votre
mère, que je vous prie de saluer bien
affectueusement de ma part. Soyez assurée,
chère Mademoiselle, que nous ne perdons rien
à mettre notre vie à la disposition
de Celui qui a donné Sa vie pour nous sur la
croix. Que notre Seigneur Jésus-Christ vous
remplisse de Sa grâce.
F.
HERTER, pasteur.
Le témoignage par lequel M. le professeur
Fréd. Godet a bien voulu recommander la
jeune aspirante diaconesse est encore sous nos
yeux, le voici :
« C'est une
grande joie pour un pasteur que d'être
appelé à rendre témoignage
à une jeune soeur telle que Mlle Sophie de
Pury, qui demande en ce moment l'entrée dans
l'institution des diaconesses de Strasbourg. Le
Seigneur, tout en l'appelant d'une manière
si profonde et si décidée à
Son service, me semble l'avoir douée pour
cela de beaucoup de calme, de fermeté et de
persévérance. Autant que je la
connais, je crois qu'elle a toujours eu beaucoup de
conséquence chrétienne. Je
chercherais en vain dans mon souvenir le moindre
reproche à adresser à sa conduite
extérieure. Quant au coeur, le Seigneur le
connaît, et j'espère aussi le
connaître un peu et pouvoir dire qu'il est
droit devant le Seigneur.
J'accompagne de mes
voeux les plus profonds les prémices des
jeunes Neuchâteloises pour l'Oeuvre des
Diaconesses, et je prie le Seigneur de
répandre de Sa propre main le sel sur
l'offrande. »
F.
GODET.
Ce fut au mois d'octobre de la même
année que Mad. de Pury amena sa fille
à Strasbourg, où elle trouva un
accueil des plus encourageants. Le sérieux
avec lequel la nouvelle diaconesse envisageait sa
vocation se révéla d'une
manière frappante, lorsque, à
l'occasion de son admission solennelle, on lui posa
la question suivante :
« Qu'est-ce qui vous a fait penser
qu'en devenantdiaconesse vous
faisiez la volonté de Dieu ? - Parce
que ce n'était pas la mienne. »
Répondit-elle simplement.
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