Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...

HISTOIRE DES MARTYRS PERSÉCUTÉS ET MIS Á MORT

pour la vérité de l'Évangile





AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS

L'accueil bienveillant fait par le public à l'édition populaire de l'Histoire ecclésiastique des Églises réformées au royaume de France ne pouvait qu'encourager le Comité de la Société des Livres religieux de Toulouse à poursuivre dans le même esprit l'exécution de ce plan : rendre accessibles à tous, par leur prix, les principaux documents, devenus fort rares de la grande épopée huguenote du seizième siècle. Il continue aujourd'hui cette série de publications par l' Histoire des Martyrs.

Crespin complète De Bèze et l'éclaire. Les martyrs expliquent les héros. Nos pères lisaient fréquemment ce livre à côté de la Bible, dans les assemblées du culte. Rien de plus propre, en effet, à élever l'âme, après la Parole de Dieu, que les exemples de fidélité dans le témoignage donné par les hommes. Ils surent « résister jusqu'au sang. » M. le pasteur Benoît, de Montauban, a donné tous ses soins à la préparation de ce volume ; il a su s'entourer, pour ce travail d'annotation, souvent malaisé et difficile, de collaborateurs compétents. Tout son passé le désignait pour une tâche de ce genre : les lecteurs diront s'il s'en est dignement et consciencieusement acquitté.

L'apparition de ce premier volume, que les deux autres suivront à bref intervalle, coïncide avec la célébration, par nos églises, du second anniversaire séculaire de la Révocation de l'Édit de Nantes, de cet événement doublement néfaste et pour la France et pour l'Église réformée, puisqu'il devait être pour la première une cause fatale de faiblesse et rouvrir pour la seconde, après moins d'un siècle de relâche, l'ère des martyrs.

Cette publication arrive donc à son heure. Nous demandons à Dieu de la bénir en lui donnant d'accomplir pour sa part, au sein de nos chères églises, une œuvre sérieuse de relèvement et de réveil.

Le Comité.

INTRODUCTION

JEAN CRESPIN, l'auteur du Martyrologe dont nous publions une édition nouvelle, naquit à Arras, ville alors espagnole, dans les premières années du seizième siècle (1). Son père, Charles Crespin, exerçait dans cette ville les fonctions d'avocat. Jean, désireux de suivre la même carrière, se fit inscrire comme étudiant à l'Université de Louvain.

Les idées nouvelles avaient pénétré dans cette savante école, et des étudiants étrangers, comme Juan Dias et Jayme Enzinas, deux futurs martyrs (2), avaient embrassé les doctrines évangéliques. Crespin se lia avec eux d'une étroite amitié et ne tarda pas à suivre leur exemple.

Vers 1540, il se rendit à Paris, où il fut reçu avocat sous les auspices du célèbre jurisconsulte Charles Dumoulin, qui inclinait lui-même vers la Réforme. La persécution sévissait avec force dans celte ville. Notre Artésien y vit mourir avec une admirable constance plusieurs martyrs, entre autres un jeune orfèvre du faubourg Saint-Marceau, nommé Claude Le Peintre. « J'étais, » nous dit-il lui-même, « au nombre de ceux qui furent spectateurs de sa mort et dont l'issue très heureuse, confirma plusieurs qui avaient un commencement et quelque sentiment de la vérité, de laquelle le Seigneur rendait devant nos yeux, en la personne de Claude, un vrai et vif témoignage (3). »

Crespin passa plusieurs années à Paris et s'y lia d'amitié avec des hommes distingués : Charles de Jonvilliers, qui fut plus tard le secrétaire de Calvin, Nicolas Picot, Laurent de Normandie, les fils de Guillaume Budé.

Rentré dans sa ville natale, il y accueillit avec empressement, en 1544, de concert avec François Baudouin, son compatriote et son ami, le pasteur Pierre Brully, dont il devait raconter plus tard le martyre (4). Suspecté d'hérésie, il fut impliqué dans le procès de ce courageux confesseur de la vérité. Charles de Tisnacq, avocat fiscal au conseil de Brabant, dans une lettre à Louis Schore, président du conseil privé à Bruxelles, datée de Tournay, le 30 décembre, s'exprimait ainsi sur son compte : « Je ne manquerais pas d'écrire rapidement à ceux d'Aras quant au fait des adhérents de cet endroit et je ne doute pas que Jean Crespin ne soit assez connu et que, par son moyen, d'autres pourront, en ce lieu découvrir plus avant (5). »

Le lendemain, il revenait à la charge. « J'espère que Me Eustasse demeurant à Lille et J. ou L. Crispin, demeurant à Arras » ? il n'était pas au clair sur le prénom de ce dernier, ? « seront bien connus ici pour procéder à l'appréhension (6). »

Il ajoutait enfin, dans une lettre du 3 janvier 1545 : « Dieu veuille permettre que sa personne n'échappe (7). »

Ce vœu charitable ne devait pas être exaucé. Crespin, que ces menaces n'intimidaient point, se rendit, semble-t-il, à Tournay dans les premiers jours de janvier 1545, pour s'y employer à la propagande  évangélique. Les agents de Marie de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, firent « bon devoir de le guetter, mais sans effet, » et Tisnacq écrivait tristement : « Ne sait s'il sera récupéré. »

Dans l'impuissance de le conduire au gibet, on dut se contenter de la sentence, prononcée à Arras, le 18 mars 1545, par laquelle il était banni « à tous jours et à toutes nuits du pays et conté d'Artois, et de toutes les enclaves de son ressort, sur les peines inscrites sur les affiches et ordonnances du seigneur Empereur sur le fait des hérétiques (8). » Crespin, pour échapper à la persécution, se rendit à Strasbourg sous le pseudonyme de Jean de Bourgogne. Le sénat de cette ville y avait ouvert un temple, dès 1538, destiné aux réfugiés français (9) pour cause de religion ; et l'avocat d' Arras y reçut un accueil affectueux de Martin Bucer et de ses paroissiens. Il écrivit de cette ville à Calvin pour lui annoncer l'heureuse arrivée de Claude de Senarclens, charge d'une mission conciliatrice auprès des théologiens de Wittenberg.

Crespin s'était lié d'une vive amitié avec le réformateur dans un précédent voyage à Genève (10), et dans quelques lignes touchantes, du mois d'avril 1545, que nous traduisons du latin, il ouvrait son cœur à son illustre ami : « ... J'emploierais plus de mots pour vous remercier de la bonté et de la bienveillance dont vous avez fait preuve à mon égard ; mais puisque vous voulez qu'on mette une limite aux louanges inutiles, je me conformerai non seulement aux règles d'Athènes, mais à celle du Christ : je parlerai « sans préambule et sans mouvements » pathétiques. » Vous connaissez mes sentiments secrets et le désir qui brûle mon âme de jouir de votre intimité ; je n'irai donc qu'au plus pressé, et j'espère que le Seigneur brisera les entraves qui me retiennent encore. En attendant, nous recommandons à vos saintes prières la dispersion d'Israël, et surtout nos compagnes, vases fragiles du Seigneur. Vous pourriez difficilement vous imaginer la fureur de notre Antiochus (l'empereur Charles-Quint). Sa cruauté grandit chaque jour. Il vient de publier un édit qui renferme certains articles des docteurs de Louvain, encore plus blasphématoires que ceux de la Sorbonne. Je vous les aurais envoyés, mais ils sont en flamand et je n'ai pas le temps de les traduire...

Pour nous, au milieu de nos gémissements et de nos larmes (car c'est aux larmes que nous avons recours, c'est en elles que nous trouvons notre consolation, en attendant que Dieu nous en offre une meilleure) nous supplions le Seigneur de vous assister dans votre combat et votre saint ministère. C'est lui qui vous fournira les forces dont vous avez besoin et vous donnera un courage à la hauteur de votre difficile mission. Le Seigneur est plus grand que notre ennemi commun ; il est plus grand, vous dis-je, le Christ dont vous suivez les auspices et dont vous faites retentir la trompette dans le monde entier. Vous n'avez pas encore lutté aussi longtemps que les prophètes qui ont soutenu le même combat. L'heure décisive a sonné et nous avons bon espoir.

Déjà Satan et ses ministres sont à bout de forces ; ils semblent avoir épuisé tous leurs moyens de nuire. Baal régna longtemps sur Israël, avant la manifestation du prophétisme ; mais dès que Jéroboam se mit à protéger son culte idolâtre, les prophètes suscités par Dieu se levèrent, ils formèrent comme un bataillon et l’on vit chanceler l'idole qui occupait chez le peuple de Dieu la première place... C'est ainsi que Dieu se sert de votre faiblesse pour ébranler le monde entier. Déjà s'écroulent d'eux-mêmes les remparts de Jéricho, la ville ennemie ; déjà se brisent les autels de Jéroboam et votre œuvre grandit chaque jour. Plût à Dieu qu'il vous fût donné de voir le fruit de votre semence ; il est caché maintenant dans les sillons, mais un jour il en sortira, nous en avons la ferme assurance. Il est doux d'espérer, avec une joyeuse certitude, au milieu même des fureurs d'un monde frénétique, que le Seigneur renouvellera bientôt toutes choses (11). »

Cette lettre, qui nous fait connaître la foi de l'avocat d'Arras, nous montre aussi les difficultés qui se dressaient devant lui. Il lui en restait plus d'une à surmonter, avant qu'il pût franchir la frontière. Il avait épousé, quelques années auparavant, une de ses compatriotes, Madeleine Lescambier, et la nécessité de mettre en ordre des affaires de famille allait retarder son départ.

Le 12 juillet 1546, il écrivait à Calvin, de Noyon, la patrie du réformateur : « Il serait trop long et le temps me manquerait si je voulais vous raconter en détail les lieux que j’ai parcourus, errant, comme Ulysse, à la recherche de ma Pénélope. Je suis à bout de forces et fort attristé de me voir retenu ici depuis si longtemps. J'allais rompre définitivement mes entraves, quand il m’est survenu de nouveaux empêchements : la maladie de mon beau-père qui traîne une vie languissante, et l'affection que j'ai pour ma mère, à la veille de divorcer, sur mes conseils et mes instances, par la faute du mari qu'elle a épousé en secondes noces. »

Puis, après quelques détails sur sa femme et sur son enfant, charmante fillette qui, à peine échappée du berceau, jette comme un rayon sur son existence troublée, il ajoute : « Sachez enfin que, depuis quelques mois, je sollicite en cour et que, à la prière de mes amis, j'essaye d'obtenir que la saisie royale, opérée sur les marchandises qu'ils ont achetées, ne leur apporte aucun préjudice. J'espère, par ces bons offices, les gagner à ma cause ; d'ailleurs, ce n'est pas en vain que j'ai entrepris ce travail : je sens que ce service me les aura rendus favorables. Si peu qu'ils fassent pour moi, cela suffira pour me permettre d'entreprendre ce voyage libérateur que je désire depuis si longtemps.

» Je vous écris ces lignes auprès de votre ami, qui est désormais le mien, le préfet de votre ville natale (12), homme très bienveillant. J’ai passé par ici, en revenant de Péronne où sont les miens. C'est votre lettre affectueuse qui m'a lié à votre ami d'une affection véritablement chrétienne. Je goûte fort sa piété remarquable et son attachement pour ses amis. Étant allé le saluer, j'ai appris de lui que deux de mes compatriotes, hommes de poids et de mérite, devaient partir, demain ou après-demain, pour Genève, attirés auprès de vous par leur zèle religieux j'ai pris aussitôt la plume, sans me débotter, et n'ai pas voulu manquer l'occasion de vous écrire.

Ma dernière lettre, que je vous ai envoyée de Lyon par des marchands de notre pays, vous dira le reste. Celle-ci vous apprendra seulement que, jusqu'à présent, les événements se sont si bien succédé pour moi que, pendant ces six derniers mois je n'ai pas été un moment tranquille ; je les ai passés à courir à droite et à gauche.

» ... Vous m'écrivez que les révérends pères de Trente ont commencé leur cinquième session ; quant à moi, celle dont je rêve est unique et perpétuelle, et j'y pense d'autant plus que, jusqu'à présent, j'en ai traversé une assez mouvementée. Plaisanterie à part, vous êtes l’objet de toutes mes pensées, de tous mes soupirs ; vous faites toute ma joie, que je sois présent ou absent, malgré tout ce que ma situation a de critique. Puisse notre Seigneur Jésus me permettre de vous rejoindre bientôt, avec ma femme et ma fille, mes compagnes d’infortune... Je soupirerai après le retour du porteur de ces lignes et j’attendrai avec avidité votre lettre et vos encouragements. Ne me plaignez pas les nouvelles (13).

» Crespin n'était pas au bout de ses traverses. Son ami Baudouin écrivait, le 27 novembre 1546, à Calvin : « Jean de Bourgogne se trouve avec sa femme en Picardie ; il est consumé par une fièvre lente et retenu par d'autres liens qu'il ne lui est pas facile de rompre (14). »

L'année suivante, Crespin écrivait lui-même à Calvin, à la date du 20 juillet : « J'ai reçu le 14 juillet votre lettre du 21 juin. Il me serait difficile de vous exprimer tout le plaisir qu'elle m'a causé. Le Seigneur a produit en moi la patience et vous l'avez fortifiée par vos exhortations fraternelles. Qui ne voudrait s'instruire à l'école de celui qui a supporté ses peines avec un calme et une constance si remarquables ? Certes durant mon séjour forcé dans ce pays, la vie me semblerait bien amère, si, dans mes chagrins, votre vivante image ne s'offrait à mes regards, si vous ne m'apparaissiez comme un modèle, si tout ce que j'ai entendu de vous ne retentissait fréquemment à mes oreilles.

» Vous désirez savoir l'état de nos affaires et si j'espère rentrer en possession de mes biens : c'est fort aimable à vous et votre sollicitude raffermit puissamment mon courage. Sachez donc qu'à mon retour je n’ai pas trouvé mes affaires domestiques en meilleur état que celles de la république, comme dit l'autre. Ici la violence est la seule loi ; nulle sécurité, même dans l'enceinte du foyer. J'espère bien recouvrer ma femme et je crois pouvoir m'en flatter avec assurance ; mais les miens m’ont écrit que cela ne pourra se faire de quelque temps, d'abord à cause de ses couches qui sont prochaines, ensuite parce qu'il lui faut rassembler les restes de l'incendie, amoindris encore par la perfidie de nos concitoyens. Cependant, comme vous m'y exhortez, je me contenterai de ces restes, quels qu'ils soient, et, n'y eût-il rien, je louerai encore le Seigneur (15). »

Citons enfin une dernière lettre dans laquelle Crespin continue à ouvrir son cœur à son ami de Genève et qui achève son portrait moral : « Je m'excuserais plus longuement auprès de vous de la rareté de mes lettres, si je n'étais au clair sur vos dispositions à mon égard... J’ai gardé quelque temps le silence, bien malgré moi ; mais les événements qui sont survenus ont été si variés ! J'ai été contraint de passer deux ans entiers, soit à Paris, soit à Compiègne, pour changer de l’argent, au milieu des plus grandes peines physiques et morales. Il me serait bien difficile de vous les raconter, et d'ailleurs ce n'est guère nécessaire, car notre ami Baudouin vous en aura fait, plus d'une fois, le récit détaillé. Ballotté sur les flots, qu'aurais-je pu vous décrire que des Charybdes et des Scyllas ? qu'aurais-je pu vous raconter que tempêtes, que barbarie et dureté persistantes des miens ? Et dans mon espérance, chaque jour renouvelée, de voir enfin se terminer de quelque manière mes agitations, qu'aurais-je pu vous promettre, sinon « ce vieil assemblage de néant pour le lendemain » comme on dit... Je l’avoue, j'ai beaucoup trop accordé à quelques affaires infructueuses, parce qu'elles semblaient me promettre un succès assuré et prochain. Je me retire avec ce qui me reste de l'incendie et, lassé de ces retards par trop pénibles, je brise des nœuds que j'avais cru possible de voir se dénouer avec le temps.

Comme le « bourreau de soi-même » de Térence, je ne laisse rien dans la maison, ni meubles, ni vêtements, pour être libre, dès que le moment sera propice, de me rendre auprès de vous, sous les auspices de Dieu... Prions ce Dieu très bon et très clément. Père de notre Seigneur Jésus-Christ, de dissiper cette horrible nuit de malheur et de nous conduire à ce port désiré où nous rendrons grâce, dans la grande assemblée, à l’auteur et au consommateur de notre salut. Je me recommande, ainsi que ma femme, à vos saintes prières (16).

Enfin le jour si ardemment désiré arriva où Crespin put prendre le chemin de Genève. Il eut pour compagnons de voyage, en même temps que Juan Dias et Matthieu Budé (17), Théodore de Bèze, auquel il avait servi de témoin ainsi que Laurent de Normandie, dans son mariage de conscience avec Claudine Denosse. Les voyageurs arrivèrent à Genève, le 24 octobre 1548.
Crespin et Théodore de Bèze avaient conçu le projet de fonder dans cette ville une imprimerie, en vue de la propagande évangélique.

Le dernier, appelé comme professeur à Lausanne, laissa à son ami le soin de le réaliser. Dès 1550, Crespin était à l'œuvre et publiait une édition latine du Catéchisme de Calvin. Il ne s'établit toutefois à Genève, en qualité d'habitant, que le 25 avril 1551 et ne fut reçu bourgeois que le 2 mai 1555. Quatre ans après il mariait sa fille aînée Marguerite avec Eustache Vignon, fils d'un de ses compatriotes d'Arras, qu'il devait associer à ses travaux d'imprimeur.

La vie publique de Crespin est peu connue à partir de cette époque. On sait toutefois qu'il prit une part active, en 1566, aux affaires de la Réforme dans sa province natale et les provinces avoisinantes.

Il passa, sous le nom de M. du Lac, le second semestre de cette année à Anvers, auprès du prince d'Orange et du successeur de ce dernier, Antoine de Lallaing. Les motifs de ce voyage sont peu connus ; on croit généralement qu'il l'entreprit pour soutenir le consistoire de l'Église wallonne dans sa lutte contre les théologiens d'Augsbourg et ceux de Louvain (18).

Le 17 novembre 1566, il était à Valenciennes, assistant de ses conseils Pérégrin de La Grange et Guy de Bray, les apôtres et les futurs martyrs des Pays-Bas, qui devaient lui fournir des documents pour son histoire, en attendant qu'il racontât leur mort triomphante. Au mois de janvier, il rédigeait à Anvers un placet pour Marie de Hongrie, de concert avec Jean Taffin, le pasteur de cette ville.

Voici comment ce dernier remerciait de son concours les magistrats de Genève, dans une lettre significative du 7 mars 1567 :

« Très honorez seigneurs, comme plus la présence de maître Jean Crespin, notre bon seigneur et frère, vous est agréable et utile, tant plus nous reconnaissons nous obligez vers vos seigneuries de ce que, par charité et bonne affection à l'avancement des églises de ce Pays-Bas, il vous a lus de vous en priver pour nous en accommoder.

Et, combien que, continuant plus que jamais la cause pour laquelle sa présence nous a été ici fort requise et nécessaire, nous eussions bien désiré l'écouter plus longuement : toutefois, considérant de l'autre côté que son absence aura été trouvée bien longue et de vos seigneuries et de sa famille, nous n'avons osé le presser davantage qu’en nous recommandant en ses prières, et nous remercions vos seigneuries de la faveur et assistance qu'il vous a plus nous faire en cet endroit. Nous vous assurons que s'il y a chose en laquelle nous puissions vous faire service, nous nous y emploierons très volontiers.

Et, au reste, nous vous supplions bien humblement que faisant le Seigneur encore luire sa face bénie et paternelle sur ce pays, tellement qu'ayant encore besoin de sa présence, il plaise à vos seigneuries nous l'accorder, lui permettant de retourner vers nous, et, par ce moyen, nous obligeant de plus en plus à vous, et singulièrement à prier le Créateur qu'il vous ait, très honorez seigneurs, en sa sainte garde, nous recommandons bien affectueusement les églises de ce pays en vos prières. » D'Anvers, ce VIIe jour de mars 1567. »

Vos très humbles serviteurs et amis les ministres et anciens de l'Église française, à Anvers. »

Jean TAFFIN.

» Au nom de la Compagnie (19). »

De retour dans sa ville d'adoption, Crespin se remit d'un nouveau zèle à l'impression des livres protestants, composés ou traduits en français. Il donnait tous ses soins à cette œuvre de vulgarisation, comme il l'écrivait lui-même à Bullinger (20).Savant jurisconsulte,

Savant jurisconsulte, versé dans la connaissance des littératures grecque et latine, il annotait lui-même les publications qui sortaient de ses presses ou les accompagnait de préfaces. Rival des Oporin et des Estienne, il brille au premier rang de ces imprimeurs érudits du seizième siècle, qui ne se contentaient pas d'exceller comme typographes, et faisaient œuvre d'écrivains. Mais ce qui devait établir sa réputation, « le chef-d'œuvre de ses excellents travaux, » comme s'exprime Antoine de La Faye, c'est avant tout l'Histoire des Martyrs, dont il conçut sans doute le projet, dès 1540, au pied du bûcher de Claude Le Peintre et qui parut en 1554, l'année qui suivit le martyre des cinq prisonniers de Lyon, dont le retentissement fut si considérable.

Ce fut une heureuse inspiration, renouvelée de l'ancienne église, que de proposer l'exemple de tous ces morts glorieux à l'admiration des vivants. Leur héroïsme avait frappé leurs ennemis eux-mêmes qui s'arrêtaient confondus devant leurs bûchers.

Voici comment s'exprime à leur sujet Florimond de Rœmond, qui n'est pas suspect de sympathie pour ses anciens coreligionnaires :

« Comme ils voyaient les simples femmelettes chercher les tourments, pour faire preuve de leur foi, et, allant à la mort, ne crier que le Christ, le Sauveur... les jeunes vierges marcher plus gaiement au supplice qu'elles n'eussent fait au lit nuptial, les hommes se réjouir en voyant les terribles et effroyables préparations et outils de mort qu'on leur avait préparés et, my-bruslez et rostis, contempler du haut des bûchers, d'un courage invaincu, les coups de tenailles reçus porter au visage un maintien joyeux entre les crochets des bourreaux, être comme des rochers contre les ondes de la douleur, bref mourir en riant... ces tristes et constants spectacles jetaient quelque trouble, non seulement en l'âme des simples mais des plus grands qui les couvraient de leur manteau, ne pouvant, la plupart, se persuader que ces gens n'eussent la raison de leur coté, puisque, au prix de leur vie, ils la maintenaient avec tant de fermeté et résolution (21). »

Aussi ne peut-on détacher les yeux des pages austères et bienfaisantes de Crespin quand on en commence la lecture. « Dans la littérature de la Réforme française, » a dit un juge compétent, « on ne saurait citer un livre plus attachant ni plus foncièrement chrétien. Le drame y est palpitant, l'héroïsme y éclate ; les victimes sont touchantes, la persécution odieuse. Que d'horreurs ! On a l'impression de la réalité. C'est la moisissure des prisons, le fer, la corde et le feu, les supplices sans nom ; la barbarie des inquisiteurs sans religion, des juges sans équité des peuples sans pitié, procédant à d'abominables massacres. Mais il y a bien autre chose : les lettres émues des martyrs à leurs proches et à leurs amis, les exhortations fortifiantes qui leur sont adressées du dehors, les interrogatoires prolongés ; les dernières paroles pleines de sérénité et de mansuétude ; les discussions, les controverses, les apologies, les expositions lumineuses de la parole de Dieu ; l'organisation des églises, les confessions de foi, la discipline, les récits d'histoire, les considérations générales. Du commencement à la fin, c'est très dramatique et très varié ; tout est dit avec conviction, mais aussi avec sagesse et simplicité. De quel livre, mieux que de celui-ci, pourrait-on dire : « Ceci est un livre de bonne foi (22). »

Il serait difficile d'exagérer la salutaire influence exercée au seizième et au dix-septième siècle, par ce livre qui, avant son apparition, excitait la légitime attente des contemporains (23). Les colporteurs le répandaient dans les villes et les campagnes, au péril de leur vie (24). Il figurait à côté de la Bible et du Psautier comme le livre indispensable du foyer, et la famille huguenote le dévorait en cachette ; les prédicateurs le citaient dans la chaire (25), et dans plusieurs églises on en faisait une lecture publique au service du soir (26) ; les martyrs y puisaient le secret de l'héroïsme en face de la mort (27), et, chose étrange, leurs ennemis allaient jusqu'à dire qu'ils ne maintenaient avec tant de fermeté leur opinion « que pour être mis en ce beau livre des Martyrs de Genève (28). »

« Après la Bible, » dit Agrippa d'Aubigné, en se plaçant au point de vue catholique, « je ne trouve pas de livre plus dangereux que celui-là ni plus puissant pour faire un hérétique. » C'est ce caractère saintement agressif qui a frappé l'un des historiens contemporains qui ont le mieux compris la Réforme. « C'est un merveilleux livre, » a dit Michelet dans son volume sur la Ligue (29), « et qui met dans l'ombre tous les livres du temps ; car celui-ci n'est pas une simple parole, c'est un acte d'un bout à l'autre et un acte sublime. »

Nous n'entreprendrons pas une étude bibliographique détaillée du Martyrologe. Ce travail a été fort bien fait par M. Charles Frossard, dans la brochure déjà citée à laquelle nous renvoyons le lecteur (30).

La première édition parut, avons-nous dit, en 1554. C'est un petit in-8° de 687 pages. Voici le titre de l'exemplaire que nous possédons : Le Livre des Martyrs, qui est un recueil de plusieurs martyrs qui ont enduré la mort pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, depuis Jean Hus jusqu'à cette année présente M.D.LIIII L'utilité de ce recueil est amplement démontrée en la préface suivante. Psau. XLIIII : C'est pour toi Seigneur, que nous sommes tous les jours occis, et sommes estimés comme brebis d'occision (de boucherie). Math. XXIIII Qui lit, si entende, M.D.LIIII On en trouvera plus loin la remarquable préface (31). Parmi les éditions qui suivirent, les plus connues sont l'édition latine de 1560 et les éditions françaises de 1570, 1582, 1597, 1608, 1619, la dernière de toutes celle que nous réimprimons et dont voici le titre exact : Histoire des martyrs persécutés et mis à mort pour la vérité de l'Évangile ; depuis le temps des Apôtres jusqu'à présent... en douze livres contenant les Actes mémorables du Seigneur en l'infirmité des siens : non seulement contre les efforts du monde, mais aussi contre diverses sortes d'assauts & d'hérésie monstrueuses, dans la plupart des provinces de l'Europe.

Les préfaces montrent une conformité de l'état des Églises de ce dernier siècle, avec celui de la primitive Église de Jésus-Christ.

Nouvelle & dernière Édition, revue & augmentée d'un grand nombre d'histoires, & choses remarquables omises dans précédentes. Avec trois Indices ;

l'un, des principaux points de la vraie & fausse religion, amplement traitée, soutenue ou réfutée :
le second, des principales matières ;
le troisième, contenant les Noms des Martyrs mentionnés en cette histoire.

Apocalypse VI v. 9 & 10. Je vis sous l'autel les âmes de ceux qui avaient été tués pour la parole de Dieu & pour le témoignage qu'ils maintenaient. Et elles criaient à haute voix, disant, jusqu'à quand, Seigneur Saint & véritable, ne juges-tu, & ne venges-tu notre sang de ceux qui habitent en la terre) (L'ancre sur les flots.)
À Genève, imprimé par Pierre Aubert, M. DC. XIX. C'est un grand in-folio à deux colonnes, avec 14 folios non chiffrés, 861 folios chiffrés, 10 folios non chiffrés de tables, en tout 1760 pages.

Crespin ne put réviser ni cette dernière édition ni les précédentes ; celle de 1570 fut la dernière à laquelle il consacra ses soins. Elle parut la même année que la troisième édition latine du Commentaire de Calvin sur Esaïe, et Des Gallars lui disait, dans la préface déjà citée de ce dernier livre : « Continuez donc, mon cher Crespin, à seconder par votre diligence les études de ceux qui se sont voués aux lettres sacrées et mettez encore sous presse d'autres ouvrages de Calvin. » Mais l'utile carrière du réfugié touchait à son terme. Il mourut de la peste, en 1572, l'année de la Saint-Barthélémy, après avoir connu dans sa patrie d'adoption, comme sur la terre natale, de douloureuses épreuves. Il avait perdu cinq enfants dans l'espace de trois ans, de 1550 à 1553. Sa fille Suzanne, infirme et débile de son corps, était morte à l'âge de douze ans, en 1565, et sa femme ne dut pas tarder à la suivre dans la tombe. Crespin s'était remarié avec une veuve, fille du ministre François Bourgoin (32), qui lui donna deux enfants,

À sa mort, Eustache Vignon, son gendre, prit la direction de son imprimerie, en même temps qu'un écrivain distingué se chargeait de continuer son œuvre, en publiant de nouvelles éditions, revues et complétées, du Martyrologe : nous voulons parler de Simon Goulart, à la fois historien, théologien et poète, l'un des écrivains réformés les plus féconds et les plus distingués du seizième siècle. Il était né à Senlis, en 1543. D'abord adonné, comme Crespin, à l'étude de la jurisprudence, il embrassa, dès qu'il fut converti à l'Évangile, la carrière ecclésiastique. Fixé, dès le 25 mars 1566, à Genève, il fut nommé pasteur de la paroisse de Saint-Gervais, en 1571.

Il mourut plus qu'octogénaire, le 3 février 1628, après avoir déployé une grande activité littéraire et exercé un ministère béni non seulement à Genève, mais dans plusieurs églises étrangères qui, à diverses reprises, réclamèrent le concours de son zèle et de ses lumières.

L'édition que la Société de Toulouse offre au public est la reproduction fidèle de l'édition de 1619, révisée par Goulart. Répondant au vœu, plus d'une fois exprimé, de mettre à la portée, non seulement des réformés, mais de ceux du dehors qui l'ignorent ou le calomnient (33), ce « livre d'or » du protestantisme français, elle a voulu préparer avant tout une édition populaire. Nous n'avons, toutefois, rien négligé pour éclaircir certains points obscurs, réparer des omissions ou rectifier des erreurs inévitables, même sous la plume d'un annaliste d'ailleurs si consciencieux et si exactement informé. Son ouvrage, comme celui de son émule Théodore de Bèze, est avant tout une compilation de renseignements puisés à différentes sources, dont plusieurs sont imprimées, mais qu'il oublie trop souvent d'indiquer ; nous avons mis toute notre application à les découvrir et à les signaler ; enfin neuf éditions différentes du Martyrologe que nous avons eues sous les yeux, nous ont permis de signaler les variantes les plus importantes. Ce travail sommaire d'annotation et de correction, quelque facilité qu'il fût par les excellents travaux publiés depuis trente ans, sous les auspices de la Société de l'histoire du protestantisme français, aurait de beaucoup dépassé nos forces. Nous avons pu le poursuivre, grâce à de précieux collaborateurs auxquels nous exprimons toute notre reconnaissance.

Notre ami, M. le pasteur Matthieu Lelièvre, docteur en théologie, aidé du Martyrologe de Foxe, s'est chargé de la révision des notices sur les martyrs anglais. Un savant docteur de l'université de Leyde, M. Christian Sepp, qui a fait une étude approfondie des différents martyrologes du seizième siècle, nous a fourni des notes précieuses sur les martyrs hollandais. Ce n'est pas en vain que nous avons fait appel au savoir de MM. Louis Léger, de Paris, Emilio Comba, de Florence, Herminjard, de Lausanne, Rodolphe Reuss, de Stras-bourg, Émile Lesens, de Rouen. Les conseils et les lumières de MM. les professeurs de Montauban ont aussi facilité cette publication. Je dois enfin un témoignage tout spécial de gratitude à mon ami, M. le pasteur Vielles, directeur du séminaire protestant de cette ville, qui non seulement a mis à ma disposition les trésors de sa riche bibliothèque, mais encore m'a remplacé pour la correction et l'annotation des dernières feuilles de ce premier volume.

L'année qui précéda la Révocation, un pieux réfugié, prévoyant les maux sans nombre qui allaient fondre sur ses coreligionnaires publia, à Amsterdam une Histoire abrégée des martyrs français « avec les réflexions et les raisons nécessaires pour montrer pourquoi et en quoi les persécutés de ce temps doivent imiter leur exemple. »

Le premier volume de cette édition paraît deux cents ans plus tard, au moment où les protestants de France, libres de toute crainte et jouissant de la plénitude de leurs droits civils et religieux, s'apprêtent à rappeler le second centenaire de cette mesure inique, qui pèse d'un poids si lourd sur la mémoire de Louis XIV et de ses conseillers. Puisse-t-il inspirer aux fils des martyrs des sentiments de vive gratitude pour ce Dieu si bon qui a fait succéder le calme à tant d'orages, en même temps qu'un peu de cette foi qui remplissait le cœur de leurs pères et qui nous est nécessaire, plus que jamais, dans les temps d'affaissement moral que nous traversons.

D. BENOÎT.

Les Rorivas près Montmeyran, le 30 septembre 1885.



Table des matières

1) MM. Jules Bonnet et Henri Bordier, dans deux articles sur Crespin, auxquels nous faisons plus d'un emprunt (Bulletin historique et littéraire, t. XXIX, p. 194, et France protestante, deuxième édition, t. IV, p. 885), placent sa naissance vers 1520. Nous la ferions volontiers remonter plus haut, vers 1500. On lit, en effet, dans la préface de l'édition de 1582, que lorsque Crespin mourut, en 1572, il était « rassasié d'ans. »

2) Voyez t. I, p. 460 et 468. 

3) T. I, p.343.

4) T. I, p. 427 et suiv. 

5) Charles Paillard, Le procès de Pierre Brully, p. 54. 

6) Ibidem, p. 56. 

7) Ibidem, p. 

8) Ibidem, p. 171. Dans cette sentence il est appelé de son vrai nom « Me Jehan Crespin. »

9) Voyez t. I, p. 427. 

10) Ce premier voyage, antérieur à l'établissement définitif de Crespin à Genève, nous paraît ressortir avec évidence du passage suivant de la préface de Nicolas des Gallars à Crespin, imprimée en tête de la troisième édition latine des Commentaires de Calvin sur Esaïe, 1570, que nous communique M. Herminjard :

« Tu vero satis meminisse potes qualis esset illius status, » - il s'agit de l'état de l'église de Genève - « quum patria extorris hue primum appulisti ; deindequanto jam aucta esset numéro, quum, recepta familia tua, hue eommigrasti. » 

11) Calvini Opéra, t. XII, n° 617. 

12) Laurent de Normandie. 

13) Calvini Opéra, t. XII, n° 808. 

14) Ibidem, p. 452. 

15) Calvini Opéra, n° 928. 

16) Lettre du 15 septembre 1547, Calvini Opéra, t. XII, n° 945 

17) Voyez t. I, p. 468. 

18) Ce qui le fait supposer, c'est la manière dont il parle de « ceux qui, sous un titre de la confession d'Augsbourg, s'étant fourrés en Anvers, s'avisèrent de livrer un combat de dispute à ceux des Églises réformées » ( Édit. de 1597, fol. 660). Comp. sur ce point l'article de Ch. Rahlenbeck (Bulletin du bibliophile belge, t. XV, p. 363) avec celui de Charles Paillard (Bulletin historique et littéraire, t. XXVII, p. 580). 

19) Archives de la ville de Genève. Pièces historiques, n° 1850, Cette pièce a été reproduite dans l'article cité de M. Rahlenbeck. 

20) Encyclopédie des sciences religieuses, t. III, p. 472. 

21) De la Naissance de l'hérésie, éd. de 1625, ch. VI, p. 865 et suiv. 

22) Ch. Frossard, Le Livre des martyrs de Jean Crespin, notice bibliographique, Paris, 1880, p. 1. 

23) Voy. les fragments de deux lettres de Sleidan à Calvin, Encyclopédie, t. III, p. 472. 

24) Voy. le procès de l'un d'eux dans Ch. Paillard, Histoire des troubles religieux de Valenciennes, t. IV, p.6. 

25) Voy. Pierre Du Moulin, Huitième décade de sermons, p, 14. 

26) Ch. Frossard, ouv. cité, p. 7. 

27) Jean Rabec fut arrêté pendant qu'il lisait le Livre des Martyrs en présence de quelques personnes (Ed. de 1619, f° 403 v°). Michel Berlin père s'adonnait dans sa prison à cette lecture et y puisait une grande consolation. [Ibid., f. 750 v°.) 

28) Edit. de 1570, livre VII, folio 605 v°.

29) P. 463. 

30) Voy. aussi l'article cité de la France protestante. 

31) M. Herminjard nous communique le titre un peu différent d'un des exemplaires rarissimes de l'édition princeps : Recueil de plusieurs personnes qui ont constamment enduré la mort, etc. 

Dans la rédaction de ce titre, Crespin avait fait droit à la décision du grand Conseil de Genève qui, dans sa séance du 25 août 1554, n'avait permis l'impression que si l'auteur retranchait les mots saint et martyr qui, sans doute, lui rappelaient trop le catholicisme (Voy. Calvini Opéra, t. XXI, p. 582). La France protestante commet donc une erreur lorsqu'elle dit (20 édit., t, IV, p. 890, note I) que le grand Conseil avait demandé à Crespin de corriger le mot saint en celui de martyr. Il reste à expliquer comment le terme prohibé se trouve dans le titre de notre exemplaire. Au reste les autres éditions présentent des remaniements semblables.

32) Voyez la note qui le concerne et une lettre de lui, t. I, p. 677. 

33) C'est avec étonnement qu'on voit un recueil, fort recommandable et fort répandu, le Magasin pittoresque (t. XIV, p. 100), attribuer le Martyrologe à Théodore de Bèze et prétendre que Poltrot de Méré, l'assassin du duc de Guise, y a trouvé place. 

 

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