Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
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TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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HISTOIRE DES MARTYRS PERSÉCUTÉS ET MIS Á MORT

pour la vérité de l'Évangile




GRANDE CRUAUTÉ. HUITIÈME PERSÉCUTION SOUS VALÉRIEN


Je ne saurai oublier en cet endroit ce que S. Jérôme raconte en la vie de Paul premier Hermite, touchant le temps des persécutions sous Decius & Valérien. Il dit donc, que les persécuteurs ne tâchèrent pas seulement de faire abjurer la Religion aux Chrétiens, par des tourments étranges, mais aussi par diverses voluptés & plaisirs. Car ne pouvant les contraindre à renier leur religion par aucune sorte de tourments, ils essayèrent de le faire par la volupté, en envoyant vers eux de belles femmes, qui les incitaient à paillardise (à la débauche) & toutes sortes de vilenies au point qu'il y eut un de ces Martyrs, qui, pour se dépêtrer d'une telle femme, se coupa la langue avec ses propres dents, & la lui cracha au visage.

Paul, en ce temps-là, s'enfuit en un désert, où il passa sa vie en une logette (petite cabane), & Antoine se retira là sur la fin de la vie de Paul.
Ces deux furent les pères des Hermites, c'est à dire, de ceux qui s'étant retirés en déserts & lieux solitaires comme hors du monde, y passaient leur temps en grande austérité de vie.

S. Jérôme dit aussi que S. Antoine mourut âgé de 105. ans, l'an de grâce 361. Ce fut le commencement de l'origine la Moinerie, de laquelle on ne parlait point dans l'Église ancienne & lors que la corruption n'y était pas entrée, comme elle a fait depuis.
Or du temps des susdites persécutions, on tâcha de séduire les fidèles par plusieurs plaisirs & voluptés.


Aurelien fut Empereur, l'an de grâce 273. auquel est attribuée en histoires la neuvième persécution. II fut, au commencement, débonnaire & humain envers les Chrétiens, mais sur la fin de son empire il se changea, & résolut, par l'instigation de certains garnements (mauvais sujets), de persécuter l'Église Chrétienne.
Eusèbe témoigne au 7.liv de l'hist. Eccle. cha. 26. & Orose aussi, qu'il ne peut exécuter & mener à fin cette persécution, selon qu'il avait délibéré, & qu'il s'essaya de le faire.
Néanmoins l'Église de ce temps-là fut dans une grande perplexité & angoisse. Mais l'Empereur fut tué à l'impourvu (il fut assassiné), & ainsi la persécution cessa.


LA NEUVIÈME ET LONGUE PERSÉCUTION SOUS DIOCLÉTIEN,

MAXIMIEN ET MAXIMIN.


Il n'y a personne qui ait écrit s diligemment de cette persécution sous les Empereurs Dioclétien, & Maximien, qu'Eusèbe en ses deux derniers livres de l'histoire Eccles. Car il a vécu de ce temps-là, & raconte beaucoup de choses qu'il a vécues lui-même.

Après Eusèbe, Nicéphore en a aussi traité bien amplement au 7.liv. de son histoire cha. 3. &c.


L'Église Chrétienne avait joui assez longtemps d'un grand repos, à savoir l'espace d'environ vingt-huit ans, depuis le gouvernement d'Aurélien jusqu'au 19. de l'empire de Dioclétien.
Les Chrétiens avaient l'exercice entier de la Religion, en toute liberté & sans aucune crainte. Les Gouverneurs des Provinces qui avaient la connaissance de la Religion y aidaient beaucoup, comme quelques grands personnages qui prirent soin de le faire, & de grande autorité en la cour de l'Empereur, à savoir Dorotheus & Gorgonius qui furent des seigneurs vraiment Chrétiens.

Ainsi étaient les Chrétiens, au commencement de cette paix, de bon accord les uns avec les autres, ardents au service de Dieu, & vivant saintement. Par ce moyen le nombre des fidèles s'augmentait merveilleusement, tellement qu'il fallait agrandir les temples & maisons, où ils s'assemblaient pour faire prières & ouïr (entendre) la parole de Dieu.

Mais avec le temps ce zèle ardent commença à se refroidir, & s'engendraient plusieurs débats & contentions, principalement entre les pasteurs & les ministres, lesquels étant devenus arrogants ne cessaient de disputer ensemble, ce qui ne servait que de scandale & retardement au peuple, qui de sa part aussi ne s'amendait pas beaucoup.

... Le Seigneur retira sa main de dessus son peuple, permettant que les païens eussent puissance sur l'Église Chrétienne, pour la nettoyer & écurer (frotter) de l'enrouilleure (la rouille) laquelle s'y était mise, & s'augmentait de jour en jour

Il ne sera pas hors de propos d'alléguer ici ce que l'Évêque Ottho de Frisingen (1) raconte au livre troisième chap. 45. touchant saint Maurice, lequel étant capitaine d'une bande Chrétienne sous Maximien, vint en Allemagne pour réduire, sous l'obéissance de l'Empire, les Bacharides ou Bacaudes qu'Eutropius appelle Bongarides.
C'était une troupe de gens mutins & séditieux. L'armée ayant passé les monts, & arrivée au pays de Valais, Maximien commanda à ses soldats qu'ils sacrifiassent aux dieux, pour avoir meilleure rencontre & obtenir victoire contre les ennemis.
Mais Maurice & sa bande qui étaient Chrétiens ne voulurent point sacrifier, disant qu'ils étaient Chrétiens, & pourtant ne leur était pas loisible (possible) de sacrifier aux Dieux.
Dés le commencement, ils surent cauteleusement (avec sagesse) séparés les uns à Soleure, Bonne, Cologne, Sandten & en d'autres passages & détroits, comme pour y tenir garnison: finalement, la plus grande part de la légion conduite par Maurice fut massacrée en pleine campagne par les soldats Païens auprès d'Ododurum & Agaunum, aujourd'hui Martinach (Martigny), & Saint-Maurice.

Saint Gérôme rapporte cette entreprise de guerre contre les Bongarides à l'an de Christ 290. Or, d'autant que cette affliction de l'Église, & le jugement de Dieu courroucé contre les siens, n'émeut pas beaucoup de gens, mais plusieurs persévérant dans leur stupidité, malice & ingratitude, le Seigneur aussi redoubla les coups & lâcha la bride aux persécuteurs, pour fouetter plus rudement son Église.
Car l'an 19. de l'Empire de Dioclétien, & l'an 306. après la nativité de Christ, au mois de Mars, les Chrétiens, le propre jour de Pâque, furent publiés des édits partout de la part des Empereurs contre les Chrétiens, savoir qu'on détruisît & rasât leurs temples de fond en comble, qu'on brûlât toutes les Bibles & livres saints, & que ceux d'entre les Chrétiens qui étaient en dignité, ayant quelques états, en fussent démis & déposés & privés de tous honneurs. Il y avait beaucoup d'autres choses semblables dans ces édits.

Incontinent après fût derechef publié & commandé par les Empereurs qu'on empoignât partout & qu'on mît prisonniers les pasteurs & ministres de l'Église, & qu'on les induisît à sacrifier aux dieux: s'ils refusaient de le faire, qu'on les y contraignit avec toutes sortes de tourments, ou qu'on les mit à mort.
Ainsi commença une pitoyable & cruelle boucherie.

Les docteurs & ministres de l'Église Chrétienne étaient menés, tirés & traînés par troupes dans les temples des idoles & à leurs sacrifices. Il y en eut quelques-uns de ceux qui les menaient lesquels touchés de compassion, leur disaient: «Nous vous prions de vous taire, & faites pour le moins semblant d'avoir sacrifié, & nous vous délivrerons.»
Mais ils protestaient à haute voix qu'ils n'avaient point sacrifié, ni ne voulaient pas sacrifier, mais étaient serviteurs de Jésus Christ.
Cela fit inventer des étranges & nouveaux supplices contre les Chrétiens; mais les bourreaux étaient plus vite las de tourmenter, que les fidèles n'étaient d'endurer. Car par la grâce de Dieu, ils persévéraient dans la foi Chrétienne, jusqu'à la mort.
Quelques-uns, effrayés des tourments abjurèrent avec grande tristesse des fidèles.


Cet édit cruel ayant été affligé à Nicomédie, en Bithynie, & s'y trouvant les deux Empereurs avec leur cour, il y eut un citoyen de la ville fort renommé pour sa Noblesse & sa dignité, lequel déchira cet Édit des Empereurs: à cause de quoi il fut sans délai mené devant les Empereurs & ayant confessé qu'il était Chrétien, & ce qu'il avait fait, qu'il l'avait fait d'un zèle ardent, il fut incontinent livré aux bourreaux, qui le tourmentèrent jusqu'au bout, puis le mirent à mort. Mais au milieu des plus cruels tourments, on n'aperçut en lui pas un seul signe de tristesse.
En même temps on fit mourir plusieurs seigneurs de marque & gentilshommes de la cour de l'Empereur: entre autres un nommé Pierre, lequel, après grands tourments, fut grillé, & finit sa vie dans ce cruel supplice.
Dorotheus & Gorgonius, chambellans des Empereurs, après plusieurs tourments furent pendus & étranglés.
Anthimus, Évêque de Nicomédie, fut aussi décapité, & plusieurs citoyens avec lui. Ainsi les brebis suivaient leur pasteur en la confession du Nom de CHRIST, à travers les tourments et la mort même.


En ce temps-là, le feu se prit à Nicomédie, au palais impérial. Dieu voulut châtier par ce moyen la grande cruauté des Empereurs & des païens lesquels rôtissaient & brûlaient tant de pauvres gens innocents.
Mais il advint alors, comme à Rome du temps de Néron, lequel ayant été cause lui-même de l'embrasement de Rome en imputa néanmoins la faute sur les Chrétiens, qui en étaient innocents. Ainsi firent ces Empereurs, qui commandèrent par nouveaux édits qu'on tuât & que partout on mît les Chrétiens à feu & à sang.

En Syrie, les fidèles, tant ministres que nobles & roturiers, hommes & femmes, & jeunes & vieux, étaient emprisonnés à grandes troupes, tellement que toutes les prisons en étaient remplies, & les rues des villes désertes; on y voyait-on peu de gens, ce qui ayant été signifié aux Empereurs, ils commandèrent qu'on délivrât ceux qui voudraient sacrifier, mais que les autres qui persévéreraient à être Chrétiens, fussent mis à mort après toutes sortes de tourments.

À Tyr, en Palestine, hommes & femmes furent mis en spectacle, & jetés par troupes devant les bêtes sauvages, qu'on agaçait pour leur courir dessus & les déchirer; mais elles furent plus pitoyables envers les Chrétiens, que les hommes &, au lieu de leur nuire, se ruèrent sur leurs maîtres. Néanmoins, les païens, plus cruels que les bêtes les plus farouches, se ruèrent sur les pauvres Chrétiens, les massacrèrent & taillèrent en pièces avec une cruauté plus que brutale.

En Égypte & Thébaïde, les Païens exercèrent des étranges cruautés contre les fidèles & en tuèrent un nombre infini. Ils ployaient & courbaient en quelques endroits les branches des arbres qui n'étaient guère loin l'un de l'autre, puis ayant lié un pied des fidèles à une branche, & l'autre à une autre, laissaient tout d'un coup aller les branches, & par ainsi les fidèles étaient misérablement déchirés.

L'Abbé d'Usberg (2) écrit qu'en ce temps là, en moins d'un mois, furent mis à mort plus de dix-sept mille martyrs.

Eusèbe raconte au 9. & 10. chapitres du huitième livre de son histoire, les grands tourments de plusieurs Chrétiens que lui-même avait vu mettre à mort, entre lesquels il fait mention de cet excellent personnage Phileas (3) lequel ayant écrit sur les martyrs, fut martyrisé lui-même.

Il y eut une ville renommée en Phrygie en laquelle tant le Magistrat que les sujets, jeunes & vieux, étaient de la religion Chrétienne. Les Empereurs ayant environné & assiégé avec leur camp cette ville, y mirent le feu, & firent brûlés ensemble tant les personnes que les biens, tellement qu'il n'en échappa un seul.
Le même Eusèbe raconte beaucoup d'autres tourments par lesquels un nombre infini de Chrétiens étaient mis à mort en Arabie, Cappadoce, Mésopotamie, en Alexandrie & Antioche, & aussi au royaume de Pont.
Et combien que ces deux exécrables chiens enragés, Dioclétien & Maximien, résignassent le gouvernement, si bien que ceux qui vinrent à l'empire, à savoir Maxence fils de Maximien, & Galerius Maximin, ne persécutèrent pas moins cruellement l'Église que leurs prédécesseurs, tellement qu'on tuait & massacrait sans fin & sans cesse.


Dorothée, noble & vertueuse vierge d'Alexandrie, fut déchassée (expulsée) par Maximin; d'autres vierges, qui ne lui voulurent complaire en ses vilenies, furent tourmentées & mises à mort.
Sophronia, dame Romaine, & femme d'un Prêteur de Rome, aima mieux mourir de sa main propre, que d'être violée par ce sale tyran.

Un grand nombre de bons Chrétiens furent mis à mort par ce tyran, ainsi qu'Eusèbe en fait mention en son dernier livre. Entre lesquels furent trois serviteurs de Christ & de I’ Église, renommés partout le monde, à savoir Sylvain , Pierre & Lucian , Ministres de Tyr, d'Alexandrie, & d'Antioche. Lucian avait diligemment travaillé sur les S. Ecritures, comme S. Jérôme en fait mention. Ces excellents personnages n'ont pas seulement confirmé & rendu témoignage à la Religion Chrétienne par des prêches & par des écrits, mais aussi par leur sang & ont persévéré en la confession du Nom de Christ jusqu'à la fin.

Cette cruelle & horrible persécution dura depuis l'an de Christ 306. jusqu'à l'an 320. à savoir 15. ans. Car l'an 321. la pauvre Église tant harassée, & quasi du tout abolie, fut soulagée par l'Empereur Constantin, l'an 10 de son Empire, sous lequel elle eut paix.

La persécution susnommée est la plus longue & la plus cruelle qui ait été depuis la nativité de Christ: en laquelle néanmoins l'Église Chrétienne fut invincible par la foi, & foula aux pieds toute fausse doctrine & idolâtrie.

Or pour retourner au propos tenu par ci-devant:
Qui est celui qui ose pourtant dire que la Religion des Païens & Romains était la vraie, pour ce qu'elle avait de son côté les Empereurs, lesquels plongeaient & arrosaient celle des Chrétiens en leur propre sang, obtenant contre eux tout ce qu'ils souhaitaient; au contraire les Chrétiens étaient sous la croix avec toutes sortes de calamités & misères?
Qui entreprendra de disputer avec Dieu de ce qu'il permit que ses bien-aimés endurassent tant par ces méchants qui se vautraient en toutes sortes de vices & vilenies?
À moi de savoir si cela était bien ou mal fait. Car Dieu ne fait rien sinon justement & éprouve & polit les siens par la croix & par les afflictions, ainsi que l'orfèvre éprouve l'or & l'argent au feu.
Les fidèles savent bien cela & pourtant, quand ils sentent de telles pensées procédantes (venant) de l'impatience de la chair, ils s'humilient en leurs coeurs suivant l'exhortation de l'Apôtre S. Pierre:
«Humiliez-vous (dit-il) sous la main puissante de Dieu, afin qu'il vous exalte aussi en son temps, & jetés tout votre souci sur lui, car il a soin de vous (1 Pier., V, 6-7).»


LA DIXIÈME PERSÉCUTION.


L'Église Chrétienne eut repos depuis le 10. an de l'Empire de Constantin le grand jusqu'à son trentième & dernier an, & crût & s'augmenta durant ce temps plus qu'elle n'avait fait depuis la nativité de Jésus Christ.
Incontinent après la mort de Constantin, les Ministres de l'Église, abusant de la paix & du repos qu'ils avaient, se fourrèrent beaucoup de débats parmi la simplicité de la religion: tellement qu'ils se bandèrent (montèrent) les uns contre les autres, & le peuple fut divisé en plusieurs sectes, délaissant la simple & vraie Religion, étant abreuvé de la fausse qui engendrait les disputes.
Car alors prît naissance la méchante & blasphématoire hérésie des Ariens, lesquels enseignaient que notre Seigneur Jésus, Fils de Dieu, n'était pas Dieu éternel, d'une même essence avec le Père.

Constantius aussi, fils de Constantin , fut alors enivré de ce venin. Constantin le grand laissa trois fils, à savoir Constantin le 2. Constantius, & Constans auxquels il fit partage de l'Empire.

Constantius se montra adversaire des vrais & fidèles docteurs, lesquels s'opposaient à la doctrine des Ariens, en les déchassant (expulsant), & principalement il persécuta âprement, S. Athanase, & avec lui plusieurs autres. Il en mit quelques-uns en prison bien étroitement & tourmenta fort les vrais fidèles, comme il en est fait plus ample mention en l'histoire Ecclésiastique.

Cette persécution commença environ l'an de Christ 343. Dieu visita aussi son Église à cause des contentions (disputes) & débats, non seulement par la persécution nouvelle des païens, comme il avait fait devant le temps de Constantin , ainsi qu'avons vu par ci-devant. Car l'Empereur Julien s'opposa fort à l'Église Chrétienne, s'efforçant de la ramener à l'idolâtrie des païens. Cela advînt l'an de Christ 366.

Ce Julien avait été auparavant non seulement chrétien, mais aussi lecteur en l'Église. Mais incontinent qu'il s'accointa (se lia intimement) avec certains philosophes, & principalement avec Libanius sophiste, il se révolta peu à peu contre la Religion, & finalement reçut celle des gentils, en laquelle il devint tellement aveuglé & endurci, que par des lavements il tâchât d'effacer de son corps le S. baptême des chrétiens. Il fut tellement possédé du diable qu'il s’intéressa à beaucoup des arts Magiques, & prenait grand plaisir à faire choses agréables à Satan.

Étant élu Empereur après avoir obtenu une grande victoire contre les Allemands, près de Strasbourg, où il en défit trente mille, il tourna toutes ses forces contre la Religion Chrétienne, ouvrant les temples des idoles que Constantin avait fermés, & défendant sur peine de la vie qu'on ne les ouvrit & qu'on ne sacrifia en eux. Mais Julien sacrifiait lui même aux idoles, & permit à chacun d'y sacrifier & par ainsi le service des idoles s'augmentait fort. Car les païens, qui durant le gouvernement de Constantin, s'étaient tenus cois (tranquilles), en espérant que les choses changeraient, se montrèrent adonc (à ce moment-là), & levèrent les oreilles contre les Chrétiens.

Julien ôta toutes les dignités, honneurs & privilèges que Constantin avait donnés à l'Église & à ses ministres. Il fit aussi défense que les Chrétiens n'allassent aux écoles de peur que par les poètes, orateurs, & philosophes qui leur y seraient lus, ils n'apprennent à réfuter la religion des païens, par leurs propres livres.
Lui-même aussi composa quelques livres contre la foi & la religion Chrétienne, auxquels fit réponse saint Cyrille Evêque d'Alexandrie.
Il nommait les Chrétiens par mépris Galiléens, & Christ même Galiléen.
Il ne confisqua pas tant seulement tous les biens de l'Église, mais aussi imposa grands tributs & tailles (impôts) aux Chrétiens, puis en se moquant d'eux, disait que leur JÉSUS CHRIST avait défendu d'assembler des trésors, & qu'il avait commandé que si quelqu'un leur ôtait la robe, qu'il fallait donner aussi le manteau. Ainsi il pillait les pauvres Chrétiens, en se moquant d'eux: & quand il leur faisait quelque injure ou déplaisir, il disait qu'ils portassent cela patiemment, puisque Christ les avait ainsi enseignés.

Constantin le grand ayant aussi ôté de l'étendard des Romains les portraits des dieux & idoles des païens, qu'il remplaça par une croix blanche, Julien ôta la croix, & fit remettre les images de Jupiter, de Mercure et de Mars: afin que quand on portait honneur à l'étendard, s'inclinant devant, on pensait que les Chrétiens fissent cet honneur aux idoles.
De même fallait-il que les soldats qu'il enrôlait & qui recevaient sur cela l'avance de la solde, jetassent un grain en la braise (dans le feu) qui était sur l'autel, & honorent ainsi les Dieux.
Sur quoi s'ensuivit un fait merveilleux. Car certains soldats Chrétiens ayant fait cela inconsidérément, après y avoir pensé de plus près, coururent vers l'Empereur, jetant l'argent déjà reçu, & criant qu'ils étaient chrétiens, & qu'ils voulaient mourir chrétiens. Qu'ils n'avaient point pensé à ce qu'ils avaient fait, & qu'ils avaient grandement péché, à cause de quoi, ils se présentaient là en personne pour porter la peine de la faute que la main avait commise.
L'Empereur commanda qu'ils fussent décapités, & comme on les menait pour exécuter la sentence, changeant d'opinion il leur donna la vie. Il fit néanmoins une ordonnance que pour l'avenir les chrétiens ne seraient plus employés aux charges de la guerre, ni aux états de la cour & de justice ni à aucun autre office & dignité.

Partout dans l'empire plusieurs chrétiens furent outragés, injuriés, tourmentés, & misérablement mis à mort. Du nombre desquels fut l'excellent & ancien serviteur de Christ Marc, Évêque d'Arethuse qui avait aidé autrefois à détruire le temple des idoles qui était en Arethuse. Pour cette raison Julien le haïssait, & conseilla aux citoyens qu'ils sollicitaient d'obliger Marc à réédifier ce temple-là.
Ce qui lui étant impossible, ils requirent de lui qu'il payât sa part de la dépense. Il leur répondit qu'il ne leur baillerait pas une maille (petite monnaie); à cause de quoi il fut cruellement mis à mort après plusieurs tourments.

Aussi furent mis à mort les excellents serviteurs de Christ, Grégoire d'Alexandrie, Eusèbe, Nestorius, Zenon, Basile d'Ancyre, & Cyrille, Diacre de l'Église de Jérusalem.

Dans la ville d'Heliopolis furent menées beaucoup d'honnêtes vierges au théâtre, non seulement toutes nues, mais aussi elles furent fendues remplies d'avoine & d'orge, puis jetées devant les pourceaux, pour être déchirées.

Il y avait en Méroé, ville de Phrygie, trois honnêtes citoyens, Macedonius, Theodulus & Tatianus, lesquels allèrent de nuit au temple des idoles, qui avait été fermé jusques alors, & avait été ouvert le jour de devant par le juge de la ville, afin qu'on y sacrifiât & jetèrent par terre les idoles & les rompirent.

Comme le gouverneur de la ville, Amatus, prenait (faisait) prisonniers plusieurs autres Chrétiens & les tourmentait pour savoir qui avait brisé les dieux, ces trois se présentèrent devant lui, & dirent qu'il ne tourmentât plus personne à cause des idoles qui avaient été rompues, car c'étaient eux qui avaient fait cela; à cause de quoi, ils surent rôtis & brûlés à petit feu.

Arthémius, gouverneur en Égypte, ayant persévéré constamment dans la religion Chrétienne, il fut privé de tous ses biens, & finalement décapité, comme aussi plusieurs autres gens de bien.
Si quelqu'un désire avoir plus ample connaissance de ces choses, qu'il lise le sixième livre de l'histoire Tripartite (4), ensemble l'histoire Ecclésiastique de Rufin, de Théodoret, Évêque de Cyr, & de Sozomène.

Julien, pour faire dépît aux Chrétiens (les faire se fâcher), lesquels il ne pouvait contraindre d'accepter la religion des païens, permit aux pauvres & misérables Juifs de s'assembler dans Jérusalem, & de bâtir le temple, & d'y sacrifier, leur promettant son aide.
S'étant assemblés, en grand nombre, de tous côtés, & ayant apprêté tout ce qui était nécessaire pour cet édifice, & dressé les loges pour pouvoir travailler, ayant aussi fait une partie du fondement, & étant tous prêts de bâtir dessus, voici venir un tremblement de terre, lequel ébranla & fit ouvrir les fondements, dont sortit un feu épouvantable. Il survînt aussi un fort grand orage, lequel jeta par terre les loges & tout ce qu'ils avaient dressé & tua une grande multitude des Juifs. Il y eut aussi une boule de feu, laquelle allant çà & là le jour suivant, & fit grand dommage.

Cyrille, Évêque de Jérusalem, avait toujours, avec une confiance admirable, prédit aux Juifs & Gentils, qui usaient de grandes menaces & insolences contre les Chrétiens, qu'ils ne bâtiraient jamais le temple, ni ne sacrifieraient, ainsi qu'il en est fait mention en la prophétie de Daniel & en l'Évangile. Et tant plus ils s'étaient moqués du serviteur de Jésus Christ, devant cette destruction, plus furent-ils humiliés & confus, après ces grandes merveilles de Dieu.

Quoique les Chrétiens eussent quelques trêves & relâches après que Julien fut misérablement tué en Perse l'an de Christ 367. cela ne fut pas de longue durée. Car Valens & son frère Valentinien étant parvenus à l'empire, Valens fut incontinent séduit par la fausse & méchante doctrine des Ariens; mais Valentinien demeura constant en la foi Chrétienne.

Valens commença à persécuter les vrais fidèles, l'an de Christ 371. & s'efforça de les contraindre à recevoir la méchante & réprouvée doctrines des Ariens; mais l'Église s'y opposa courageusement. Il déchassa (expulsa) de tous côtés hors de leurs Églises les fidèles & bons Évêques, Pasteurs & Docteurs. Il en tourmenta aussi plusieurs, les faisant mourir finalement.

Or étant fort grande la persécution partout, & n'ayant les Ministres des Églises ni autres fidèles aucune place sûre, mais étant partout malmenés, pillés, déchassés (expulsés), & massacrés, les Églises se résolurent d'envoyer une ambassade à l'Empereur, pour se plaindre & lui demander aide, secours & protection.

Ils envoyèrent donc 80. Ambassadeurs des principaux, afin qu'ils eussent plus d'apparence. S’étant présentés devant l'Empereur à Nicomédie, & proposant ce qu'ils avaient en charge, en forme de supplication, l'Empereur fut troublé en soi-même, sans en faire aucun semblant, & appela secrètement un sien serviteur Modestus, auquel il donna charge de massacrer tous ces ambassadeurs tous ensemble.
Mais craignant, s'ils les eussent fait mourir ouvertement, que le peuple ne se fût mutiné, ils les mirent tous en un navire, faisant semblant de les envoyer en exil. Les mariniers étant venus en haute mer mirent le feu au navire, & se sauvèrent en un esquif, & et ainsi brûlèrent le navire & ces 80. serviteurs de Dieu. Lequel acte méchant & cruel contrista grandement toute l'Église.
Qui désire avoir plus d'exemples de ce cruel massacre des Chrétiens, il en trouvera au 7. liv. de l'hist. Trip. & au 4 livre de Socr. & de Théodoret.

J'omets ici la persécution d'Athanarich (ou d'Athalarich comme les autres l'appellent) Roi des Goths. Il persécuta aussi les Chrétiens l'an 373. & en tua quelques-uns, & déchassa (explusa) les autres hors de son pays. Mais comme plusieurs de ceux qui furent persécutés étaient Ariens: voilà pourquoi cette persécution ne doit être nullement mise au nombre de celles des Orthodoxes & vrais Chrétiens.
Au contraire, l'Église Chrétienne n'a guère eu de plus cruels ennemis que ces hérétiques Ariens, lesquels étant en vogue après la mort de Constantin, par leurs blasphèmes ils conjoignirent (se joignirent à) la violence contre les fidèles, il en faut dire quelque mot.

ARIUS, homme ambitieux, ayant combattu la Déité de Jésus Christ, eut une très malheureuse fin. Néanmoins, ses adhérents continuèrent & les choses passèrent comme le discours suivant le montre.
Constantin deux ans avant sa mort, par les persuasions de sa soeur Constantia, rappela d'exil l'hérétique Arius, & bannit Athanase.

Ce changement de volonté en un si grand Prince ralluma les discordes Ariennes: car après le bannissement d'Athanase, Arius revint en Alexandrie &, comme s'il eût tout gagné, fortifia son parti, tellement que plusieurs Évêques, qui n'avaient osé dire mot auparavant, commencèrent tout ouvertement à maintenir ses erreurs, spécialement après la mort de Constantin. Or Athanase se tint caché l'espace de deux ans & quatre mois chez Maximin Evêque de Trèves.
Constantin, fils aîné de Constantin le grand, Prince magnanime, & seigneur des Gaules, suivant le testament de son père, fit tant qu'Athanase retourna en Alexandrie.
Arius était mort & Constantius qui était encore jeune, ne soutenait pas ouvertement les Ariens, quoique quelques Évêques de cette secte eussent grand accès à lui.

ATHANASE , ayant été reçu, gouverna son Église l'espace de trois ans. Cependant par les menées d'Eusèbe Evêque de Nicomédie & de quelques autres, Constantius, devenu grand ennemi des vrais Chrétiens, chassa de Constantinople l'Évêque nommé Paul, & Athanase d'Alexandrie, où un certain nommé George vint à main armée pour y être Évêque.

Athanase fut contraint de se cacher plus étroitement que jamais: &, parce que ses ennemis le cherchaient de toutes parts pour le faire mourir, il se retira vitement à Rome, où lui & Paul Evêque de Constantinople demeurèrent quelque temps chez l'Évêque, Jules. Puis ils s'en vont trouver l'Empereur Constant qui était paisible possesseur de tout l'Occident.
Les affaires furent tellement sollicitées en sa cour que finalement, du consentement des deux frères Constant & Constantius, un concile fut assigné lequel on tint en une ville d'Illyrie nommée Sardes dix ans après la mort de Constantin le grand, l'an de Christ 351.
Deux cent cinquante Évêques s'y trouvèrent, entre autres Athanase & Hosius, Évêque de Cordube (5), lequel (comme le porte l'Épître Synodale) était fort âgé, & honorable, pour s'être toujours montré confiant à confesser la vérité parmi beaucoup d'afflictions.

Ce concile déclara qu'il embrassait la doctrine contenue au Symbole de Nicée, & condamna tous ceux qui y contredisaient. Ce décret est inséré dans l'histoire Ecclésiastique de Théodoret, où il est dit entre autres choses:
Que le Père n'est point sans le Fils; que le Fils n'a été engendré, ni ne peut être sans le Père.

Or ce siècle là fut si calamiteux , qu'au même temps l'on tint un Concile tout contraire à celui de Sardes en une ville de Thrace nommée Philippopoli: ce qui advînt à cause qu'il y avait plusieurs Empereurs, au lieu (alors) que du temps du Concile de Nicée, Constantin était seul maître.
Constantius était jeune, & ses flatteurs le gâtaient. Aussi tels malheurs & troubles en l'Église procèdent de ceux qui manient les Princes à leur plaisir.

Quatre ans après fut tenu un autre Concile à Smyrne (où Constantius assista) contraire au Concile de Sardes.
Ici faut-il considérer de combien de maux l'Église était pressée parmi tant de conciles contraires les uns aux autres: car mêmes après celui de Sardes, on en a tenu six autres qui ont falsifié le symbole de Nicée, a savoir le Concile de Smyrne, de Rimini, de Milan, de Séleucie, de Constantinople & d'Antioche: desquels je dirai quelque chose davantage ci-après, afin que l'on considère les calamités de l'Église.
Mais premièrement, il faut achever sommairement l'histoire d'Athanase.

Après le Concile de Sardes, l'Empereur Constant requit son frère Constantius de rétablir Athanase en son Église d'Alexandrie & déclara tout haut qu'il l'y ramènerait, si son frère ne voulait le réintégrer. Combien que l'affaire fût tirée en longueur par subtil moyen, en fin toutefois les amis de Constantius, ayant peur des troubles, lui conseillèrent d'accorder le rétablissement d'Athanase, plutôt que d'attirer une guerre civile.
Finalement donc Constantius permit à Athanase de retourner en son Église: mais quelque temps après Constant mourut, & Athanase fut chassé derechef hors d'Alexandrie, d'autant (ce disait Constantius) qu'il avait persuadé Constant de faire la guerre. Ainsi donc, Athanase fut banni, & demeura caché en Libye l'espace de six ans jusques à la mort de Constantius.

D'un autre côté, l'Évêque George commit de grandes cruautés en Alexandrie. Il fit conduire des jeunes filles ... près d'un feu ardent, & les menaça de les faire jeter dedans, si elles ne promettaient solennellement de quitter la doctrine d'Athanase.

Du temps de Julien, Athanase retourna & depuis, quoique Julien eût commandé qu'on le fît mourir, il demeura néanmoins en son Église d'Alexandrie jusqu'à l'an septième de Valentinien.
Depuis qu'il commença à gouverner cette Église jusques à sa mort l'on compte quarante-six ans. Le cours de sa vie montre combien il a vu de maux dans l'Église, & quelles traverses il a eues, dont toutefois le Seigneur l'a délivré.
Or outre les maux faits à Athanase, excellent serviteur de Dieu, ils n'épargnèrent pas les autres Orthodoxes & vrais Chrétiens. Car ils firent reléguer Paul, Évêque ou pasteur de l'Église de Constantinople, en Cappadoce, où il fut étranglé tôt après Marcellus, Évêque d'Ancyre (Ankara), fut banni.

Lucius, Pasteur de l'Église d'Adrianopoli, mourut chargé de fers en prison. Ne pouvant attraper Athanase, ils firent tuer Théodulus & Olympius, Évêques au pays de Thrace.

Macédonius fauteur (partisan) des Ariens, établit à Constantinople en la place de Paul, la persécution s'alluma contre les vrais fidèles dont les uns furent chassés des temples, les autres contraints d'avouer pour bonne l'hérésie d'Arius, avec la même violence dont avaient usé auparavant les manifestes persécuteurs de l'Église.
On fouettait les uns si rudement qu'ils en mourraient; les autres étaient chassés, privés de leurs biens & privilèges, flétris d'un fer chaud au front, torturés, exécutés de mort honteuse; les autres mourraient de misère & de pauvreté en exil.

Tout l'Orient fut ainsi travaillé par ces faux Chrétiens dans toutes les Provinces de l'Empire, surtout à Constantinople, où deux des domestiques de l'Évêque Paul, nommés Martyrius & Marcian, accusés par des faux témoins, l'un Sous-diacre, l'autre Lecteur en l'Église, furent mis à mort.


L'EMPEREUR Constantius, requis par Macédonius, permit à ce faux Évêque de faire des temples des Chrétiens tout ce que bon lui semblerait: au moyen de quoi ce Macédonius, suivi d'une troupe de gens armés, ruina tous les temples des fidèles qu'on appelait lors Homousians.
Il fit alors de terribles ravages, & se rua sur les pierres vives aussi, n'épargnant ni hommes ni femmes, mais leur faisant sentir ses cruautés en infinies sortes, & il ne cessa qu'il n'eût efmeu (fomenter une) sédition à Constantinople, où grand nombre de gens furent tués.

Entre les persécuteurs des Chrétiens, surnommez Homousians, c'est-à-dire Consubstantiels (parce qu'ils soutenaient, ce qui est vrai, que Jésus Christ en sa nature divine est de même substance, c'est à dire vrai Dieu comme le Père,) il y avait un colonel Manichéen, homme cruel entre tous autres, nommé Sébastien, lequel commandait aux bandes des massacreurs. Ce dernier écrivit aux gouverneurs des villes & aux capitaines des places qu'ils courussent sus aux fidèles Pasteurs, & baillaissent (louent) les temples aux hérétiques.
Il fut bien obéi: car on envoya en exil les plus anciens ministres de l'Église, comme Ammonius, Maïs, Pfenosiris, Ilammon, Plenes, Marc, Athénodore, Dracontius, PhiIon & d'autres mentionnés dans l'Épître qu'Athanase écrit aux frères demeurant dans les solitudes & déserts.
On n'eut ni pitié, ni compassion quelconque de ceux qui étaient malades & valétudinaires (de santé chancelante): seulement on les chargeait sur des chariots, suivis de gens pour enterrer ceux qui mourraient par les chemins.

Si quelques particuliers, touchés d'humanité, faisaient quelque bien aux pauvres veuves & enfants orphelins des Chrétiens, on les tirait incontinent comme coupables en justice, où ils étaient condamnés, battus & traités cruellement, en présence de ce Sébastien qui y prenait un singulier plaisir, selon la coutume des gens de sa sorte, entre lesquels miséricorde & douceur sont estimées vices.
Il maintint aussi les horribles saccagements commis ailleurs à l'endroit des fidèles, dont il faut dire quelque chose qui se rapporte naïvement aux cruautés commises depuis par l'Antéchrist Romain & ses adhérents, parés de beaux titres, à l'ombre desquels ils ont plus exercé de cruautés contre l'Église Chrétienne que tous les Païens.

ATHANASE, ayant été averti que Constantius le faisait chercher pour lui ôter la vie, se retira d'Alexandrie en lieu de sûreté. En son lieu fut envoyé un nommé George de Cappadoce, lequel, entré en cette Église-là, amassa des troupes de Païens, de Juifs & autres méchants garnements (mauvais sujets), armés de glaives & bâtons, lesquels il envoya courir sus aux fidèles assemblés pour ouïr (entendre) la parole de Dieu.

Les lieux où se faisaient les assemblées furent brûlés. Toute la ville commence à se désoler & se lamenter. Les habitants demandent justice au gouverneur, parce que les jeunes filles étaient dépouillées & violées, voire tuées si elles résistaient.
Les fidèles étaient foulés aux pieds, décapités, dagués (poignardés), assommés, & ceux qui pouvaient se sauver avaient été grièvement blessés en quelque partie de leurs corps.
Les Païens sacrifièrent à leurs idoles sur la table du Seigneur, blasphémant & dépitant notre Seigneur Jésus Christ, Fils du Dieu vivant, faisant des insolences & des contenances si vilaines que ce serait une honte de les dire.
D'autres aussi méchants traînaient les jeunes filles, & les contraignaient d'abjurer la Religion, foulant aux pieds & hachant en pièces celles qui n'y voulaient entendre.

George, joyeux d'une si belle entrée, donna le bien des fidèles en proie à ses massacreurs, lesquels, se voyant ainsi les armes en main, commirent tous les brigandages que l'on saurait penser pillant entièrement les maisons, buvant le vin des caves, répandant le reste, emportant portes, fenêtres & treillis, allumant à leurs idoles les chandelles de cire dont les Chrétiens se servaient en leurs assemblées faites parfois de nuit.

Cela n'émouvait point les Ariens, au contraire ils s'aigrissaient tant plus contre les Chrétiens: tellement que vous eussiez vu les Pasteurs & anciens de l'Église, & les autres fidèles de tous états, voire les jeunes filles, être tirés en justice, traînez en prison, puis adjugez au fisc, ou fouettés, ou privés de leurs commodités; spécialement on ôtait les pensions & vivres à ceux qui servaient à l'Église.

D'un autre côté ce vénérable George criait en chaire à gorge déployée contre les Chrétiens, & se déborda si avant, que la veille de Pâques, étant entré dans un certain temple avec un capitaine des Païens, il lui fit empoigner trente-quatre jeunes filles, quelques hommes & femmes de qualité, puis les fit fouetter cruellement, & jeter puis après en étroite prison.
Entre autres actes, il fit cruellement fouetter une jeune fille, laquelle portait un livre de Psaumes entre ses mains. Les bourreaux lui ayant arraché son livre, & déchiré son corps à coup de verges, la jetèrent & confinèrent (l'enfermèrent) en une fosse.

La semaine d'après Pâques, il fit encore pis, ajoutant, à de nouveaux emprisonnements un plus grand nombre de personnes, les pillages des maisons de plusieurs Chrétiens.

En la semaine d'après la Pentecôte, comme le peuple s'était assemblé au Cimetière, ne voulant entrer au temple où ce faux Évêque prêchait, ni communier avec lui, ce méchant suscite ce colonel Sébastien, duquel il a été parlé ci-dessus, lequel sans délai assemblant une troupe d'aussi gens de bien que lui, se rue sur les fidèles qui priaient Dieu, & à coups de traits, de javelines & d'épées fait un horrible carnage & amène des jeunes filles nues près d'un feu, au milieu de la ville, & leur commande d'abjurer la vraie religion.
Mais d'autant qu'elles n'en voulurent rien faire, il les fit tant souffleter, que leurs propres parents & amis ne les pouvaient reconnaître longtemps après.
Il fit mourir à coup de verges près de quarante hommes, & relégua en une île tous les autres qu'il put attraper, ne voulant permettre qu'on enterrât les corps des occis, mais les fit cacher & garder sans sépulture.
Athanase en l'Apologie de sa suite, Socrate & Théodoret en leurs histoires Ecclésiastiques, font mention de ces choses.

Cependant les Ariens obtiennent de l'Empereur qu'on tiendrait un Concile à Milan pour condamner Athanase & les Orthodoxes, c'est-à-dire ceux qui tenaient la pure doctrine.
Quelques Évêques d'Occident venus là en bon nombre, après avoir découvert la fraude des hérétiques, ne voulurent consentir ni se trouver avec eux, & mêmes firent une vive censure à l'Empereur Constantius qui s'y était trouvé, au moyen de quoi ils furent relégués.

Entre autres fidèles ministres de l'Église, qui se portèrent courageusement, étaient Paulin & Hilaire Évêques en France, Osius, Évêque Espagnol, & Libérius, Évêque de Rome, qui résistèrent formellement aux Ariens & à l'Empereur lequel voulait qu'ils soulignassent la condamnation d'Athanase.

LES Ariens continuèrent depuis leurs hérésies & blasphèmes, jusqu'à ce que Dieu ayant exterminé la plupart d'eux par des supplices horribles, leur impiété engendra Mahomet, Antéchrist d'Orient, qui a ruiné toute les Églises cimentées & bâties par le sang de tant de milliers de martyrs en diverses provinces de cette grande partie du Monde.

Avant de traiter de Mahomet & des maux qu'il a faits à l'Église de Dieu, ajoutons quelque mot des diverses persécutions des fidèles sous autres seigneurs que les Empereurs Romains.

Environ trois cent dix ans après la nativité de Jésus Christ, Sapores, neuvième Roi de Perses, incité par les Mages & les Juifs firent une cruelle persécution contre les Chrétiens, récitée (racontée) par Sozomène au 2. livre chap. 8. 9. &c. durant laquelle furent mises à mort de façon cruelle seize mille personnes, hommes & femmes, de tous âges, états & qualités, ainsi que plusieurs de la Cour du Roi, & un grand nombre d'Évêques.

Théodoret, au 1. liv. chap. 24. Sozomène au 7. liv. chap. 21. & Eusèbe au 4. livre de la vie de Constantin disent que l'Empereur Constantin intercéda pour les fidèles envers ce Roi, & mêmes Eusèbe produit une copie des lettres de Constantin , mais pas un d'eux ne déclara ce qui en advînt.

Du temps de l'Empereur Théodose, Isdigerdes, Roi de Perse, persécuta aussi l'Église Chrétienne à l'occasion qui s'ensuit.
Un Évêque, nommé Audas, doué de grandes grâces, plein de zèle à la gloire de Dieu, démolit un temple de Vesta. Le Roi appelle cet Évêque; l'ayant tancé doucement lui commanda de rebâtir ce temple.

Audas ayant répondu qu'il n'en ferait rien, le Roi jure qu'il ruinerait tous les temples des Chrétiens, ce qui fut exécuté, Audas ayant été massacré premièrement, cette persécution commencée ainsi dura l'espace de trente ans. Car après la mort d'Isdigerdes son fils Gororanes continua, & venant à décéder il enjoignit son successeur à faire de même.

«On ne saurait exprimer (dit Théodoret au cinquième livre chapitre 39.) les tourments que les Chrétiens endurèrent, car on écorchait les mains aux uns, le dos, la tête aux autres. D'autres étaient mis à nu, couverts de roseaux tranchants, puis on les serrait si fort avec des cordes, que ces roseaux entraient bien avant (profondément) dans la chair, lesquels étaient rudement retirés peu après par les bourreaux pour augmenter les douleurs.

On en enfermait d'autres dans des basses fosses, y amassant une fourmilière de Loirs (Sorte de petit animal semblable à un Rat), qui n'ayant aucune nourriture, mangeaient les corps vivants des fidèles, liés si étroitement partout le corps qu'ils ne pouvaient chasser ces animaux qui les dévoraient.
Cependant, les fidèles au lieu de perdre courage, se fortifiaient de jour en jour, & mêmes se présentaient au martyre.»

Parmi tant de Martyrs exécutés à mort dans un si long espace d'années, sont mémorables Hormisda, Seigneur Persan , de grand crédit en la Cour du Roi, un autre vaillant Seigneur nommé Saenes, & autres que la noblesse ni leurs services ne purent garantir (les protéger) de la rage des persécuteurs.

SUR ce, quelques Chrétiens Perses se retirèrent vers quelques Romains habitant en Perse. D'autre côté par l'intercession d'Atticus, Évêque de Constantinople (lequel s'employa soigneusement en cette affaire) ils obtinrent la promesse du secours de l'Empereur Théodose, lequel tout soudain, laissant toutes autres choses en arrière, pensa aux moyens de redonner la paix aux Églises.
D'autre part, le Roi de Perse, ayant dépêché quelques ambassadeurs vers les Romains redemandant ses sujets qui s'y étaient retirés, les Romains refusèrent de les rendre & se présentèrent tous de grand courage, disant qu'ils endureraient tout ce que le Tyran leur pourrait faire souffrir, plutôt que de livrer leurs frères & compagnons de religion entre les mains des bourreaux.

Les Perses, indignés de telle réponse, constituèrent prisonniers tous les Romains qu'ils purent attraper, les condamnent aux métaux (Aux travaux des mines), pillent leurs biens & marchandises contre les traités & alliances des Princes. Alors Théodose commença une guerre ouverte pour la défense de ses sujets & pour délivrer les Églises de Perse. Après quelques batailles où les Perses furent entièrement défaits, Théodose, désirant que les Églises reprennent haleine, offrit des conditions de paix à ceux qu'il avait vaincus, lesquels s'étant finalement rangés à composition, les fidèles eurent du repos en ces quartiers-là: tandis que les Ariens continuaient dans leurs insolences & cruautés partout où ils étaient les maîtres, spécialement en Afrique par le moyen des Vandales, dont un ancien historien nommé Vidor, Évêque d'Urique (6), qui était de ce temps, a écrit plusieurs livres contenant une infinité de cruautés exercées contre les pasteurs & brebis de l'Église Chrétienne, dont voici le sommaire:

Les Vandales s'étant emparés de l'Afrique, d'où ils chassèrent les Romains, & y ayant bonne paix partout dans l'Empire, l'an de Christ 443. Genserich, Roi des Vandales, seigneur d'Afrique, lequel était Arien comme Constantius & Valens, s'efforça de contraindre les Chrétiens à suivre la doctrine des Ariens, à tel point qu'il commença une cruelle boucherie en massacrant des vrais fidèles.

Il ferma leurs temples, pilla les Pasteurs & en fit mourir quelques-uns de faim. Bref, il n'obmit (n'oublia) aucune sorte des tourments dont avaient usé devant lui Dioclétien & Maximien contre les Chrétiens, si ce n'est qu'il ne put, avec ces grands tourments que faire se révolter les fidèles.

Honorich, successeur au Royaume & tyrannie de son père Genserich, l'an de Christ 476. affligea aussi en toute cruauté les vrais Chrétiens à cause de la Religion.

Après Honorich fut fait Roi Gondamond l'an 484. il persécuta aussi les Chrétiens, comme ses prédécesseurs avaient fait; autant en fit le Roi Trasimond , lequel l'an de Christ 503. envoya en exil en l'île de Sardaigne, 220. Évêques en un coup.
Mais ceux-là mêmes furent rappelés d'exil à leurs charges l'an 523. par le Roi Gilderich fils de Trasimond. C'était un excellent Prince, & un bon Chrétien; mais il fut méchamment pris, mis en prison, & là détenu misérablement par Gilimer, l'an 530.

Gilimer néanmoins ne tint pas long temps le royaume, car il en fut déjeté par Bellisaire, ainsi que Procope l'écrit (7), & avec lui prît fin le Royaume des Vandales, l'an de Christ 535. C'est ainsi cette persécution des Vandales, en Afrique, dura 80. ans, & emporta plusieurs milliers d'enfants de Dieu qui persévérèrent tous constamment, au milieu de divers supplices, en l'invocation du Nom du Fils de Dieu.


Table des matières


1) Othon, évêque de Freisingen (1109-1158), a composé une Chronique depuis Adam jusqu'en l'an 1146.

2) Abbaye près d'Augsbourg en Bavière.

3) Évêque de Thmuis, en Égypte, martyrisé vers 509 à Alexandrie. A écrit une Lettre pastorale conservée par Eusèbe.

4) Histoire qui est l'abrégé de celles d'Eusèbe, de Socrate et de Sozomène. 

5) Cordoue, Corduba.

6) Victor, évêque d'Urique (lisez de Vite en Bizacène), a écrit l'Histoire de la persécution vandale ou africaine sous Genseric et Hunnéric.

7) Procope, historien grec de Césarée, en Palestine, mort vers 565. On lui doit une Histoire de son temps.

 

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