Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TOUTES CONSOLATIONS

2 Cor. 1, 1-11

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Paul, apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et le frère Timothée, à l'Eglise de Dieu, qui est à Corinthe, avec tous les saints qui sont dans toute l'Achaïe. Grâce vous soit, et paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ!


Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des compassions et Dieu de toute consolation qui nous console dans toute notre angoisse, afin que nous puissions consoler ceux qui sont en toute angoisse, par le moyen de la consolation dont nous sommes consolés nous-mêmes par Dieu. Parce que, comme surabondent à notre égard les souffrances du Christ, ainsi par le Christ surabonde aussi notre consolation. Mais, soit que nous soyons mis dans l'angoisse, c'est à cause (en vue) de votre consolation et de votre salut ; soit que nous soyons consolés, c'est à cause (en vue) de votre consolation, laquelle agit fortement, en vous faisant supporter les mêmes souffrances que nous souffrons aussi nous-mêmes, et notre espérance à votre sujet est solide, sachant que, comme vous êtes participants des souffrances, de même l'êtes-vous aussi de la consolation (1). Nous ne voulons pas en effet, frères, que vous soyez ignorants de notre angoisse qui nous est survenue en Asie, savoir que d'une façon excessive, au delà de notre pouvoir, nous avons été accablés, en sorte que nous. désespérions de vivre, mais nous en nous-mêmes nous avons possédé sentence de mort, afin que nous eussions confiance non pas en nous, mais au Dieu qui ressuscite les morts. C'est lui qui nous a délivrés et nous délivrera d'une pareille mort, lui en qui nous espérons qu'il nous délivrera encore, vous aussi contribuant avec lui en notre faveur par votre prière, afin que le don parvenu jusqu'à nous de la part de plusieurs devienne la cause, par plusieurs, d'actions de grâces à notre sujet.

Au moment où Paul prend la plume, il n'a plus auprès de lui Sosthène, qui l'assistait dans la rédaction de la première Epître. Timothée en revanche, de retour de sa mission, se trouve à ses côtés. Observons en outre que l'auteur ne s'adresse plus seulement au troupeau de Corinthe, mais encore « à tous les saints qui sont dans toute l'Achaïe. » D'emblée son cercle de lecteurs s'étend. Et parmi ces chrétiens disséminés à travers l'Achaïe, nous pouvons surprendre au moins les débuts d'une Eglise à Cenchrées (1a). Suivant son 'habitude invariable, l'apôtre souhaite à tous ces croyants « grâce et paix de la part de Dieu », et il se hâte, avant d'aborder aucun autre sujet, de témoigner à ce Dieu sa reconnaissance.

Mais comment le nomme-t-il? Sous quel aspect particulier veut-il, en ce moment, le présenter aux Corinthiens ? Il l'appelle le Dieu des compassions; bien plus : le Dieu de toute consolation qui console dans toute affliction. Cette pensée, naturellement amenée par les nouvelles que Tite lui apporte, occupe si complètement son coeur et son esprit que, dans le court espace de six versets, il n'emploie pas moins de dix fois les termes « consoler » ou « consolation ».

En êtes-vous surpris, mes amis ? N'allez-vous pas plutôt vous en réjouir à votre tour et en rendre grâce ? Consoler ! Mais, à le bien prendre, c'est une merveille, un miracle. Un Dieu qui console s'imposera bien vite par dessus tous les dieux comme le seul véritable. Une religion qui console dépassera toutes les autres et les effacera. Beaucoup de païens ont essayé de consoler les affligés. Cicéron, Sénèque, Plutarque ont écrit sur la consolation des pages fort belles. Le dernier de ces auteurs, par exemple, le biographe des grands hommes de l'antiquité, envoie un jour à sa femme Timoxène une lettre émue, pour la consoler de la mort d'une fille chérie, décédée pendant une absence de son père. Qu'a-t-il trouvé pour panser cette plaie saignante? D'abord des considérations sur la faveur du ciel, manifestée à la chère enfant; car elle a quitté sans regret une vie dont elle n'avait pas même entrevu tous les avantages et dont, par conséquent, elle avait à peine connu les douleurs. Ensuite des félicitations. Oui, Plutarque félicite son épouse de l'attitude calme et digne qu'elle a su conserver dans son deuil. Il ajoute qu'elle ne saurait trop y persévérer.... Parents qui pleurez auprès d'un berceau vide, est-ce que cette consolation-là vous console ?

Non, vraiment, la philosophie, même supérieure et transcendante, ne suffit pas pour consoler. Les arts non plus ; l'étude et le travail pas davantage. Ils peuvent distraire ; mais distraire n'est pas consoler. Oubliée un instant, la souffrance reparaît plus intense, plus cuisante, accrue de nouvelles déceptions. Seul le Dieu de l'Evangile console, et non pas seulement de quelques douleurs, mais de toutes les afflictions.

Oui, de toutes; et il y en a beaucoup. Deuils avoués, connus, desquels on peut parler sans en être trop déchirés, et deuils cachés, enfouis, gardés d'une main jalouse qui n'en veut rien laisser paraître, mais n'empêche pas pourtant qu'on en surprenne parfois les sanglots. Deuils causés par la mort ; deuils bien autrement pénibles amenés par l'inconduite. Deuils des illusions perdues, des espérances trompées, des amitiés déçues. Coeurs brisés, de ces brisements que rien ne pouvait prévoir ni prévenir, que rien non plus ne peut réparer ... rien! si ce n'est la consolation de Dieu, la main qui bande sans meurtrir, la. voix qui apaise sans amollir, et encore les larmes mêmes de celui dont il est écrit : « Et Jésus pleura. »

Dites : N'est-ce pas vrai que Dieu console ? Ne vous a-t-il jamais consolés? Abandonnés à ses soins, ne sentiez-vous pas votre peine moins lourde ? Le désespoir, un instant entrevu, ne se retirait-il pas bien loin de vous ? Vous pouviez regarder l'avenir sans trembler. Vous cessiez de vous imaginer que tout était perdu.... En vérité, il vous consolait dans toutes vos afflictions.

Seulement, ne l'oubliez pas : Il veut plus encore. Ce n'est pas dans le seul but de vous consoler qu'il vous a envoyé ses consolations. C'est afin de vous donner les moyens de consoler les autres. Relisez le verset quatrième de notre chapitre et ne vous. offusquez point de la redondance intentionnelle des expressions : « Afin que par la consolation dont nous sommes consolés nous-mêmes par Dieu, nous puissions consoler ceux qui sont en toute espèce d'affliction.» Voilà qui est clair. Au sein de votre douleur dont il porte avec vous le poids, tout en l'adoucissant admirablement, il entend vous inculquer la grande loi de la solidarité. Ou dit que la tristesse est facilement égoïste. Hélas! La consolation l'est aussi. Il y a des âmes qui pleuraient hier, dont les larmes, aujourd'hui, sont séchées, et qui voient avec insouciance couler celles d'autrui. Vous, mes bien chers amis, ce n'est pas pour cela que Dieu vous avait consolés. Allez plutôt, vous qui avez goûté quelque chose des consolations de Dieu, allez vers ceux qui n'en connaissent rien encore, vers les Rachels qui refusent d'être consolées parce que leurs bien-aimés ne sont plus. Allez aussi vers ceux qui tâchent de noyer leur angoisse dans une indifférence plus ou moins bien jouée, affectant de croire ou de laisser croire que tout passera sur leur coeur sans y marquer d'empreinte. Ceux-là, voyez-vous, sont d'autant plus malheureux qu'ils ne veulent pas le dire. Si vous essayez de les consoler, ils commenceront par vous renvoyer bien loin. Raison de plus pour leur apporter un peu de ce que vous avez reçu du Dieu des consolations. Pour commencer, vous ne leur parlerez peut-être pas beaucoup ; ce n'est pas toujours la parole qui importe le plus. Mais vous leur montrerez ce spectacle, admirable entre tous, et vraiment digne des anges : une douleur consolée; une âme qui a souffert, qui, probablement, souffre encore, mais qui ne murmure pas, qui ne désespère pas, et qui laisse briller à travers ses pleurs les rayons de la foi ; une âme aussi qui se rappelle, qui n'oublie pas les bienfaits reçus, se plaît à les énumérer en face de ses privations et trouve dans ces souvenirs, anciens ou récents, un puissant motif de louer son Dieu.

Vous l'aurez pourtant remarqué : au moment même où l'apôtre semble triompher de ses épreuves par les consolations reçues, il revient sur ses souffrances comme s'il les voyait se dresser devant lui, plus graves que jamais. C'est vrai. Seulement n'oubliez pas de noter la différence : il les appelle maintenant « des souffrances de Christ. » Il ne s'agit plus des siennes seulement; ou plutôt elles cessent d'avoir à ses yeux un caractère exclusivement personnel. Il souffre pour Christ ; désormais il souffre avec Christ et Christ souffre avec lui. Mystère? Oh! sans doute; mais réalité aussi. Le chrétien ne saurait être consolé autrement. C'est ainsi que Paul l'a été et qu'il le sera jusqu'à la fin. Il connaît un Sauveur qui l'aime assez pour prendre une part de ses douleurs et pour porter le poids le plus lourd de son joug. De là sa déclaration, qui ressemble certes beaucoup plus à une victoire qu'à une défaite : « Comme surabondent jusqu'à nous les souffrances du Christ, ainsi par le Christ surabonde notre consolation » (v. 5). D'où la conclusion toute naturelle, à l'adresse des Corinthiens : « Lors donc que nous sommes angoissés, c'est en vue de votre consolation et de votre salut » (v. 6).

Oui, les souffrances du Christ passent de lui à son disciple, et les souffrances du disciple, déposées par lui sur le coeur du Maître, sont portées par Jésus, afin que le chrétien n'en soit pas écrasé. Echange mystérieux, mais vrai, dont peuvent rendre témoignage des milliers d'âmes consolées. « Lorsque la coupe de la souffrance est remplie jusqu'à déborder, écrit un commentateur de notre épître, alors Dieu remplit aussi jusqu'à la faire déborder la coupe de la consolation (2). »

Dieu veuille élever nos pensées jusqu'à ces hauteurs et les y maintenir! Si l'épreuve ne nous frappe pas ce matin, elle nous attend peut-être pour ce soir, L'apôtre ne sait pas de meilleur réconfort à nous présenter que la pensée d'une épreuve partagée avec le Seigneur Jésus. Il en parle par expérience ; son raisonnement, c'est son histoire. La souffrance du Christ rejeté par son peuple au moment où il lui apportait le salut, lui apparaît comme l'explication tout ensemble et comme la consolation de la sienne propre. Accusé, lui aussi, soupçonné, rejeté par une notable portion du troupeau de Corinthe auquel il apportait l'Evangile, il possède la certitude que son travail n'est pas vain, que les ennemis n'auront pas le dernier mot et que 'ses tristesses mêmes porteront des fruits abondants. Il ne tient point son ministère pour condamné ; bien au contraire. Il le voit sanctifié par la douleur, gagnant à Jésus un nombre d'âmes toujours croissant, consacré tout à nouveau par les dons du Saint-Esprit. Les judaïsants ont beau le calomnier de ville en ville, et d'Eglise en Eglise, il ne cesse point d'entendre l'ordre du Sauveur : Pais mes agneaux ! Il les paîtra tant qu'il lui restera un souffle de vie ; la prédication de l'Evangile ne cessera pas de lui apporter, au milieu de ses tristesses, la consolation la plus efficace.

« Quand l'incrédulité du présent siècle vous afflige, - écrivait déjà Vinet, il y a trois quarts de siècle, - voyez avec reconnaissance les préparatifs imposants du Saint-Esprit. Il glorifie encore une fois les choses faibles de la terre. Voilà qu'au milieu des événements qui préoccupent les yeux de la chair, de plus grands événements se préparent dans le silence et presque dans l'obscurité. L'épée aiguë, la flèche bien polie dont parle le prophète, sont fortes encore dans la main des faibles. Le monde parle peu, ou parle avec dérision de la Parole de Dieu : son admiration est ailleurs ; mais cette Parole, toujours la même, opère après dix-huit siècles les mêmes merveilles qu'à son apparition. Elle a secoué la poussière profane dont notre négligence la couvre, et rejetant sur nous cette poussière en témoignage, elle s'envole du milieu des peuples civilisés vers ceux qui sont méprisés, vers la nation délestée, vers celui qui est esclave de ceux qui dominent.... Telle est l'aurore des beaux jours qui consoleront la terre, quand la plénitude des nations sera entrée dans l'Eglise de Dieu (3). »

Ne pensez-vous pas que Paul fut souvent consolé de la sorte par « le Dieu de toute consolation ? »

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1 Voir l'appendice 1
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1a Comp. Rom. XVI, 1.
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2 Kling, dans Lange's Bibelwerk; II Cor.
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3 A. Vinet, Discours sur quelques sujets religieux. Paris, 1832. - Les consolations du Christ et les consolations du chrétien, p. 369-371.
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