Voici en effet quelle est notre glorification: c'est le témoignage rendu par notre conscience que nous nous sommes conduits dans le monde, mais avant tout vis-à-vis de vous en sainteté et sincérité de Dieu, non en sagesse charnelle, mais en grâce de Dieu. Car nous ne vous écrivons pas d'autres choses que celles que vous lisez et que vous connaissez; mais j'espère que vous les connaîtrez jusqu'au bout, de même que vous nous avez connu, partiellement, parce que nous sommes votre sujet de gloire, ainsi que vous êtes le nôtre, au jour de notre Seigneur Jésus. Animé
de cette confiance, j'ai voulu premièrement aller chez
vous, afin que vous ayez une seconde joie, puis passer
par chez vous pour aller en Macédoine, et, de nouveau,
revenir de Macédoine chez vous, et me faire accompagner
par vous jusqu'en Judée. Ayant donc formé ce projet,
aurions-nous peut-être usé de légèreté ? Ou, ce que je
projette, est-ce que je le projette selon la chair, afin
qu'il y ait chez moi le oui, oui! et le non ! non ? Mais
Dieu est fidèle que notre parole à vous adressée n'est
pas oui et non. Car le Fils de Dieu, Christ Jésus,
annoncé par nous au milieu de vous par moi, par Sylvain
et par Timothée, n'est pas devenu oui et non, mais oui
s'est manifesté en lui. Car tout autant il y a de
promesses de Dieu, en lui est le oui; c'est pourquoi
aussi par Lui est l'amen» à la gloire de Dieu par nous (1)
.
Mais celui qui nous affermit avec vous en vue de Christ
et qui nous a oints, c'est Dieu qui aussi nous a marqués
de son sceau et a déposé dans nos coeurs les arrhes de
l'Esprit.
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Si l'apôtre, dès le début de sa lettre, insiste avec tant de force sur les consolations que Dieu donne, c'est qu'il en éprouve toujours pour lui-même un très grand besoin. Il a passé, il passe encore par des afflictions variées, terribles quelquefois. Il ne peut se défendre d'en rappeler à ses lecteurs une des plus sérieuses, dont une localité de l'Asie Mineure, Ephèse très probablement, fut le théâtre, et qui l'amena aux portes de la mort. Comme Paul ne la désigne pas autrement, nous ne pouvons pas déterminer d'une manière certaine à quel danger il fait allusion. Il ne parait pas impossible d'y voir une indication de l'émeute dite de Démétrius, que nous raconte le chapitre XIXe des Actes et dans laquelle les chrétiens furent très menacés (2). Quelques commentateurs pensent plutôt à une grave maladie jugée, d'abord, sans espérance. Les documents nous manquent pour prononcer. Un fait demeure acquis: Dieu a retiré son serviteur d'un très grand péril. Paul en garde une vive reconnaissance, et il joint à l'expression de ce sentiment celle de sa foi en la fidélité du Seigneur. Dieu continuera de le délivrer dans de nouvelles épreuves. Et, n'oubliant jamais la valeur des intercessions chrétiennes, l'apôtre se plaît à voir dans son salut presque inespéré l'exaucement accordé aux prières des Corinthiens.
Ces souvenirs le ramènent à ceux de ses relations personnelles avec son troupeau. Pour autant qu'il consulte sa conscience, il se reconnaît le droit d'affirmer hardiment que sa conduite dans le monde, et d'une façon toute spéciale dans Corinthe, porta toujours le sceau de la sincérité (V. 12). jamais de sous-entendus, point de réserves mentales, partout une droiture complète. Ceux qui veulent voir ce qui est, et non pas ce qu'ils s'imaginent, ne pourront jamais porter sur lui un autre jugement.
Mais tous veulent-ils voir? Les préjugés et les préventions, les faux rapports facilement accueillis n'ont-ils pas déjà soulevé plus d'un nuage entre le pasteur et ses paroissiens ? Les ennemis de l'apôtre, agissant et causant dans l'ombre, n'ont-ils pas réussi à semer sur ses pas plus d'un soupçon, à prévenir contre lui ceux qui ne demandent, après tout, qu'à secouer sa discipline? N'a-t-on pas colporté de maison en maison des bruits inquiétants? Il manque de fermeté, dit-on, ou, tout au moins, de suite dans ses projets. Un jour, il dit oui; le lendemain, c'est non. Très sévère pour les autres, il s'accorde à lui-même de singulières licences.... Paul n'ignore pas ces attaques. Elles constituent une de ces souffrances pour lesquelles il éprouve un si grand besoin des consolations de Dieu. Elles hantent son esprit, troublent son âme, mais ne le détournent pas un instant du but vers lequel il court. Comme elles reparaîtront presque constamment à travers tout le cours de son épître, examinons dès maintenant de quelle manière il se défend. Pour commencer, il mettra en parallèle ses projets à lui et les promesses du Seigneur.
I. Projets de l'homme.
A quelle inspiration le missionnaire obéissait-il lorsqu'il formait ses plans de voyage?
Ni à des caprices mondains, ni à des désirs personnels. Il se laissait conduire uniquement par le devoir. Séparé des Corinthiens depuis plusieurs mois, il ne se sentait pas moins lié à eux par les plus pressantes obligations. Il devait, il voulait leur apporter quelque, grâce nouvelle (3). De là, son premier projet. Il comptait se rendre à Corinthe, y faire une visite pastorale, partir ensuite pour la Macédoine, redescendre à Corinthe; puis, après un dernier séjour, se faire accompagner jusqu'en Judée par quelques Corinthiens. Mais ce plan, pour des raisons à nous inconnues, n'avait pas pu s'exécuter, du moins pas dans toutes ses parties, car une foule de détails demeurent ignorés.
Les motifs les plus plausibles, les plus légitimes pouvaient expliquer l'échec de ces combinaisons. Mais, n'est-ce pas? vous connaissez un peu le coeur humain. Vous savez que, s'il arrive à un homme en vue, de changer ses plans de voyage, neuf badauds sur dix l'accuseront de manquer de tenue et de ne pas savoir ce qu'il se veut. Et non pas seulement les badauds, mais les journaux aussi, les journaux surtout. C'est exactement ce qui vient de se passer pour notre apôtre, quand même les reporters n'étaient peut-être pas encore inventés. A leur défaut, il y avait les oisifs et les jaloux, et, en lieu et place de la presse, il y avait les ports, les marchés et les jeux de Corinthe, où les langues ne perdaient pas leur temps.... Comment! Comment! Paul n'est pas venu? Paul ne vient pas? Il y a quelque chose de louche là-dessous. C'est un peureux; tout au moins un versatile. Il n'ose plus se présenter chez nous, après la lettre violente qu'il nous a fait tenir. On ne peut pas compter sur sa parole. Il oublie ses engagements, Ses projets à peine formés sont remplacés par d'autres, et les nouveaux ne se réalisent pas mieux que les anciens. Ses promesses sont tour à tour, quelquefois tout ensemble, oui, oui! et non, non! Impossible de se fier à lui....
Vous le voyez. Suivant sa constante habitude, Paul saisit l'adversaire en face et le force à se démasquer. Il ne lui prête rien: il répète ses propres accusations telles que l'écho lui en est parvenu. Puis il répond, avec une émotion contenue qui donne une bien grande force à son apologie. - Voyons: Quand j'ai formé ces projets que vous me jetez à la tête comme des reproches, ai-je vraiment agi avec légèreté? Pouvez-vous le prouver? Etes-vous en mesure de démontrer que ma conduite ne prenait pour règle que les vanités de la chair? Trouvez-vous dans mes plans ou dans mes actes le soin de mes intérêts, la recherche de mes aises, l'amour maladif du changement? Un peu de bonne foi, s'il vous plaît! Si je me laissais conduire par les mobiles que vous supposez, ne comprenez-vous pas que je prendrais de tout autres résolutions? ou bien, ne voulez-vous pas le comprendre? Mes aises? mes intérêts? Vous croyez vraiment qu'ils me ramèneraient dans un milieu où m'attendent à profusion des difficultés et des déceptions? Ephèse, la Macédoine m'offrent des champs de travail bien suffisamment vastes ; je ne demanderais pas mieux que de n'en point sortir. Mais je ne puis pas. Dieu m'envoie chez vous; j'irai. je n'attends qu'une chose: Son ordre de départ et ma feuille de route. Dites-moi, où donc voyez-vous le oui et le non, ainsi qu'il vous plaît de me les prêter ?
Paul le sait bien d'ailleurs: derrière ces accusations s'en cachent de plus graves. Les judaïsants, - et non plus seulement les désoeuvrés et les nouvellistes, - insinuent qu'il a démérité de l'apostolat. Ils refusent de voir en lui un vrai ministre du Christ. Il s'indigne alors, mais comme un chrétien peut s'indigner; il en appelle au témoignage même de Dieu: « Fidèle est Dieu! » s'écrie-t-il c'est-à-dire: « Aussi vrai que Dieu est fidèle, la parole que nous vous adressons n'est pas oui et non! Car le Fils de Dieu, Jésus-Christ, prêché par nous au milieu de vous, ne s'est pis produit en oui, et en non. » (v. 18 et 19.)
Ce que les détracteurs de Paul lui ont répondu, nous ne le savons pas. Nous voyons seulement par la suite de l'épître que l'opposition dura longtemps, se manifesta même sous des formes de plus en plus blessantes, et qu'il fallut toute la fermeté de notre apôtre, en même temps que toute sa charité pour dissiper les nuages épais amassés par la médisance. Nous trouverons l'occasion d'y revenir. Mais, avant d'aller plus loin, arrêtons-nous quelques instants pour nous examiner nous-mêmes sur la question de nos projets.
Oh! nous en formons beaucoup, n'est-ce pas? Nous en formons constamment. Ils remplissent si bien notre vie, qu'il en faudrait décupler la durée pour parvenir à les exécuter... et encore! je ne veux pas les condamner en masse; ces jugements sommaires sont volontiers faux. Même en contemplant notre route semée de projets avortés, irréalisés, parce qu'ils étaient irréalisables, je ne me sens guère le droit de dire: n'en faisons plus! je me borne à demander: comment les faisons-nous? et comment devrions-nous les faire?
Paul niait absolument que les siens fussent conçus avec légèreté. En pourrions-nous dire autant des nôtres? Réfléchissez, mes chers amis, N'est-ce point légèreté que de dresser des plans sans prendre la peine de les étudier et de les mûrir ? N'est-ce pas légèreté plus grande que de les arranger d'après notre seul intérêt, sans nous inquiéter de celui des autres, du bien commun, des droits du prochain, et, ce qui importe avant tout le reste, de la volonté de Dieu?
L'apôtre nie que ses projets lui aient été suggérés « par la chair ». D'où naissent les vôtres, je vous prie ? La chair, voyez-vous, ce n'est point exclusivement la débauche, les vices grossiers et la vie sensuelle. Non : c'est l'amour du moi, faisant reculer l'amour pour Dieu ; c'est le plaisir passant avant le devoir; la paresse et la jouissance prenant la place du travail; le luxe, la vanité, le besoin fébrile de changements et de distractions ruinant l'économie et tarissant les sources de la bienfaisance ; le gaspillage du temps et des forces, de la jeunesse et de l'âge mûr, dans de futiles occupations, prises et laissées tour à tour, sans aboutir à rien de durable. Tout cela crée des projets, beaucoup de projets.... Seraient-ce les vôtres ?
En les formant, enfin, faites-vous entrer au conseil la conscience et, quand elle parle, l'écoutez-vous? Ne vous arrive-t-il jamais de l'étouffer sous des oui! oui! bruyamment répétés, des non! non! qui se prononcent à demi-voix, mais qui finissent par l'emporter ? « je veux être chrétienne » disait tout haut une catéchumène. « Pas trop », ajoutait-elle, tout bas. Voilà des projets formés selon la chair. Il ne faut pas qu'ils s'attendent à participer aux promesses de Dieu.
Paul avait, lui, le droit de compter sur ces engagements; voyons comment il nous les présente.
2. Promesses de Dieu.
A la versatilité inhérente à la plupart des projets humains, mais dont l'apôtre ose pourtant affirmer que les siens sont exempts, il se hâte maintenant d'opposer l'admirable et constante fidélité de Dieu dans ses promesses.
Car il y a des promesses de Dieu. Nous semblons quelquefois en douter. Nous agissons, nous parlons, nous pensons en en faisant abstraction. Grosse erreur; cause de beaucoup de lacunes et de beaucoup de faiblesses, dans notre vie spirituelle. Paul se garde bien de les oublier : « Tout autant, dit-il, qu'il y a de promesses de Dieu.... » Elles sont donc nombreuses. Et, à part leur nombre, que sont-elles ? Eh bien, elles sont : oui. Non pas oui, oui! cette répétition sonore et agitée ne sert quelquefois qu'à déguiser le peu de sérieux de la parole. Oui ! tout simplement, mais en Lui, c'est-à-dire en Dieu qui n'est pas homme pour mentir, ni fils de l'homme pour se repentir, en Dieu qui ne peut ni tromper ni se tromper et qui, s'il a prononcé son Amen! sur l'un quelconque de nos projets, le fait aboutir à travers tous les obstacles. Vous savez le sens du mot Amen. C'est une affirmation ; l'attestation que les paroles prononcées ne dépassent en rien la pensée. Or, cette attestation, appuyant les promesses de Dieu, Paul déclare qu'il la reçoit « par Jésus-Christ », ou pour traduire plus littéralement à travers Jésus-Christ et comme en passant par lui. Pour entendre cette expression dans toute sa beauté, rappelez-vous un des touchants symboles de l'histoire des patriarches. Lorsque deux d'entre eux voulaient contracter une alliance en lui donnant une solennité particulière, ils partageaient par la moitié quelques victimes, puis passaient l'un et l'autre à travers ces quartiers sanglants déposés à droite et à gauche d'un sentier. Ainsi fit Dieu lui-même, quand il daigna traiter alliance avec Abraham; il passa, lui aussi, représenté par un feu qui éclairait la nuit (4). Lorsque le croyant est invité par son Dieu à entrer dans l'alliance des promesses, il peut, il doit passer lui aussi au travers d'une victime, et cette victime, _c'est son Sauveur immolé pour lui sur la croix. Qui dirait après cela que les engagements de Dieu envers nous manquent de garantie ?
Il vaut la peine de fixer quelque temps notre esprit sur ces sujets ; nous ne le faisons habituellement pas assez. Nous savons vaguement que Dieu fit autrefois des promesses à son peuple; qu'il en tient encore en réserve pour ses enfants d'aujourd'hui. Beaucoup de chrétiens ne vont guère au-delà; il ne faut pas s'étonner si la joie et la confiance manquent à peu près totalement à leur christianisme.
Il y a des promesses pour nos enfants : on nous le rappelle quelquefois quand nous les présentons au baptême. Combien de parents élèvent leurs fils et leurs filles en leur présentant cet admirable privilège, qui leur appartient pourtant dès leur naissance ? Qui leur dit et leur répète, à mesure qu'ils grandissent, que chacune de ces promesses est attestée par un amen ? Qui leur enseigne à en rendre grâce, et à s'en prévaloir lorsque viendront les heures de la tentation ?
Il y a des promesses pour les pères, pour les mères, pour vous tous qui lisez ces lignes. Seulement à voir et à entendre quelques-uns d'entre vous, vraiment on ne le dirait pas. Pourquoi vous plaindre de votre misère spirituelle, de votre isolement, de l'abandon dans lequel vous croyez qu'on vous laisse? Dieu ne vous laisse pas, lui. Il vous a fait des promesses, et il n'en oublie pas une seule. N'imaginez jamais qu'il ne s'occupe pas de vous ; essayez plutôt de faire le compte de tout ce qu'il vous donne et de tout ce qu'il vous promet. Promesses pour les jours heureux ; promesses aussi pour les heures de détresse; elles ne sont pas moins nécessaires pour les uns que pour les autres. Sans elles votre joie s'évapore bien vite en dissipation et votre deuil ne tarde pas à vous accabler. Promesses pour le temps présent, de quelque parure ou de quelque crêpe qu'il soit revêtu. Promesses royales, car Dieu, par l'onction de son Esprit, vous prépare aux fonctions de roi et de sacrificateur. Ouvrier qui peines durement afin de gagner ton pain et celui de ta famille ; il y a des promesses pour toi, de la part de celui qui t'a prouvé son amour en envoyant son Fils dans le monde afin de te sauver. Il y en aussi pour toi, jeune homme, qui vas quitter pour la première fois le toit paternel et affronter presque seul les tentations des grandes villes.
Un mot bien connu sert à l'apôtre pour désigner la nature de ces promesses. Il les appelle « les arrhes de l'Esprit ». Comme un serviteur que nous engageons a le droit de réclamer de nous des arrhes en signe d'un contrat qui nous lie réciproquement, de même Dieu consent à nous donner des gages qu'il nous a réellement pris à lui - et c'est par l'Esprit Saint qu'il nous les donne. Les avez-vous reçus ? Plus peut-être que vous n'osez vous l'avouer à vous-mêmes. Un peu d'amour véritable déposé, cultivé dans votre coeur pour Dieu et pour le prochain.... Eh! ce sont déjà les arrhes de l'Esprit. Un peu plus d'humilité mêlée à plus d'ardeur dans la lutte, à plus de confiance dans la victoire sur le péché, ce sont aussi des arrhes de l'Esprit. Besoin de faire part à d'autres des grâces que vous recevez; recherche de la prière en commun, pénétrée à la fois de requêtes et de reconnaissance, sacrifice d'une volonté propre qui commençait à devenir de l'égoïsme... tout autant d'arrhes de l'Esprit.
Vous allez probablement aujourd'hui faire de nouveaux projets; vous en faisiez en lisant les lignes qui précèdent. N'en faites plus, voulez-vous, sans les associer étroitement à une promesse de Dieu. Autant que j'en puis juger, c'était la méthode de Paul. Ne croyez-vous pas que c'est la bonne?
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