Mais
moi-même,
Paul, je vous exhorte par la douceur et la
bienveillance du Christ, moi qui parais chétif chez
vous, mais qui suis audacieux à votre égard
quand je suis absent, mais je vous prie que je n'use
pas,
une fois présent, de hardiesse, dans la confiance
dont je crois pouvoir m'enhardir envers certains
individus
qui se figurent que nous marchons selon la chair. En
effet,
marchant dans la chair, nous ne combattons pas selon la
chair, car les armes de notre campagne ne sont pas
charnelles, mais puissantes en Dieu pour la destruction
des
remparts, détruisant les raisonnements et toute
hauteur qui s'élève contre la connaissance de
Dieu, et menant captive toute pensée à
l'obéissance du Christ, et étant prêts
à châtier toute désobéissance,
quand votre obéissance sera accomplie.
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Avec le chapitre dixième commence la troisième et dernière partie de notre épître. Nous l'avons intitulée: l'avenir. Paul s'y occupe de son prochain retour à Corinthe. Il achève de le préparer par de nouveaux avis à son Eglise, par une pathétique défense de son apostolat.
Des commentateurs de marque ont voulu faire des quatre derniers chapitres de notre lettre soit une épître à part, soit encore le fragment d'une épître perdue, à laquelle l'auteur semble se référer quelquefois. Question pareille à celle qui s'est posée pour nous à l'occasion du morceau VI, 13 à VII, 4. Aucune raison dogmatique ne m'empêcherait de me ranger à cette manière de voir; je demande seulement des motifs absolument décisifs pour l'admettre. J'avoue n'en avoir pas rencontré jusqu'ici. Il y en a, au contraire, me parait-il, pour faire du fragment contesté la suite logique et naturelle des deux parties précédentes. Après avoir réveillé le zèle des Corinthiens pour la collecte, sans méconnaître leur bonne volonté déjà manifestée, Paul n'est-il pas placé à merveille, d'une part pour leur dire: je viens, préparez-moi une bonne réception; de l'autre pour enlever de son chemin les chausse-trapes et les pièges accumulés par les calomnies. Les exigences d'un plan bien conduit n'entrent point en conflit avec cette façon de procéder.
Nous allons donc voir notre missionnaire, sans se permettre des personnalités, sans même nommer un seul de ses adversaires, exposer d'abord tranquillement les principes immuables de son apostolat et sa façon d'agir avec les troupeaux (X, 1-6), puis établir par des faits connus de tous son droit de se présenter la tête haute comme un apôtre (X, 7-18)
On l'accusait de faiblesse et d'esprit charnel. Voyons ce que va répondre le lion harcelé par des insectes.
I. Apparences et réalités.
On faisait à Paul, dans un certain milieu, chez les judaïsants en particulier, un reproche curieux. Aucun de nous, probablement, ne s'en serait avisé. On l'accusait de n'avoir de hardiesse que de loin. De près, dans le sein même des Eglises, il aurait été timide gêné, dépourvu de toute assurance et semblant demander à chaque instant à s'excuser d'une énergie déployée ailleurs. Quelques versets plus loin, nous voyons ces critiques se préciser. On accorde volontiers du poids à la correspondance de l'apôtre; on se moque en revanche de sa personne; elle est misérable à force de faiblesse; et quant à sa parole, elle n'est rien du tout (X, 10). Bizarre accusation, n'est-ce pas? Mais enfin, elle avait cours, et Paul se doit à lui-même de la réfuter. Comment s'y prendra-t-il?
Fera-t-il appel à des expériences relativement récentes, connues par tout Corinthien de bonne foi? Certes, il en aurait eu le droit et sa défense eût été très forte. Il pouvait leur remettre en mémoire ces dix-huit mois de luttes et de vaillance passés chez eux sans que son courage eût fléchi un seul instant. Les succès de sa prédication dans la ville légère et débauchée n'attestaient pourtant pas une rare nullité de parole. Car l'opposition avait été longue, violente. Suivant leur persévérante habitude, les Juifs avait excité contre lui la persécution; rien n'avait abattu son ardeur, l'Eglise de Corinthe était née.
C'est à une tout autre autorité que l'apôtre confie le soin de sa défense, à l'autorité de Jésus-Christ. Et encore, non pas du Christ juge souverain des vivants et des morts, mais du Christ devenu semblable à nous dans son dépouillement: « je vous exhorte, écrit-il, par la douceur et par l'équité du Christ. » Il ne lui faut pas un autre avocat, ni un autre plaidoyer. Nos tribunaux n'entendent pas souvent ce système de défense ; on peut néanmoins le recommander. L'exemple du maître doux et humble de coeur agit manifestement sur le disciple et dompte le tempérament bouillant du missionnaire. Il l'empêche de se livrer à des objurgations très méritées, mais toujours un peu risquées dans les cercles inflammables de Corinthe. Il ne veut pas aigrir; il veut convaincre. Vous rappelez-vous ce soldat d'un régiment anglais connu de ses camarades et de ses chefs par son insolente insubordination. Habitué du cachot, il n'en sortait guère que pour y rentrer. Une faute nouvelle, plus grave que les autres, l'amène devant le colonel. - Ah! c'est encore celui-là, s'écrie l'officier. Que faire ? on a pourtant tout essayé. - Pardon, mon colonel, objecte un sergent; il y a une chose dont on n'a pas usé pour lui. - Laquelle? - La douceur.... On en essaya. On pardonna d'un vrai pardon. Et cela réussit.
Autant que nous pouvons le savoir, cela réussit également à Corinthe. Paul n'y a rien perdu de sa fermeté; mais il l'a contenue par une admirable douceur. Pas de cris, pas de protestations enflammées. Non; il admet plutôt une partie des critiques. Il concède que son apparence ne frappe guère les gens que par son défaut de toute apparence. Et il nous dessine ainsi pour la première fois dans ses lettres une image de sa personne. Rien de distingué, vraiment. Ce n'est pas, je m'assure, ce « vilain petit juif » esquissé par Ernest Renan avec un dilettantisme supérieur. Mais ce n'est pas non plus un de ces beaux hommes bien bâtis, dont les sports modernes fournissent de remarquables spécimens. De cela il ne fait point mystère. Il est ce qu'il est; plutôt laid que beau; plutôt chétif qu'imposant; et il n'a pas la petitesse de s'en plaindre.
Mais ce qu'il n'admet point, par exemple, c'est que le contraste entre l'effacement de sa personne et la puissance de ses épîtres trahisse une conduite selon la chair. Comment? Parce que mon visage n'a pas la noblesse de mes messages, l'Esprit de Dieu cesserait d'agir en moi au moment où l'on me voit paraître ? Absent, je serais invincible ou peu s'en faut; présent, je me laisserais arrêter par des considérations mondaines et par la crainte du ridicule? Gêné dans ma tenue, je deviendrais infidèle à mon mandat? Comme vous vous trompez! je retarde depuis des mois la visite promise chez vous, et vous allez répétant que j'ai peur de vous ? Vous êtes loin de compte, mes amis. Je marche dans la chair, oui. Pourriez-vous m'indiquer un autre moyen de marcher ici-bas ? Il me faudrait sortir du monde où mon maître lui-même est venu en chair (1). Mais je ne marche pas, et surtout je ne fais pas campagne selon la chair, c'est-à-dire en me servant d'armes et de procédés charnels, en recourant aux conseils et aux agissements du monde. Cela, jamais depuis ma conversion.
2. Armes d'apôtre.
Paul, au surplus, « fait campagne. » Il est parti en guerre; c'est l'essence même de son apostolat. Il est engagé dans une lutte sans' trêve ni merci contre les idoles des païens et contre le légalisme de ses compatriotes. Il combattra jusqu'à son dernier souffle; quand il rentrera l'épée dans le fourreau, il mourra. Seulement les armes dont il se sert ne sont pas charnelles.
Elles sont bien fortes, cependant. Il ose les appeler « puissantes à Dieu, » ce qui veut dire : à la fois puissantes aux yeux de Dieu et puissantes par la force que Dieu leur communique. Avec elles, il ose s'attaquer à tous les remparts, à toutes les forteresses. Il fait le siège, en particulier, des citadelles qui semblent les plus imprenables, et qui se nomment les pensées. Oui vraiment; c'est aux pensées qu'il s'en prend, aux raisonnements, aux subtilités de l'esprit. Il veut les vaincre tous, et en faire des captifs contraints de se soumettre à Jésus-Christ. Il poursuit de retranchement en retranchement les si, les mais, les pourquoi, bastions élevés par l'homme entre lui et son Sauveur afin de ne pas se livrer à Lui. Ces hauteurs prodigieuses, - Ossa sur Pélion, - ces accumulations de réserves, d'objections, d'échappatoires, l'apôtre ose les regarder en face et les braver. Lui, l'humble missionnaire sans apparence, « ignorant dans l'art de bien dire », au jugement de Bossuet, il lance dans le flanc de ces montagnes le pic de sa foi et de sa charité - et ce n'est pas le pic qui se brise, c'est la montagne qui s'ébranle. Les pensées, ces plus insaisissables de tous les ennemis, les voilà prisonnières; le général vainqueur les amène à son Roi.
C'est Newton, abaissant ses découvertes et sa science aux pieds du Créateur et s'honorant par toute marque d'adoration qu'il peut témoigner à son Père céleste! c'est Leibnitz inclinant sa philosophie en présence du Dieu de Jésus-Christ, et mettant plus haut que sa raison la connaissance de la grâce. C'est Michel Faraday poursuivant, sans rien y perdre de sa foi, les plus brillantes découvertes dans le domaine de la physique et de la chimie. C'est Louis Pasteur proclamant sa croyance au Dieu de l'univers dans son discours de réception à l'académie française. C'est aussi le buveur endurci, envoyant hier aux échos le bruit de ses jurons et de ses chants bachiques, se joignant aujourd'hui aux cantiques de ses nouveaux frères dans une assemblée de relèvement. C'est l'anarchiste appelant naguère une transformation de la société à travers un bain de sang, et faisant maintenant succéder à ses visions de mort les sacrifices de la charité.... Pensées captives amenées à Jésus-Christ!
Avec quelles armes l'apôtre, dépourvu de tout éclat extérieur, a-t-il remporté depuis tantôt vingt siècles des triomphes pareils ? Il nous dit: Elles ne sont pas charnelles. Fort bien. Que sont-elles donc, pour être maniées avec une telle force et une si parfaite aisance ?
Nous ne courons aucun risque en le lui demandant à lui-même. Outre la réponse faite ici, nous en trouvions déjà une première indication chap. VI, v. 7 ; nous en rencontrons d'autres, Rom. VI, 13 ; XIII, 12, et la plus complète de toutes Eph. VI, 13-17, la panoplie du chrétien: du fond d'une prison, voyant incessamment passer devant lui un soldat romain, son geôlier, le missionnaire a pu peindre d'après nature les armes offensives et les armes défensives d'un guerrier bien équipé. Entre toutes vous aurez remarqué l'épée, celle dont notre présent texte s'occupe particulièrement. Il la nomme « l'épée de l'Esprit qui est la Parole de Dieu. » Parlons-en à notre tour.
Pour l'apôtre Paul et pour ses contemporains, nous l'avons observé déjà, la Parole de Dieu n'était et ne pouvait être autre chose que l'Ancien Testament: le Nouveau commençait à peine. Dans notre chapitre précédent, nous avons relevé l'usage fréquent, très respectueux à la fois et très libre, que notre écrivain fait des livres de l'ancienne alliance. Ils constituent manifestement à ses yeux une autorité. Quand il appuie un de ses arguments par une citation de la loi ou des prophètes, cet argument lui paraît prouvé, et il peut passer à un autre.
L'Eglise chrétienne évangélique a longtemps raisonné comme lui; on s'efforce aujourd'hui de lui démontrer la faiblesse de cette preuve. Plusieurs de ses représentants les plus distingués non seulement sont touchés par ces efforts, mais s'y associent avec une absolue sincérité. Et le sujet devient un des plus discutés du moment actuel. On l'aborde dans les milieux universitaires ; on s'en préoccupe dans les familles, à propos d'enseignement primaire et d'écoles du dimanche. Des voix et des plumes dignes de tout respect nous supplient de prendre garde. Ne mettez pas, nous disent-elles, l'Ancien Testament à la portée de nos enfants, - à peine entre les mains de la jeunesse. Voyez-vous, la science le démolit. Elle n'y laisse plus subsister que des légendes, des traditions, au milieu de quelques documents historiques. Intéressant monument littéraire, à la bonne heure, mais dont les meilleures portions datent d'un âge antérieur aux patriarches et dont la vraie patrie doit se chercher sur les bords du Tigre et de l'Euphrate. Préparons donc au plus tôt une Bible expurgée, où la science. la plus chatouilleuse n'ait rien à reprendre. Surtout, hâtons-nous d'arriver au Nouveau Testament, la seule révélation divine utile pour nous et pour nos enfants.
Deux attaques, donc. La première au nom de la science, la seconde au nom de la religion. A quoi l'on en joint très fréquemment une troisième au nom de la morale, la Bible renfermant, dit-on, des récits scandaleusement immoraux. Reprenons, tout en confessant l'impossibilité d'épuiser en quelques pages une aussi vaste matière.
La Bible, dites-vous, est condamnée par la science. Par laquelle demanderai-je? Par celle d'hier ou par celle de demain ? Car enfin la science ne cesse pas de se développer et, dans ses progrès mêmes, il lui arrive volontiers de modifier ses anciens arrêts. Bien loin de l'en blâmer, nous reconnaissons là un de ses meilleurs titres de gloire. La science toute faite, irréductible et immuable, n'existe pas, ou n'est pas scientifique. Et puis, qu'est-ce au fond que la science, même écrite avec un grand S ? nous connaissons des sciences, oui : la physique, la chimie, l'astronomie, les mathématiques, la philosophie aussi, l'histoire, d'autres encore. Est-ce de leur réunion que vous formez la science ? Soit. Mais alors prenez la peine de prouver que la Bible est contredite positivement par une de ces disciplines. Par la géologie, répondez-vous ? Le récit de la création, au premier chapitre de la Genèse, est incompatible avec les découvertes des géologues les plus compétents. Vraiment ? Etes-vous bien sûrs de ne pas confondre une page de l'Ecriture avec l'interprétation dite orthodoxe qu'on en donna longtemps ? Oh! l'orthodoxie mérite notre estime, mais nous ne saurions pourtant la tenir pour inspirée. Et j'aime assez sur ce propos la réponse d'une femme d'esprit à qui l'on demandait ce que c'est que l'orthodoxie. - je m'en vais vous dire, fit-elle: c'est ma doxie à moi. - Or entre ma doxie à moi et les textes bibliques il y a souvent une belle distance. Aujourd'hui, pas un théologien sérieux ne voit des jours de vingt-quatre heures dans les six périodes de la création. En revanche plusieurs savants non chrétiens reconnaissent volontiers dans l'agencement de ces périodes une indication exacte, bien que générale, de la succession des couches géologiques.
Je me borne à cet exemple; vous en trouveriez beaucoup d'autres pareils. Mais nos contradicteurs passent vite sur un autre terrain. La Bible, disent-ils, est pleine de miracles. Or, le miracle est scientifiquement impossible. Donc, la Bible est remplie d'erreurs.
Voilà un syllogisme impeccable : majeure, mineure, conclusion, tout y est. Mais si la mineure était fausse ? Nous la concédons sans peine dès qu'on fait du miracle un renversement des lois de la nature; seulement nous n'admettons en aucune façon cette définition. Et cela pour deux raisons. D'abord, parce que nous ne connaissons point toutes ces lois ; bon nombre d'entre elles sont encore à l'état d'hypothèses. Ensuite, parce que nul axiome scientifique n'interdit à une loi supérieure d'intervenir dans l'application momentanée de lois inférieures; et c'est cela au fond qui constitue le miracle. Veuillez, d'ailleurs, y bien penser : si vous retranchez de nos saints Livres tout récit miraculeux, vous devrez aussi faire subir cette amputation au Nouveau Testament. Que vous en restera-t-il? Que restera-t-il de Jésus-Christ? L'expliquerez-vous par des lois naturelles ?
Vous vous réfugiez dans la morale. Comment, demandez-vous, mettre aux mains de nos enfants certains chapitres où la sensualité la plus éhontée, la débauche la moins gazée s'étalent en longues histoires qui ont bien vite l'attrait du fruit défendu?
Question angoissante, mon cher lecteur. Quel père, quelle mère dans nos Eglises ne se la posent pas ? Voici, au plus près de ma conscience et devant Dieu, les réponses que je vous soumets.
Je concède sans hésitation que pour les plus jeunes enfants le Nouveau Testament suffira. Et encore, leur défendrez-vous de lire le premier chapitre des Romains et l'épître de Jude? Mais je n'admets pas, - une expérience de quarante et un ans d'instructions religieuses m'empêche de l'admettre, - que la Bible enseigne à nos enfants la souillure. Il faudrait, pour le soutenir, ignorer ce qui se dit, ce qui se lit et ce qui se passe dans nos gymnases et dans nos collèges. Avant de devenir catéchumènes, nos fils en savent souvent bien plus qu'ils n'apprendront par l'histoire de Lot ou par celle de David. Et comment l'apprennent-ils ? Sans avertissements, sans contrepoids, dans des livres et dans des feuilles volantes, avec tous les attraits d'un style fleuri, d'une narration piquante, ou d'une imagerie provoquante. La Bible, au moins, ne trompe pas. Elle ne déguise pas le mal; elle ne l'appelle pas bien ; tournez la page : vous voyez le châtiment. Enfin, s'il était vrai que la lecture de ce livre aboutisse à ruiner la morale, les pays où la Bible est le plus répandue, le plus connue, seraient les plus immoraux. Est-ce le cas ? Prenez une carte de géographie et répondez (2).
J'aborde, pour terminer, l'attaque dite religieuse. L'Ancien Testament nous présente une religion inférieure ; nous appuyer sur ce livre serait un recul. Hâtons-nous d'arriver au Nouveau.
Hé! je ne demande pas mieux. Arrivons au Nouveau Testament. Néanmoins, je vous défie de le comprendre, quand vous l'aurez séparé de l'Ancien, ou quand vous serez parvenus à dépouiller ce dernier de son autorité. Nous avons vu ce qu'il était pour saint Paul; ne savez-vous pas ce qu'il fut pour Jésus-Christ ? Si votre sentiment sur ces livres se moule sur celui de la critique négative, et vous amène à les reléguer au rang de mythologies vieillies, que me reste-t-il à vous dire ? Arrangez-vous avec Jésus ; et je vous proteste que je le dis avec le plus entier respect. Arrangez-vous aussi avec saint Paul. Des théologiens se réfugient dans la pensée que, peut-être, Jésus ne doit pas être pris comme autorité dans les problèmes scientifiques. Pardon; la question n'est pas là. Voici la vraie - Jésus se trompait-il, oui ou non, quand il a vu dans Moïse et dans les prophètes l'annonce de sa mort et de sa résurrection ? S'est-il tout simplement accommodé aux opinions juives
M. Ernest Naville, présenter cette même réponse à une question très analogue. L'impression que j'en ressentis n'a pas diminué, et me paraît conserver encore toute sa force de son temps, à la fois très erronées et très répandues, lorsqu'il a cherché dans l'Ancien Testament la préparation à son ministère messianique? En un mot, sommes-nous en mesure aujourd'hui de relever des erreurs dans son enseignement?
Permettez que je vous dise à mon tour: Prenez garde ! Vous êtes, je l'espère, assez familiarisés avec les discours du Christ pour savoir à quelle source il en fait remonter l'inspiration. « je parle, a-t-il déclaré, selon ce que le Père m'a enseigné. » Et ailleurs : « Je n'ai point parlé de moi-même, mais le Père qui m'a envoyé m'a prescrit lui-même ce que je dois dire et annoncer (3). » De deux choses l'une, alors. Ou bien Dieu s'est trompé, ou bien Jésus ne l'a pas compris; vous ne pouvez sortir de ce dilemme. A moins qu'il ne vous plaise de prêter à Jésus un esprit manquant de droiture. J'ose à peine écrire ces mots; mais il faut avoir la franchise de regarder ces conclusions en face.
Les détracteurs de l'Ancien Testament s'arrêteront à celles qu'ils voudront; ils n'auront plus le droit de parler d'armes « puissantes en Dieu. » Il leur restera celles des sciences. Nous ne les méprisons en aucune façon, mais nous les savons trop faibles pour lutter contre nos ennemis. Avec elles seulement, sans la Parole de Dieu, n'espérons plus renverser les forteresses qu'élèvent contre nous les pensées modernes d'incrédulité, de doute, et de désespérance. Il nous faut, pour vaincre Satan, les armes de Jésus. Et vous savez : le Fils de Dieu tenté au désert triompha par trois paroles, prises toutes les trois dans un seul livre de l'Ancien Testament. Auriez-vous à votre disposition un arsenal mieux fourni? Oui, encore une fois, prenons garde. Si vos pensées ne sont pas amenées captives à Jésus-Christ, si nous nous défions de lui, si nous mettons de côté l'épée qui lui a suffi, c'est nous alors qui devenons des captifs. Les chaînes se posent sur notre esprit et l'enserrent de toutes parts. Dépouillés de la Bible, dépouillés du Sauveur, dépouillés même de Dieu, nous voilà petit à petit des esclaves de la science du jour, en attendant qu'elle soit dépassée et remplacée par celle de demain.
N'est-ce pas, mes amis, vous ne laisserez pas ainsi tomber de vos mains des armes qui ont pourtant fait leurs preuves depuis dix neuf cents ans? Elles les font encore, d'ailleurs; demandez à nos missionnaires. Les magnifiques découvertes de l'orientalisme, les travaux admirables et infiniment utiles de la critique font-ils tomber un seul des boulevards du paganisme ? Il faut plus, il faut mieux, et Luther disait juste en prophétisant la défaite dernière de Satan :
Pour briser son empire, Il suffit d'un mot du Dieu fort!
Nos pères l'ont compris et chanté après le Réformateur. Dans les combats héroïques où les entraînait la proclamation de leur foi, ils se serraient avec une fidélité indomptable autour de la Parole de Dieu. Et leurs adversaires sentaient bien que cette Parole les rendaient invincibles ; ils essayaient par ruse ou par violence de la leur arracher. Voltaire employa contre elle toutes les ressources du ridicule. Malgré quelques défaillances, nos pères ont tenu bon, et montrant comme eux la Bible, nous répétons avec eux :
Tant plus à frapper on s'amuse, Tant plus de marteaux l'on y use.
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