LE PÈLERINAGE
DOULOUREUX
de
L'ÉGLISE A
TRAVERS LES ÂGES
CHAPITRE XVIII
Conclusions
Les églises peuvent-elles encore suivre
l'enseignement et l'exemple du N. Testament? - Réponses
diverses. - Églises ritualistes. - Rationalisme. -
Réformateurs. - Mystiques et autres. - Réveil
évangélique. Frères qui, à travers les
siècles, ont fait du N. Testament leur guide. Diffusion de
l'Evangile. - Missions étrangères. - Réveil
dû à un retour aux enseignements bibliques. - Tout
chrétien est un missionnaire, toute église est une
société missionnaire. - Différence entre une
institution et une église. - Unité des églises
et diffusion de l'Evangile. - Églises du N. Testament pour
tous les hommes, sur la même base. - Conclusion.
1. Est-il possible de se conformer
à l'enseignement du Nouveau Testament
La question, de savoir si nous pouvons et
devons continuer à appliquer l'enseignement et l'exemple du N.
Testament, quant à l'organisation des églises, a
été envisagée de bien des
manières:
1. La théorie du
«développement» rend la chose indésirable car
- au dire des églises ritualistes, l'Église romaine,
l'Église orthodoxe grecque et d'autres - on est parvenu
à quelque chose de meilleur que ce qui fut pratiqué au
début, et les Écritures ont été
modifiées, voire supplantées par la tradition.
2. Le rationalisme donne la même
réponse; il considère comme un mouvement de recul le
retour au modèle original, puisqu'il refuse d'accepter la
Bible comme autorité permanente.
3. Quelques réformateurs
d'églises existantes ont essayé d'un compromis. Luther,
Spener et d'autres sont revenus en partie seulement à «ce
qui était au commencement».
4. D'autres ont abandonné toute
tentative, tels les mystiques qui se vouèrent
entièrement à la recherche de la sainteté
personnelle et de la communion avec Dieu; entre autres Molinos,
Madame de Guyon et Tersteegen. Puis les Amis, qui
délaissèrent l'observance du baptême et de la
Ste-Cène pour s'occuper davantage du témoignage de la
lumière intérieure, que de celui des Écritures.
Enfin Darby et ses disciples, qui rejetèrent cette obligation
et la remplacèrent par le témoignage rendu à
«la ruine de l'Église».
5. Le réveil évangélique
considéra la question comme sans importance et concentra ses
efforts sur la conversion des pécheurs et sur l'organisation
des moyens répondant le mieux aux besoins pratiques. Ainsi
agirent les sociétés méthodistes de Wesley et
l'Armée du Salut.
6. Mais il y a eu de tout temps, des
frères répondant «oui» à cette
question. On leur a donné des noms nombreux: cathares,
novatiens, pauliciens, bogoumiles, albigeois, vaudois, lollards,
anabaptistes, mennonites, stundistes, et d'autres encore. Puis,
plusieurs congrégations de baptistes et d'indépendants,
ainsi que les assemblées des Frères: tous ont
été fidèles dans leur effort d'obéir au
N. Testament et de suivre l'exemple des églises
primitives.
2. L'Église et
l'évangélisation
Il est une autre question étroitement
associée à la première: Est-il possible
aujourd'hui de prêcher l'Evangile comme au début, et, si
on le faisait, l'Evangile ne se répandrait-il pas beaucoup
plus rapidement? De fait, la question grandit et s'impose à
nous. N'est-ce pas seulement par un retour aux Écritures que
l'unité des enfants de Dieu peut se manifester et
l'évangélisation du monde, s'accomplir?
Au début de la prédication de
l'Evangile, il n'y avait aucune différence entre la mission
«intérieure» et la mission
«extérieure». Peu à peu, la
dissémination spontanée des églises,
indépendamment du pays ou de la nationalité, changea
d'aspect. Leur caractère d'églises primitives,
apostoliques évolua sous l'effet de l'organisation qui
s'opéra dans leur sein. On commença à envoyer
des «missions», représentant une autorité
centrale. A mesure que se multipliaient les dénominations
chrétiennes organisées, augmentaient les missions en
pays étrangers. Chacune prêchait Christ, mais
représentait aussi son propre plan d'action et son
développement particulier du christianisme, introduisant ainsi
chez les païens cette confusion de sectes opposées, dont
souffre la chrétienté. Au début, l'église
ne dépendait pas du pouvoir que confèrent les biens
matériels, mais de la puissance du St-Esprit; elle
était toujours caractérisée par la
pauvreté. Les méthodes adoptées sont
coûteuses parce qu'on ne reconnaît pas les dons du
St-Esprit qui habite chez le plus jeune croyant et pourvoit aux
nécessités du témoignage requis de la plus
faible assemblée de disciples. On établit une
«station missionnaire» qui doit subvenir à tous les
besoins. Mais pour cela il faut des fonds pour alimenter la caisse
centrale, et souvent faire des appels d'argent. Si ce
procédé est jugé indigne de la foi, on cherche
à éveiller de l'intérêt pour l'oeuvre en
publiant des incidents émouvants ou des cas de
détresse. De cette manière, la direction et l'entretien
de la mission - dépendant largement du siège
missionnaire, ou de ses représentants - l'oeuvre reste une
institution étrangère au pays où elle se
poursuit, et la propagation de l'Evangile en est grandement
entravée.
Suivre Christ et renoncer à
soi-même pourrait bien inclure la volonté de couper les
liens tant aimés nous attachant à nos diverses
organisations d'églises et de pratiquer une heureuse communion
avec tous les enfants de Dieu, en exerçant les uns envers les
autres le support rendu nécessaire par notre faiblesse
présente. Si nous-mêmes nous observions les
enseignements scripturaires, nous pourrions placer la Parole entre
les mains d'hommes de toutes nations et leur montrer, par le
précepte et par l'exemple, qu'elle leur est adressée
comme à nous, ayant l'assurance que Dieu veut les garder, les
guider, et leur donner une place comme églises
indépendantes, ce qui est leur héritage parmi les
saints.
Nous ne savons pas quels dons le St-Esprit
pourrait susciter en des lieux hors du domaine des activités
missionnaires modernes et dans des circonstances échappant
manifestement à notre pouvoir de diriger. Les églises
russes persécutées font des expériences
supérieures aux nôtres. Elles sont animées d'un
zèle et d'un dévouement auxquels la plupart des
chrétiens de profession, placés dans des circonstances
plus faciles, restent étrangers. On verra peut-être
s'accomplir parmi elles des miracles d'unité et de
témoignage tel que nous n'avons jamais été
capables d'en produire. Dans le monde païen Dieu pourrait
susciter des conducteurs spirituels si remplis de l'Esprit qu'ils
abandonneraient bientôt les divisions et les capitaux des
Missions européennes et américaines et verraient leurs
compatriotes se convertir, et des églises de Dieu se former -
églises qui peut-être s'instruiraient par leurs propres
erreurs, mais seraient exemptes des nôtres. Rien n'est
impossible à Dieu. Même d'entre les musulmans Il peut
appeler des disciples du Christ soumis et dévoués qu'Il
pourra employer au service de leur peuple. Tout ceci ne peut faire
oublier la valeur inestimable du service dévoué qu'ont
rendu et que rendent encore au monde les sociétés et
les institutions missionnaires. Mais il faut envisager les multitudes
non atteintes encore - et qui le resteront au faux actuel du
progrès. Il faut proclamer que le seul moyen de réveil
est un retour à la méthode de la Parole.
Dieu s'est manifesté en Christ par le
St-Esprit, comme Celui qui aime, cherche, sauve et garde
l'humanité perdue. Aucune révélation n'est plus
touchante que celle-ci. la nature de Dieu est telle que la
misère de l'homme déchu l'a contraint à se
dépouiller de sa gloire céleste pour devenir homme,
pour porter notre péché et, plus encore, toutes nos
douleurs; pour vaincre la mort par la mort et pour donner à
des pécheurs perdus la vie divine et éternelle.
Quiconque reçoit cette vie par la foi est sous la même
obligation que s'est imposée Celui dont la vie découle.
Pour cette raison, tout chrétien est, par définition,
un missionnaire. Dans son âme retentit le commandement
impérieux : «Allez par tout le monde, et prêchez la
bonne nouvelle à toute créature.» Le N. Testament
ne fait aucune distinction entre le clergé et les
laïques: tous les saints sont sacrificateurs. Il ne fait pas non
plus de différence entre les missionnaires et les non
missionnaires. Tout croyant est un «envoyé», qui a
une «mission»: être dans ce monde le témoin du
Christ. La formation d'une classe missionnaire à part,
groupée en sociétés missionnaires, soutenue par
des fonds spéciaux, et travaillant dans des stations
missionnaires, a certainement fait beaucoup de bien. Mais ce bien est
chèrement acheté, puisqu'il admet que la
majorité des chrétiens ne sont pas missionnaires, et
qu'il obscurcit la vision de chaque croyant, qui, en toute
circonstance et du commencement à la fin, est censé
appartenir au Seigneur et le servir pleinement. L'Evangile a pour but
de transformer des pécheurs en saints et d'assembler ces
derniers en églises. Puisque chaque membre d'une église
est appelé à être un missionnaire, un
témoin de Christ, chaque église est une
«société missionnaire», une
société de personnes s'employant collectivement au
témoignage de l'Evangile.
La différence entre une station
missionnaire et une église est que la première, avec la
société dont elle est une branche, devient le centre
auquel regardent les indigènes du pays
évangélisé pour être dirigés et
aidés. D'autre part, l'église, dans le sens que lui
donne le N. Testament, est, dès son début - lorsque
deux ou trois sont assemblés au nom du Seigneur Jésus -
sur le même fondement que l'église la plus anciennement
établie, ayant le même centre et les mêmes
principes. Elle peut différer, il est vrai, par les dons et
par l'expérience, mais elle participe à la même
grâce, s'alimente à la même source. En cuire,
cette église est l'instrument le mieux adapté à
la propagation de l'Evangile parmi le peuple auquel elle appartient,
dont elle connaît parfaitement la mentalité, la langue,
les coutumes et les besoins. Une station missionnaire peut être
de grande valeur, mais elle ne doit jamais devenir le centre auquel
se rattache une église: ce centre est
Jésus-Christ.
Il y a aussi une différence entre une
église et une institution, telle qu'un hôpital ou une
école. Ceux-ci peuvent être très utiles, en
faisant apprécier l'Evangile, en gagnant la confiance du
public. Mais si un hôpital, ou une école, d'origine
étrangère, arrivent à être
considérés comme le centre auquel se rattache et duquel
dépend une église, cette dernière ne peut se
développer selon le modèle du N. Testament. Elle
demeure une religion étrangère, dépendant d'une
aide extérieure. Peut-être même adoptera-t-elle le
système des «évangélistes
indigènes» salariés, qui détruit la
dépendance de Dieu et empêche l'âme d'apprendre
à le toujours mieux connaître.
L'Écriture ne nous autorise pas à
attendre la conversion du monde entier par le triomphe de l'Evangile.
Elle nous enseigne au contraire que les hommes s'éloigneront
toujours plus de Dieu et attireront de terribles jugements sur toute
la terre. L'espérance placée devant l'Église est
le retour en gloire du Seigneur Jésus-Christ. En attendant ce
grand événement, nous nous rappelons la dernière
prière du Seigneur pour ses disciples:
«Afin que tous soient un...
Et que le monde croie que tu m'as
envoyé.»
Ces deux choses: l'unité du peuple de
Dieu et faire con. naître le Sauveur dans le monde:
voilà le désir de tous ceux qui sont en communion avec
le Seigneur. L'histoire de l'Église démontre que le
réveil vient par un retour à l'obéissance
à la Parole de Dieu. Cette prière du Seigneur est en
même temps une promesse; ce qu'Il a demandé s'accomplira
certainement. Elle s'accomplira sans doute pleinement à son
retour; mais il se pourrait que le dernier grand réveil
fût l'avant-coureur, ici-bas même, de ce qui ne tardera
pas à se manifester dans les cieux comme sur la terre.
Que les disciples du Seigneur se repentent et
abandonnent les voies qui les éloignent de sa Parole. Qu'ils
forment des églises dépendant immédiatement de
Lui, libres de la servitude des fédérations et
organisations humaines, et recevant tous ceux qui Lui appartiennent!
Alors ils expérimenteront sa grâce suffisante, comme
l'ont fait les croyants qui les ont précédés;
ils seront délivrés, d'une part, de l'union avec les
inconvertis et, d'autre part, de la séparation d'avec les
frères en la foi.
De plus, en portant l'Evangile aux hommes de
toute nation et de toute race, ils comprendront que la Parole de Dieu
est pour les autres autant que pour eux-mêmes; que tous ceux
qui croient sont amenés à une même relation avec
Lui, et qu'aucune différence de nationalité ne peut
changer la position d'une église aux yeux de Dieu. L'Esprit de
Dieu manifestera en tous la vérité qu'avait apprise
Pierre, lorsqu'il disait: «Dieu, qui connaît les coeurs,
leur a rendu témoignage, en leur donnant le St-Esprit comme
à nous; Il n'a fait aucune différence entre nous et
eux, ayant purifié leurs coeurs par la foi... C'est par la
grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être
sauvés, de la même manière qu'eux.»
3. L'Église en
pèlerinage
En jetant un regard rétrospectif sur la
longue route déjà parcourue par l'Église
«en pèlerinage», certains points saillants
apparaissent. S'élevant au-dessus de la masse des
détails si poignants pour ceux qui alors jouèrent un
rôle actif, ces points réclament l'attention, car ils
font de l'expérience du chemin parcouru une orientation utile
pour le reste du voyage.
L'un d'eux, c'est que l'Église, dans son
pèlerinage, a possédé dans les Écritures,
dès la Pentecôte jusqu'à nos jours, un guide
sûr et suffisant, et qui lui suffira jusqu'à ce que la
clarté de cette lampe, brillant en un lieu obscur,
pâlisse devant la gloire de la présence de Celui qui est
la Parole vivante (2 Pierre 1. 19).
Le second point est que l'Église en
pèlerinage est séparée du monde; bien que, dans
le monde, elle n'en fasse pas partie. Elle ne devient jamais une
institution terrestre. Elle est ici-bas un témoin et une
bénédiction. Mais le monde qui a crucifié Christ
ne change pas et, puisque le disciple accepte d'être comme son
Maître, les pèlerins s'exhortent les uns les autres par
ces paroles: «Sortons donc pour aller à Lui, hors du
camp, en portant son opprobre. Car nous n'avons point ici-bas de
cité permanente, mais nous cherchons celle qui est à
venir» (Hébr. 13. 13, 14).
Troisièmement enfin, l'Église est
une. Du moment que nous nous savons être nous-mêmes
membres de l'Église en pèlerinage, nous reconnaissons
comme «co-pèlerins» tous ceux qui marchent sur le
chemin de la Vie. Les divergences passagères, si
pénibles momentanément, perdent leur acuité
lorsque nous cherchons à avoir la vision complète du
pèlerinage placé devant nous. Profondément
humiliés en pensant à la petitesse de notre propre
effort, et nous réjouissant cordialement en nos compagnons de
route, saluons-les comme tels. Leurs souffrances sont les
nôtres, leur témoignage, le nôtre; car leur
Sauveur, leur Chef, leur Seigneur est aussi Celui que nous adorons.
Éclairés par le Saint-Esprit, nous avons appris avec
eux à nous réjouir avec le Père, lorsqu'Il dit:
«Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui J'ai mis toute
mon affection» (Matth. 3. 17). Avec eux aussi nous nous
réjouissons à la perspective de ce jour où le
Fils nous fera paraître devant Lui comme «une
Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de
semblable» (Eph. 5. 27).
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