GLANURES (1)
12. Bonté, douceur,
bienveillance.
Ambroise
Paré.
Le caractère
aimable du grand chirurgien d'Henri IV ajoutait encore
à la confiance que ses connaissances et son adresse
lui avaient attirée. Officiers et soldats trouvaient
chez lui les sympathies les plus cordiales avec les soins
les plus éclairés. Sa bonté et sa
douceur les charmaient ; ses bonnes paroles relevaient leur
courage et aidaient à leur rétablissement.
« J'ai pansé, Dieu te guérisse ! »
telle était sa salutation habituelle, quand il venait
de soigner un pauvre blessé.
Au cours de la
campagne de 1552, qui donna Metz à la France, il
manifesta, dans une circonstance particulière, toute
sa charité chrétienne.
Un soldat
s'étant écarté de sa compagnie, fut
surpris par l'ennemi et criblé de coups
d'épée. On le releva dans un état
désespéré. Au moment de se mettre en
marche, les officiers voulurent s'en débarrasser,
comme d'un cadavre : ils ordonnèrent de creuser une
fosse et (le l'y jeter. C'en était fait de ce
malheureux, lorsque Paré intervint et demanda comme
une faveur de le panser. On le lui abandonna. Il le
plaça alors sur un lit couvert qu'il déposa
dans une charrette. Il lui prodigua tous les secours de son
art, pourvut à ses moindres besoins, avec la plus
tendre sollicitude, et ne le quitta que complètement
guéri. Comment s'étonner, après de
semblables traits, de l'attachaient et de la reconnaissance
que l'armée lui prodiguait!
(ABELOUS, Bienfaiteurs de
l'Humanité.)
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.
Samuel
Gobat.
Il y a environ
cinquante ans, Samuel Gobat, l'ancien évêque de
Jérusalem, alors envoyé comme missionnaire en
Abyssinie, voulut s'embarquer à Malte. Le capitaine
du vaisseau sur lequel il avait pris passage le supplia
d'attendre une autre occasion, parce que l'équipage
et les passagers menaçaient de faire au missionnaire
protestant un mauvais accueil, contre lequel lui, capitaine,
n'était pas en état de le protéger. -
«Dieu me protégera! répondit
tranquillement Gobat. C'est lui qui m'envoie en Abyssinie,
et mon voyage est pressant. » Et il se rendit à.
bord.
La prédiction
du capitaine se réalisa. Pendant bien des jours, le
pauvre missionnaire fut en butte à des tracasseries
et à des ennuis sans nombre. Musulmans,
incrédules et catholiques bigots s'unissaient pour le
cribler de sarcasmes. Lorsqu'il traversait le pont, on
allait même jusqu'à essayer du croc-en-jambe
pour le faire tomber. Gobat supportait tout avec une
patience héroïque qui ne faisait que rendre ses
ennemis plus méchants. Un jour, le feu éclate
à bord; tous les efforts pour s'en rendre
maître sont vains; là flamme n'est pas loin de
la soute aux poudres.
Hors de lui, le
capitaine passe au milieu de son monde en disant: «
Nous sommes perdus! le navire va sauter!» La
désolation est bientôt à son comble.
Imprécations, pleurs, cris et malédictions
retentissent dans une effroyable confusion. Les uns
blasphèment, les autres invoquent Allah, d'autres la
Vierge et tous les saints. Personne ne prie
véritablement, si ce n'est Gobat; car seul il a
un
Dieu près
duquel il se tient. Calme, intrépide, il s'avance
vers le mât, se place au pied, et, tenant sa Bible de
la* main gauche, lit d'une voix forte le psaume XLVI:
«Dieu est notre
retraite, notre secours, notre force dans les
détresses, et fort aisé à trouver...
» Il savait que «soit que nous vivions, soit que
nous mourions, nous sommes au Seigneur ». Contre toute
attente, le feu s'arrête. Le navire est sauvé
avec tous ceux qu'il porte.
Le lendemain, comme
d'habitude, Gobat descend au salon pour déjeuner. A
son approche, tous se lèvent, et un prêtre
romain, naguère un de ses persécuteurs les
plus acharnés, s'avance près de lui; Gobat,
s'attendant aux taquineries accoutumées, rassemble
tout son courage. Mais la scène avait changé.
«Monsieur, lui dit le prêtre humblement, je suis
chargé par mes compagnons de voyage de vous demander
en leur nom et sincèrement pardon de tout ce que nous
vous avons fait souffrir. Le calme que vous avez
montré hier en face de la mort, tandis que nous
étions au désespoir, nous a frappés,
comme votre patience et la douceur que vous avez
opposée à nos indignes moqueries. Oh !
dites-nous, nous vous en prions, dites-nous d'où vous
tenez cette force de regarder la mort en face et de
surmonter par l'amour la méchanceté des
hommes! » L'heure de Gobat était venue: il
annonça alors l'Evangile qu'il avait vécu
jusque là ; et il eut la joie d'amener à
Christ plusieurs des passagers, entre autres le prêtre
dont nous avons parlé. Ceux-là même qui
ne donnèrent pas leur coeur au Seigneur ne
cessèrent, jusqu'au terme du voyage, d'entourer son
fidèle témoin du plus profond respect, et ils
considérèrent dès lors bien
différemment le christianisme. Ainsi c'est l'incendie
qui avait dû révéler aux gens du navire
qu'ils avaient à bord un homme de Dieu.
(FUNCKE, A l'école de
Dieu).
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.
Un trait
d'Abauzit.
Ce Genevois
érudit du XVIIIme siècle est resté
célèbre par sa douceur, son humilité,
sa patience autant que par sa science consommée et sa
mémoire admirable. Sa servante jeta un jour au feu,
sous prétexte qu'il était jaune et sale, le
papier sur lequel Abauzit notait depuis* vingt-sept ans ses
observations sur le baromètre. Le savant se croisa
les bras, lutta un instant contre sa juste fureur, et dit du
ton le plus calme : « Vous avez détruit
vingt-sept ans de travail ; à l'avenir, ne touchez
à rien dans ce cabinet. »
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L'amour des
petits.
Le missionnaire Robert
Moflat soupait un soir chez un jeune et riche fermier
boër. Il fut invité à présider le
culte (le famille. Les esclaves hottentots ne furent pas
appelés. R. Moflat, qui avait travaillé au
milieu d'eux et qui en avait vu plus d'un vivre d'une belle
vie chrétienne, demanda qu'ils pussent participer au
culte.
- Les Hottentots !
s'écria le Boër indigné ; j'irai
plutôt appeler dans les montagnes les babouins ; ou
plutôt, j'ai ce qu'il faut : Mes fils, appelez les
chiens qui sont devant la porte. C'est ça !
Le missionnaire ne dit
plus rien, mais fit chanter et prier, puis lut la Bible,
choisissant l'histoire de la femme syrophénicienne et
mettant un accent spécial sur le mot de «
chiens. » Aussitôt le fermier l'interrompit
:
- Monsieur veut-il
s'asseoir et attendre un peu, il aura les Hottentots!
Ils furent
appelés et plus d'un vit pour la première fois
l'intérieur de la maison de son maître.
Quand ils furent
sortis, le fermier dit :
- Vous avez pris un
dur marteau et vous avez brisé un coeur dur!
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.
Douceur
chrétienne.
Le pieux baron de
Kottwitz offrait à bas prix des chambres dans sa
maison à des étudiants peu
fortunés et
comptait parmi ses hôtes un jeune homme.,
remarquablement doué, mais libre-penseur, qu'avait
attiré dans cette demeure consacrée à
Dieu l'avantage terrestre plutôt que toute autre
chose. A vrai dire, le piétiste, chez lequel il avait
élu domicile, lui était franchement
antipathique.
Un soir,
l'étudiant rentrait au logis fort tard et de mauvaise
humeur. Ne trouvant pas son tire-bottes, il s'oublia
jusqu'à remplir la maison de vociférations.
Soudain, une porte s'ouvrit, le vieux baron parut et
s'informa d'une voix calme des désirs du jeune
homme.
Quelque peu
intimidé, l'étudiant eut à peine
avoué la cause de son mécontentement, que M.
de Kottwitz vint lui apporter le tire-bottes dont il se
servait lui-même, en disant d'un air souriant :
« En voici un,
Monsieur. »
C'en fut trop, cette
fois, pour le perturbateur.
« Monsieur le
baron, balbutia-t-il avec confusion, d'où vous vient
tant de calme et de douceur? » - « De la part de
mon Seigneur Jésus-Christ, reprit le vieillard. Et
maintenant, bonsoir, monsieur Tholuck. »
Cette nuit-là,
M. Tholuck, - car l'étudiant n'était autre que
cet homme destiné à être dans la suite,
une gloire de l'université de Halle et un instrument
choisi entre les mains de Dieu, - ne trouva ni repos, ni
sommeil. Semblable à Nicodème. il avait appris
et compris cette parole du Maître : En
vérité, en vérité, je te dis que
si un homme ne naît de nouveau. il ne peut voir le
royaume de Dieu.
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.
A propos
d'Abraham et de Lot.
Un officier de
hussards, l'un des héros de Frédéric le
Grand, entre un jour au galop de son cheval dans la cour
d'une ferme et exige qu'on lui indique immédiatement
un champ d'avoine, pour que ses hommes puissent fourrager.
Le fermier s'offre pour le guider, la troupe part et
bientôt on arrive près d'un champ superbe.
Déjà l'officier allait commander : «
Halte », mais le cultivateur le prie de faire quelques
pas de plus. Peu d'instants après, ils
découvrent un autre champ d'avoine moins beau que le
premier. « Avoue franchement, dit alors l'officier avec
ironie, que l'autre champ là-bas t'appartient et que
tu as voulu le préserver?,» - « Non,
Monsieur, répond le cultivateur avec modestie,
l'autre champ est à mon voisin, mais celui-ci
m'appartient. » Le cultivateur disait vrai, il songeait
plus à son voisin qu'à lui-même,
c'était un «Abraham » en
Silésie
(FUNCKE, Abraham.)
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.
Garibaldi.
En marche avec ses
troupes. Garibaldi rencontra un berger affligé de ce
qu'il avait perdu un agneau! « Aidons à ce
pauvre berger à retrouver son agneau, dit-il.»
Avec des lanternes et des torches, les soldats
explorèrent la montagne, mais en vain : lorsqu'il fut
tard dans la nuit, ils regagnèrent leur campement. Le
lendemain, Garibaldi fut trouvé endormi, assez tard
dans la journée. On dut pour nue raison ou l'autre
l'éveiller. et ou apprit alors qu'il n'avait pas
abandonné la recherche. lorsque les soldats y
renoncèrent, mais qu'il avait cherché dans la
nuit jusqu'à ce qu'il eût trouvé
l'agneau. En effet. il repoussa la couverture de sa couche
et montra l'agneau retrouvé qu'il ordonna de rendre
aussitôt ait pauvre berger.
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Pour les
oisillons.
Un soir de printemps,
l'avocat Lincoln, le futur président des Etats-Unis,
se promenait à cheval avec quelques amis aux environs
de Springfield ; tout à coup, on entendit dans
l'herbe, au bord de la route, des piaillements
lamentables... C'étaient deux oiselets encore sans
plumes. tombés du nid, à moitié morts
de froid et de faim et qui criaient leur détresse
à leur manière... Lincoln s'arrêta,
descendit de cheval, ramassa avec précaution les
pauvres bestioles, chercha du regard l'emplacement de leur
nid, puis, grimpant agilement à l'arbre d'où
ils étaient tombés et se hissant de branche en
branche, il les reposa tout doucement dans leur demeure
aérienne. Après quoi, il rejoignit ses amis
qui le plaisantèrent sur son action. « Riez tant
que vous voudrez, Messieurs, » leur dit-il, « mais
je n'aurais pas pu dormir cette nuit si j'avais
abandonné ces pauvres oiseaux ; leurs cris auraient
sans cesse résonné à mes oreilles.
»
(YVONNE
PITROIS, Abraham Lincoln.)
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Penché vers la souffrance.
Rencontrant un jour un
homme tombé sur le, pierres, Arnold Bovet, pasteur
à Berne, alla vers lui et reconnut qu'il avait trop
bu :
- Pourquoi
êtes-vous couché là. mon ami ?
- Cela m'est bien
égal.
- Mais comment en
êtes-vous venu jusque-là, pauvre malheureux, ne
voulez-vous pas me le raconter ?
Touché par tant
de bienveillance, le buveur raconta son histoire. Le pasteur
était penché sur lui, et l'écoutait
attentivement, tandis qu'une grosse larme tombait de sa
paupière sur le malheureux :
- Vous pleurez
à cause de moi. Je ne sais pas trop mauvais pour
vous;
Puis il ajouta en
soupirant': Je veux croire que je puis devenir un autre
homme.
Bovet lui aida
à se lever. Et l'on vit ce spectacle louchant : le
respectable pasteur bras dessus, bras dessous avec le pauvre
ivrogne, traversant les rues de la ville. Mais les Bernois
n'en riaient pas. Ils connaissaient leur pasteur pour
l'avoir vu à l'oeuvre. Le pauvre buveur est devenu un
enfant de Dieu et cette larme de pitié avait
été le premier appel à la
conversion.
(D'après l'Etoile du matin.)
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Compassion.
Je remarquais
dernièrement le soin avec lequel un conducteur de
tramway aidait une dame âgée à descendre
de voiture. Je lui demandai qui était cette
dame.
- «Je ne sais pas
son nom », répondit-il, «mais c'est un
ange! Ce matin, j'ai vu mourir mon unique enfant. J'ai
dû quitter son lit de mort pour aller à mon
travail et tout le jour je n'ai pu parler de ma souffrance
à personne. Les messieurs, et les dames qui montaient
dans le tramway ne voyaient en moi qu'une machine faite pour
donner des billets. Enfin vint cette dame, elle me regarda
avec attention et me demanda ce que j'avais pour être
si triste. Personne ne s'était avisé de me
faire cette question. Je pus tout lui raconter. Elle me
serra la main sans rien dire, si grande était sa
compassion, et des larmes coulèrent le long de ses
joues. » Le conducteur pleurait lui-même en me
racontant la chose.
Ah! pourquoi
traitons-nous les employés comme des machines?
Pourquoi n'avons-nous jamais un mot cordial à
l'adresse du facteur on du messager du
télégraphe, tout occupés que nous
sommes des missives qu'ils nous apportent. Que le monde
serait plus beau et Plus lumineux si chacun prenait à
coeur la recommandation apostolique: « Que votre
douceur soit connue de tous les hommes. »
Quand vous sonnez chez
une de vos connaissances et, que pour la vingtième
fois peut-être, la servante vient ouvrir, quel bien ne
lui feriez-vous pas en la saluant amicalement avant de
demander ses maîtres ?
(FUNCKE, Joseph.)
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Un bon
fils.
Pendant des manoeuvres
d'artillerie à Bière, on s'aperçut
qu'un soldat envoyait fréquemment du pain à sa
famille. Malgré les excellents renseignements
recueillis sur son compte, on se demandait si ces envois
n'étaient pas le produit de vols. Interrogé
par son colonel, le, soldat avoua, non sans
hésitation, qu'étant le seul soutien de sa
mère veuve et de ses soeurs, auxquelles son absence
imposait de grandes privations, il s'efforçait de
leur venir en aide en leur envoyant son pain. Pour lui, il
mangeait le pain abandonné ou jeté, par ses
camarades.
Le colonel, vivement
ému, raconta, le lendemain, l'histoire aux officiers.
Une collecte fut faite entre eux. Le produit en fut remis,
en leur présence, au brave garçon, qui
pleurait et riait en même temps. « Voilà,
dit le colonel à ses officiers, le meilleur soldat et
le meilleur fils que je connaisse. »
(Semaine religieuse)
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Un
Noël chrétien.
M. le past. Houter, de
Marseille, cite, dans le journal, le Relèvement, une
lettre qui lui a été écrite par un
pauvre ouvrier. Pour remercier Dieu de lui avoir
procuré du travail, il déclarait qu'il voulait
fêter Noël en chrétien et ajoutait ces
paroles : «Si vous connaissez deux malheureux qui
soient embarrassés, le 24 décembre au sujet de
leur souper, adressez-les moi, je les recevrai à ma
table. Je ne suis pas riche, mais ce que j'ai, je le donne
de bon coeur, au nom et sous le regard de Dieu. Voici mort
menu : soupe aux choux et au fromage, saucisse,
peut-être un peu de dessert et une tasse de
café. » M. Houter n'eut pas de peine à
trouver des convives. Il alla prendre l'un dans la solitude
de soit pauvre logis, et il trouva l'autre dans le chantier
que l'Assistance par le travail a ouvert aux ouvriers non
employés. Ni l'un, ni l'autre ne se firent tirer par
l'oreille. - Certes! le brave chrétien qui les
invitait avait bien compris les leçons de la
fête de Noël.
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Pourquoi
es-tu si triste?
Sur l'un des ponts de
la Tamise, à Londres, se tenait un homme à
l'expression désespérée. Il regardait
le courant. Son intention était de se
précipiter dans le fleuve, dès qu'il pourrait
le faire sans attirer les regards. Il y avait là une
toute petite fille de cinq ans dont le père
s'était arrêté pour causer avec un ami.
Les yeux de l'enfant étaient fixés sur cet
homme. Tout à coup, elle lâcha la main
paternelle pour courir vers le
désespéré. S'adressant à lui,
elle lui dit avec un accent qui allait au coeur : «
Pourquoi es-tu si triste ? » Et l'homme fut
remué jusque dans les dernières profondeurs de
soit être. Il eut honte de son projet de suicide. Il
se résolut à rentrer dans la vie, à
l'aimer. L'instant d'avant, il était de ceux qui
« n'ont personne. » Maintenant il avait quelqu'un.
La sympathie de cette petite fille avait suffi pour le
relever, pour faire luire de nouveau a ses yeux la divine
espérance. Quelqu'un a écrit: «Le
sentiment qu'on n'est point abandonné, agit avec plus
de puissance que tous les reproches. Il attise vivement la
flamme du bien &ans les âmes. » Que c'est
vrai ! Les reproches, fussent-ils justifiés, irritent
profondément. Ils laissent de l'amertume, lorsqu'ils
ne sont pas inspirés par l'amour. La tendresse,
l'affection ont rarement manqué leur effet sur
l'âme humaine.
(FUNCKE, Toi et ton âme.)
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Un coeur
gagné.
Dans un vallon
solitaire, vivait une femme vieille comme les pierres.
Quoiqu'elle eût déjà quatre-vingt-dix
ans, elle savait encore très bien ce qu'elle
voulait.
Quand je la visitai
pour la première fois,, je la trouvai dans son lit,
je lui adressai la parole, mais elle se tourna du
côté de la muraille et ne me répondit
pas un mot.
Quelques mois plus
tard, pendant la saison des foins, me trouvant dans le
voisinage de cette vieille femme, je me sentis poussé
intérieurement à aller la voir. Elle
était assise dans son lit, rouge de colère.
Cette fois-là, ce fat elle qui parla la
première pour exhaler sa fureur, contre les membres
de sa famille qui étaient partis pour les foins sans
lui préparer son café. Je pensais à ma
mère et je répondis: «Chère bonne
grand'mère, le mal est facile à
réparer, je vais faire votre café.
»
Elle me regarda d'un
air narquois, presque méprisant, comme pour me
dire:
« Toi, faire du
café! »
Mais le fils de ma
mère réussit à mener la chose à
bien, quoiqu'il ne fût pas facile de trouver les
ustensiles nécessaires dans ce ménage en
désordre, et je présentai finalement à
la vieille femme un café qui était à
coup sûr meilleur que celui qu'elle buvait
habituellement; il n'y manquait ni le sucre, ni la
crème.
Elle avait suivi tous
mes gestes avec une attention soutenue et une intime,
satisfaction. Elle m'avait vu allumer le feu, poser dessus
la casserole remplie d'eau, elle m'avait regardé
moudre le café, chercher le lait,
l'écrémer et lorsque j'arrivai enfin devant
elle en lui disant:
«Bonne
grand'mère, buvez maintenant », elle cacha sa
tête, grise entre ses mains flétries et dit en
sanglotant : «Oh ! comme je suis mauvaise! comme je
suis mauvaise! »
Je compris peu
à peu le rapport qu'il y avait entre mon café
et cette confession, car la bonne vieille ajouta en baisant
mes mains avec passion: «Je vois maintenant que vous
êtes un homme de Dieu et que vous avez raison de
prêcher que les hommes seraient perdus, s'ils
n'avaient pas un Sauveur. »
J'avais donc
touché le coeur de cette vieille femme en lui rendant
ce petit service.
(FUNCKE, L'empreinte des pas, etc. ; 2e
série).
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Le bon
Samaritain.
Dans une maison
d'éducation, les élèves avaient
présenté, comme oeuvre dramatique, le bon
Samaritain. L'un figurait l'homme attaqué par les
brigands, un autre le sacrificateur, un autre le
lévite, un autre le Samaritain,. d'autres les
brigands. L'un deux, à quatre pattes,
représentait l'âne du Samaritain. Quand on eut
répété quelques fois la pièce ,
le garçon qui jouait le rôle du prêtre
sans pitié, vint auprès du directeur. du
pensionnat et lui demanda d'un ton suppliant: «
Monsieur, laissez-moi faire l'âne, mais je ne veux
plus absolument faire le sacrificateur ! »
On peut rire de cette
histoire, mais ce n'est pas pour faire rire que je la
rapporte ici. C'est un symptôme. Nous y voyons la
preuve qu'en tout pays chrétien, on ne veut plus
représenter le sacrificateur de la parabole.
Il n'est pas
nécessaire pour cela de faire l'âne, mais
n'est-ce pas un bon signe qu'on préfère passer
pour l'âne, plutôt que pour un homme sans coeur
et sans pitié, lors même qu'il serait un grand
personnage ?
(FUNCKE, Jésus-Christ et la
Bible)
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