NOUVELLES GLANURES
10. Oeuvres d'enfants.
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Dans une
classe.
Un jour, dans une classe du.
collège d'une petite ville vaudoise, les
élèves profitaient de l'absence du
maître, pendant la récréation, pour
faire des polissonneries. Un des « grands » debout
sur le pupitre, se livrait a des manières honteuses
et dégoûtantes, tandis que tout autour de lui,
les camarades riaient à qui mieux mieux. Tout
à coup, le plus petit de la classe, un garçon
pâle et chétif, jusqu'alors resté assis
à son banc, se leva et, de toute sa force, cria
à travers la classe: « Ce que tu fais là
est honteux, je te défends de continuer !
»
Il y eut un moment de silence, puis
l'autre' descendit du pupitre, baissant la tête comme
tous les rieurs, vaincu par ce cri d'une conscience
indignée. Mais ne fallait-il pas que le petit
fût un héros pour se dresser ainsi en face de
toute la classe ?
J. VINCENT.
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Le petit
champion.
Au commencement d'octobre de
l'année 1803, à quatre heures et demie du
soir, les enfants sortaient tumultueusement du Lycée
Charlemagne, à Paris, et poursuivaient à
grands cris un de leurs camarades revêtu d'une
houppelande qui, à leurs yeux du moins, le rendait
fort ridicule. C'était E. Vignier, que j'ai connu
depuis professeur de grec et directeur des Etudes à
l'Ecole normale, alors le plus doux, le plus savant et le
plus gauche des écoliers. Au lieu de résister
et de se défendre, il pleurait à chaudes
larmes. Plus il pleurait, plus on le houspillait.
Il était donc bousculé,
pousse, frappe, quand un gamin de onze ans, qui jouait dans
le ruisseau se jeta au milieu de la mêlée et
dispersa la bande des persécuteurs en administrant
aux plus acharnés une volée de coups de
poing.
Mme Vignier fut informée le
soir même de cet acte généreux. Elle
apprit que le jeune vainqueur appartenait à une
famille d'ouvriers, que par pur hasard il savait lire et
écrire, et qu'il vagabondait toute la journée
en attendant le moment d'entrer en apprentissage. Elle
déclara qu'elle se chargerait des frais de son
instruction. Il entra au Lycée Charlemagne, marcha
à pas de géant, faisant deux classes chaque
année et obtenant tous les prix du concours
général.
Ce jeune gamin devint par la suite
grand maître de l'Université et fut, peut-on
dire, le créateur ou l'organisateur de l'enseignement
philosophique en France.
C'était Victor Cousin.
JULES SIMON.
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C'est la
Parole de Dieu.
Aux jours des persécutions, en
Ecosse, un jeune garçon, sa Bible sous le bras,
rencontrait une troupe de soldats.
- Qu'est-ce que ce livre ? lui
demandèrent-ils.
- La Bible répondit-il sans
crainte et en levant la tête.
- Jette-la dans le ruisseau ! commanda
le chef.
- Non, répondit le jeune
garçon. C'est la Parole de Dieu!
L'ordre fut renouvelé. L'enfant
ne fit que tenir plus ferme le livre saint.
-Eh bien! ramène ta casquette
sur les yeux ! Soldats, préparez-vous à faire
feu.
- Je ne me couvrirai pas les yeux !
dit le garçon d'un ton ferme. je vous regarderai en
face comme vous aurez à me regarder en face au jour
du grand jugement.
Un instant après il gisait
à terre, percé de balles.
Voilà encore un héros,
n'est-ce pas!
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Ce que fit
un enfant noir.
Un jour, dans sa station du Congo, le
missionnaire vit arriver d'un village lointain un enfant
noir qui voulait suivre l'école. Il y fut accueilli
et la suivit si bien qu'il y réalisa le plus grand
des progrès : il donna son coeur à Dieu. A
peine la grande décision était-elle prise que
l'enfant tomba malade, de cette terrible maladie du sommeil
qui peut durer des mois, mais dont l'issue est toujours
fatale.
« Je voudrais retourner chez moi,
vers ma mère », dit alors le malade au
missionnaire. Il partit, en effet, retrouver sa mère
païenne et consacra ses dernières forces
à lui parler de
Jésus et de son amour. Deux ans
plus tard, le missionnaire eut l'occasion de se rendre, pour
la première fois, dans ce village, à Boginda,
où: il apprit à sa grande surprise qu'une
femme se rendait tous les jours, depuis la mort de son
enfant, au bord du fleuve pour voir si l'homme blanc venait
et pour prier le Dieu de l'homme blanc. C'était la
mère de l'ancien écolier de la station ! Dans
le même village, trente-trois personnes gagnées
par le témoignage de l'enfant s'unirent à la
pauvre mère pour entendre parler encore du Sauveur et
constituer bientôt une solide Eglise.
(D'après der Weg
zum Kinde 1917.)
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Envoie-leur
notre bourse.
Un jour, la mère d'Oberlin
faisait devant sa famille un tableau saisissant des malheurs
d'un foyer indigent et ajoutait qu'elle enverrait des
secours. Aussitôt les enfants de s'écrier :
« Chère maman, envoie-leur
aussi notre bourse. »
On leur remettait à chacun
trois centimes par semaine. Et la vieille domestique,
attachée au service de la maison depuis nombre
d'années, supplia sa maîtresse d'accepter aussi
une part de ses économies.
(Vie de Y.-F. Oberlin,
par C. LEENHARDT.
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Héroïsme d'enfants.
De Maurice Barrès dans l'Echo
de Paris:
« Le 24 décembre 1914, par
un temps froid, vers trois heures du soir, les Prussiens
essayaient de franchir une nouvelle fois la frontière
pour rentrer en France. Il faisait grand froid, grand vent,
et la neige couvrait la terre...
» Qui est-ce qui parle ainsi ? Un
ouvrier mobilisé qui, des environs de
Pont-à-Mousson, écrit à ses deux petits
enfants restes chez lui, à Neuilly-sur-Marne. On m'a
donné sa lettre. Je l'abîmerais en la
retouchant. La voici, transcrite telle quelle :
» Ma chère petite
Marcelle, cette histoire arrivée à des soldats
français, tu la liras à ton petit Charlot et
à tes camarades ; tu leur feras voir comment deux
petits enfants ont sauve la vie à vingt-huit
papas...
» Dans une ferme isolée,
un détachement du 368e de réserve,
composé de trente hommes, se reposent des fatigues de
la nuit dans une cave et attendent la nuit prochaine pour
reprendre le travail et accomplir leur mission.
» A la cuisine, deux petits
enfants, Lise et jean, sont assis à côté
de leur maman auprès du feu. Tous les trois parlent
dans le vieux patois du pays. Tout à coup, la maman
se lève, court à la porte et voit arriver au
loin des cavaliers.
» Mes enfants., dit-elle en les
serrant sur son coeur, je crois que les Prussiens arrivent.
Ils vont voir que nous avons loge et nourri des soldats
français, et sûrement ils voudront nous faire
dire où ils sont. Ils les prendront et les
fusilleront.
» - Il faut leur dire qu'ils sont
partis par là, juste le chemin oppose, dit le petit
jean.
» Oh! non, dit la maman, si nous
les trompons par un mensonge, ils reviendront se venger.
Ecoutez plutôt : je ne parlerai aux Prussiens qu'en
patois, ils n'en comprendront pas un mot. Vous ferez comme
moi, et à tout ce qu'ils diront vous ne
répondrez toujours que par la même phrase que
vous direz en patois.
» Des pas de chevaux se font
entendre, puis un cliquetis d'armes. Du courage ! mes
enfants, dit la maman. La porte s'ouvre, les Allemands
entrent. Ils questionnent, mais les réponses de la
maman sont incompréhensibles.
- Voyons ces deux enfants, ils doivent
apprendre le français à l'école, dit
l'officier qui parlait un peu le français.
» Un des soldats saisit la petite
Lise, tandis qu'un autre s'emparait du petit jean. -
Où est votre père ? dit-il d'une voix rude ;
où sont les «Françoses » qui ont
passe ici ?
» Lise leva ses yeux bleus vers
ce soldat étranger et toute tremblante
répondit en patois. jean fit de même. Les
soldats irrités, soupçonnant une ruse,
fouillent la maison, mais ne parviennent pas à
découvrir la trappe, qui auparavant avait
été recouverte de paille sale. Ils menacent
les enfants de leur sabre. Ils leur disent qu'ils vont tuer
leur maman et les tuer eux-mêmes s'ils ne
répondent pas. Les pauvres enfants se mirent a
pleurer, mais, fidèles aux recommandations de leur
mère, ils répétaient à travers
leurs larmes toujours la même phrase.
» Les soldats français qui
étaient dans la cave, et qui entendaient tout par une
petite plaque formant soupirail, bouillaient dans leur sang
et, sans leur officier, seraient sortis pour défendre
ces pauvres enfants et se seraient sans doute fait tuer, car
leur nombre était inférieur. Les Prussiens ne
pensèrent pas que des enfants si jeunes et menaces de
si près étaient capables d'une
discrétion si héroïque ; ils finirent par
croire qu'ils ne pouvaient se faire comprendre et s'en
allèrent.
» Et voila comment deux petits
enfants, Lise huit ans et jean dix ans, ont, par leur
obéissance a leur maman et leur courage,
empêche trente hommes d'être tues, permis
à vingt-huit femmes d'avoir encore leurs maris et a
quarante-sept petits enfants d'avoir leur papa. Dans ces
quarante-sept petits enfants, ma petite Marcelle et mon
petit Charles reverront peut-être leur papa.
»
Maurice Barrès ajoute
« Je laisse à ce
récit son gentil caractère. Un ouvrier.,
devenu Soldat, cause de loin avec ses enfants. Mais
là-dedans, pour moi, le principal attrait, c'est que
le fait rapporte est bien authentique. je connais la ferme
de Meurthe-et-Moselle, et je la nommerai plus tard, ainsi
que la fermière et ses deux enfants qui ont
été justement récompensés.
»
(Feuille d'Avis de
Lausanne, 18 mars 1915.)
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Les Indes
sauvées par un enfant.
C'était au Bengale, dans la
terrible année 1857. Les Indes britanniques
étaient en révolte. Delhi était
occupée par des hordes de cipayes révoltes
contre les Anglais. Tous les bâtiments publics
étaient au pouvoir des insurgés, sauf celui
des télégraphes.
Un jeune garçon, dont le nom
est reste inconnu, s'aperçut de cet oubli ;
c'était un apprenti télégraphiste. Il
parvint comme par miracle à traverser les rues
remplies d'insurgés et à
pénétrer dans le bureau abandonné. Il
alla jusqu'à l'appareil et lança au prochain
bureau ce message : «Les rebelles se sont
emparés de l'arsenal ; ils ont tué les
magistrats et massacrent les Européens. »
Il ne put continuer. Saisi par les
cipayes, il fut mis en pièces, mais l'avis
était parvenu à destination. Bientôt le
général Havelock accourait, entrait à
Delhi et désarmait les troupes indigènes.
L'insurrection était étouffée.
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Libre
accès auprès du Père.
Un soldat
américain blesse désirait obtenir sa retraite
pour aller vivre dans son village. Il résolut de
s'adresser au président de la République en
personne. C'était alors Abram Lincoln.
Comme le malade se
promenait dans les jardins du Palais présidentiel, il
rencontra un jeune garçon qui, le voyant si triste,
lui demanda ce qu'il avait.
- Hélas! dit le
soldat, je crains de mourir sans revoir les miens ! Le
président seul peut me donner mon congé et
l'on m'empêche de le voir.
- Le président
! mais c'est mon papa, dit le petit garçon. Venez
avec moi, je vais vous conduire vers lui.
Quand ils
arrivèrent à la porte, la sentinelle essaya de
leur barrer le chemin, mais le petit garçon cria de
toutes ses forces :
- Papa, papa ! c'est
moi, laisse-moi entrer.
Quand la porte
s'ouvrit, l'enfant dit à son père, en lui
présentant l'invalide :
- Papa, voila mon ami
le soldat, que je t'amène pour que tu lui donnes son
congé.
Le grand Lincoln
accorda la pension de retraite.
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Le choral
de Luther.
En 1547, trois hommes
qui devinrent plus tard les colonnes de l'Eglise,
Mélanchthon, juste Jonas et Cruciger
éprouvèrent la puissance de consolation
renfermée dans ce cantique.
Lorsque Charles-Quint
entra dans Wittemberg, ils durent chercher une autre
retraite. Au moment où, accablés de tristesse,
ils entraient à Weimar, ils entendirent, près
de la fontaine de la place du marché, une jeune fille
chanter de tout son coeur
Que les
démons forgent des fers
Pour accabler
l'Eglise,
Ta Sion brave les
enfers
Sur ton rocher
assise.
Ces paroles
relevèrent leurs esprits abattus et, se tournant vers
la chanteuse, Mélanchthon lui dit : « Chante,
chante, ma chère enfant ; tu ne sais pas quelles gens
tu as consolés ! »,
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Ce
qu'Hérode aurait dû répondre.
Un instituteur de
village venait de raconter à ses élèves
l'histoire de la décapitation de Jean-Baptiste. Il
avait vivement dépeint la conduite de cette jeune
fille d'Hérodias, leur faisant comprendre quels
sentiments révélait chez elle la demande d'un
pareil présent. Puis il demanda :
- Le roi avait-il le
droit d'accorder cette indigne requête et de faire
mettre à mort le pieux Jean-Baptiste ?
- Non,
répondent les enfants.
- En effet, mais,
puisqu'il était engagé par serment,
qu'aurait-il dû répondre à la fille
d'Hérodias ?
Long silence. Enfin un
petit garçon lève timidement un doigt en
l'air.
- Eh bien, Fritz,
voyons, qu'aurait pu dire Hérode ?
- La tête de
Jean fait partie de la moitié du royaume que je garde
pour moi, répond l'enfant avec beaucoup
d'à-propos.
(Eglise
libre.)
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Regardez
les oiseaux des champs.
M. le pasteur Ruel
écrivait naguère ce qui suit au journal Le
Huguenot:
« Dans
l'église de Lamastre vient de mourir un
chrétien dont les pauvres et nos oeuvres de
charité auront à regretter vivement le
départ. M. Pierre Cornut faisait en secret beaucoup
d'aumônes, donnait largement aux collectes pour les
oeuvres chrétiennes, étendait au loin ses dons
généreux, toujours sous le voile de
l'anonymat.
M'étant un jour
enquis, auprès de M. Cornut lui-même du mobile
de son étonnante charité voici ce que j'appris
: « je dois, me dit-il, tout ce que je possède
à mon Dieu qui, lorsque j'étais encore tout
enfant, me fit instruire par ses chères
bergeronnettes. je m'étais loué pour garder
les moutons, non loin de Mezenc, aux gages de trois francs
pour tout un été, et Dieu m'apprit à
regarder avec quel soin les bergeronnettes cueillaient de
leur bec effile, pour faire leur nid, la laine que les
moutons de mon maître abandonnaient, par petits
flocons, aux buissons du chemin. Pourquoi ne serais-tu pas
aussi intelligent et aussi laborieux que ces petits oiseaux
du bon Dieu, me dis-je ? je me mis donc au travail, et avant
la fin de septembre, j'eus ramassé pour quatre francs
de laine. C'était ma fortune. Avec cet argent, joint
à celui de mes gages, sept francs en tout, j'achetai
un panier d'osier, quelques pelotes de fil, des boutons, des
aiguilles. je portai la malle quelques années;
maintenant, j'ai deux grands magasins de mercerie. Non, je
ne rendrai jamais à mon Dieu tout ce que je dois
à ces chers petits oiseaux. »
(Semaine religieuse, 25 mai
1895.)
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